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Des ‟Je me souviens” espagnols

Je me souviens d’amandiers en fleurs sous la neige, aux abords de Granada. Je me suis alors demandé ce qu’il pouvait y avoir de plus beau au monde que des amandiers en fleurs sous la neige. Je pensais : ‟rien !” mais des souvenirs d’atolls et de fonds sous-marins me sont revenus.

Je me souviens des cerisiers en fleurs dans la Valle del Jerte.

Je me souviens que ‟One Million Years B.C.” de Don Chaffey fut en partie tourné sur l’île de Lanzarote, en 1966, avec la belle Raquel Welch. Je me souviens plus particulièrement de la scène tournée à El Golfo, avec ce gigantesque oiseau qui attaque la tribu — des figurants recrutés pour la plupart dans ce village de pêcheurs.

Je me souviens de la Tomatina, de batailles de tomates à Buñol, dans la province de Valencia. Je me souviens d’une fête effroyablement sanglante — du jus de tomate ! —, de rires, de poursuites, de glissades.

Ce n’est que du jus de tomate…

Je me souviens d’Antonio Mingote, de mon plaisir à retrouver ses dessins dans l’‟ABC”, un plaisir proche de celui de mon père découvrant les dessins de Jacques Faizant dans ‟Le Figaro.”

Je me souviens quand les Espagnols n’arrêtaient pas de croquer des pipas (graines de tournesol torréfiées et salées) et d’en jeter partout les coquilles, dans les bars, les rues et les jardins publics.

Je me souviens que si les Français ont eu Jeanne Hachette, les Espagnols ont eu Agustina de Aragón et María Bellido, deux héroïnes de la guerre d’indépendance.

Je me souviens de la cornada reçue par Juan José Padilla, à ma connaissance la plus effroyable de toute l’histoire de la corrida.

Je me souviens de l’explosion de joie dans les rues d’Espagne, le 11 juillet 2010.

Je me souviens du vert des yeux de Sara Carbonero.

Je me souviens quand la belle José Toledo présentait Los 40 Principales à la télévision.

Je me souviens de Penélope Cruz dans ‟Volver”, le film Pedro Almodóvar qui m’a le plus ému parce qu’intensément espagnol.

Penélope Cruy dans ‟Volver” (2006)

Je me souviens du sous-marin d’Isaac Peral et de l’autogire de Juan de la Cierva.

Je me souviens de la moustache d’Aznar, du sourire niais de Zapatero et du zozotement de Rajoy.

Je me souviens de la démarche et de l’élocution de moins en moins assurées de la Duquesa de Alba, Cayetana pour les intimes.

Je me souviens de fêtes de villages et de churros con chocolate qui se dégustaient tard dans la nuit tiède.

Je me souviens de l’Espagne des Seat 600 — Seiscientos.

Je me souviens de ‟Vente a Alemania, Pepe” (1971) de Pedro Lazaga et de ‟Un franco, catorce pesetas” (2006) de Carlos Iglesias. Je me souviens de José Sacristán et de Nieve de Medina.

Je me souviens de ce délicieux fromage de Galicia, la Tetilla, un nom inspiré par une forme suggestive…

 La Tetilla, un fromage élaboré à partir de lait de vache 

Je me souviens que le yacht de Francisco Franco s’appelait ‟Azor” et que l’hydravion avec lequel son frère, Ramón, traversa l’Atlantique Sud s’appelait ‟Plus Ultra.”

Je me souviens que le président du Gouvernement, Felipe González, en visite à Yad Vashem refusa de se coiffer d’une kippa et préféra une casquette de baseball — ou de yachtman, je ne sais plus.

Je me souviens quand on entendait partout la ‟Macarena”, un air entêtant, irritant même qui donnait pourtant l’envie de danser. Je me souviens du refrain : ‟Dale a tu cuerpo alegria Macarena / Que tu cuerpo es pa’ darle alegria y cosa buena / Dale a tu cuerpo alegria, Macarena / Hey Macarena.”

Je me souviens de romerías et de peroles, de botellones et de verbenas. Je me souviens de fêtes de San Isidro Labrador que nous passions sous un grand algarrobo avec quelques bonnes bouteilles qui nous incitaient à jouer avec les mots et à danser comme Rabbi Jacob.

Je me souviens quand l’eau courait dans les acequias d’Espagne et que les enfants s’amusaient à y placer des petits bateaux : coquilles de noix, boîtes de conserve, papier plié, etc.

Une acequia

Je me souviens que le bruit courut que l’on avait prolongé Franco afin qu’il meure le même jour que José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Falange española, 20 novembre 1975 / 20 novembre 1936.

Je me souviens du 11 mars 2004.

Je me souviens quand les travailleurs espagnols se désaltéraient avec une bota.

Je me souviens qu’Alfonso de Borbón Dampierre, duque de Cádiz, mourut dans le Colorado au cours d’une descente en ski, le cou entamé par un câble d’acier mystérieusement tendu sur son passage.

Je me souviens que lorsque j’étais enfant, María me servait en été du lait glacé, parfumé à la cannelle et au citron.

Je me souviens de l’enlèvement et de l’assassinat de Miguel Ángel Blanco par l’ETA et d’immenses manifestations dans tout le pays.

Je me souviens qu’en 1992, à Barcelona, la délégation espagnole fut conduite par le jeune Principe Felipe.

Felipe de Borbón y Grecia, aux Jeux olympiques d’été, 1992. 

Je me souviens du duo ‟Cruz y Raya”, avec Juan Muñoz et José Mota. Je me souviens notamment de ce dernier dans le rôle de Blasa.

Je me souviens du procès de Burgos et des graffitis qu’il inspira sur les murs de Paris et jusque dans le métro.

Je me souviens des sœurs Koplowicz, Esther et Alicia.

Je me souviens que le futur roi d’Espagne, Juan Carlos, tua son jeune frère Alfonso avec une arme à feu. C’était en 1956, le Jeudi saint.

Je me souviens de l’effrayant ‟palmarès” de l’etarra du ‟comando Madrid”, Inés del Río Prada. Je me souviens plus particulièrement de l’attentat de la Plaza de la República Dominicana, à Madrid, en 1986.

Je me souviens de la fièvre du ladrillo. 

Je me souviens de Manuel Jalón Corominas, l’inventeur de la fregona, une serpillère montée sur manche qui soulagea le dos de bien des ménagères.

L’emblématique fregona

Yo me acuerdo… Yo recuerdo…


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