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Quelques temps de l’histoire d’Israël – 1/3

 

Premier temps. L’antisionisme de gauche est virulent depuis la guerre des Six Jours. La victoire écrasante de l’État juif perturbe la perception qu’ont les masses du « pauvre » juif, du « faible » juif, étant entendu que le Juif n’est supportable que lorsqu’il est pauvre et faible. Bref, les gauches européennes ont pété une durite après la guerre des Six Jours et il me semble qu’elles ne s’en sont pas remises.

Retournement. Les gauches européennes qui au début du XXe siècle défendaient les Juifs au nom du cosmopolitisme et de l’universalisme conspuent les sionistes qui défendent un enracinement historique et le concept de nation. Il faut lire le petit essai d’Alain Finkielkraut, « Au nom de l’Autre – Réflexions sur l’antisémitisme qui vient ».

Deuxième temps. Pour certains gauchistes chrétiens ou post-chrétiens, le Palestinien incarne depuis la guerre des Six Jours (1967) la figure christique du martyr – rien que ça ! Yasser Arafat saisit la balle au bond et répète que Jésus est palestinien…

Toute une littérature (frelatée) va dans ce sens, sans oublier les images dont ces caricatures qui véhiculent avec complaisance le Juif déicide et le Juif tueur d’enfants, deux images concoctées dans le monde chrétien et reprise dans le monde arabo-musulman, à commencer par les Palestiniens et leurs potes. On pourrait en revenir une fois encore à l’affaire Mohammed al-Durah qui n’a pas titillé que les Arabo-musulmans et les Musulmans, loin s’en faut…

Troisième temps. Las de ces antisionistes qui ne se préoccupent que de prendre une posture morale – prétendument morale – et qui ne se préoccupent guère ou pas du tout de connaissance historique. Mais en quoi l’histoire pourrait-elle les intéresser ? Ils ont pris la pause, celle qu’ils estiment être la plus avantageuse et ils se sont déposés l’auréole de sainteté sur la tête.

Bref rappel historique. Entre la Cisjordanie et la mer, Israël n’est large que de quatorze à vingt kilomètres ; et c’est dans cette zone, soit la région nord de Tel-Aviv, que se concentre 70 % du potentiel démographique et économique du pays, une donnée incontournable pour les états-majors israéliens, d’où les propositions d’ajustements de frontière.

 

 

Et j’en reviens aux mères et aux pères-la-morale, en les invitant à s’intéresser dans le détail à la guerre israélo-arabe de 1948-1949, ou guerre d’Indépendance. La Cisjordanie aurait dû constituer le noyau de l’État arabe de Palestine prévu dans le plan de partage onusien de novembre 1947, plan accepté par les Juifs (on ne le dira jamais assez) et refusé par les Arabes qui attaquent massivement un pays avec d’étranges frontières, comme des lambeaux, trois lambeaux qui tiennent à peine les uns aux autres. Les armées arabes attaquent donc, et les Juifs (bien moins nombreux et bien moins armés) parviennent non seulement à les contenir mais à les repousser. Les frontières d’Israël s’en trouvent légèrement modifiées ce qui leur donne une forme plus cohérente. Suite à un accord (secret) conclu entre Israël et la Transjordanie, l’armistice du 3 avril 1949 entérine le contrôle de la Cisjordanie par la Légion arabe de Transjordanie, Israël ne contrôlant plus dans cette zone qu’un étroit corridor reliant Jérusalem-Ouest à la plaine côtière. En avril 1950, la Transjordanie annexe officiellement la Cisjordanie dans l’indifférence générale, une mesure unilatérale qui ne sera reconnue que par le Royaume-Uni et le Pakistan. Au cours de la tutelle transjordanienne (1949-1967), les revendications nationales palestiniennes sont implacablement réprimées. Curieusement l’O.L.P. (créée au Caire en 1964, au cours de cette période donc) ne revendique pas dans sa charte originelle ce territoire mais celui qui correspond à l’État d’Israël… Étrange non ? Le 31 juillet 1988, la Transjordanie renonce officiellement à sa souveraineté sur la Cisjordanie, créant ainsi un vide juridique international.

