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En lisant l’autobiographie de Jabotinsky – 3/4

 

Zion Mule Corps

Zion Mule Corps

 

Jabotinsky travaille au ‟programme d’Helsingfors”. Il écrit : ‟La conférence d’Helsingfors fut le sommet de ma jeunesse sioniste…” C’est une conférence énergétique où ‟la foi n’avait pas encore disparu de nos cœurs, secret et fondement magique du XIXe siècle, foi dans des principes abstraits, des slogans sacrés — liberté, fraternité, justice.” Il confesse pourtant ne pas avoir apprécié les congrès du mouvement sioniste (à l’exception du sixième Congrès) mais, en revanche, avoir apprécié les conférences du Hatzohar et les réunions du Betar, ce mouvement de jeunesse sioniste révisionniste, fondé en 1923, à Riga. Il explique sa joie à Helsingfors par la présence fraternelle de tous les courants du sionisme russe, centre du sionisme mondial. Malgré des désillusions, il déclare être l’une des rares personnes à croire encore au ‟programme d’Helsingfors”. Jabotinsky se dit emporté par la foule sioniste comme un copeau par les vagues, emporté comme il l’avait été par la jeunesse italienne, à Rome. Une fois de plus, il se pose la question : ‟Mais moi, moi, moi, où étais-je ?”

 

A Vienne, il se tient loin de toute vie sociale, lisant sans répit. L’Autriche était alors le pays idéal pour étudier ‟la question des nationalités” : ‟J’étudiais l’histoire des Ruthènes et des Slovaques — et jusqu’à celle des quarante mille Romanches des Grisons, en Suisse et jusqu’aux coutumes de l’Église arménienne (…) ; en passant par l’histoire des tsiganes de Hongrie et de Roumanie.” Puis il se rend à Constantinople où il rencontre des Jeunes Turcs enthousiastes qui ne rêvent que d’ouvrir les bras à tous pour… assimiler. Des Juifs quant à eux ne rêvent que de s’assimiler. Jabotinsky leur conseille de ne pas trop précipiter les choses. Il s’adresse notamment aux élèves de l’Alliance (israélite universelle), ‟haut lieu des assimilateurs”, des élèves ‟qui se considéraient hier encore comme des Français” : ‟Je leur donnai l’exemple de l’Autriche : là-bas, les Allemands n’étaient pas parvenus à « germaniser » les Slaves, en dépit de la supériorité immense de leur culture et de leur richesse économique ; et je fis allusion au fait qu’ici, en Turquie, l’avantage culturel et économique n’appartenait pas à l’ethnie dominante mais précisément aux Grecs, aux Arméniens et aux Arabes. Je quittai la nouvelle Turquie, avec deux certitudes dans le cœur : premièrement, le nouveau régime était empli d’aveuglement et de folie, et il finirait par accélérer la fin de l’empire des « Padishah » ; et deuxièmement, cet effondrement n’apporterait que du bien à tous les peuples de Turquie, à commencer par les Turcs eux-mêmes — et peut-être aussi à nous.” Considérations prémonitoires, écrites quelques années avant l’un des plus grands génocides du XXe siècle, le génocide des Arméniens.

 

Nous sommes en 1909 (5669). Jabotinsky embarque à Salonique pour Eretz Israël. Il loge chez Meir Dizengoff, son ami d’Odessa. Tel Aviv n’est encore que dunes. Les Juifs bâtissent et portent des armes. Ils sont enthousiastes mais sur leurs gardes.

 

Retour en Russie où il se remet à étudier pour passer son baccalauréat. Il a vingt-sept ans. Il part pour Constantinople où il supervise plusieurs journaux : un quotidien en français, ‟Le Jeune Turc” ; un hebdomadaire sioniste en français, ‟L’Aurore” ; un hebdomadaire en espagnol, ‟El Judio” ; un hebdomadaire en hébreu, ‟Hamevasser.” Suit un éloge des Séfarades. Il écrit que ‟des générations de torpeur intellectuelle et politique ont préservé leur fraîcheur spirituelle.” Il ne leur reconnait qu’un seul défaut qui devrait s’effacer avec le temps : leur peu d’entrain dans l’action sioniste.

 

Si la propagande sioniste connaît du succès auprès des communautés juives, elle se heurte à un refus qu’il juge irrémédiable auprès de Nazim-Bey, secrétaire général du parti des Jeunes Turcs, un fanatique qui ne cesse de répéter qu’il n’y a pas de Grecs et pas d’Arméniens, que les Juifs peuvent venir s’installer car tous seront ottomans… Jabotinsky conclut : ‟Le rêve de l’assimilation générale est la condition première de l’existence de cette absurdité qu’est leur empire, et il n’y a pas d’autre espoir pour le sionisme que la destruction de cette absurdité.”

