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Pensées diverses concernant Israël

Israël est la complexité même. Le monde juif est la complexité même. Et c’est bien ainsi. Israël invite à réfléchir sans trêve, dans l’angoisse et dans l’ivresse. Le monde juif invite à réfléchir sans trêve, dans l’angoisse et dans l’ivresse. Et c’est bien ainsi. Israël est le cœur du réacteur nucléaire qui nous fournit l’énergie qui nous anime, une énergie infinie pour qui le veut — ou ne le veut pas. Ce que je viens d’écrire semblera quelque peu high-sounding, je n’en ai que faire. Chaque matin, au réveil, je remercie le peuple juif et Israël.

La dénonciation radicale de l’État d’Israël par des Juifs reste pour moi un grand sujet d’interrogation. Je laisse pour l’heure de côté ceux qui le font ouvertement — bruyamment — pour des raisons religieuses, eschatologiques pourrait-on dire. Je me console en me répétant que la richesse de la pensée juive est telle qu’il faut admettre une telle dénonciation. J’espère ne pas me consoler à bon compte. Mais après ! Je me dis que l’antisémitisme/antisionisme doit l’expliquer au moins en partie. Je me dis que des Juifs se sentent contraints de donner des gages à leurs ennemis, d’en rajouter même. Il me semble qu’il y a un rapport mécanique entre le degré d’antisémitisme/antisionisme et la virulence de la dénonciation d’Israël par des Juifs, tant d’Israël que de la diaspora. Ce n’est probablement qu’un aspect d’une immense question mais il doit être scrupuleusement étudié.

Jean Daniel fait partie de ces ‟distinguished figures” dont se moque poliment Douglas Kear Murray dans son discours ‟Israel & Nuclear Iran”. Intellectuel français vieillissant, mascotte d’une génération elle aussi vieillissante et vidée à présent de toute substance, ce Père-la-pantoufle — alias Pépé-la-tisane — s’efforce de préserver sa tranquillité mentale en se pelotonnant sur lui-même, dans une suite d’arguments qui se contemplent dans le miroir, principalement lorsque le sujet du débat est Israël. Les temps qui approchent ont besoin d’hommes d’une autre trempe ; le monde juif et Israël n’en manquent pas.

La richesse juive tient aussi à un immense passé de diaspora. La fondation — ou, plutôt, la re-fondation de l’État d’Israël — ajoute à cette richesse. La diaspora est toujours présente, bien vivante, avec ses grandeurs et ses misères ; parmi ces dernières, les contempteurs de l’État d’Israël (citons Abraham Serfaty, récemment décédé) qui ajoutent  néanmoins à la diversité des regards juifs sur ce pays. Je ne les aime pas mais leurs dénonciations m’obligent à amplifier sans cesse la réflexion et la connaissance dans le but de mieux ajuster mes coups contre eux. Pas toujours facile, surtout quand ces derniers sont des religieux.

Tel Aviv, 22 février 2012. Oui, l’État juif doit divorcer des Palestiniens comme le signalait Alain Finkielkraut. Oui, il faut dresser un mur entre les deux peuples et garantir l’étanchéité de ce mur. Je l’ai toujours pensé et chaque voyage dans ce pays me le confirme. Lors de mon dernier voyage en Israël, avant la construction du mur, la tension était partout, dans les transports en commun surtout, chaque passager d’un autobus ou d’un autocar se demandant s’il arriverait à destination… Aujourd’hui, Israël fait face à une menace majeure mais je ne perçois plus cette tension.

Ah ! Si Israël cédait aux exigences palestiniennes, tout irait mieux au Proche-Orient et au Moyen-Orient, et même en Extrême-Orient, et chez nous aussi, en Europe…  Ah ! Si Israël n’existait pas, l’Iran ne serait pas si menaçant… Ah ! Si les Juifs n’existaient pas nous serions plus tranquilles. Car, enfin, ils sont venus tout compliquer.

