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Quelques considérations économiques – 2/12

 

A society that puts equality before freedom will get neither. A society that puts freedom before equality will get a high degree of both. Milton Friedman

Government has three primary functions. It should provide for military defense of the nation. It should enforce contracts between individuals. It should protect citizens from crimes against themselves or their property. When government – in pursuit of good intentions tries to rearrange the economy, legislate morality, or help special interests, the cost come in inefficiency, lack of motivation, and loss of freedom. Government should be a referee, not an active player. Milton Friedman

 

Avec cette crise du Coronavirus, je redoute que l’État n’ait un pouvoir accru. Les guerres, en particulier la Deuxième Guerre mondiale, ont augmenté son poids d’une manière effrayante ; ainsi la part des dépenses publiques dans le PIB a crû de 20,1 % en 1938 à 40,9 % en 1947, puis à 51,8 % dix ans plus tard. On accusait la bourgeoisie et le capitalisme de ce désastre. Je ne cherche à défendre bec et ongle ni l’un ni l’autre mais c’est aller un peu vite en besogne que de vouloir limiter de la sorte l’explication ; elle ne satisfera que certains promoteurs d’idéologies ou des gogos.

Il faut étudier le programme du Conseil National de la Résistance (C.N.R.) du 15 mars 1944 qui trace la ligne à suivre. Nombre d’intellectuels soutiennent ce programme, d’autant plus qu’ils admirent l’U.R.S.S. Nationalisations, planification, l’État affirme son emprise. Suite à la Première Guerre mondiale, il y avait bien eu un mouvement se proposant de mettre fin à l’étatisme dans l’industrie (voir les élections législatives de 1919 avec la victoire du Bloc national) mais au cours de ce titanesque conflit, de cette guerre véritablement industrielle, l’État s’était mis partout avec ses administrations ; et dans l’après-guerre, aucun monopole d’État ne revint au secteur privé et l’interventionnisme s’affirma.

Cette crise du Coronavirus qualifiée bien à la légère de « guerre » par Emmanuel Macron me laisse supposer que l’État va chercher à s’imposer plus encore dans un pays qui souffre du trop-d’État, dans un pays où l’État est devenu un danger, un pays qui, ainsi que je le répète depuis des années, est « devenu otage de son État ». Benjamin Constant notait dans « Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri », au chapitre II : « Dans tous les temps la guerre sera, pour les gouvernements, un moyen d’accroître leur autorité », la guerre ou tout événement exceptionnel, comme cette pandémie, contre laquelle on lutte mais qui n’est pas une guerre, à moins qu’on ne se laisse aller à la théorie de la conspiration – les paresseux l’apprécient car elle flatte leur paresse en leur fournissant à bon compte une « explication ».

 

 

En revenir aux grands principes de l’École autrichienne (présentés par l’Institut Coppet) :

« Chaque être humain fait continuellement des choix. Ce faisant, il valorise : il préfère agir dans un certain sens plutôt que dans un autre, ou consommer un produit plutôt qu’un autre. La valeur associée à chaque action ou chaque objet de consommation est dans l’esprit des individus. Le prix des choses reflète les préférences des consommateurs. Il est un signal à suivre : les entrepreneurs qui suivent ce signal correctement font des profits, les autres des pertes. L’économie de marché tout entière est une démocratie économique où la souveraineté du consommateur joue un rôle central.

Dans une économie en constante évolution, l’entrepreneur est celui qui tâche de déceler les opportunités de profit. Il tire sa rémunération de son rôle de serviteur du consommateur et de l’écart temporel entre son investissement éventuel et les rentrées qu’il en tire.

L’État est incapable de suivre avec la même vigilance que les entrepreneurs les évolutions du goût des consommateurs. La concurrence est un mécanisme autorégulateur que l’étatisme, le socialisme, le keynésianisme et toutes les formes d’interventionnismes bousculent et paralysent. Le salaire minimum produit du chômage, le contrôle des loyers la pénurie et la cherté. En matière monétaire, la politique des banques centrales fausse le signal des prix et conduit à des mal-investissements qui sont à la base des cycles et des crises. Elle est à la source de l’inflation, qui est un impôt déguisé qui produit une injuste redistribution des richesses.

