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Quelques considérations économiques – 5/12

 

L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. Frédéric Bastiat

Les socialistes disent : laissez faire ! Mais c’est une horreur ! – Et pourquoi, s’il vous plaît ? – Parce que, quand on les laisse faire, les hommes font mal et agissent contre leurs intérêts. Il est bon que l’État les dirige. Voilà qui est plaisant. Quoi ! vous avez une telle foi dans la sagacité humaine que vous voulez le suffrage universel et le gouvernement de tous par tous ; et puis, ces mêmes hommes que vous jugez aptes à gouverner les autres, vous les proclamez inaptes à se gouverner eux-mêmes ! Frédéric Bastiat

 

Parmi les « beautés » du socialisme, il y a l’antisémitisme. Il me faudrait retrouver la conférence inaugurale donnée à l’université hébraïque de Jérusalem en 1953 par Edmund Silberner sous le titre : « The Anti-Semitic Tradition in Modern Socialism, par Edmund Silberner ». A ce sujet, je renvoie le lecteur à la recension que j’ai faite du livre de Michel Dreyfus sur ce blog même, « L’antisémitisme à gauche : histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours ». Je me permets d’ajouter que le mot « paradoxe » qui figure dans ce titre me paraît de trop ; car il y a bien une logique interne à la gauche, avec cette association le Juif/ l’Argent, une association qui n’est en rien une exclusivité de la droite, d’une certaine droite. Notons qu’à présent l’antisémitisme de type démonologique manipulé par l’extrême-droite perd du terrain (et je ne dis pas qu’il n’en regagnera pas) tandis que ladite association a toujours été active et qu’elle est de plus en plus active à gauche et plus particulièrement aux extrêmes-gauches. Oui, l’antisémitisme est aujourd’hui essentiellement le fait des socialismes. Idem avec l’antisionisme. J’ai écrit de nombreux articles à ce sujet.

 

Covid-19 ou non la bulle devait éclater, avec ce gonflement des actifs financiers sans rapport avec ce que nous avons pris l’habitude de désigner comme « l’économie réelle ». Les indices boursiers ne cessaient de monter tandis que les taux d’intérêt tendaient vers 0 % voire entraient en territoire négatif, du jamais vu. Cette crise sanitaire a simplement précipité une crise financière qui devait arriver. Pas besoin de consulter les augures. Cette crise sanitaire et financière touche à l’économie réelle (avec ces mesures de confinement) et au social. Et je ne parle d’économie que parce qu’elle constitue avec le social un couple inséparable. Il y a des femmes et des hommes derrière les chiffres. En économie, les chiffres strictement limités à eux-mêmes (et mettons de côté leur sens symbolique et leur sens gématrique) tournent à vide aussi longtemps qu’on oublie les femmes et les hommes. Il n’y a pas d’économique sans social et inversement.

 

Une inquiétude, une interrogation. L’euro me sert. Je m’évite de pénibles opérations de change et je comprends tous les bénéfices qu’il m’apporte et apporte à mes concitoyens qui vivent dans la zone euro (qui ne correspond pas à l’Union européenne). Donc, j’aime l’euro mais je suis inquiet car les divergences économiques entre l’Europe du Nord (Allemagne en tête) et l’Europe du Sud (avec la France qui tend à rejoindre cette Europe, considérant entre autres choses l’énormité de sa dette publique) se creusent. Je suis hostile à la mutualisation de la dette ainsi que je l’ai écrit et me situe franchement du côté d’Angela Merkel sur cette question. L’Allemagne sait être généreuse et a multiplié les gestes de solidarité envers l’Europe mais elle sait fixer des limites et à raison. Le quantitative easing et l’inflation qu’il pourrait déclencher l’inquiètent particulièrement et pour des raisons historiques.

 

Lee Kuan Yew (1923-2015)

 

Lee Kuan Yew qui fut Premier ministre de la République de Singapour de 1959 à 1990 envisage trois scénarios : Premier scénario. Le choix d’une intégration fiscale avec ministère des Finances européen et transferts budgétaires massifs et continus entre États, comme aux États-Unis et ses cinquante États. Dans le court/moyen terme, cette solution ne sera pas appliquée. Les peuples d’Europe ont une confiance limitée en Bruxelles et on ne saurait leur donner complètement tort. Second scénario. L’éclatement de l’euro et le retour aux monnaies nationales. On imagine les problèmes conséquents. Lee Kuan Yew estime cependant qu’après une période tempétueuse le calme reviendrait. Le Royaume-Uni qui fut membre de l’Union européenne en restant maître de sa monnaie s’en est plutôt bien sorti et tout porte à croire qu’il s’en sortira plutôt bien. Troisième scénario. Il a la préférence de Lee Kuan Yew, soit la création de deux euros : un euro du Nord et un euro du Sud (dans lequel se trouverait la France), un scénario intermédiaire qui exigerait une coopération augmentée entre les membres respectifs de ces deux blocs, une coopération elle aussi problématique, surtout pour le bloc du Sud. A suivre. Comme le signalent certains, on peut être libéral sans être un jusqu’au-boutiste européen.

