12 avril
Chargé des repas pour les soldats de Tsahal dans des voitures. Cette nourriture sera acheminée vers l’armée aux portes de la bande de Gaza. On commence à se préparer pour le shabbat. La circulation ralentit. Le ménage de Pessa’h préoccupe les femmes. Il est parfois question de l’Iran mais cette attaque jugée très probable dans les prochains jours (ce dimanche pour certains) ne semble guère préoccuper les uns et les autres. Un homme souhaite même cette attaque car selon lui elle ne fera que précipiter la chute du régime iranien, un régime honni selon lui par plus de 80 % de la population, une estimation que je partage. Et nous sommes bien d’accord, l’amitié entre Israël et l’Iran sera profonde et durable, appuyée sur de puissantes strates, rien à voir avec l’opportunisme des pays arabes qui ne se rapprochent d’Israël que par peur de l’Iran. Pour l’heure, on s’interroge : quand l’Iran va-t-il attaquer, car il est entendu qu’il attaquera ? Il est entendu que l’Iran n’attaquera pas à partir de son territoire car la riposte ferait tomber le régime en détruisant tous ses centres vitaux, un régime dont la seule préoccupation est de perdurer, un régime qui n’a aucune base populaire et qui ne se maintient que par la corruption et la violence. La fragilité du régime de Téhéran est de plus en plus grande et les représailles qu’il envisage (suite à l’attaque israélienne du 1er avril contre le consulat iranien à Damas) pourraient lui être fatales. A moins que sentant sa fin proche le régime ne se lance dans une course en avant qui mettrait le feu à la région.
Et voici ce que nous apprenons : un tribunal argentin vient de juger l’Iran et le Hezbollah responsables des attentats contre l’ambassade d’Israël et la Asociación Mutual Israelita Argentina (AMIA) perpétrés respectivement le 17 mars 1992 (vingt-neuf morts et plus de deux cents blessés) et le 18 juillet 1994 (quatre-vingt-cinq morts et plus de trois cents blessés) à Buenos Aires.
J’ai toujours été du côté d’Israël, d’abord intuitivement (ou instinctivement pourrait-on dire) puis d’une manière toujours plus étayée. Et chaque voyage en Israël (où j’ai toujours refusé de m’en tenir au tourisme) me requinque. J’ai toujours eu besoin d’Israël. Je ne trouve plus depuis longtemps de consolation dans le christianisme, cette religion dogmatique. Et je n’évoquerai pas l’islam, une plaie. Le judaïsme m’aide avec son absence de dogme et son bel équilibre entre la raison (la réflexion) et l’élan romantique (le messianisme). Seul danger qui guette l’énergie du judaïsme (qui n’est pas une religion comme le sont le christianisme et l’islam), le grand nombre de rabbins qui tendent à ossifier le judaïsme, à en faire une religion en le figeant ; mais tout compte fait, ce danger est probablement minime.
13 avril
Faisons un effort. Admettons que les Arabes de Palestine aient eu des réticences à l’égard des sionistes, de Juifs qui venaient peupler un territoire que ces mêmes Arabes habitaient depuis des générations. Admettons-le. Un arrangement avec les Juifs aurait été possible car ces derniers avaient eux aussi leurs raisons – et d’excellentes raisons – de venir dans ce qui était la terre d’Israël avant même la création de l’État d’Israël. Les Juifs ne venaient pas en conquérants brutaux (et c’est peut-être l’une des raisons de l’actuel imbroglio, il y aurait un article à écrire à ce sujet) mais avec de multiples propositions laissant une place importante aux compromis. Mais pour des raisons politiques et religieuses – ou plutôt politico-religieuses – toute possibilité d’entente s’est trouvée découragée, avec l’image multiséculaire du dhimmi qui tient se tient au cœur de la psyché des masses arabo-musulmanes.
Sur une bonne partie de la Palestine historique, les Palestiniens avaient un territoire, un État, soit la Transjordanie (la Jordanie aujourd’hui), un territoire taillé par les Britanniques. Dans l’actuelle Jordanie, les Arabes (palestiniens) représentent entre 60 et 70 % de la population du pays, le reste étant constitué de Bédouins.
Palestinien, un nom élaboré par les Romains pour effacer un nom spécifiquement juif. Palestine, un mot de propagande que les Arabes se sont appropriés en le faisant glisser du côté arabe, doucereusement. Or, les Juifs sont aussi palestiniens que le sont les Arabes de la région. Avant la création de l’État d’Israël, et dès le XIXème siècle, les voyageurs occidentaux que n’animaient aucun esprit de propagande désignaient spontanément les Juifs de Palestine comme des Palestiniens.
Outre la Jordanie, les Arabes disposent d’immenses territoires, de nombreux États, au Proche-Orient et plus encore. Les Juifs n’ont qu’un petit État. Ils ont par ailleurs accepté et proposé nombre de compromis, et avant la guerre de 1948-49 qui a fait suite à la déclaration d’Indépendance du 14 mai 1948. Les frontières de l’État d’Israël telles qu’elles avaient été votées par l’Assemblée générale des Nations Unies (Résolution 181), en novembre 1947, avaient été acceptées par les Juifs d’Israël, un État constitué de trois morceaux qui tenaient à peine les uns aux autres, un État de ce fait très difficilement défendable. Je conseille à ceux qui me lisent de consulter la liste des concessions et des propositions faites par Israël aux responsables palestiniens, à commencer par Yasser Arafat dont il va être question.