Une société prospère et pacifique a besoin de la liberté des marchés et de la non-ingérence de l’État. Elle doit être fondée sur la propriété privée, les règles de l’État de droit et le respect pour la liberté individuelle. »

 

Frédéric Bastiat, ses déclarations générales d’ordre philosophique, aussitôt suivies d’un exemple que l’auteur peut introduire de la manière suivante : « Prenons, selon notre procédé habituel, un exemple très simple ». Je vais en présenter un en paraphrasant Frédéric Bastiat. La nature élabore de l’eau bonne pour la santé (voir les sources d’eau minérale) et qui par ailleurs est propre à étancher la soif, ce qui fait son utilité. Cette eau s’élabore sans ma participation – je pourrais dire qu’elle est un don de Dieu. Mon œuvre propre, c’est l’effort que j’ai fait pour m’approvisionner en eau. Et question : par cet acte, de quoi suis-je devenu propriétaire ? Je suis devenu propriétaire, relativement à moi, de l’utilité que la nature a mise dans cette eau ; c’est pourquoi je suis allé la chercher. « Contester mon droit, ce serait dire que, bien que les hommes ne puissent vivre sans boire, ils n’ont pas le droit de boire l’eau qu’ils se sont procurée par leur travail ». Et Frédéric Bastiat décoche une flèche en direction des communistes et d’Étienne Cabet. Mais passons du relativement à moi au relativement aux autres qui, eux aussi, peuvent aller chercher de l’eau à la source. Relativement aux autres, « je ne suis et ne puis être propriétaire que de ce qu’on nomme, par métonymie, la valeur de l’eau, c’est-à-dire la valeur du service que je rendrai en la cédant ». Si j’ai le droit de boire cette eau, j’ai également le droit de la céder ; et l’autre ayant lui aussi le droit d’aller chercher de l’eau à la source, il peut également accepter la mienne. Ainsi puis-je la lui céder et peut-il l’accepter moyennant paiement librement débattu. Mais sur quelle base se fera l’arrangement ? La question est importante car elle permet d’apprécier toute la portée sociale du mot propriété qui blesse bien des oreilles sentimentalistes – dont celles d’Étienne Cabet. Le vendeur et l’acheteur vont commencer par prendre « en considération la peine que je me suis donnée et celle qui lui sera épargnée, ainsi que toutes les circonstances qui constituent sa valeur ». Si le marché se conclut raisonnablement, on peut dire que l’acheteur aura acquis aussi gratuitement que le vendeur toute l’utilité naturelle de cette eau. C’est l’effort que j’ai fait et non l’utilité intrinsèque qui détermine la rémunération de la transaction, une rémunération qui varie en fonction de mon effort. C’est en lui, et non en l’utilité intrinsèque, qu’est le principe de la valeur, de la propriété relative. « Il est donc certain que, relativement aux autres, je ne suis et ne puis être propriétaire que de mes efforts, de mes services ». Et si j’exige plus que la valeur de mon service, mon interlocuteur se le rendra à lui-même. Cette limite est infranchissable, et « elle explique et justifie pleinement la propriété, forcément réduite au droit bien naturel de demander un service pour un autre ». Cet exemple très simple pour montrer la ligne qui sépare le domaine commun (en l’occurrence l’eau de source) du domaine approprié (mon effort pour aller chercher cette eau). Cette ligne bien marquée dans une transaction simple, telle que celle qui vient d’être décrite, reste aussi marquée dans une transaction plus compliquée, dans les transactions les plus compliquées, aussi longtemps que la transaction reste libre, bien entendu. « Ce n’est pas assez de justifier la propriété, je voudrais la faire chérir même par les communistes les plus convaincus », et pour ce faire Frédéric Bastiat veut exposer son rôle démocratique, progressif et égalitaire, exposer qu’elle a pour mission d’agrandir sans cesse le rôle de la communauté.

