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L’antisionisme radical en Israël 4/4

 

Afin d’échapper à l’exiguïté de l’espace dans lequel ils évoluent, les radicaux de la gauche israélienne doivent se démener comme de beaux diables. Ils se tiennent au coude à coude avec les Palestiniens, battent le pavé et éructent, se livrent à des happenings aux checkpoints ou le long de la Barrière de sécurité ; bref, ils se montrent partout où des caméras complaisantes seront susceptibles de relayer leur indignation. Ils organisent des expositions d’art ‟engagé” et ont une activité éditoriale soutenue, disproportionnée par rapport à leur nombre, et qu’expliquent une fois encore les complaisances dont ils bénéficient. De plus, cette gauche radicale se livre à des enquêtes tatillonnes, du genre je-cherche-la-petite-bête, des enquêtes où il n’est question que des ‟crimes sionistes”.

 

L’hystérie de la gauche radicale israélienne, à la lumière de la nouvelle loi anti-boycott.

 

Cette activité frénétique n’est qu’un rideau de fumée : l’avant-garde de cette gauche radicale cherche à masquer son détachement, même en tant qu’opposition. Elle cherche aussi une porte de sortie, it is looking for a way out. A cet effet, la société israélienne est diabolisée. Il faut lire les déclarations de Haggai Matar dans ‟Militarism and Racism Have Reached a Fascist Level”. Haggai Matar énumère ses griefs à grands coups de marteau avant de conclure : ‟With all these, I refuse to cooperate… At home I learnt of oppression and justice. At the face of such evil as one may find here and now, there is no other way”. Bref, il s’agit de ne plus avoir affaire au ‟diable”, de se dégager de son emprise. Yitzhak Laor donne dans le genre avec sa diatribe contre le service militaire.  C’est lui qui, dans un essai célébré par le quotidien ‟L’Humanité” et intitulé ‟Le nouveau philosémitisme européen et le «camp de la paix» en Israël”, dénonce l’instrumentalisation de la culture de la Shoah ‟pour nier ce qui arrive aux Palestiniens”. Je ne vais pas m’épuiser à démontrer ce que ce type de raisonnement a de spécieux, je me contenterai de signaler que ce brave homme ne connaît guère l’Europe où les Palestiniens jouissent de l’estime du plus grand nombre, tandis que les sionistes — et même les philosémites — sont une minorité volontiers conspuée. Je puis en témoigner. Les dénonciations de Yitzhak Laor reposent sur une base pourrie, comme le souligne ce lien :

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1493

 

Yitzhak Laor ne craint pas de s’adonner au mensonge et à l’outrance pour faire passer ses bobards. Il décrit le service militaire comme un cérémonial sanglant, ni plus ni moins : ‟Only «crazies» do not go to the army, do not dip their hands into the ceremonial blood”. Cet imbécile emporté par son lyrisme de foire veut-il nous rejouer la comédie du meurtre rituel, mais cette fois avec le Palestinien ? On peut être antimilitarisme et objecteur de conscience mais colporter des inepties avec une telle assurance ne mérite qu’un solide coup de pied dans le cul.

 

Ces radicaux posent un diagnostic d’une gravité telle qu’il ne leur reste plus qu’à s’exclure de la société israélienne afin de préserver leur ‟pureté” morale et leur ‟sagesse”. Le service militaire étant la norme civique par excellence de la société israélienne et l’une des marques les plus sûres de l’israélité (Israeliness), le dénoncer reste le moyen le plus massif de signifier sa volonté de non-appartenance (not belonging) à cette société, le geste d’auto-exclusion le plus radical.

 

