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En lisant « Histoire du peuple juif au XXe siècle » de Simon Epstein

 

Je viens de lire l’excellent livre, ‟Histoire du peuple juif au XXe siècle” (Hachette Littératures, collection ‟Pluriel”, Paris, 1998), de Simon Epstein, un homme que je connaissais essentiellement par ses articles et ses conférences dont certaines sont consultables en ligne. Concernant ses livres, je me suis promis d’étudier ‟Un Paradoxe français”, sous-titré ‟Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance”.

‟Histoire du peuple juif au XXe siècle” est structuré en dix chapitres. J’ai choisi d’en présenter le chapitre 5, intitulé ‟La lutte pour l’État juif (1945-1949)”, en espérant qu’il donnera à mes lecteurs l’envie de lire dans son intégralité ce livre ample et concis.

1945. Des organisations juives sollicitent instamment la puissance mandataire afin que soit institué un État juif ouvert à l’immigration juive. Peine perdue. Ernest Bevin rejette avec brutalité toutes les demandes des sionistes. Ci-joint, une notice biographique sur Ernest Bevin, de la Jewish Virtual Library, accompagnée d’une bibliographie :

http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/judaica/ejud_0002_0003_0_02905.html

Ce refus met fin aux espérances que les leaders sionistes avaient placées dans les travaillistes et il confirme que chez les Britanniques, un parti est pro-sioniste dans l’opposition et pro-arabe au pouvoir.

 

Sir Ernest Bevin and Clement AttleeSir Ernest Bevin (1881-1951) et, à sa gauche, Clement Attlee (1883-1967).

 

L’indignation provoquée en Palestine juive amène la résistance à se coordonner, une résistance qui associe des groupes de combat rivaux par leur idéologie, leurs méthodes et leurs buts. Ces groupes (la Haganah, le Palmach, l’Irgoun et le groupe Stern — ou le Lehi) multiplient les attaques contre les forces britanniques. Fin 1945, l’unité est effective. Il est important de noter que les actions multiformes de ces groupes visent à ébranler l’adversaire tout en limitant ses pertes afin de ne pas provoquer une situation irréversible qui rendrait tout accord difficile voire impossible.

Ci-joint, un lien Akadem sur les premières milices d’Israël, la Haganah, l’Irgoun et le groupe Stern (Lehi)  :

http://www.akadem.org/medias/documents/3987_Doc6_Irgoun_GroupeStern_Lehi.pdf

Les Britanniques portent leurs effectifs à cent mille hommes et décrètent l’état d’urgence. L’option diplomatique n’est cependant pas écartée. La commission anglo-américaine se rend en Palestine en mars 1946. La Haganah et le Palmach limitent leurs opérations, ce que ne font pas l’Irgoun et le groupe Stern. L’Agence juive présente un mémoire au ton épique et didactique destiné à appuyer l’institution d’un État juif et l’immigration juive. Le rapport en question proclame que la Palestine ne sera ni un État juif ni un État arabe, tout en recommandant d’autoriser l’immigration de cent mille Juifs, la levée des restrictions limitant l’acquisition de terres par des Juifs. Sur le plan des principes, ce rapport prône une politique d’immigration indépendante du consentement arabe et reconnaît le rôle que doit tenir la Palestine envers les réfugiés juifs. Les modérés sont satisfaits, les activistes s’estiment trompés. La direction de la Palestine juive joue alors un double jeu : elle bénéficie des avantages de la légalité tout en cautionnant, en sous-main, les opérations de sabotage. L’Irgoun, le groupe Stern et le Palmach redoublent leurs activités. Les Britanniques réagissent : couvre-feu, perquisitions, arrestations. Le 29 juin 1946 a lieu l’Opération Agatha (appelée aussi Black Sabbath ou Black Saturday). Ci-joint, un lien sur le Black Sabbath :

http://www.etzel.org.il/english/ac09.htm

22 juillet 1946, un attentat particulièrement meurtrier est perpétré au King David Hotel. Confrontés à une telle radicalisation, les modérés veulent faire baisser l’intensité de la lutte contre les Britanniques. L’Exécutif sioniste suggère d’établir un État sur une partie du territoire palestinien et non plus sur l’ensemble, ce qui représente un changement par rapport au programme de Biltmore. Ci-joint, un lien mis en ligne par la Jewish Virtual Library sur ‟The Biltmore Conference” (May 6-11, 1942) :

https://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/History/biltmore.html