 

Le 9 avril 2020, le quotidien Le Monde a fait paraître la tribune d’un collectif de sept universitaires dont le démiurge Thomas Piketty. Titre : « Il est temps de rebâtir un contrat social et fiscal plus juste ». On en revient aux vieilles lunes : l’impôt bouchera le trou – de la crise sanitaire en l’occurrence. Et l’esprit fonctionnarisé de Thomas Piketty & Cie calcule le montant. Mais sur qui le prélever ? Il s’agit pour ces fonctionnaires d’épargner les membres de l’appareil. On va donc faire les poches des… plus riches qu’eux qu’ils définissent d’une manière plutôt vague. Mais dans tous les cas, on a compris qu’eux n’étaient pas tenus de participer à l’opération.

Cette fine équipe se propose donc de rétablir la justice sociale et la justice fiscale, de la guider et de désigner ceux dont il faudra faire les poches à partir d’un « débat démocratique sur la redistribution ». Bref, il s’agit une fois encore d’appliquer la loi du plus grand nombre (par la représentation nationale) contre une infime minorité. Belle affaire !

Cette équipe de sept godelureaux, de sept fonctionnaires, le père Thomas Piketty en tête, évoque un « contrat social » ; or, on sait depuis John Locke (ainsi que le signale un auteur sur Contrepoints, le Journal libéral d’actualités en ligne) qu’un représentant n’a pas plus autorité à se moquer des droits de l’Homme que n’importe quel citoyen.

Le quotidien Le Monde est connu pour mâcher du brouillard, pour repasser des antiennes en boucle et depuis quelques décennies. J’y reviens parfois, rarement et sans m’attarder car j’y retrouve la même odeur rance, a randic odour. Bon sang, il faudrait ouvrir la porte et renouveler l’air ! Dans l’article en question, il est précisé que « notre (sur)vie dépend bien davantage d’une infirmière ou d’une caissière que d’un trader ». Ayant eu des infirmières dans ma famille, dont certaines sur les champs de bataille du monde, je connais et reconnais leurs immenses mérites, leur indicible courage, mais je refuse de céder aux sous-entendus de ces sept petits fonctionnaires, de ces sept paires de pantoufles qui classent les individus selon leur « utilité sociale » à partir de laquelle il conviendrait de pressurer fiscalement les moins utiles socialement, autrement dit de pressurer le privé plutôt que le public, le plus riche que moi plutôt que moi, j’en passe et des meilleures. Il faut congédier ces foutriquets et durement.

 

Thomas Piketty (né en 1971)

 

La question s’impose donc et elle doit être posée les yeux dans les yeux : Thomas Piketty & Cie sont-ils socialement plus utiles ou moins utiles que nos capitaines d’industrie ? Le « collectif de sept universitaires » s’estime-t-il plus utile que ceux auxquels il veut s’en prendre ? L’État par le biais de l’impôt n’a pour légitimité que de compenser les services qu’il rend et non de redistribuer l’argent par la démagogie.

 

Relire Frédéric Bastiat, ce Français que les Français connaissent si peu. Méditer ses propositions. L’État cherche à s’étendre indéfiniment et, à cet effet, tout prétexte lui est bon. L’actuelle pandémie en est un ; et je ne dis pas qu’il l’a provoquée ou qu’il s’en réjouit ; mais il va en prendre prétexte. Les libertés individuelles vont souffrir. A l’occasion de la création de la Sécurité sociale, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’État a liquidé les solidarités familiales, mutuelles, assurantielles. A présent, il se plaque sur toute initiative individuelle désireuse de pallier ses défaillances.