Cette volonté d’auto-exclusion se traduit également par l’appel au boycott d’Israël, un appel qui a rencontré de grandes complaisances en Europe. Dans une interview au journal ‟Haaretz”, en 2005, le ‟nouvel historien” Ilan Pappé (mais c’est ‟nouvel histrion” qu’il faudrait écrire) déclarait : ‟The Zionist left is not my milieu. My milieu is the Palestinian milieu. My milieu is the progressive and leftist international milieu. I’ve reached the conclusion, though I could be wrong, that there is no chance that a significant movement that would end the occupation will arise from within the State of Israel. There isn’t, and it doesn’t matter how many good people there are in Israel. If we wait for an effective movement to end the occupation, what will happen in the end is the total destruction of the Palestinian people… It may be that my way has no chance either. It may be that the Palestinians are doomed to extinction, but I don’t want to live as someone who didn’t do all he could to stop this. And the only thing that can stop Israel is outside pressure.” Pour ces radicaux cadenassés dans leur radicalisme, qui finissent par redouter jusqu’à leur propre ombre, une intervention étrangère agirait à la manière d’un deus ex machina capable de mettre fin à la conduite ‟criminelle” de leur pays, Israël. Ce deus ex machina tient un rôle central dans l’économie mentale de ces radicaux. Toutefois, nombre d’interventions extérieures ne sont pas à leur goût. Par exemple, dans son livre ‟Hollow Land: Israel’s Architecture of Occupation”, Eyal Weizman juge que les capitaux envoyés par l’Europe et les États-Unis à l’Autorité palestinienne ont ‟effectively released Israel from its responsabilities according to international law”. Dans ce même livre, l’auteur écrit que les efforts de l’UNRWA (United Nation Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) agissent en faveur des forces armées israéliennes : ‟By taking responsibility for the well-being and maintenance of architecture in a situation of ungoing conflict, UNRWA’s planning program was exposed to one of the more obvious cases of the «humanitarian paradox» — namely, that humanitarian help may end up serving the oppressing power.” Il me semble que c’est à l’inverse qu’il faudrait envisager la question. Les Palestiniens sont les chouchous de l’aide humanitaire, les enfants gâtés de la charité internationale. Et, de ce point de vue, je rejoins Michel Gurfinkiel dans ‟Israël peut-il survivre ? Les nouvelles règles du jeu”, un livre dont je rends compte dans une suite de quatre articles sur ce blog même. Notons par ailleurs que cette aide est phagocytée par l’appareil politique et administratif palestinien, par des dirigeants particulièrement corrompus.

 

Dans ‟Notes on the Position of the Israeli Intellectual”, Hannan Hever oppose son particularisme juif israélien (dont il a probablement honte) et la cause palestinienne, juste (?!) et donc universelle (?!). Selon elle, la justesse de cette cause justifie toutes les violences perpétrées par les Palestiniens…

 

Dans ‟Only by Force”, Gideon Levy écrit que seule la violence la plus extrême est à même de faire bouger les Israéliens de leurs positions et de les amener à des concessions : ‟Since the Yom Kippur War of 1973 and until the Christmas of 2000, not only did violence, ultimately, pay off for the Arabs, but Isrealis have proven to them that it is the only recourse available to them if they desire freedom, independence, liberty, or the repossession of the territories taken from them — by force, of course.” En Israël, et plus généralement en Occident, ce radicalisme pro-Palestinien procède moins d’une réelle sympathie pour les Palestiniens que d’une aversion pour la société d’origine, la société israélienne. C’est un point central qu’il convient de ne jamais perdre de vue. Espérons que cette gauche radicale qui, de fait, tourne le dos à la société israélienne agira de moins en moins sur elle.

 

Pour les radicaux de la gauche israélienne, l’État d’Israël n’est pas seulement une société corrompue que des réformes politiques pourraient corriger ; c’est une souillure sur la carte du monde, une souillure qu’il faut effacer. Ariella Azoulay et Adi Ophir, encore eux, sont catégoriques. Ils écrivent dans ‟The Regime Which is Not One” : ‟In order to stop the lie, the occupation regime must be uprooted. In order to uproot the occupation regime, the Israeli regime must be changed.” Les antisionistes radicaux israéliens veulent en finir avec l’État juif mais leurs vues divergent sur l’après. Certains (très peu nombreux) veulent un ‟state of all its citizens”, une expression élaborée par Azmi Bishara, un Palestinien chrétien, ancien membre de la Knesset et qui fut la coqueluche de la gauche radicale israélienne jusqu’à ce qu’on découvre que le monsieur avait été à la solde du Hezbollah au cours de la guerre du Liban, en 2006, ce qui fit tout de même baisser sa côte. Outre les partisans du ‟state of all its citizens”, il y a les partisans du ‟binational state”, une sorte de décoction multicul’ dans laquelle tout un chacun est invité à macérer.

 

Les critiques si véhémentes des radicaux (juifs) de la gauche israélienne n’émanent pas d’une quelconque jüdische Selbtshass, ce truc qu’on nous sert à tout propos. Elles procèdent du désespoir. Après une période messianique, ces radicaux en sont venus à vouloir se détacher du monde, d’un monde jugé corrompu. C’est le retrait total des affaires de ce bas monde prôné par le Slovène Slavoj Žižek. Cette position d’intello est particulièrement confortable. Le soldat de Tsahal qui de son checkpoint s’efforce d’atténuer le sentiment d’humiliation que peuvent éprouver ceux qu’il doit contrôler fait beaucoup plus pour l’humanité que ces intellectuels en chaise longue dans leur tour d’ivoire.

 

 

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