La croyance des sociobiologistes darwiniens en la spécialisation économique des sexes, une croyance qui tend à souligner le mérite des femmes — un mérite exclusif — dans la découverte de l’agriculture, avec la « révolution néolithique » (vers 8000 AEC). L’agriculture qui modifie non seulement les rythmes de la vie mais aussi les croyances religieuses et plutôt radicalement. Avec l’agriculture, les mystères de la femme se trouvent placés au centre de la religion — cycle menstruel et cycles naturels (lune, marées, saisons, etc.), gestation (croissance cachée de la semence). Selon Marija Gimbutas, une culture matriarcale pacifique se serait maintenue pendant vingt mille ans jusqu’à sa destruction par les envahisseurs indo-européens qui n’auraient toutefois pu effacer le souvenir des anciennes déesses. L’âge de fer poursuit à sa manière cette culture matrilocale, avec la mythologie qui attribue un processus de gestation (des métaux) aux entrailles de la terre — y voir les débuts de l’alchimie. Ci-joint, un lien synthétique sur les travaux de Marija Gimbutas.
http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1994_num_20_1_2138
Me procurer « Goddesses and Gods of Old Europe », « The Language of the Goddess », « The Civilization of the Goddess » où Marija Gimbutas nous livre sa vision de l’âge néolithique en Europe, soit l’existence (entre 6500 et 3500 av. J.-C.) de sociétés constituant une véritable « civilisation » dont l’image de la mère aurait été la caractéristique centrale.
Marija Gimbutas (1921-1994)
Selon Hans Delbrück, la guerre directe était plutôt pratiquée par les Européens sédentaires tandis que la guerre indirecte convenait mieux aux nomades habitués à parcourir d’immenses espaces ouverts, avec emploi de troupes légères. Voir les observations de René Grousset sur les Mongols. Lire le récit de voyage chez les Mongols du franciscain Giovanni dal Piano dei Carpani (Jean du Plan Carpin, 1245-1247). Ci-joint, un lien sur Hans Delbrück (1848-1929), figure centrale de l’historiographie militaire mondiale :
Clausewitz juge que la guerre indirecte ne peut suffire à épuiser l’adversaire, qu’elle peut au mieux servir de complément à la guerre directe contre l’envahisseur. Parmi les adeptes de la guerre indirecte, Mao, héritier à sa manière de Sun Tzu, mais aussi (bien qu’avec plus de mesure) Maurice de Saxe et le général Fernand Gambiez, théoricien du « style indirect ». Lire « L’épée de Damoclès, la guerre en style indirect », écrit en collaboration avec le colonel Maurice Suire. Guerre indirecte avec Bertrand du Guesclin qui faisait le vide devant l’Anglais en se retirant dans les châteaux et les villes. Les exemples de guerre indirecte ne manquent pas chez les Européens sédentaires.
Akbar et sa volonté de faire fusionner les peuples de l’Empire moghol, une politique que ne suivront pas ses successeurs. L’affaiblissement de cet Empire sous Aureng Zeb (1659-1707) qui, assoupi dans le confort, ne sut résister à la poussée des Mahrattes, adeptes de la guérilla populaire, et à la montée en puissance des Sikhs.
Mépris de la chevalerie pour les piétons (l’infanterie), un mépris qui coût cher à la chevalerie (l’aristocratie) française, notamment à Crécy, Poitier et Azincourt. Les Anglais quant à eux savent fort bien combiner infanterie (piquiers qui font muraille et archers) et cavalerie. Mais la prééminence de l’infanterie sur le champ de bataille est établie par les Suisses dans une suite de victoires qui culminent en 1476 avec la défaite de Charles le Téméraire à Grandson puis à Morat. Les armées européennes vont se mettre progressivement à l’école des Suisses dont la technique s’inspire de la phalange grecque avec entraînement poussé. Louis XI fait appel aux Suisses pour instruire ses fantassins. Au XVe siècle, les Suisses ont adopté une pique de six mètres et utilisent très tôt l’arme à feu. Leur tactique s’inspire de la phalange grecque et de l’ordre échelonné des Romains. Chaque bataillon forme un carré plein, avec les piquiers au centre sur sept ou neuf rangs. Les arbalétriers et les coulevriniers sont aux ailes et lorsque la cavalerie attaque, les gens de trait viennent se réfugier s’il le faut chez les piquiers qui se forment en hérisson.
Le premier fait d’armes qui impose les Suisses (le nom vient du canton de Schwytz), l’écrasement de la fine fleur de la chevalerie conduite par le duc Léopold Ier d’Autriche au cours de la bataille de Morgarten (1315) par des roturiers et des paysans auxquels on prétendait donner une leçon. Les Confédérés (les Suisses) s’imposent encore à Laupen (1339) puis à Sempach (1386) face aux Habsbourg. Le duc Charles de Bourgogne s’engage à son tour dans une expédition punitive contre les Suisses qui le battent à trois reprises (à Grandson et Morat en 1476 puis à Nancy en 1477). A chaque fois la cavalerie bourguignonne se brise contre les piquiers suisses formés en hérissons à la manière de la phalange macédonienne. Une fois le choc absorbé, les hallebardiers se précipitent dans les rangs ennemis et préparent la voie aux fantassins (armés d’épées courtes et de poignards) qui cherchent le corps-à-corps. Les Confédérés vont ainsi imposer leur supériorité tactique pour quelques décennies, jusqu’à Marignan (1515) où leur infanterie est vaincue par les canons de Galiot de Genouillac. Machiavel les célèbre dans « Dell’arte della guerra ». Les Suisses vont alors fournir d’excellents soldats à d’autres puissances, à la France notamment, et en qualité d’alliés — il faut le souligner — et non de mercenaires comme on l’a dit et comme on le dit encore trop souvent. Les Suisses sont aux côtés de la France, à Malplaquet, Denain, Fontenoy, Rossbach, à la Bérézina. Rappelons que plus de 80 000 Suisses sont morts sur les champs de bataille de l’Empire. Au XVe siècle, les Espagnols engagent des Suisses pour leur enseigner la manœuvre des carrés, ce qui va donner naissance au tertio qui à son tour va dominer durablement les champs de bataille d’Europe, jusqu’à Rocroi (1643).