Harry Truman assouplit alors sa position et reprend à son compte une proposition qui va provoquer l’éclatement d’une résistance juive qui s’était unifiée à grand peine. L’Irgoun et le groupe Stern quittent la structure coordinatrice en septembre 1946 et poursuivent leurs opérations. Le Yishouv est désemparé. Fin 1946 — début 1947, les Britanniques se retranchent dans des positions fortifiées et perdent peu à peu la maîtrise du terrain. Par ailleurs, l’immigration clandestine mine le moral des troupes chargées de transférer des rescapés de la Shoah dans des bateaux-prisons et le prestige des Britanniques sur la scène internationale se dégrade. En Europe, les camps de personnes déplacées (DP camps) servent de plaques tournantes au flux migratoire vers Eretz Israel, un flux grossissant suite au pogrom de Kielce (juillet 1946) qui, précisons-le, n’a pas été le seul pogrom dans la Pologne de l’après-guerre. Des émissaires du Mossad canalisent ce flux avec l’aide d’anciens Résistants juifs et de jeunes sionistes qui quadrillent ces camps. Ci-joint, un article publié en deux parties sur ce blog même précise ce qui vient d’être évoqué ; il est intitulé : ‟Ces Juifs dont l’Amérique ne voulait pas (1945-1950)” :

http://zakhor-online.com/?p=3328

http://zakhor-online.com/?p=3342

Précisons que sur un total de soixante-quatre navires clandestins en provenance d’Europe et transportant quelque soixante-dix mille immigrants, entre 1945 et 1948, soixante d’entre eux ont été arraisonnés. Souvenons-nous de l’Exodus.

Juillet 1947. La tension est grande en Palestine où les attentats se multiplient. Les Britanniques sont épuisés, épuisés par la guerre de 1939-1945 et par le coût économique et social de la reconstruction. Ces troupes envoyées pour maintenir l’ordre coûtent cher. De plus, les États-Unis et l’Union soviétique se montrent peu favorables au colonialisme européen. La question palestinienne est portée devant l’O.N.U. qui, à cet effet, crée un  comité spécial, l’U.N.S.C.O.P. (United Nations Special Committee on Palestine). L’Union soviétique se montre favorable au sionisme, évoquant les souffrances du peuple juif ; mais des calculs géostratégiques sont en cours. Les Soviétiques ont abandonné leur pro-arabisme unilatéral, en 1929 et au cours des années 1930. Leur idée est à présent d’expulser les Occidentaux du Proche-Orient et, pour ce faire, les Juifs leur semblent plus efficaces que les Arabes. Août 1947, à l’U.N.S.C.O.P., une majorité s’accorde pour la partition du pays en deux États souverains, l’un juif, l’autre arabe.

 

Plan de partage de la Palestine1947 – Le Plan de partage de la Palestine, un drôle de découpage avec ses 3 x 2 morceaux, imbriqués à la manière de pièces d’un puzzle. 1949 – Les frontières après la Guerre d’Indépendance de 1948-1949.

 

On connaît la suite. Les Juifs l’acceptent, les Arabes le refusent. L’O.N.U. décide la partition le 29 novembre 1947, avec trente-trois voix pour, treize voix contre et dix abstentions. La guerre entre Juifs et Arabes commence lorsque cinq victimes juives sont tuées à bord d’une voiture au lendemain du vote de l’O.N.U. Les Arabes sont dirigés par le Haut comité arabe où les partisans du grand mufti de Jérusalem ont une influence prépondérante.

Fin 1947, début 1948, la Haganah opte pour une stratégie défensive et s’efforce de protéger tous les points d’implantation juive, ce qui l’amène à disperser ses forces. Par ailleurs, elle tente d’éviter les heurts avec les Britanniques dont le départ est prévu pour le 15 mai 1948. La population juive est harcelée, dans les villes et les villages. Mais c’est surtout sur les voies de communication que les Arabes concentrent leurs actions et menacent d’interdire la mise en œuvre du plan de partition du 29 novembre 1947. La Haganah ne cesse de se renforcer, augmentant ses effectifs et son armement — en provenance de la Tchécoslovaquie notamment.