La disparition de l’État d’Israël est le souhait de tous les Arabes, de presque tous les Arabes, car les Arabes israéliens (environ 20 % de la population du pays) semblent plutôt satisfaits de leur condition de citoyen israélien. Les Arabes et les Musulmans ne sont pas les seuls à souhaiter la disparition de cet État. Nombre de paisibles citoyens par ailleurs peu soucieux de ce qui ne concerne pas leur petit confort considèrent les Arabes, et en particulier les Palestiniens, comme les damnés de la terre, les victimes du Juif cruel, de la perfidie juive, de l’impérialisme, du colonialisme et j’en passe. Bref, bien des ingrédients entrent dans cette soupe anti-israélienne.
Yasser Arafat et le grand mufti ont été parmi les principaux responsables de l’imbroglio dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Yasser Arafat le rusé savait qu’il fallait que perdure « la question palestinienne » afin non seulement de se maintenir au pouvoir mais de renforcer son pouvoir en agitant la « question palestinienne » sur la scène internationale, une « question » qui semble émouvoir bien des foules – et, j’insiste, pas nécessairement arabes et/ou musulmanes –, des foules par ailleurs très peu préoccupées par ce qui ne risque pas de porter préjudice à leur petit confort, et j’insiste encore. En conséquence, on peut affirmer que cet intérêt pour les Palestiniens est en grande partie (sinon exclusivement) dicté par des partis pris et des préjugés. La rupture des négociations de paix entre Yasser Arafat et Israël en 1999-2000 est un moment clé de l’histoire des relations isréalo-palestiniennes ; et ce moment a été sinon occulté du moins minimisé ; on espérait probablement faire revenir les Palestiniens à la table des négociations. Toute une doucereuse propagande s’est même employée à répartir d’une manière mensongère les responsabilités quant à la rupture de ces négociations.
L’Intifada n’a été en rien le fait d’une provocation d’Ariel Sharon (on se souvient de l’esplanade des Mosquées) ou de propositions faussement généreuses d’Ehud Barak. Cette révolte était destinée à former une vague aussi haute que possible afin de permettre à Yasser Arafat de surfer une fois encore sur « la question palestinienne » et d’ajourner à tout prix la création d’un État palestinien (qui aurait pu atténuer d’un certain point de vue la « question palestinienne » ; je dis bien d’un certain point de vue, car d’un autre point de vue d’autres problèmes se seraient posés à Israël et pas des moindres. Alors qu’Ehud Barak était prêt à céder sur un dossier central (le partage de Jérusalem), Yasser Arafat brandit une exigence : le retour des réfugiés, exigence inacceptable car il signifiait la submersion des Juifs par la démographie arabe. On connaît la suite, la Seconde Intifada (septembre 2000 – février 2005).
L’esprit de compromis ne suffit pas à régler tous les problèmes, surtout dans cette région du monde. L’intransigeance et la force sont essentielles et peuvent permettre à l’esprit de compromis de mieux agir. L’Arabe respecte la force, en particulier le Juif qui se montre prêt à le frapper et durement s’il l’attaque. Il comprend que son dhimmi lui a échappé et qu’il lui faut restructurer son espace mental dans lequel le dhimmi occupe une place centrale. Une fois encore, je reviens au plus lucide des sionistes, Vladimir Z. Jabotinsky dont j’ai étudié la pensée, aidé par Pierre Lurçat qui a grandement contribué à le faire connaître dans le monde francophone par des conférences et des publications, notamment en traduisant « Histoire de ma vie », l’autobiographie de cette figure du sionisme. Les Israéliens ne peuvent se faire respecter des Arabes que si ces derniers savent que les Israéliens ont les moyens de se défendre et de les mâter. C’est aussi pourquoi Israël doit frapper très durement dans la bande de Gaza, en évitant au maximum les dommages dits collatéraux mais sans pour autant se laisser paralyser. L’atrocité du 7 octobre mérite un châtiment que je n’hésiterai pas à qualifier de biblique, un châtiment d’autant plus mérité que la majorité de la population de la bande de Gaza a été complice du Hamas à des degrés divers. Au cours des bombardements alliés sur les villes allemandes, on peut supposer que des Allemands antinazis ont été tués, et probablement plus qu’on ne le suppose.
La persistance de la « question palestinienne » s’explique aussi par la prétention de l’Europe chrétienne et post-chrétienne à vouloir supplanter Israël sur le plan de la morale, à s’évertuer à donner des leçons de morale à Israël comme le faisait l’Église, le Verus Israel. La gauche si anticléricale est la « digne » héritière de cette Église, cette gauche moralisatrice qui s’est érigée en représentante du Bien. Les refus palestiniens auraient dû être condamnés par l’Europe, surtout celui de Yasser Arafat que j’ai évoqué, mais rien. Aujourd’hui encore France 24 a osé évoquer des « colons juifs radicalisés » suite à des violences dans « les territoires occupés » alors que ces Juifs étaient en colère suite à l’assassinat d’un enfant de quatorze ans, membre de leur communauté, Benjamin Achimeir. C’est tout un lexique de propagande inlassablement répété qui finit par créer ces mécanismes de rejet d’Israël, de détestation d’Israël. Cette propagande institue une tolérance et même une bienveillance européenne vis-à-vis des violences arabes à l’encontre des Juifs. Ce faisant l’Europe a perdu tout prestige moral auprès des Arabes. Quant aux Israéliens, ils ne se fient plus à cette Europe qui en se présentant comme la détentrice d’une morale supérieure, voire suprême, s’est elle-même frappée d’indignité.
Olivier Ypsilantis