Quatrième temps. Dans les années 1920, le mouvement sioniste arbore un drapeau blanc avec l’étoile de David. A partir de 1948, deux bandes bleues et parallèles sont ajoutées au-dessus et en dessous de cette étoile. Selon un ragot, ces deux bandes symbolisent le Nil et l’Euphrate, avec le Grand Israël entre les deux. Plus simplement, elles renvoient aux bandes tissées sur le talith et sont un discret symbole de la spécificité d’Israël et du peuple juif.

Cinquième temps. La politique du divide et impera. En tant que pays menacé et encerclé, Israël n’a cessé de chercher des minorités susceptibles de l’aider à fractionner l’hostile et considérable bloc arabe. Les Bédouins et plus encore les Druzes tiennent ce rôle à l’intérieur même des frontières d’Israël. Le Liban est un terrain propice au fractionnement avec notamment les Maronites mais aussi, on l’oublie, les Chiites du Sud du pays. L’Armée du Liban-Sud (A.L.S., 1978-2000) fut longtemps constituée par des Chiites laïcs. En Syrie, Israël a espéré briser l’unité d’un pays particulièrement menaçant en activant la très ancienne rivalité entre Damas et Alep et en favorisant la constitution de plusieurs États, dont un Druze dans le Djebel druze. Israël pensa également aux Coptes d’Égypte et aux Chiites d’Irak, des projets restés à l’état de projets.

 

Saad Haddad, major de l’Armée du Liban Sud, fin mars 1981, Liban. (Photo by Michel ARTAULT/Gamma-Rapho via Getty Images)

 

Israël a arbitré des tensions inter-arabes, ce qui ne demande aucun effort particulier, les Arabes se querellent naturellement entre eux.

Le concept de deuxième ceinture cher à David Ben Gourion explique nombre des initiatives géostratégiques d’envergure prises par Israël jusqu’à aujourd’hui : l’Iran de Reza Pahlavi dans les années 1960-1970 (et même l’Iran des premiers temps de l’ayatollah Khomeini) derrière l’Irak, la Libye des Sénoussides jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Kadhafi en 1969 derrière l’Égypte, l’Éthiopie de Hailé Sélassié et de régimes plus récents (puis l’Érythrée indépendante) derrière le Soudan et l’Égypte et face au Yémen, la Turquie derrière la Syrie, les forces kurdes du Kurdistan irakien en Irak même et proche de l’Iran, l’Azerbaïdjan derrière l’Iran et l’Irak, etc. Bref, il s’agit le plus souvent de partenaires musulmans mais hostiles aux régimes arabes (gouvernement et/ou populations), une hostilité ancestrale (voir les Turcs) en plus d’intérêts divergents.

Cette deuxième ceinture se renforce à partir des années 1990 d’une troisième ceinture suite à la chute de l’Empire soviétique, l’affaiblissement pour cause de dissensions internes de la Ligue arabe, la montée en puissance de l’économie israélienne (notamment avec le high-tech) qui permet à Israël de séduire de nombreux partenaires situés bien au-delà d’un environnement arabo-musulman fondamentalement hostile à Israël et non fiable : l’Asie centrale ex-soviétique derrière l’Iran, l’Inde derrière le Pakistan, certains États de l’Afrique des Grands Lacs derrière le Soudan et à proximité de la corne de l’Afrique, etc. Cette ligne géostratégique de fractionnement / contournement suivie avec constance par les responsables politiques et militaires d’Israël a grandement contribué non seulement à protéger Israël mais à donner à ce petit pays une place considérable sur la scène internationale. Que de chemin parcouru depuis la situation quasi-désespérée de 1948-1949 !

 (à suivre)

Olivier Ypsilantis

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