Les forces juives passent de la défensive à l’offensive, en avril et mai 1948, ce qui provoque l’effondrement du front arabe en Palestine. L’Armée de libération arabe (l’une des deux forces arabes qui vont tenir un rôle crucial avec la Légion arabe), patronnée par la Syrie, attaque massivement des kibboutz fortifiés qui commandent les liaisons entre le Nord et le centre du pays ; mais elle échoue et se voit contrainte à la retraite alors que ses bases arrières sont menacées. Le 18 avril, le quartier arabe de Tibériade est coupé en deux et les habitants prennent la fuite. Le 22 avril, Haïfa tombe et, une fois encore, les habitants s’enfuient. En Galilée occidentale, la frontière libanaise est dégagée à la mi-mai par la brigade Carmeli. Les 9 et 10 mai, Safed tombe aux mains du Palmach. Les Juifs contrôlent une bonne partie de la Galilée orientale. Jaffa capitule le 13 mai après un rapprochement (ponctuel) entre la Haganah et l’Irgoun. Je passe sur le détail des opérations. La lutte pour Jérusalem est une lutte pour le contrôle des voies de communication ; Itshak Rabin y prend une part très active à la tête de la brigade Harel du Palmach. Les 26 et 27 avril, les Juifs lancent l’opération Jebusi dans le but de désenclaver des zones juives périphériques, une offensive qui ne réussit que partiellement avant que la Haganah ne recentre ses priorités sur les voies de communication. Entre-temps, l’État s’est pourvu d’institutions. Sa proclamation officielle est prévue pour la veille du 15 mai, jour où le mandat britannique prend fin. En avril et début mai, la Haganah accumule les succès ; mais saura-t-elle tenir tête à la coalition des États arabes qui cernent le pays ? Les défenses du Gush Etzion cèdent entre le 12 et le 14 mai. Ci-joint, un lien sur ce blog même, ‟Dans les collines de Judée, Etzion Bloc (Gush Etzion)” :

http://zakhor-online.com/?p=6562

Le désarroi des sionistes est grand face aux pressions internationales, notamment américaines. Mais David Ben Gourion s’entête et le 14 mai 1948 (le 5 du mois d’Iyar 5708), à Tel Aviv, le texte de la déclaration est lu et les membres du Conseil du peuple sont appelés à le signer. On trouvera ci-après, l’intégralité de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000055-israel-soixante-ans-apres-entre-normalite-et-singularite/document-la-declaration-d-independance-de-l-etat-d-israel-14-mai-1948

Les États-Unis reconnaissent le nouvel État de facto tandis que, trois jours plus tard, l’Union soviétique le reconnaît de jure. Les autres États suivent.

 

Yitzhak RabinItshak Rabin (1922-1995), alors commandant de la Harel Brigade, vers 1948. Ci-joint, un lien retraçant la vie de ce grand soldat : http://www.idfblog.com/about-the-idf/past-chiefs-of-staff/lt-gen-yitzhak-rabin-1964-68/

 

Même si la Haganah (devenue Tsahal) a su gagner en force, notamment en important des armes lourdes que les Britanniques lui avaient interdit d’acquérir, la supériorité arabe reste écrasante. Au lendemain de la déclaration d’indépendance, la guerre commence avec un raid de l’aviation égyptienne sur Tel Aviv, tandis que l’armée égyptienne avance vers cette ville en longeant la route côtière. Elle est bloquée à la hauteur d’Ashdod. Une autre armée égyptienne se dirige vers Beersheva, Hébron et Jérusalem dans le but d’attaquer la capitale par le sud et d’isoler les kibboutz du Neguev septentrional. Les Irakiens avancent en Samarie. La Légion arabe fait pression sur la capitale en coupant méthodiquement les voies d’accès, dont Latroun où se brisent les attaques israéliennes. Début juin, la ‟route de Birmanie” permet de contourner le blocus sur Jérusalem. Mais les secteurs juifs restent dans une situation difficile. Au Nord, les Libanais attaquent sans conviction tandis que l’Armée de libération arabe se montre plus offensive. Les Syriens contournent le lac de Tibériade. lIs ne peuvent investir Degania mais pénètrent dans Mishmar Hayarden. La trêve négociée par l’O.N.U. est accueillie avec soulagement par des belligérants qui la mettent à profit pour se renforcer.

L’unification des forces juives pose de graves problèmes politiques. L’Altalena en est un exemple. Simon Epstein écrit : ‟En exigeant qu’une fraction des armes soient prioritairement réservée à ses combattants de Jérusalem, l’Irgoun contredit au principe de fusion totale des forces juives sous commandement unique. Il lance un défi à l’autorité gouvernementale, ce qui explique l’intransigeance de Ben Gourion”.

