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En lisant « Les martyrocrates » de Gilles William Goldnadel – 2/2

 

Depuis plusieurs décennies, l’antisémitisme d’extrême-droite n’a fait aucune victime juive en France, rien à voir avec les attentats arabo-islamistes et palestiniens (ce constat ne sous-entend aucune sympathie pour l’extrême-droite), des attentats que l’on peine à reconnaître comme tels. On aimerait tant que ce soit l’extrême-droite et rien que l’extrême-droite afin de ne pas déranger le ronron mental qui a commencé dans les années 1970. Haro donc sur Jean-Marie Le Pen tandis que Tariq Ramadan est ménagé voire flatté – et parmi ses flatteurs, des Juifs dont Daniel Bensaïd de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). L’équation Le Pen = Pétain = Hitler opère d’avantage que le trop réel Islamiste = Antisémite, l’islamiste étant volontiers placé dans la catégorie des victimes.

Gilles William Goldnadel intitule non sans humour, un humour noir, le chapitre 3 du livre en question : « La course à la couronne d’épines », avec une compétition enragée entre les candidats au martyrat suprême. Plus de pudeur, plus de décence, on fait de la surenchère shoatique, ce qui est fortement recommandé pour espérer remporter la couronne… d’épines.

L’antisémitisme modernisé, essentiellement grâce à l’antisionisme venu de l’extrême-gauche et de l’islam, se plaît à reprocher aux Juifs d’exploiter à des fins diverses leurs souffrances, sinon imaginaires du moins exagérées. On en est venu à jalouser aux Juifs leurs souffrances, la Shoah ayant été par son ampleur et son organisation une entreprise unique dans l’histoire de l’homme pourtant truffée de violences radicales.

Voir les quatorze points définis par Umberto Eco, jugés constitutifs du totalitarisme de type réactionnaire ou religieux et nommés « Ur-fascisme » ou « fascisme des origines ».

Le discours démagogique se présente volontiers comme l’ami des pauvres et des exclus avec la martyrocratie islamiste et nazie en particulier, des pauvres et des exclus à qui on serine qu’ils sont principalement victimes des Juifs. Voir ce que dit Alexandre Del Valle à ce sujet.

Les travaux de Manfred Halpern (cités par William Montgomery Watt) qui mettent en lumière les rapports idéologiques et psychologiques entre l’islamisme et les idéologies fascisantes. Voir ce qu’il dit des Frères musulmans. Les discours de Durban, comme un écho à ceux de Nuremberg. Mais cette fois « le peuple supérieur » est l’Oumma…

Aux États-Unis, la martyrologie islamiste ne prend pas, contrairement à l’Europe où les attentats contre les Twin Towers ont provoqué une certaine euphorie – et pas seulement chez les Musulmans. Pourquoi ? Parce que l’islam est la religion des nouveaux damnés de la terre. Ainsi, la Ligue des droits de l’homme (héritière de la pensée républicaine et laïque) s’est reniée en prenant la défense du voile islamique à l’école publique en s’associant au MRAP (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples) lorsqu’il attaqua Oriana Fallaci, le MRAP qui ne s’était même pas  constitué partie civile suite à l’attentat islamiste dans la gare Saint-Michel/Notre-Dame le 25 juillet 1995.

La martyrologie islamiste a fait une alliance objective avec la nouvelle martyrologie européenne. A cette alliance s’ajoute, chez nous, en Europe, chez nos frêles intellectuels au verbe haut, la bonne vieille trouille : on caresse la bête dans le sens du poil en espérant la calmer, et peut-être même entrer dans ses bonnes grâces. Voir ces phénomènes psychiques décrits par Sándor Ferenczi, parmi lesquels le « plaisir de passivité » et l’« identification fantasmatique avec l’agresseur ».

Mais si le terrorisme international d’Al-Qaida bénéficie en Europe d’une sympathie plus ou moins affirmée, le Hamas et autres groupes terroristes palestiniens bénéficient quant à eux et dans ce même continent d’une franche sympathie, d’où l’extrême sévérité à l’égard des répliques de Tsahal. Le Palestinien est a priori la victime emblématique face à l’État juif, détesté car classé dans la catégorie État-nation occidental.

 

French lawyer Gilles-William Goldnadel poses at his office on February 10, 2015 in Paris. AFP PHOTO / JOEL SAGET (Photo by JoÎl SAGET / AFP)

 

L’antisémitisme qui migre comme un virus, doué de capacités d’adaptation hors du commun, n’a pourtant toujours pas accepté la mutation du stéréotype Juif-bourreau (déicide, etc.) en Juif-victime (la Shoah) ; c’est aussi pourquoi il s’affaire tant sur Israël – l’État juif – afin de le condamner à tout propos. L’antisémitisme s’est tranquillement fait antisionisme en s’employant notamment à magnifier la pauvreté et la souffrance des Arabes de Palestine et à leur décerner la couronne… d’épines. Le Palestinien s’est fait David et le Juif (l’Israélien) s’est fait Goliath. C’est aussi pourquoi l’affaire Mohammed al-Durah a connu un tel succès. Le mythe du Juif tueur d’enfants était mis au goût du jour…

La très riche iconographie chrétienne (notamment la Crucifixion) inspire bien des dessinateurs antisémites, pardon, antisionistes. Yasser Arafat est cloué sur une croix par les soins d’Ariel Sharon… On en vient à des inversions telles que : le vrai Juif = l’Arabe palestinien ; et à des équivalences telles que : sionisme = nazisme, Gaza = Auschwitz. Le Juif en tenue rayée est aimé tandis que le Juif en uniforme (de Tsahal) est honni. On pleure le Juif mort tandis que le Juif vivant irrite ou inquiète lorsqu’il n’est pas haï.

