J’ai un problème avec la France et avec beaucoup de Français : je suis anti-étatiste et considère que presque tous les problèmes dont souffre ce pays viennent de son État, un bubon, un furoncle, une tumeur, bref, je ne sais plus quel mal répugnant évoquer pour désigner ce mal. Avec la crise, cette chose prolifère à la manière d’un cancer.
On en est venu aux taux négatifs, une manière d’imposer une fiscalité par le biais des traficotages de la Banque centrale européenne, les taux négatifs, « une grande première dans l’histoire de l’humanité » comme le signale Simone Wapler, et sans forcer la note.
Le risque à présent vient de ce qui est – de ce qui était – considéré comme sans risque ou tout au moins le moins risqué, avec les contrats d’assurance-vie en euro, des contrats qui s’appuient sur des obligations d’État, soit la dette publique, sur le too big to fail, l’État en l’occurrence. Or, les dépositaires de contrats d’assurance-vie en euro seront les premiers à être capturés par un État qui réclame toujours plus comme tout ce qui s’avance vers la faillite. Mais il y plus. La disparation progressive la monnaie, celle qui tient dans la main, billets ou pièces, va dans le même sens, soit un contrôle accru sur les individus. La liberté est également représentée par ces billets et ces pièces qui permettent l’échange. On le comprendra vraiment lorsqu’ils auront disparu de la circulation, lorsque nous serons devenus insidieusement des ilotes. Oui, l’ilotisation passe aussi par la disparition de la monnaie, la vraie. Aldous Huxley dans « Brave New World » et George Orwell dans « Nineteen Eighty-Four » n’évoquent pas ce point, me semble-t-il, qui constitue pourtant le moyen de contrôle absolu – ou presque.
Depuis le milieu des années 1970, les impôts ne suffisent plus à nourrir la horde étatique dont chaque membre vit depuis ce temps de l’emprunt – de la dette. Ainsi que le signale Simone Wapler (une femme pour laquelle je voterais sans hésiter si elle se présentait à des élections, législatives ou présidentielles), on pourrait laisser le choix à l’individu, avec mise en concurrence des assurances sociales, du versement du salaire (complet ou non) et de l’assureur, afin de réduire le déficit des assurances sociales sans augmenter la fiscalité. Il faut en finir avec l’emprise étatique sur l’assurance sociale.
La France se repose dans le crédit illimité et gratuit, plus que gratuit, des taux étant devenus négatifs avec certains émetteurs. On mutualise sans vraiment expliquer au citoyen en quoi consiste cette mutualisation – expliquer simplement, sans techniques d’enfumage, la principale de ces techniques consistant à multiplier les détails techniques. Et puis la France se dit que si elle coule, les autres couleront avec elle et qu’en conséquence on fera tout pour qu’elle ne coule pas. La belle affaire ! On peut donc se laisser dériver agréablement, laisser dériver ses finances publiques, sans jamais vouloir comprendre qu’il y a danger, notamment pour l’euro.
On nous explique que les banques centrales pilotent l’économie. Elles ont affiché sur leur tableau de bord l’ensemble des dettes – et donc des crédits – et les secteurs précis où il convient de larguer le crédit comme des Canadair larguent leurs tonnes d’eau.
L’endettement est même devenu un must. Ce n’est plus « Enrichissez-vous ! » de François Guizot (il est vrai que les historiens de la monarchie de Juillet ne s’accordent ni sur le contexte, ni sur le libellé exact, ni sur la signification de cette apostrophe) mais « Endettez-vous ! ». Il suffit de déclarer s’endetter pour une « bonne cause », comme la transition écologique, et le tour est joué. Et puis les solutions se multiplient pour rendre la dette durable, supportable, agréable même (pour certains) : nationaliser l’épargne, imposer des taux durablement négatifs, rendre la dette perpétuelle, l’effacer même.
La solution est pour moi fort simple, une solution de grand-père ou de puritain ascétique : ne pas dépenser plus que ce que l’on gagne. Sur le grand livre (ou livre de comptes) à une dépense publique doit correspondre une recette. Comme le dit Simone Wapler, le déficit devrait être inconstitutionnel, ni plus ni moins.
Le déficit devrait faire l’objet d’un référendum, étant entendu qu’à un pourcentage de déficit correspondrait un même pourcentage d’impôts. En cas de « non », le déficit public devrait être réduit à tout prix ; et en cas de « oui », un impôt à taux unique s’appliquerait à tous sans exception puisque le déficit et la dette sont supposés profiter à tous sans exception. En cas de « non », l’État, soit le gouvernement de l’heure, devrait expliquer ce qui est essentiel à son bon fonctionnement pour le bien de tous et non de lui-même, de la machine étatique et gouvernementale, cette machine qui tourne de plus en plus sur elle-même et pour elle-même.