 

Dr. Emmanuel Navon  

 

Une conférence Akadem (mai 2010) d’Emmanuel Navon à laquelle j’applaudis de bout en bout : ‟Le conflit israélo-palestinien est-il insoluble ?” :

http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/8/2/module_8758.php

Emmanuel Navon combat la posture ‟morale” (idéologique) qui fait trop souvent fi de la connaissance historique. Des masses toujours augmentées s’avachissent dans cette si confortable posture. La connaissance historique suppose quant à elle un travail continu, modeste et silencieux. Et quand je pense que des universitaires israéliens, — des Juifs d’Israël ! — doivent leur avancement à une critique radicale de l’État Israël !

‟Je ne suis pas sûr que vous comprendrez la mentalité israélienne après un court séjour, mais peut-être aurez-vous quelques indices qui vous donneront à réfléchir” écrit un intervenant sur un blog. Cette remarque vaut pour tout pays mais plus particulièrement pour Israël, le pays au monde qui doit endurer les pires préjugés, des préjugés venus de partout. Et je livre l’indice suivant qui n’est pour moi qu’une confirmation, une belle confirmation. Avant de quitter la maison de H. N. Bialik, à Tel Aviv, je suis repassé au guichet pour y acheter une carte postale, un portrait de l’écrivain et sa femme. L’employée m’a regardé avec un sourire et m’a dit (en anglais) : ‟Je vous en fais cadeau !” J’ai insisté pour payer. Elle a refusé : ‟Vous vous intéressez à H.N. Bialik, je vous en fais cadeau !” J’ai alors compris qu’elle m’avait probablement observé par des caméras de vidéo-surveillance. C’est ainsi. Il n’y a qu’en Israël qu’un employé de musée m’a remercié de mon attention. Il n’y a qu’en Israël que j’ai vu des gardiens de musée détailler des œuvres et les commenter entre eux.

‟L’intellectuel occidental doit cesser de croire que tout irait mieux si Israël était gouverné par un parti plus au centre ou plus à gauche (que le Likoud). Les positions ne seraient guère différentes, le sentiment de préservation de l’État demeurant supérieur aux divergences droite/gauche” écrit un intervenant sur un blog. C’est un point fondamental que l’Européen, le Français en particulier, a du mal à comprendre. Et je crois qu’il faut avoir au moins un peu vécu en Israël pour prendre conscience de ce fait particulier. Et mettons à part l’antisionisme juif, religieux et laïc, aussi minoritaire que virulent. Pour le reste, que dire ? Je reste un fervent partisan du Plan de paix Elon et du transfert des ‟Palestiniens” hors des territoires conquis lors de la guerre des Six Jours. Et, je le redis, le Sinaï serait si beau s’il était israélien. Mais je suis en proie à des fièvres sionistes aiguës et mon médecin (juif) m’a conseillé de garder le lit et de me mettre une vessie de glace sur la tête afin de calmer les convulsions. Au-dessus de mon lit, un portrait de Vladimir Jabotinsky.

Fermons-nous aux jérémiades des ‟Palestiniens” et, plus généralement, des Arabes : ils utilisent la plainte pour avancer leurs pions. Et que d’oreilles extraordinairement attentives ne trouvent-ils pas chez nous, lorsque le sujet de leur plainte est Israël ! L’existence d’Israël est un scandale pour beaucoup, comme le reste l’existence du Juif. Les ‟colonies” ? Mais si elles venaient à être démantelées, les ‟Palestiniens” augmenteraient leurs prétentions au sujet de Jérusalem-Est. Le monde se persuade qu’en leur cédant tout ira mieux ; ils sont toujours plus nombreux à se dire (sans toujours se l’avouer) que si Israël venait à disparaître tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Les ‟Palestiniens” sont devenus des rentiers de l’humanitaire (voir le budget de l’UNRWA attribué aux ‟Palestiniens”), comme les Saoudiens sont devenus ceux du pétrole et, gardiens des lieux saints, ceux de la religion. Les Arabes ont refusé le plan de partage de l’ONU en 1947 et ont attaqué un pays qui n’avait pour se défendre que des armes de fortune et en petites quantités. Aujourd’hui, Israël reste en guerre pour vivre, ce qui en fait un pays particulier et extraordinairement stimulant. Le monde arabe (en déliquescence depuis tant de siècles, véritable lumpenproletariat du monde sur lequel s’apitoient diverses gauches orphelines du prolétariat de Zola) a trouvé en la personne du Juif, et plus précisément du Juif d’Israël, l’exutoire à ses déficiences.