« L’action gouvernementale se généralise par la contrainte » écrit le grand Frédéric Bastiat dans « Services privés, service public » (1850), et il ajoute que cette action « procède en vertu d’une loi, et il faut que tout le monde se soumette, car loi implique sanction ». L’État a créé un monopole public en matière de protection sociale. Avec la Sécurité sociale, il faut payer pour avoir le droit de travailler et l’URSSAF se charge d’encaisser. La Sécurité sociale et l’URSSAF ont des pouvoirs de contraintes exorbitants en droit commun. Toute initiative individuelle est découragée, il faut rejoindre les bataillons des affiliés à la Sécu. J’espère que le carcan va se desserrer et que l’actuelle crise sanitaire du Covid-19 va accélérer ce processus. Il est irritant, révoltant même que l’État ne se remette pas plus en question et en particulier sur ce point. Le trou de la Sécu, expression qui aura bercé des générations de Français, pourrait être progressivement résorbé si les Français avaient la liberté totale d’assurer – et d’assumer – leur protection et celle de leurs familles. Mais ce faisant l’État perdrait – aurait l’impression de perdre – en influence. La remarque suivante de Frédéric Bastiat consignée en 1850 garde toute sa pertinence en 2020 : « Il (l’État) cherche le remède dans la perpétuité et l’exagération de ce qu’il a produit le mal ». Qui dit mieux ?

L’État se comporte comme un dealer : il rend le citoyen accro, il lui vend sa came sans lui laisser le choix, un pistolet sur la tempe si je puis dire. Trop de Français sont devenus mentalement dépendants de cette organisation qui s’emploie à toujours plus resserrer les mailles de son filet en espérant qu’un jour plus personne ne lui échappera. De plus en plus de Français partent à l’étranger pour des raisons diverses et variées parmi lesquelles cette sensation d’étouffement, d’angoisse face à ce filet qui danse devant leurs yeux. Et j’en reviens à Frédéric Bastiat (que les écoles et universités de la République Française ne citent même pas, et pour cause !) qui écrit dans « Services privés, service public » : « Le déplacement de la responsabilité a faussé l’opinion populaire. Le peuple, accoutumé à tout attendre de l’État, ne l’accuse pas de trop faire, mais de ne pas faire assez. Il le renverse et le remplace par un autre, auquel il ne dit pas : Faites moins, mais : Faites plus ; et c’est ainsi que l’abîme se creuse et se creuse encore. » L’État-dealer jubile : le citoyen lui implore sa came. Et ce dealer qui ne cesse d’engranger des sommes énormes a des besoins tels qu’il a pris l’habitude de vivre dans le déficit et la dette. C’est devenu sa came.

Brandissons l’étendard du minarchisme, cet étendard avec deux couleurs en diagonale, jaune et bleu ; brandissons aussi celui de l’anarcho-capitalisme, avec deux couleurs pareillement en diagonale, jaune et noir (étendard moins connu que celui de l’anarcho-syndicalisme ou syndicalisme libertaire, où le jaune est remplacé par le rouge).

Et méditons cette pensée de Frédéric Bastiat (dans « Harmonie économiques ») : « Dans l’isolement, nos besoins dépassent nos facultés. Dans l’état social, nos facultés dépassent nos besoins. »

Le trou de la Sécu pourrait être comblé par la concurrence. Autrement dit, il faudrait en France dix voire vingt Sécurités Sociales et plus, privées donc. Car que se passe-t-il ? L’État a remplacé les prix (soit la valeur des services échangés), des prix qui ne peuvent être déterminés que sur le marché libre ; il les a remplacés par des tarifs administratifs, d’où le gouffre toujours creusé. Il n’y a plus de repère.

A méditer encore. Frédéric Bastiat écrit dans « Services privés, service public » : « À la vérité, le mot gratuit appliqué aux services publics renferme le plus grossier et, j’ose dire, le plus puéril des sophismes (…) Mais il n’y a de vraiment gratuit que ce qui ne coûte rien à personne. Or les services publics coûtent à tout le monde ; c’est parce que tout le monde les a payés d’avance qu’ils ne coûtent plus rien à celui qui les reçoit. »

 

La mutualisation de la dette prônée par Emmanuel Macron est une honte ; et cet homme ne connaît pas la honte. Il cherche par ailleurs à enfumer tout le monde en criant au populisme ! Il est bien un homme de l’appareil (étatique) : il lui faut nourrir la chose sans jamais chercher à la mettre à la diète, jamais, rien que des petits exercices d’illusionniste qui, heureusement, n’ont pas séduit nos voisins. Il faut diminuer les dépenses publiques et alléger la fiscalité, et dans des proportions qui doivent envisager, je le répète, la structure même de l’État. Difficile, l’homme de l’appareil défend mordicus l’appareil comme le dealer défend sa dope.

Nous admettons un minimum d’État, nous admettons que l’État se limite à ses fonctions régaliennes.  C’est ce qu’admet Frédéric Bastiat le libéral, le minarchiste.

 

Olivier Ypsilantis

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