 

De l’été 1910 au début de la Première Guerre mondiale, Jabotinsky reste en Russie où son fils unique naît en décembre 1910. Entre autres activités, il traduit des poèmes de Bialik. Il écrit également des articles et considère la période comprise entre 1910 et 1912 comme le sommet de sa carrière de publiciste. ‟La majeure partie de mon activité sioniste pendant ces années fut toutefois la propagande en faveur de la langue hébraïque — l’hébreu comme langue d’enseignement dans les écoles de la diaspora”, une revendication jugée irraisonnable non pas tant par les assimilationnistes que par les sionistes. Pour défendre cette idée, Jabotinsky prononce un discours (‟La langue de la culture hébraïque”) dans une cinquantaine de villes et de villages, avant de prendre ses distances vis-à-vis des sionistes ; en effet, il juge qu’ils naviguent à vue, sans direction précise. Il ne se rend pas au dixième Congrès sioniste (1911) et confie regretter de ne pas s’être rendu au onzième, en 1913. Il y a proposé une motion : que l’hébreu soit la seule langue d’étude de toutes les écoles juives du pays. Mais une fois encore, il irrite les sionistes sans comprendre vraiment pourquoi. Quoiqu’il en soit, il ne se sent pas chez lui avec eux et il désire construire un sionisme qui soit vraiment le sien, le construire comme il construirait une soucca. Il envoie promener d’une chiquenaude le sionisme occidental. Quant au sionisme russe, il lui reproche de ne susciter aucune action. En Eretz Israël, il avait certes remarqué la présence de la deuxième alya mais, ajoute-t-il : ‟Je rentrai de Constantinople convaincu que la condition préalable à toute entreprise sérieuse était le départ des Turcs.” En Israël, on construisait peu ou beaucoup mais on construisait, tandis qu’en Russie, on ne faisait que rédiger des formulations, soit beaucoup de réflexion et peu d’action, ce qui ne pouvait plaire à Jabotinsky.

 

Survient la Première Guerre mondiale. Il n’espère alors que la défaite de la Russie : ‟Je pensais que si la Russie était défaite sur les champs de bataille, elle serait libérée de l’intérieur ; tandis que si elle triomphait, le régime d’oppression serait vainqueur.”

 

Il se fait nommer sur le front de l’Ouest comme envoyé spécial d’un journal russe, le ‟Russkie Vedomosti”, un journal d’une haute tenue morale qu’il compare au ‟Manchester Guardian”. Il voyage dans toute l’Europe où il multiplie les observations psychologiques (l’état d’esprit d’un peuple à un moment de son histoire, ce qui pourrait faire l’objet de passionnants développements), notamment en Suède, en Norvège, au Portugal et en Italie où il note une ‟nostalgie de l’action” — ou ‟appétit de querelle.” A Paris, une honte l’étonne, celle de ne pas être au front, de ne pas être encore mort…

 

Alors qu’il est à Bordeaux, une nouvelle le fait basculer : la Turque vient d’entrer en guerre aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche ; ses idées se précisent d’un coup et il pousse de côté ses récriminations concernant la Russie. Il ne souhaite plus que la défaite de la Turquie (de l’Empire ottoman), seul espoir de reconquérir par démembrement la Palestine. ‟Telles que je les voyais désormais, les choses étaient claires comme du cristal : le destin des Juifs de Russie, de Pologne et de Galicie était sans le moindre doute, pour important qu’il soit et envisagé dans une perspective historique, un facteur provisoire par rapport à la révolution dans la vie nationale juive que le démembrement de la Turquie allait entraîner.” Par ailleurs, son idée d’une force armée juive se précise. ‟Je crois qu’il a toujours été clair à mes yeux — depuis ma naissance, pour ainsi dire — que si jamais une guerre devait éclater entre l’Angleterre et la Turquie, le bon choix pour les Juifs consisterait à constituer leur propre régiment et à prendre part à la conquête de la Palestine.” De Bordeaux, Jabotinsky se rend en Afrique du Nord en passant par l’Espagne (où il rencontre Max Nordau) et Gibraltar. Son séjour en Afrique du Nord l’ennuie affreusement : ‟Si j’avais eu l’occasion de rendre visite à une tribu d’esquimaux à l’extrémité nord du Labrador, je me sentirais plus chez moi parmi eux qu’ici.” Et il se moque une fois encore de lui-même disant qu’il doit souffrir d’une déficience qui l’empêche d’apprécier la douceur orientale…

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Un article synthétique sur The Revisionist Movement :

http://www.knesset.gov.il/vip/jabotinsky/eng/Revisionist_frame_eng.html

 

Une notice biographique (en anglais) sur Jabotinsky présentée par le Betar (World Zionist Youth Movement) :

http://www.betar.org.il/en/content/view/12/4/

 

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Jabotinsky, les coordonnées du Jabotinsky Institute of Israel, avec descriptif du fonds, une mine :

http://www.jabotinsky.org/site/content/t2.asp?Sid=11&Pid=128

 

 

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