23 août. Jaffa au petit-matin. La pierre claire des façades, les balcons en bois, un petit air balkanique qui m’évoque certaines régions du Nord de la Grèce. La Grèce me revient souvent, à Jaffa — la marque ottomane. Dans la partie haute de la ville, une fontaine en forme de baleine, une baleine rigolote, un clin d’œil aux tribulations de Jonas auquel Dieu pardonna puisque la baleine le recracha. J’achète un pain d’Israël, un pain au sésame qui me replace à Athènes dans ses quartiers populaires, entre Omonia et l’Acropole, Monastiraki surtout.
Des mots commencent à faire la ronde dans ma tête. Beauté de l’hébreu cunéiforme (caractères bâton). L’hébreu cursif n’a pas sa beauté. Dans un café ombragé, en compagnie de Kevin Andrews. ‟And then, not long after, at the top of one more rise, the land dropped suddenly away. I didn’t even notice the little town of Sparta far below us in the olive-misted plain.” Sparte, une citée qui hanta mes rêveries d’enfant et d’adolescent. Pourtant, lorsque j’ai séjourné à Sparte, ce n’est pas tant la citée antique qui m’a retenu que la ville moderne (fondée en 1834 par Othon Ier de Bavière) dans laquelle subsistent quelques très belles demeures de style néoclassique superbement restaurées.
Dans la partie haute de Jaffa, un nom inscrit sur une construction colorée me saute aux yeux, MAYUMANA, un groupe de percussionnistes qui utilisent les supports les plus inattendus, les plus simples aussi, à commencer par leurs corps. Ci-joint un lien Mayumana TV Spain :
http://www.youtube.com/watch?v=WSF_mCGh3DY
L’alphabet hébreu en caractères cursifs (ligne supérieure) et en caractères bâton.
24 août. Au Beit Oded de Tel Aviv. Cinq heures du matin. Le jour n’est pas encore levé. Je reprends la lecture de Kevin Andrews. Longue marche dans Tel Aviv en commençant par longer le front de mer. Je poursuis ma lecture sur un banc public. L’anglais est une langue splendide, souple et précise, technique et poétique, d’une étourdissante richesse lexicale où confluent les sources latine et germanique. C’est une langue de maîtres, de vainqueurs. Peu de peuples ont perdu aussi peu de batailles. Et dans toute l’histoire de l’humanité, aucune langue n’a été aussi sûrement planétaire. Les mots sont généralement courts et vifs. Quelques mots suffisent à m’enivrer, comme the flicker of a lizard ou a whisper of quicksilver.
Devant le Old Town Hall Building, rénové en 2009 à l’occasion des cent ans de Tel Aviv en tant qu’élément du Bialik Complex et classé par l’UNESCO comme World Heritage Site. Le bureau de Meir Dizengoff m’apparaît comme le poste de commandement d’un navire.
Retour sur le front de mer. A mon dos, le Museum of the Irgun Tzvai Leumi 1948, une structure en plexiglass encastrée dans ce qui fut probablement une construction ottomane. Des nuages passent devant le soleil pour la première fois depuis mon arrivée en Israël. J’observe les vagues, le moment où leur crête s’ourle d’écume. J’observe ceux et celles qui passent. J’observe les jolies femmes et plus encore ceux qui les suivent du regard. Certains s’efforcent d’être discrets tout en se dévissant le cou…
Ce matin, j’ai surpris quelques informations auxquelles je ne sais quel crédit accorder. Le projet de débouter Bachar al-Assad semble faire son chemin. Mais qui prendra sa place ? Il est préférable de ne pas se mêler des histoires des Arabes, nous l’avons trop fait pour cause de pétrole. La Syrie offre toutes les caractéristiques du trou noir décrit par l’astrophysique. Intéressant. Laissons faire. Le Hezbollah, l’ennemi juré d’Israël, a retourné ses armes contre d’autres Arabes. Passionnante partie d’échecs.