 

L’aire kurde

 

Un remarquable article de Victor Sharpe traduit par Danilette : ‟Qui mérite vraiment un État, les Kurdes ou les Palestiniens ?” (‟Who Truly Deserves a State ? The Kurds or the Palestinians ?”) :

http://danilette.over-blog.com/article-qui-meritent-vraiment-un-etat-les-kurdes-ou-les-palestiniens-victor-sharpe-99863872-comments.html#comment97148985

Une fois encore je conseille à ceux qui s’intéressent au sionisme la lecture de ce livre nouvellement (et trop tardivement) traduit en français, ‟Histoire de ma vie” de Vladimir Zeev Jabotinsky dont un jeune israélien francophone, excellent chroniqueur de la vie de son pays, Misha Uzan, fait un compte-rendu sobre et précis. Il est bon de tordre le cou aux  préjugés :

http://francisinfo.wordpress.com/2011/12/01/vladimir-zeev-jabotinski-histoire-de-ma-vie/

Un Juif qui tue (même s’il se trouve en situation de légitime défense) sera presque toujours regardé comme plus suspect qu’un non-Juif qui tue. Était-il vraiment en situation de légitime défense ce Juif qui a tué ? On s’apitoie à l’occasion sur le Juif victime de la Shoah, sur le Juif faible, à la merci du premier venu ; tandis que le Juif fort — le Juif d’Israël — est jugé irrémédiablement coupable, coupable de n’être plus faible… C’est ainsi. Les médias repassent à l’envi des images d’Israéliens forts, tout-puissants : enfants palestiniens affrontant des Merkava avec des frondes (des David (sic) devant des Goliath), et autres images dans le genre, tandis que le petit Mohammed al-Durah expirant dans les bras de son père (?) est un délice pour un public très divers puisque les assassins sont (supposément) juifs…

L’antisémitisme-antisionisme portait des bottes ; aujourd’hui, il se met volontiers en pantoufles. Ce que j’entends par ‟antisémitisme-antisionisme en pantoufles” ? Il est ce petit mécanisme mental selon lequel le monde aurait été et serait plus tranquille sans Israël et sans les Juifs. Il est ce petit mécanisme mental qui procède par ‟rééquilibrage” : chaque Palestinien tué (surtout s’il s’agit d’un enfant) vient effacer l’image de l’enfant juif gazé, expirant dans une rue du ghetto de Varsovie ou liquidé par un détachement des Einsatzgruppen. La Shoah influe intimement sur les opinions publiques occidentales (plus particulièrement européennes) confrontées à la question palestinienne. On ne doit jamais l’oublier. Ce fait qui n’explique pas tout est néanmoins central.

Il nous faut ménager les Arabes pour cause de confort, over and over, again and again. Le meilleur moyen d’y parvenir : agiter la ‟question palestinienne”. Combien sont-ils à se  répéter que si les ‟Palestiniens” avaient enfin leur État, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Je ne force pas la note. Lorsque j’écris que l’antisémitisme-antisionisme n’est plus en bottes mais en pantoufles, je suis terriblement sérieux. Car enfin, et je vais être direct : ils sont si nombreux à avoir pris leurs aises sur le dos des Juifs et, à présent, sur celui des Israéliens, des Juifs d’Israël, et parfois sans même s’en rendre compte, par habitude multi-séculaire. Qu’il est confortable le dos du Juif ! On s’y prélasse, chrétiens, post-chrétiens, musulmans et j’en passe, et depuis si longtemps. Quelque chose ne va pas, quelque chose ne va vraiment pas. Il faudra se livrer à des recherches archéologiques sur cette étrange sollicitude envers les ‟Palestiniens”.

5 thoughts on “Pensées diverses concernant Israël”

  1. Merci Monsieur Navon merci, Juifs du monde entier nous avons besoin de vos bras de vos têtes de vos neurones, le monde ne tourne pas rond, il y a quelque chose qui cloche.

  2. “Israël est le cœur du réacteur nucléaire qui nous fournit l’énergie qui nous anime, une énergie infinie pour qui le veut — ou ne le veut pas.”

