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Une ivresse keynésienne

 

Je suis hébété par ce qui se passe, hébété et inquiet. Et il n’est pas rare que l’on me suggère de me détendre et de me laisser prendre par la douce ivresse keynésienne. Mais qu’y puis-je ? Je reste hébété et inquiet. Car ce ne sont pas ces suites de petites nouveautés technologiques qui vont faire cesser mon hébétude et calmer mon inquiétude. Ces nouveautés technologiques ne sont dans l’état actuel des choses que des planches auxquelles se raccrocher, à la manière de ces bons vieux scientistes XIXe siècle qui se raccrochaient au dieu Science. Mais je serai plus tolérant avec ces derniers qu’avec ces masses qui attendent le prochain smartphone comme d’autres attendent le Messie. On va donc digitaliser un peu plus vite que prévu, on entre dans la 5G, soit la cinquième génération de réseaux mobiles, et après ? Je ne crois pas au « progrès » tel qu’on nous l’impose, soit une multiplication de gadgets qui a pour principal effet de dévorer le temps des uns et des autres, de les empêcher de mieux réfléchir, de mieux se servir de leurs mains. Il serait par exemple préférable pour leur bien, celui de leurs voisins et de la société dans son ensemble qu’ils nettoient leur espace mental et physique et y mettent de l’ordre. Que de jardins mal entretenus ! Que de constructions à restaurer ! Et, surtout, que d’encombrement ! Il faut se désencombrer, soit commencer par réfléchir intensément avant tout achat éventuel sans cesser de se livrer à un ménage à l’écran et dans ses espaces de vie.

 

 

Mon inquiétude tient d’abord à ce que j’entrevois des mécanismes qui pourraient provoquer de très graves dommages sur les sociétés. Je m’inquiète de l’endettement et de l’état des finances publiques et sur une possible hausse de l’inflation ou des taux d’intérêt qui suffirait à appauvrir terriblement des sociétés entières et à provoquer un enchaînement de violences. On pourra toujours se consoler avec ses joujoux technologiques et se passer des films, la réalité se chargera de nous rappeler à elle en commençant par taper à notre porte et l’enfoncer si nous ne répondons pas. Nous savons que la réalité n’est pas virtuelle, qu’elle ne tient pas dans nos écrans de quelques centimètres carrés.

L’investissement public est hors contrôle. Il est rarement orienté vers la possibilité de gains de productivité qui sont bien le vecteur essentiel de l’augmentation du niveau de vie d’une population donnée. Trop d’argent part à la rescousse d’entreprises zombies, de l’argent qui sombre immanquablement avec elles pour se perdre dans les profondeurs (à présent abyssales) de la dette. L’accès au travail, ce bien de plus en plus rare, devrait être facilité pour soutenir la reprise et réduire le chômage. Par exemple, que des commerces choisissent de rester ouverts 24 heures sur 24 pourrait favoriser la création d’emplois sans rien coûter à la société et aux pouvoirs publics, au contraire.

La France est devenue accroc de la dette comme un camé l’est de sa came, je le redis. Avant la pandémie, la France était le premier émetteur de dette en Europe. En 2020 le total des émissions a atteint le montant de 344 milliards d’euros, dont 136 milliards pour faire rouler la dette, la fameuse cavalerie. Les choses ne peuvent durer ainsi même si des équipes d’imbéciles hautement spécialisées nous serinent avec un sourire entendu que s’endetter ne coûte rien considérant les taux d’intérêt historiquement bas ! Personne n’a en tête que les taux d’intérêt pourraient remonter, doucettement. Et je n’évoquerai pas les risques d’inflation, sérieux. Les temps changent comme le chantait MC Solaar, les temps changent et les taux d’intérêt avec eux. Il faudrait penser à stabiliser la dette en commençant par stabiliser la dépense publique car augmenter la pression fiscale est devenu difficilement envisageable même si la France a dans ce domaine développé une imagination stupéfiante qui a malheureusement porté préjudice à son imagination dans bien d’autres domaines. Pour stabiliser la dette, il faut donc stabiliser la dépense publique ; il faut que l’augmentation de la dépense publique reste inférieure à celle du P.I.B. Je suis désolé d’avoir à énoncer une telle évidence, mais il me semble qu’elle n’a pas pénétré l’esprit des Français qui sont encore trop nombreux à considérer l’État comme une mère poule et un papa-gâteau.

Ce qu’il faut savoir : au troisième trimestre 2020, l’endettement des entreprises non financières était de 169 % du P.I.B., un record mondial ; tous secteurs confondus, public et privé, la France est le cinquième émetteur de dette au monde ; sa part représente 5 % ; cette dette est la deuxième la plus acquise dans le monde, soit 8 % des engagements alors que la France ne compte que pour 3 % du P.I.B. mondial. Il est vrai que cette pandémie a pesé sur les budgets de tous les États ; mais si on met à part les dépenses qu’elle a suscitées, la courbe du déficit – et de la dette – suit une courbe ascendante qui laisse supposer un problème structurel. La Cour des comptes et le F.M.I. tirent pour l’heure gentiment la sonnette d’alarme, mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…

A ce propos on est en droit de s’inquiéter considérant la différence d’endettement entre l’Europe du Nord (autour de 60 %) et l’Europe du Sud (entre 120 % et 200 %) ; cette différence risque de poser de sérieux problèmes quant à la pérennité de l’euro. La France glisse doucement vers le Sud. Par ailleurs elle se montre fière d’avoir mutualisé la dette, ce dont j’ai personnellement un peu honte, notamment envers les Allemands. L’État français ne nous suffit plus, il faut à présent que ce soit les États de l’Union européenne qui s’occupent de nous, de notre bien-être.