On parle de horde à propos des Mongols alors qu’à l’origine ce mot ne désigne qu’une troupe. Les Mongols qui attaquent Mohammed Shah (voir l’Empire turc de Khorezm) sont au plus 250 000 ; et ceux qui envahissent l’Europe sont environ 150 000. Généralement une armée mongole rassemble de 30 000 à 50 000 hommes. Alors ? L’effet de terreur joue à fond : personne n’ignore que les Mongols massacrent systématiquement ceux qui leur résistent. Les Mongols de Genghis Khan appartiennent aux tribus qui ne se sont pas laissées tenter par la sédentarisation en Chine du Nord ou en Iran et qui mènent encore la rude vie de monade en Mongolie intérieure.
Leur organisation militaire est simple, de type pyramidal, avec système décimal permettant de passer aisément de la famille au clan, à la tribu et enfin au groupe de tribus. Leurs artisans ont appris des forgerons chinois la technique de l’acier trempé. La cavalerie lourde, 40 % des effectifs, une arme de choc (cuirasse en cuir laqué pour le cavalier et sa monture, le cavalier étant à l’occasion protégé par une maille d’acier). La lance est son arme. La cavalerie légère, 60 % des effectifs, n’est protégée que par un casque. Chaque cavalier est équipé de deux arcs, un pour combatte à pied, l’autre pour combattre à cheval. Il porte également deux carquois. Les réserves de flèches sont acheminées par chariots. Enfin, chaque cavalier possède deux chevaux. Avant la bataille, il revêt une chemise de soie particulièrement solide qui pénètre les chairs avec la pointe de la flèche mais sans être transpercée. Il suffit alors de tirer sur l’étoffe pour extraire la pointe, une technique dans laquelle excellent les chirurgiens chinois. L’alimentation consiste essentiellement en lait de jument, ce qui simplifie le ravitaillement. La discipline atteint un degré inconnu dans les autres armées. L’entraînement est constant, avec manœuvres silencieuses guidées par des fanions et, la nuit, par des flèches enflammées. Les Mongols assimilent sans tarder l’art militaire des peuples sédentaires. Ainsi Genghis Khan constitue-t-il un corps d’ingénieurs essentiellement chinois avec un parc comprenant toutes les machines de lancement alors connues et tous les types de projectiles. Surprise et mobilité — une troupe peut faire jusqu’à soixante-dix kilomètres par jour. L’effet de surprise est soigneusement planifié, préparé par un travail d’état-major. Des réseaux d’espions installés dans les caravanes et les commerces des villes y participent. La campagne contre Mohammed Shah demande deux années de préparation, ce qui n’exclue pas une grande liberté de manœuvre laissée aux Tumans (sorte de corps d’armée) une fois les hostilités engagées. Les estafettes qui ne cessent d’aller et venir en tous sens maintiennent l’unité du commandement qui bénéficie d’une vue d’ensemble des opérations. Genghis Khan se contente de superposer aux administrations des régions conquises une administration mongole destinée à maintenir l’ordre et à en tirer les ressources nécessaires à la guerre. Tamerlan reprendra les méthodes de son prédécesseur mais en portant l’effet de terreur à son plus haut degré. Il perfectionnera l’équipement de manière à rendre chaque combattant quasi-autonome — voir les détails de cet équipement qui comprend entre autres choses : hache, scie, poinçon, aiguille à coudre, outre pour le passage des cours d’eau. Et le développement de l’économie monétaire lui permettra de payer les combattants en monnaie tous les six mois.
Le Tercio, une technostructure. Sa création par l’ordonnance de Charles Quint, en novembre 1536. C’est un type d’unité mis sur pied et géré selon des procédures administratives précises. Il est organisé en régiments de dix compagnies de deux cent cinquante hommes réparties en dix escouades de vingt-cinq hommes. Son efficacité tient à l’amalgame de l’arme blanche (pique) et de l’arme à feu (arquebuse). La principale différence (et la supériorité) du Tercio sur le carré massif suisse dont il est l’héritier est sa capacité à se constituer en groupes plus mobiles et à individualiser le combat, une expérience acquise au cours de La Reconquista. Le Tercio est une micro-société avec des hommes issus pour l’essentiel de la hidalguía, cette couche inférieure de la noblesse en prise avec le peuple et à la base d’un système militaire qui domina durablement l’Europe.
A propos de la Suisse. J’ai découvert il y a peu l’extraordinaire raffinement des techniques de camouflage élaborées par l’armée suisse, un sujet qui m’intéresse d’autant plus que j’avais présenté pour l’examen final à l’E.N.S.B.A., en unité de valeur d’architecture, un mémoire dont une partie traitait des techniques de camouflage élaborées le long de l’Atlantikwall :
https://www.youtube.com/watch?v=MZtySw6lHrg
Olivier Ypsilantis