    Il y a plusieurs années, au cours d’une discussion avec des collègues antisémites (un antisémitisme primaire et de jalousie), j’avais eu une révélation qui renvoie un peu à cette phrase introductive de votre article.

    Ce qu’on reproche aux juifs c’est d’être opportunistes et présents partout: à l’université, dans les tribunaux, les hôpitaux, les grands centres de recherche, dans la presse etc… L’antisémite primaire ne se pose pas la question, sont-ils là parce qu’ils sont juifs(1) ou parce qu’ils méritent d’occuper ces places?

    Aujourd’hui on pourrait faire la même remarque en ce qui concerne les “Arabes”. En effet, les “Arabes” sont partout: dans les universités, les tribunaux, les hôpitaux, les grands centres de recherche, les syndicats, la presse etc… Les “Arabes” se plaignent d’être absents de la société… Ils sont de mauvaise foi car on peut dire qu’ils ont mieux réussi que les juifs, présents en France depuis des siècles. La seule chose que les “Arabes” pourrait reprocher à la République c’est d’être en France depuis quarante ans et de ne pas avoir encore eu un président de la République issu de leurs rangs.

    J’en reviens à mes collègues antisémites jaloux. La question que je m’étais posée alors c’est pourquoi les juifs réussissent mieux que les non-juifs et pourquoi semblent-ils… plus intelligent. N’est-ce pas ce qu’on leur reproche, leur intelligence? Est-ce génétique ou culturel?

    J’en suis arrivé à une réponse, peut-être un peu sotte, mais après tout on est là pour causer avant que la mort ne nous emporte, j’en suis donc arrivé à penser que si les juifs sont plus “intelligents” que nous c’est à cause ou grâce à nous.

    Pendant des siècles, les juifs ont vécu en diaspora. Ils étaient privés de “citoyenneté” et d’Etat. Ils étaient des sujets tolérés et vivaient chichement des petits métiers qui leur étaient permis d’exercer. A petits métiers, petites vies de misère (remarquez que les non-juifs vivaient également des vies misérables). Mais le juif, une fois son travail terminé, c’est en tout cas comme ça que j’imagine mon histoire, prenait sa Torah et la commentait, la commentait, la commentait… Pendant deux mille ans, et plus, le juif n’a eu qu’un seul livre. Le connaissant par choeur, pour donner du sel à sa lecture il lui cherchait des sens nouveaux, le dit et le non-dit! Récitant et commentant la Torah, au lieu de se faire du muscle à la guerre ou dans les champs, il a développé son cerveau à force de disputations rabbiniques. Ce n’est quand même pas par hasard si la psychanalyse est née dans une tête juive.

    En France pendant ce temps, alors que le juif allait passer le temps d’une guerre pour comprendre le sens d’un mot et analyser une phrase, nous, on allait joyeusement guerroyer. La guerre finie, on rentrait au pays pour accrocher dans nos églises les drapeaux ennemis au cours de grandes cérémonies religieuses où retentissaient d’éclatants Te Deum devant les peuples en liesse. C’était magnifique! Pendant ce temps, les juifs commentaient la Torah…

    En conclusion, je dirais que le juifs nous doivent leur intelligence.

  3. Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas publié mon commentaire. Si je ne suis pas assez bien pour votre site, il faut me le dire. Que je ne perde pas mon temps. Des sites, ce n’est pas ce qui manque.

    Merci

    1. Désolé de ce retard. J’étais à Madrid et sans ordinateur. Je viens de prendre connaissance de votre courrier et l’ai publié. J’y répondrai dès que possible. Il est habile mais plein d’inexactitudes historiques. Bonne journée. Olivier Ypsilantis.

  4. Vous avez un site remarquable !
    Je comprends pourquoi vous me demandiez comment je m’étais aussi mal entourée sur le Nobs, je vais enfin pouvoir vous l’expliquer, si vous le désirez. Comme vous le dites, ils se sont installés en pantoufles sur mon dos de Juive sioniste. Ainsi ont-ils décidé de me qualifier et j’en retire une grande fierté.
    Mais tout d’abord, j’aimerais vraiment connaître votre opinion sur l’Iran.
    Merci infiniment.

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