Quelques notes prise en lisant Shmuel Trigano.
Le “palestinisme”, une nouvelle forme idéologique à distinguer de l’antisionisme, devenu en quelque sorte ringard.
La haine des Juifs et ses étapes historiques : antijudaïsme chrétien, antijudaïsme musulman, antisémitisme de l’âge moderne et démocratique (racial), antisionisme contemporain (période de l’État-nation) qui envisage Israël comme un État colonial, un poste avancé de l’Occident. Chacune de ces formes de la haine porte et est portée par une théorie de la condition juive, soit respectivement : Verus Israel, Église / Synagogue déchue ; Oumma / dhimmi ; nation / complot juif mondial ; nation post-coloniale / État d’Israël ; globalisation / singularité de la nation juive.
Est-on entré dans une nouvelle période de la haine des Juifs ? L’antisionisme qui vise l’État-nation qu’est Israël serait-il en voie d’être dépassé et peut-être même serait-il déjà dépassé, l’État-nation étant lui-même dépassé, y compris dans sa version israélienne ?
L’État-nation est ringardisé. Quelle forme pourrait prendre son dépassement ? L’État d’Israël est ringardisé et, en conséquence, l’antisionisme est présenté comme périmé. Ne resterait plus que la « multitude », cette chose confuse et erratique qui, chez Antonio Negri, désigne l’humanité à l’âge de la globalisation avec pour figure planétaire « le peuple palestinien » – ou « le Palestinien » –, une figure que célèbrent ces manifestations un peu partout dans le monde, manifestations qui parallèlement célèbrent la haine des Juifs.
(Aparté. En lisant ces lignes de Shmuel Trigano, je ne puis que penser à ce si pertinent petit écrit d’Alain Finkielkraut, « Au nom de l’Autre : Réflexions sur l’antisémitisme qui vient », et dont cet article semble proposer un prolongement. Ce petit écrit publié en 2003 a donc un peu plus de vingt ans). Les Juifs (l’État d’Israël) sont attaqués comme représentants de l’État-nation, cette chose dépassée, face au « peuple palestinien », une entité mondialisée, le peuple-monde. Les Juifs quant à eux n’ont plus droit à être qualifiés de « peuple ».
Le « peuple palestinien » est présenté comme une figure mythique et mystique bafouée et outragée par le bourreau juif. Cette propagande est particulièrement efficace comme le montrent notamment les manifestations propalestiniennes voire pro-Hamas dans des universités de plusieurs pays occidentaux, des manifestations qui permettent de prendre la mesure du degré d’ignorance des étudiants de ces universités, tant en histoire qu’en géographie de la région. L’ignorance active la turbine anti-Israël, elle active la doctrine postmoderniste de « l’intersectionnalité » qui fait notamment que « le Juif » et Israël en tant qu’État juif sont à l’origine de tous les maux dont est affligée l’humanité.
La glorification du « peuple palestinien », devenu référent universel et abstrait, parangon de la haine antijuive, c’est le palestinisme. Le Palestinien s’est fait l’incarnation de la souffrance, victime du monde blanc et occidental dont le Juif est à présent l’expression la plus haïssable.
De fait, l’idée d’un État palestinien est dépassée car à présent les Palestiniens ont bien mieux qu’un État, un État qui serait nécessairement étriqué. Ils sont les chouchous à l’international, en particulier à la Cour pénale internationale. On les dorlote, on les bichonne, on les cajole. Le projet d’un État palestinien est dépassé et d’ailleurs il n’a jamais intéressé les Palestiniens. Ils sont portés aux nues, glorifiés par la communauté internationale. Ils trônent, sanctifiés.
Le palestinisme en tant qu’idéologie prospère dans trois populations : 1. Les immigrés arabo-musulmans en Occident ; 2. Les Palestiniens du Proche-Orient ; 3. Les populations occidentales auxquelles il faut ajouter les milieux internationaux (en particulier l’Union européenne). Chacun de ces groupes a ses raisons quant à son palestinisme.
Pour les immigrés arabo-musulmans en Occident, la « question palestinienne » leur permet de se montrer et d’avoir un certain poids sur la scène politique des pays d’accueil. Et, par ailleurs, le fait de dénoncer spécifiquement les Juifs permet d’atténuer leur dénonciation car les non-Juifs des pays d’accueil vont avoir tendance à juger qu’il y a un « conflit importé » et qu’Israël est un fauteur de trouble sur la scène internationale et chez eux ; autrement dit que si ce pays n’existait pas, le monde serait plus calme, beaucoup plus calme. On ne veut pas voir que derrière les Juifs c’est la population non musulmane des pays d’accueil qui est visée. Le Palestinien est un écran derrière lequel l’islamisme pousse ses pions, avec la complicité passive et parfois active de non-musulmans. Le palestinisme est bien un cheval de Troie. Les manifestations tant européennes qu’américaines ont été conduites par des leaders musulmans immigrés, suivis par la foule des idiots utiles, de plus en plus nombreux à l’ère des réseaux sociaux, des idiots utiles qui envisagent en bonne conscience Israël comme un État génocidaire, un État qui pratique l’apartheid et j’en passe.