Les hostilités reprennent. Les opérations de Galilée permettent la prise de Nazareth et le contrôle de vastes espaces. La menace qui pesait sur la route côtière Haïfa-Tel Aviv est neutralisée. Au centre, Tsahal s’empare de Lod et Ramleh. L’offensive se poursuit vers Jérusalem mais bute devant Latroun. Dans le Neguev, les combats ne modifient pas la situation.

Une seconde trêve est imposée par l’O.N.U. Elle restera en vigueur du 18 juillet au 15 octobre. Le médiateur de l’O.N.U., le comte Folke Bernadotte, prône un règlement qui concède aux Israéliens une semi-souveraineté sur un territoire inférieur à celui du partage de 1947. Le 17 septembre 1948, des membres du groupe Stern l’abattent. Ci-joint, un lien sur l’assassinat du comte Folke Bernadotte mis en ligne par la Jewish Virtual Library :

http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/History/folke.html

Tsahal est engagé dans un vaste effort de rationalisation du commandement et de standardisation du matériel, un effort qui réduit les disparités occasionnées par la croissance rapide et désordonnée des forces israéliennes.

 

Guerre d'Indépendance 1948-1949La Guerre d’indépendance de 1948-1949

 

L’objectif de l’Opération Dix plaies (15-21 octobre) est de démanteler le dispositif égyptien. Le succès est total. Au Nord, fin octobre, l’Armée de libération arabe est prise en tenaille, un succès qu’explique l’appui de l’aviation que la victoire dans le Sud a rendue disponible. Ces succès permettent à David Ben Gourion de poursuivre l’unification de son armée. Après l’Irgoun, c’est au tour du Palmach d’être intégré : son état-major est dispersé en novembre 1948 et ses trois brigades rejoignent Tsahal. La Transjordanie annexe la Cisjordanie en décembre 1948. Une dernière offensive (22 décembre 1948 – 7 janvier 1949) disloque les forces égyptiennes. L’armistice israélo-égyptien est signé le 24 février 1949 sur la base des frontières internationales. La bande de Gaza reste sous administration égyptienne. Le Néguev méridional est inclus dans l’État juif d’après le plan de partage de 1947. Au centre, le front jordanien borde les zones côtières et enserre le ‟corridor” de Jérusalem. La Légion arabe contrôle la Vieille Ville, la nouvelle ville arabe ainsi que la route qui relie l’enclave israélienne du mont Scopus à la ville juive. Les Israéliens envisagent la poursuite de la guerre afin de libérer Jérusalem et repousser les Jordaniens sur le Jourdain. Ils savent qu’ils peuvent à présent contraindre ces derniers à battre en retraite ; mais redoutant les conséquences internationales qu’entraînerait une reprise des combats, plus désireux de consolider l’État juif que de l’agrandir et espérant préserver les chances d’une paix à venir avec Abdallah de Jordanie, David Ben Gourion opte pour le statu quo, au grand dam des officiers qui sont déjà lancés avec leurs troupes dans la bataille. L’armistice est signé le 3 avril 1949. Les négociations avec les Syriens n’aboutissent que le 20 juillet. Les discussions de Lausanne (printemps et automne 1949) n’aboutissent pas. Ci-joint, un lien intitulé ‟The Protocol of Lausanne – 12 May 1949” :

http://www.mfa.gov.il/mfa/foreignpolicy/mfadocuments/yearbook1/pages/1%20the%20protocol%20of%20lausanne-%2012%20may%201949.aspx

 

Olivier Ypsilantis

 

2 thoughts on “En lisant « Histoire du peuple juif au XXe siècle » de Simon Epstein”

  1. Cher Olivier,
    Je pense qu’il y a une erreur de frappe pour la date mentionnée dans cette phrase: “Fin 1954, l’unité est effective”.
    Daniel Epstein est un historien incontournable, j’ai lu et relu son livre “1930, une année dans l’histoire du peuple juif”.
    Merci pour cet article qui recense avec précision les événements de 1945 à 1949.
    Amicalement
    Hanna

    1. Olivier YPSILANTIS

      Un grand merci Hanna, j’avais effectivement inversé les chiffres. Il fallait bien lire 1945 (et non 1954) !

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