Au-dessous de la propriété il y a donc un « vaste et incommensurable fonds commun » qui peut avoir des désignations différentes mais qui toutes désignent les mêmes choses. Ainsi chez Jean-Baptiste Say a-t-on richesse naturelle / richesse sociale, chez Pierre-Joseph Proudhon, biens naturels / biens acquis, etc. Mais lisez « Harmonies économiques » et ce chapitre VIII, « Propriété, communauté ». C’est rafraîchissant et on se repose de ce socialisme (le plus traîne-partout des mots, mot serpillière par excellence) qui épuise les sociétés, la française en particulier, de cet État poisseux dont on ne sait plus comment se nettoyer.

 

Jean-Baptiste Say (1767-1832)

 

A propos de la crise du Coronavirus, et je m’en tiens à la France. Les Français ont un rapport névrotique à l’État. Ils le veulent partout dès qu’ils se sentent menacés mais ne veulent pas payer plus d’impôts ou, tout au moins, n’en faire payer qu’aux riches. Mais qu’est-ce qu’un riche ? Il n’y a pas d’absolu en la matière, rien qu’une absolue relativité : je désignerais comme riche celui qui est plus riche que moi, et toi celui qui est plus riche que toi, et ainsi de suite. Lorsque François Hollande a voulu exempter des catégories de contribuables de l’impôt pour faire reposer le manque à gagner sur les catégories supérieures, savait-il qu’il accentuait la fracture du pays, qu’il ne la provoquait pas mais l’accentuait et sérieusement ? Car si l’on admet qu’il faut payer des impôts – ce qui peut être contesté –, il faut que tout le monde sans exception en paye, en proportion de ses moyens bien évidemment et pour diverses raisons, dont celle à laquelle je viens de faire allusion, une raison importante entre toutes. Bien sûr, il vaudrait mieux que personne n’en paye ; mais j’accepte pour l’heure de taire mon inclinaison vers un anarcho-capitalisme disons radical et ma sympathie pour Murray N. Rothbard qui prône l’effacement de l’État et qui juge que : « Taxation is theft, purely and simply even though it is theft on a grand and colossal scale which no acknowledged criminals could hope to match. It is a compulsory seizure of the property of the State’s inhabitants, or subjects. » Et je pourrais en revenir au cher Lysander Spooner qui écrit : «  If taxation without consent is robbery, the United States government has never had, has not now, and is never likely to have, a single honest dollar in its treasury. If taxation without consent is not robbery, then any band of robbers have only to declare themselves a government, and all their robberies are legalized. »

Tout de même, et admettons qu’il faille un minimum d’État, quel gouvernement aura le courage de remettre en question le périmètre de l’État et d’arrêter cette féerie fiscale ? Il faut un choc fiscal, des simplifications administratives et à tous les niveaux. L’action publique doit être élaguée comme on élague un arbre qui part dans tous les sens et qui devant notre fenêtre nous cache le soleil. Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) doit être un premier pas vers une simplification et un amaigrissement de l’État ; mais je crains qu’il ne s’agisse que d’une énième parlotte entre fonctionnaires ou d’un effort qui s’enlisera sans tarder. En France, l’État n’est pas au service du pays mais de lui-même, d’abord de lui-même.

Peut-on attendre d’un État, et plus particulièrement de l’État français, qu’il se réforme de lui-même pour aller vers (beaucoup) moins d’État ? Je ne le crois pas. Et une fois encore je redoute que cette crise du Coronavirus ne l’incite à se montrer toujours plus protecteur, toujours plus étouffant. Je crains que les dettes colossales qui s’accumulent et qu’expliquent au moins en partie son refus (son incapacité ?) à se mettre au régime, et sérieusement, ne le gonflent plus encore et qu’il ne se mette à cuisiner de nouveaux impôts. A quand cette politique de l’offre qui exige d’abord de réduire la dépense publique, de réduire la dette, plutôt que de pratiquer la relance par la dette, de remettre depuis une quarantaine d’années les économies à demain ? L’État doit passer à l’arrière-plan, se faire discret, se décentraliser, déléguer toujours plus aux collectivités, aux entreprises, et quelle que soit leur taille, aux citoyens, des citoyens enfin considérés comme des adultes et non plus comme des enfants.        

Olivier Ypsilantis

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