Et puis il y a la saga victimaire qui permet à l’islamisme d’avancer à grands pas dans nos sociétés. Le palestinisme s’est emparé de cette saga qu’il ne cesse de s’enrichir de nouveaux épisodes sans jamais s’embarrasser de vérité historique. C’est un récit de propagande et rien qu’un récit de propagande qui profite de l’ignorance des palestinistes. Selon cette propagande, les Palestiniens seraient victimes de ce qu’ont enduré les Juifs, soit la Shoah ; les Palestiniens sont les Juifs d’hier et les Juifs d’aujourd’hui sont les nazis. Cette embrouille et cette inversion permettent aux Occidentaux d’effacer leur sentiment de culpabilité envers les Juifs et envers ceux qu’ils ont colonisés. Dans le palestinisme, cette propagande, l’enfant palestinien est placé au centre, car tuer un enfant, symbole même de l’innocence, est à priori pire que tuer un adulte ; c’est le pire du crime. Des enfants palestiniens seraient intentionnellement tués par Israël et à ce sujet les chiffres les plus fantaisistes circulent. Les chiffres du Hamas, « selon le Hamas » est-il répété en boucle sur les chaînes d’information (mais c’est de désinformation qu’il me faudrait écrire) mainstream, entrent sans peine – comme dans du beurre – dans tant de têtes si peu préparées et, surtout, qu’habitent volontiers des préjugés antisémites/antisionistes. Ces chiffres sont donc acceptés sans broncher, d’autant plus que « le Juif tueur d’enfants » est une image qui a hanté durant des siècles l’Occident chrétien qui est à l’origine de cette calomnie.
Cette Palestine phantasmatique n’est pas née de rien. Elle commence avec l’Union soviétique dans les années 1960, avec le KGB qui assimile les Palestiniens aux colonisés en lutte contre l’Occident colonisateur. Il est bon de rappeler que cette population n’a jamais eu d’État (ce que beaucoup semblent ignorer ou vouloir ignorer) ni de spécificité par rapport au reste du monde arabe et qu’elle ne s’est différenciée que depuis qu’Israël existe. Par cette habile manœuvre dont on mesure toujours plus les effets délétères, plus de soixante ans après sa mise en œuvre, l’Union soviétique espérait avancer ses pions en se présentant comme la championne de la décolonisation face à un Occident colonialiste et plus généralement impérialiste. Voir ce que rapporte à ce sujet Jan Pacepa, un espion du KGB passé à l’Ouest.
Il y a une généalogie entre ce plan élaboré par le KGB, le post-modernisme et le wokisme. Ainsi que le redit Shmuel Trigano, le dogme post-moderniste de l’intersectionnalité établit un rapport entre toutes les oppressions supposées ou réelles, ce dogme établit ainsi une confusion globale dans lequel le palestinisme occupe une place centrale et qui fait que des individus et des groupes qui n’ont aucun rapport avec Israël et les Juifs, et qui sont parfaitement ignorants à leur sujet, les dénoncent toujours et partout. A présent c’est d’abord l’islam qui profite du wokisme pour avancer ses pions dans ce bain de confusion.
A présent que l’Union soviétique n’est plus, la cause palestinienne poursuit son chemin. Il n’est plus vraiment question d’un combat contre le colonialisme israélien, quintessence du colonialisme occidental. Le palestinisme est le combat que les islamistes mènent contre le reste du monde, et plus particulièrement contre l’Occident, pour la suprématie mondiale. Les idiots utiles, si nombreux, leur aplanissent le terrain. Les appels à la haine et au meurtre des Juifs (et plus particulièrement des Juifs d’Israël) sont activés par des organisations religieuses, notamment en Égypte et en Tunisie, sans oublier l’Iran. Mais n’ignorons pas ces gigantesques investissements qataris, notamment dans l’enseignement supérieur, ce qui nous permettra de mieux comprendre le caractère global du palestinisme et cette agitation inhabituelle dans des universités américaines en faveur des Palestiniens. Les capitaux qataris s’infiltrent partout et favorisent, y compris dans les plus hautes sphères de l’Union européenne, au Parlement européen, une politique ouvertement ou doucereusement anti-israélienne. Et ajoutons d’autres lobbies comme la Turquie d’Erdogan et les Frères musulmans (on y retrouve le Qatar mais aussi la Turquie). L’idéologie postmarxiste qu’est le post-modernisme est le principal vecteur de cette idéologie politico-religieuse qu’est le djihad.
En retour, le palestinisme radicalise les Palestiniens qui se voient propulsés à des hauteurs vertigineuses, sanctifiés, déifiés même. Le Palestinien (le Bien) écrase le Juif (le Mal) comme saint Michel écrase le Démon ; et la Palestine remplace Israël, un État paria dont on ne peut qu’espérer la fin. Le « nouvel Israël » n’est plus l’Église mais la Palestine, ce corps mystique. Israël n’est plus que le nom de l’oppression du « peuple palestinien » comme les nazis ont été le nom de l’oppression des Juifs. La Shoah est chassée au profit de la Nakba, et ainsi de suite.
Le mot « Palestinien » est à lui seul un mot de propagande et radicale. Premièrement, il n’y a jamais eu de société, d’État et de nation palestiniens. Deuxièmement, « Palestine » et un terme par lequel Rome a voulu effacer jusqu’au souvenir d’Israël et qui désignait à l’origine les plus grands ennemis d’Israël, les Philistins ; et tout le reste est à l’avenant. Le palestinisme est la dernière version de la guerre que l’islam et ses supplétifs d’idiots utiles mènent contre les Juifs et Israël.
Olivier Ypsilantis