Tel Aviv. Museum of the Irgun Tzvai Leumi
Je repasse dans ce qui fut mon quartier pendant deux semaines. Le bouquiniste où j’ai tant fouiné a fermé. De l’herbe pousse devant sa porte, dans les interstices du ciment. J’ai repris place dans le café où j’avais étudié des écrits de Jabotinsky dégotés chez le bouquiniste en question. Il pleuvait sur Tel Aviv ; ô comme j’ai aimé les averses sur cette ville ! Une fois encore, j’admire les arbres de Tel Aviv à l’ombre si épaisse. Je repasse devant le David Intercontinental et le Dan Panorama, deux colosses à côté d’une petite mosquée et de son frêle minaret. Retour à Jaffa par le Sir Charles Clore Park.
J’apprends qu’un attentat a fait plus de quarante morts dans une mosquée de Tripoli, au nord du Liban. L’islam dévore ses propres entrailles ; parviendra-t-il ainsi à sortir de lui-même ? Observons froidement.
Deux rêves me reviennent alors que je marche sur le front de mer. Premier rêve : je m’aperçois que sur un certain nombre de tirages mes textes s’effacent lentement et je ne sais comment arrêter ce processus. L’envie de pleurer me prend puis je finis par me convaincre qu’un produit chimique les fera réapparaître. Deuxième rêve : je veux acheter une résidence secondaire. Je visite un moulin partiellement en ruine avec une belle structure en colombage, ce qui me semble exceptionnel pour une construction de ce type. Mais ce qui me décide à l’acheter, c’est une cavité rocheuse confortablement aménagée et située juste à côté. Je devine l’interprétation qu’en aurait fait le docteur Freud.
25 août. Tel Aviv – Jérusalem par l’autobus 405. Au croisement de King George V st. et Jaffa st., une imposante plaque par laquelle on apprend que King George V st. a été inaugurée par His Excellency Sir Herbert Samuel, High Commissioner for Palestine. Pris un café sur Hillel st., pour le ventilateur mais aussi pour le nom de cette rue : Hillel st. !
Trouvé une chambre au 18 Ararat st., dans le quartier arménien de la Vieille Ville. Ma logeuse, Claire, est mi-arménienne mi-grecque. J’opte pour une chambre à l’entresol, blanche et voûtée. Par la fenêtre me parviennent de nombreuses langues : l’italien, le français, le russe, le catalan, le castillan, etc.
A ceux qui pensent que je me suis fait le complice d’une armée d’assassins — l’IDF (Israel Defense Forces) —, je leur propose d’écouter (en anglais) l’intervention suivante du colonel Richard Kemp (le 16 octobre 2009) mise en ligne par UN Watch, ‟Hamas is Expert at Driving Media Agenda” (durée environ 3 mn). Le ton diffère des pleurnicheries du Hamas et des sous-entendus des pouvoirs politiques français (à commencer par le quai d’Orsay) inféodés aux Arabes :
http://www.youtube.com/watch?v=NX6vyT8RzMo
26 août. Jérusalem tôt le matin. Les ombres longues dans une lumière dorée et poudreuse. Je constate que les Chrétiens, à commencer par les Grecs, ont fait de cette ville une véritable ‟pompe à fric”. Si Jésus revenait, il devrait embaucher pour chasser les marchands du temple.
Discussion avec R. Il me dit : ‟L’islam, c’est un copier-coller du judaïsme avec des virus.” J’acquiesce sans retenue. L’islam, ce dernier-venu, est comme un judaïsme effroyablement appauvri. Il a été conçu à l’usage de masses frustres, des masses en constante expansion. Le sunnisme constitue la partie la plus grossière de l’islam. C’est dans les surgeons du chiisme — des dissidents de la dissidence en quelque sorte — que le trait de lumière peut être entrevu. Et je profite de cette digression pour le redire : une guerre contre l’Iran signifierait notre propre dégradation, irrémédiable, notre chute du côté des Arabes.
Vers le Western Wall. Un panneau sur lequel je relève les points 3 et 4. Point 3 : Visitors must walk through a metal detector at the entrance of the Western Wall. Point 4 : (…) The chief rabbis of Israel have ruled that walking through the metal detector system does not violate Shabbat or festivals.
Des mots placés entre des pierres du Mur des Lamentations.
(à suivre)
Olivier Ypsilantis