 

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Gilles William Goldnadel évoque l’évolution du MRAP, « peut-être le cas pratique idéal de la dérive progressiste d’associations brandissant fièrement le noble étendard de la lutte antiraciste ». Le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix est fondé par le P.C.F. alors que le stalinisme est à son zénith. Il s’agit de profiter des compétences et de l’énergie des Juifs antifascistes et antinazis. La guerre des Six Jours (encore elle) et le comportement de l’U.R.S.S. finissent par refroidir l’enthousiasme des Juifs qui s’accrochent encore à ce mouvement, un mouvement qui change de désignation pour Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. Exit donc l’antisémitisme, ce qui simplifie l’affaire, tout en fondant un programme plus trendy. Les Juifs militants quittent le mouvement et sont pour la plupart remplacés par des immigrés maghrébins. A partir des années 1970, le MRAP « symbolise emblématiquement la démarche martyrocrate à des fins délibérément politiques ». Son action : faire innocenter des délinquants (des délinquants choisis, immigrés ou arabes de préférence) déclarés victimes d’une police et d’une justice racistes, forcément racistes… ; instrumentaliser « l’antifascisme » afin de s’attirer nombre de sympathies, notamment chez les Arabo-musulmans ; et, police de la pensée, débusquer le racisme et le fascisme… Avec la seconde Intifada, le MRAP passe à la vitesse supérieure. Il commence par minimiser les violences anti-juives et se retrouve au cours de manifestations en compagnie de mouvements ouvertement antisémites. En 2003 (je rappelle que ce livre a été publié en 2004 et qu’il reste d’actualité), le MRAP, radicalement laïc, milite en faveur de la tolérance du voile islamique à l’école publique au nom de la lutte contre l’islamophobie… Il soutient Tarik Ramadan, un antisémite de première qui passe son temps à répertorier les Juifs. Et la presse hexagonale embouche ses trompettes et bat ses tambours afin de célébrer les belles « assoces antiracistes ».

De « Nous sommes tous des Juifs allemands ! » (1968) à « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ! » (SOS-Racisme 1988). Même démarche d’une mémoire fantasmée. Apparaît la petite main jaune ; vous vous en souvenez ? Jaune comme l’étoile… Le porteur de cette petite main se met en valeur : il défend ostensiblement la Veuve et l’Orphelin ou, plutôt, l’Innocent immigré soumis, ou en passe d’être soumis, à l’arbitraire de l’État et ses fonctionnaires (potentiellement) criminels,  aux beaufs fachos, aux franchouillards, aux Dupont Lajoie et j’en passe… Confortable posture en ces années 1970-198o et au-delà même. Le franchouillard gît dans son sang et le Touche-pas-à-mon-pote, fusil en main, pose fièrement devant son immonde dépouille…

On est passé insensiblement du beauf facho au beauf néo-conformiste. « Il n’est plus xénophobe, il est xénophile. Mais c’est bien la même chose ». Son discours est calqué sur le martyrocratisme, ce nouveau conformisme. C’est le beauf branché contre le beauf facho. Parmi les beaufs branchés, José Bové et son pote Daniel Mermet. Ces deux potes se rendirent en compagnie d’autres potes quelques jours après l’attentat-suicide contre une discothèque de Tel-Aviv (1er juin 2001), en Palestine puis en Israël. Assisté par Michel Warschawski, antisioniste bruyant et chantre d’un État binational, Daniel Mermet « et en conformité avec le discours quotidien qu’il tenait sur France Inter, tandis que les synagogues de France étaient attaquées, sélectionnait les discours des auditeurs qui reprochaient, entre autres, aux Juifs (pas aux Israéliens et aux sionistes) d’exploiter depuis cinquante ans leurs souffrances ou encore de commettre à dose homéopathique contre les Arabes ce qu’ils ont subi des nazis… »

La LICRA et Avocats sans frontières (présidé par Gilles William Goldnadel) saisirent le tribunal de Paris. Une pétition mensongère intitulée « A-t-on le droit de critiquer Sharon ? » se mit à circuler, relayée sur les ondes (du service public) et par une bonne partie de la presse. Daniel Mermet avait réussi à faire croire, avec bien des appuis, qu’il n’avait fait que s’opposer au très controversé Ariel Sharon, alors Premier ministre. Et le mensonge colporté était devenu vérité officielle dans un système médiatique verrouillé, notamment par l’AFP. Ce n’est qu’en décembre 2003, après d’autres attentats antisémites et des discours délirants de Daniel Bensaïd de la LCR, tenus en présence de Tarik Ramadan, que France Inter se décida à tancer Daniel Mermet.

Olivier Ypsilantis

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