La France a certes de très belles entreprises inscrites au CAC 40 mais sa fiscalité a éreinté les P.M.E. et les T.P.E. qui font la richesse du pays – comme elles font la richesse de l’Allemagne et de bien d’autres pays. Curieux. Nous ne jurons que par la Grande-Bretagne et les États-Unis ; l’Allemagne devrait nous retenir plus. J’ai une grande estime pour Angela Merkel, une femme qui durant presque vingt ans (!!!!!!) a su conduire et aider son pays, modestement, sans tout ce bla-bla qui occupe nos politiciens.

L’Allemagne a trois millions de fonctionnaires pour quatre-vingt-cinq millions d’habitants, la France en a six millions cinq cent mille pour soixante-cinq millions d’habitants. J’ai mis des points d’exclamation en rafale après Angela Merkel car nous changeons de Premier ministre et de gouvernement en moyenne tous les deux ans. A ce propos nous pourrions nous interroger sur le bien-fondé de l’État jacobin. Il me semble que l’Allemagne des Länder propose plus de contre-pouvoirs que la France. Il est par ailleurs instructif de comparer le comportement des syndicats allemands et celui des syndicats français.

En France, la pression fiscale est féérique, comme l’est la dépense publique, notamment la dépense publique sociale. Je passe sur les chiffres afin de ne pas navrer le lecteur ; ils sont effrayants, d’autant plus que la tendance ne semble pas vouloir s’infléchir.

Notre niveau d’endettement n’aurait-il pas au moins un peu à voir avec notre fiscalité ? La France en est réduite à attendre sa part du plan de relance européen. Malgré sa fiscalité, elle était déjà très fortement endettée, sans réserve pour affronter la crise sanitaire. La France est un pays doté de fortes capacités, d’un excellent potentiel, mais l’État est devenu son ennemi, l’État et ses gouvernements successifs, avec sa politique fiscale, son système social et redistributif, son nez mis partout. Je rappelle par ailleurs que la dette du pays est majoritairement détenue par des étrangers, ce qui flatte notre orgueil national – on achète notre dette ! – mais ce qui devrait aussi nous réveiller car cette dette n’est pas vraiment un produit d’épargne pour les Français, comme la dette japonaise, très élevée, l’est pour les Japonais. Plus de la moitié de la dette française est détenue par des étrangers. Cet endettement ne serait pas si grave s’il existait un actif. Certes, il existe un actif mais il est annulé par le passif, en grande partie pour cause de désindustrialisation du pays depuis plus d’une quarantaine d’années. Or, on sait (sans vouloir nécessairement l’admettre) que c’est le secteur secondaire qui crée le plus de richesses, qui équilibre le plus sûrement la balance commerciale. Le cas de notre voisin allemand est de ce point de vue et une fois encore particulièrement instructif.

La pandémie n’a fait qu’accentuer le phénomène suivant, soit une perte accélérée des capacités vitales (CV) d’un organisme déjà affaibli. Si ce phénomène se poursuit, il nous restera à faire comme les Grecs (qui ont vendu en 2016 leur principal port, Le Pirée, aux Chinois), soit céder des parts de notre souveraineté nationale.

Il est à parier qu’après les élections de 2022, le matraquage fiscal reprendra de plus belle et je suppose que des équipes de fonctionnaires (dont la créativité dans ce domaine n’est plus à démontrer) planchent déjà sur la question et très activement. Ce matraquage achèvera d’épuiser le pays. Il y a longtemps que je le dis : la France est devenue l’otage de son État ; et la tendance se confirme. Le pays est éreinté et ces caricatures montrant le Tiers-État courbé et portant sur son dos le Clergé et la Noblesse restent pertinentes même si les acteurs ont changé. C’est le pays qui porte l’État et tous ceux qui bénéficient diversement de ses prébendes. Et parmi ceux qui portent l’essentiel du poids, les entrepreneurs, de la T.P.E. à la P.M.E.

Un fort allègement de la charge fiscale ne pourra qu’aider le pays et libérer ses énergies, car la dépression dont il souffre tient en (grande) partie à cette charge. Cet allègement passe d’abord par la baisse des dépenses publiques, une baisse que le pouvoir doit présenter aux citoyens, avec des chiffres et un calendrier, un plan d’assainissement des finances publiques qui engage la responsabilité de l’État. Il s’agit de guérir ce pays.

Et je vous invite à écouter Marc Touati le pédagogue :

https://www.youtube.com/watch?v=AzzIMF3_HtU

 

Olivier Ypsilantis

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