La machine étatique devrait être formidablement simplifiée. Je commencerais par supprimer le ministère de la Culture, une question que j’ai souvent exposée dans des articles mis en ligne. La culture doit éviter de frayer avec l’État et ses gouvernements successifs, et peu importe qu’ils soient « de droite » ou « de gauche ». La culture ne se subventionne pas, elle naît d’elle-même, elle procède de la vie même. La culture subventionnée (par l’État) n’est qu’un succédané, un ersatz. Le peuple n’a en aucun cas besoin que le Pouvoir s’occupe de ses distractions, le peuple soit tous les citoyens, sans exception, de bas en haut et de haut en bas de l’échelle sociale. Le nombre des ministères devrait être réduit de plus de la moitié, et le nombre de ceux qui travaillent dans les ministères épargnés devrait être lui aussi diminué de plus de la moitié.
Sous François Mitterrand, entre 1981 et 1984, la France a eu un ministère du Temps libre. On ne sait plus si l’on est chez le Père Ubu ou chez Ferdinand Lop, le grand Ferdinand Lop qui lui ne se prenait vraiment pas au sérieux. Ce grand homme proposa entre autres idées l’installation de Paris à la campagne pour que ses habitants puissent profiter de l’air pur, le prolongement de la rade de Brest jusqu’à Montmartre, l’extension du Boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer, et dans les deux sens, l’extinction du paupérisme à partir de vingt-deux heures et j’en passe. A ce propos, François Mitterrand fréquenta beaucoup Ferdinand Lop, mais ce premier se prit toujours très au sérieux.
On nous serine que le Japon est le pays le plus endetté du monde, avec un déficit de 240 % de son P.I.B. On oublie de préciser en quoi la dette japonaise diffère de la dette française et sur des points très importants, dont l’un et non des moindres : elle est exclusivement détenue par des nationaux. La dette française quant à elle est détenue pour les deux-tiers environ par des étrangers, ce qui peut paraître flatteur. La presse officielle française ne se prive pas de le signaler, ce qui nous conforte dans l’idée que la récréation et la sieste peuvent durer, comprenez : que le pays peut continuer à s’endetter et à vivre à crédit.
Mais le montant des intérêts est historiquement faible grâce aux jongleries monétaires de la Banque centrale européenne. Et rien n’indique que cette situation se prolongera indéfiniment ; d’ailleurs, rien n’est définitif. Les taux remonteront à un moment ou à un autre, progressivement, très progressivement certes. Mais méfions-nous de ce nœud coulant passé à notre cou en commençant par descendre de l’échelle de la dette en équilibre très instable. Pour l’heure on se refile la patate chaude – the hot potatoe – en empruntant pour rembourser un emprunt arrivé à échéance.
Margaret Thatcher disait : « The problem with socialism is that you eventually run out of other people’s money ». Elle n’avait toutefois pas envisagé, la pauvre, ce socialisme financier qui en est venu à imposer des taux négatifs. Simone Wapler : « Socialisme financier, soit une monnaie adossée à rien, administrée par une banque centrale, multipliable à l’infini par le biais du crédit, crédit distribué par des banques commerciales sous perfusion de leur banque centrale. »
Mais les jeux d’illusion ne font pas indéfiniment illusion et une crise monétaire majeure devrait arriver tôt ou tard, et pas si tard, avec toutes les conséquences imaginables, à commencer par un défaut sur la dette (par l’inflation ou par un moratoire) qui frappera d’abord ceux qui dépendent de l’argent public, de la dette donc. Faire un défaut sur la dette touchera d’abord les fonctionnaires et tous ceux qui dépendent diversement des redistributions. Les retraités souffriront, ceux qui, majoritaires, ont été contraints à la retraite par répartition, sans oublier ceux qui, si nombreux en France, ont souscrit à de l’assurance-vie qui repose sur des obligations d’État, de la dette. Il est certain qu’un État acculé à la faillite (par sa propre faute) saura imposer son diktat, avec impôt exceptionnel qui sera décrété de salut public.
L’ennemi de la France n’est pas les GAFAM ou Rothschild, Bill Gates ou Jeff Bezos, l’Once Sam ou les Chinois, les sionistes ou les francs-maçons, le libéralisme ou la finance, l’ennemi est devenu l’État (d’où le titre nullement forcé du présent article : « La France est otage de son État »), l’État auquel la Banque centrale européenne et son système monétaire donnent le biberon.
Je ne suis pas un devin et je m’efforce de ne pas faire l’oiseau de mauvais augure, mais il me semble que la tempête approche, une tempête monétaire. Simone Wapler : « Lorsque les fonds de pension d’Europe du Nord commenceront à acheter de l’or (la monnaie-marchandise qui n’est la dette de personne) et/ou du bitcoin (la monnaie-immatérielle dont la quantité est limitée), ce sera le signal de la fuite devant la monnaie administrée. »
Olivier Ypsilantis