Dans une revue espagnole, un titre me retient : « La ‟brujas” que acosaron a Hitler » (« Les ‟sorcières” qui harcelèrent Hitler ») avec en première page une femme souriante en tenue de pilote, Mariya Dolina. Il est également question dans cet article de Marina Raskova, autre as de l’aviation militaire soviétique. L’histoire de ces femmes d’un peu plus de vingt ans et qui se firent une spécialité du bombardement nocturne, au point d’être surnommées par les Allemands « les sorcières de la nuit » (die Nachthexen), est stupéfiante. Leur courage, leur témérité, leur endurance et leur adresse laissent coi. Le livre que Lyuba Vinogradova consacre à ces femmes vient d’être publié en espagnol sous le titre « Las Brujas de la Noche » (Editorial Pasado & Presente). Pour mener à bien sa recherche, Lyuba Vinogradova commença à se documenter au printemps 2009. Claude Quétel l’encouragea. Il souhaitait qu’un historien écrivit un livre sur Lilya Litvyak. Lyuba Vinogradova se mit au travail mais comprit sans tarder qu’elle devait adjoindre à cette pilote d’exception d’autres femmes pilotes, ses camarades de combat, membres des trois régiments aériens formés par Marina Raskova. Ci-joint, un lien sur Lilya Litvyak :
http://www.stalingrad.net/russian-hq/lilya-litvyak/ruslitvyak.html
Lilya Litvyak (Лидия Владимировна Литвяк – 1921-1943), une jeune femme juive, as de la chasse soviétique.
Le socialisme anglais est spécifiquement anglais ; il n’en a pas moins subi de nombreuses influences. Dès ses débuts, en Angleterre, le mot « socialiste » semble synonyme de « coopération » — en opposition à « concurrence ». L’histoire du socialisme anglais est étroitement liée à celle du mouvement coopératif, avec idéaux moraux et/ou philanthropiques. Les socialistes anglais dénoncent le principe de libre concurrence à partir d’un point de vue moral : ce principe dresse les hommes les uns contre les autres. On retrouve chez les socialistes anglais des athées mais aussi beaucoup d’anglicans animés d’un esprit messianique. Ainsi, contrairement à la France, « socialisme » n’est pas nécessairement synonyme de « laïcité », voire de « bouffeur de curés ». Il suffit d’avoir écouté des socialistes (travaillistes) s’exprimer à Hyde Park Corner, par exemple, pour prendre la mesure de la différence entre le socialisme français et le socialisme anglais. L’influence marxiste sur le socialisme anglais est relativement tardive et plutôt limitée. Voir Henry M. Hydman, fondateur de la Social Democratic Federation. William Morris vient au socialisme par des considérations esthétiques et morales plus que politiques. Il est l’apôtre d’une renaissance de l’artisanat et c’est au service de cette cause qu’il met ses idéaux politiques. Lire son roman utopique « News from Nowhere » (paru en 1890) par lequel il rénove une tradition initiée par Thomas More dans « Utopia » (paru en 1516).
1884, fondation de The Fabian Society (voir Quintus Fabius Maximus Verrucosus dit Cunctator). Ci-joint, un lien à caractère historique relatif à ce qui est aujourd’hui le plus ancien think tank politique de Grande-Bretagne :
https://fabians.org.uk/about-us/our-history/
La majorité de ses membres se situent alors dans la ligne de John Stuart Mill. Ils ne jugent pas le capitalisme comme a priori néfaste et ils s’intéressent au problème foncier plutôt qu’à la théorie de la plus-value, ce qui n’est guère étonnant considérant la structure de la propriété foncière en Angleterre (étudier ses spécificités). Me procurer « Fabian Essays in Socialism » édités par George Bernard Shaw (et publiés en 1889) où est exposée pour la première fois la théorie politique de cette société. La marque de l’évolutionnisme y est patente et à tous les niveaux. Ainsi l’établissement de la société socialiste est-il jugé inéluctable. L’influence de Karl Marx sur la doctrine de The Fabian Society est affirmée ; elle s’en sépare néanmoins sur un très grand nombre de points. Elle ne nie pas le concept de lutte des classes, contrairement à ce que l’on a prétendu, mais elle n’en donne pas une définition aussi précise et arrêtée (voir détails). Il est au moins un point sur lequel elle se sépare franchement de Karl Marx : si pour ce dernier l’édification du socialisme passe nécessairement par la lutte des classes, les membres de cette société envisagent d’autres moyens. Un certain nombre d’entre eux considèrent que sur cette question l’action est inutile puisque l’histoire et sa vitesse acquise se chargeront d’accomplir les réformes qui conduisent au socialisme, un mouvement qui selon Sidney Webb est si fort qu’aucune volonté individuelle ne pourra s’y opposer. Étudier l’opposition (fondamentale) entre l’interprétation évolutionniste de l’histoire à laquelle souscrit The Fabian Society et l’interprétation révolutionnaire de Karl Marx. L’histoire est assimilée à l’évolution naturelle ce qui permet aux membres de The Fabian Society de souscrire à l’adage selon lequel la nature ne fait pas de saut : le passage au socialisme se fera donc en douceur. Sidney Webb éprouve toutefois quelques réticences à s’en remettre de la sorte à l’interprétation évolutionniste. Aussi admet-il que si le passage au socialisme se fera naturellement dans un pays démocratique comme l’Angleterre, il n’en ira pas de même dans un pays comme la Russie où les institutions démocratiques sont inexistantes. Dans ce dernier cas, le socialisme ne pourra s’établir que par la révolution.
A l’occasion du 500ème anniversaire de la naissance de Santa Teresa de Jesús (1515-2015), parution d’un ouvrage considéré comme plutôt novateur par la critique puisqu’il ne s’agit pas d’une biographie de la sainte (il n’est pas aisé d’y apporter des éléments nouveaux) mais d’une analyse de la religiosité espagnole à l’époque de Santa Teresa. Rappelons qu’elle naît seulement quelques années avant que Luther ne lance la Réforme et qu’elle meurt en 1582, alors que tout accord entre l’Église de Rome et le réformateur Luther s’avère impossible. Me procurer donc « Teresa de Jesús. La construcción de la santidad femenina » de Rosa María Alabrús et Ricardo García Cárcel (Ediciones Cátedra, Madrid, 2015), une étude qui décrit l’itinéraire de nombreuses religieuses de l’époque de Santa Teresa et qui s’efforce de rendre sensible l’écart entre la vie de ces dernières et la manière dont elles en rendent compte dans leurs écrits — car les religieuses écrivaient alors beaucoup, à commencer par Santa Teresa qui outre son immense œuvre de fondatrice et d’organisatrice a laissé une imposante somme d’écrits qui comptent parmi les plus beaux de la littérature castillane. Afin l’amplifier notre angle de vision, Rosa María Alabrús et Ricardo García Cárcel récapitulent les biographies relatives à ces religieuses contemporaines de Santa Teresa et l’image que les époques s’en sont faites. Bref, avec Santa Teresa comme point de référence, cette étude place le lecteur devant un vaste panorama où sont analysés des points d’histoire, comme la Réforme, l’érasmisme, les illuminés (alumbrados), etc. La critique rend hommage à ce travail, à son sens de l’équilibre, sa discrétion, sa prudence et sa pudeur, autant de qualités qui permettent de respecter la complexité d’une époque, d’une personnalité elle aussi complexe et de la vision changeante que les siècles en ont eue.
Santa Teresa de Jesús, une huile sur toile de François Gérard, 1827 (détail).
Me procurer « Paracuellos – Una verdad incómoda » de Julius Ruiz (Editorial Espasa, Madrid, 2015). Des historiens soucieux d’épargner les Républicains pour mieux faire peser tout le poids des crimes du côté des Nationalistes se sont efforcés de minimiser le nombre des victimes de Paracuellos de Jarama et ont établi leur nombre à un millier. Parmi les historiens qui ont appuyé cette tendance, Hugh Thomas et Gabriel Jackson. Des journalistes et des historiens de droite des débuts de La Transición ont doublé ce nombre. Depuis 1983 le nombre de deux mille cinq cents victimes avancé par Ian Gibson n’a pas été remis en question, à commencer par Julius Ruiz, le meilleur spécialiste de la répression menée dans les deux camps au cours de la Guerre Civile espagnole, ainsi que par le régime franquiste après sa victoire. Des historiens ont tenté d’attribuer ce massacre à des éléments incontrôlés, une affirmation qui ne résiste pas à l’étude des faits. Ce massacre commencé à partir du 7 novembre 1936 et mené sur presqu’un mois exigea un soutien logistique et une organisation qui ne pouvaient être le fait « d’éléments incontrôlés ». En tant que personnage clé de La Transición, le communiste Santiago Carrillo (alors membre de la Junta de Defensa de Madrid) n’a jamais été inquiété pour sa participation à l’organisation de ce massacre. Pourtant, à sa mort en 2012, sa version des faits était fortement discréditée bien qu’elle ait reçu le soutien de Paul Preston, pour ne citer que lui.
Olivier Ypsilantis