L’opposition à tout engagement est grande au Portugal. Le Partido Democrático est bien le seul à insister sur l’importance de la présence de troupes portugaises sur le front européen. La déclaration de guerre de l’Allemagne (le 9 mars 1916) accélère la mobilisation. Un corps d’armée est progressivement constitué jusqu’à engager cinquante mille hommes, avec une réserve plus ou moins équivalente. Cette mobilisation conduite sous l’impulsion du Gouvernement portugais, avec à sa tête Afonso Costa et José Norton de Matos, va se heurter à bien des difficultés structurelles, en effectifs, en armement, en équipement et, plus encore, en cadres. La mobilisation de cette grande unité qu’est le C.E.P. est d’autant plus difficile qu’il faut par ailleurs mobiliser des unités pour le Mozambique.
L’organisation du C.E.P., et en accord avec la convention luso-britannique, s’articule de la sorte : quartier général ; trois brigades d’infanterie (dix-huit bataillons) ; quatre groupes de mitrailleuses (soixante-quatre mitrailleuses) ; quatre groupes de trois batteries à tir tendu (douze batteries) ; trois groupes de deux batteries à tir courbe (six batteries) ; quatre compagnies de sapeurs-mineurs ; un groupe de deux escadrons de cavalerie ; les services d’intendance et les réserves.
Cette première mobilisation totalise 1.551 officiers et 38.034 sergents et soldats ; elle atteindra plus de 50.000 hommes avec la constitution de la 2e division afin de compléter le C.E.P. Le C.E.P. est transporté à Brest par bateaux, entre janvier et septembre 1917, puis par trains vers le front. Parvenues en France, les troupes portugaises sont restructurées. Les soldats poursuivent leur instruction et de petites unités sont intégrées à des unités anglaises en première ligne avant qu’un secteur ne soit attribué au C.E.P., dans les Flandres, devant Lille, entre Armentières et Béthune, un secteur plutôt calme et peu menacé selon le commandement britannique.
9 avril 1918, bataille de La Lys
Fin septembre 1917, les derniers effectifs portugais arrivent en France. La 2e division du C.E.P. est constituée et le corps d’armée prend forme sur le modèle du British Expeditionary Force (B.E.F.), avec un nouvel ordre de bataille, avec un quartier général, deux divisions de trois brigades chacune, chaque brigade étant constituée de quatre bataillons d’infanterie. Les unités d’appui sont également réorganisées, en particulier l’artillerie, avec six groupes de batteries, soit une par brigade. Le Corpo de Artilharia Pesada, en cours de formation, est affecté à des unités britanniques, sans lien opérationnel avec le commandement du C.E.P.
A partir d’avril 1917, le C.E.P. est progressivement positionné sur le front. Le 5 novembre 1917, sa mise en place est terminée et il a la responsabilité d’un secteur sous le commandement de la 1ère armée britannique. Son secteur : les Flandres françaises, terrain plat, quadrilatère irrégulier avec une ligne de front de près de douze kilomètres de tranchées. Avant que le C.E.P. n’assume le plein contrôle de son secteur, le nombre de Portugais morts au combat, entre avril et octobre 1917, est de 352 morts. Les premiers combats engageant des unités portugaises ont lieu en 1917 : dans la nuit du 26 au 27 juillet, le 14 et 23 août, le 10 et 22 novembre.
Il y eut un fusillé portugais, le soldat João Augusto Ferreira de Almeida, le 16 septembre 1917, accusé d’avoir voulu passer à l’ennemi avec des cartes indiquant les positions portugaises. On a évoqué de ce soldat en 2017, année du centenaire de sa condamnation à mort et de son exécution.
Début décembre 1917, Sidónio Pais prend le pouvoir et instaure la República Nova, un acte politique suscité par le comportement des responsables du pays qui n’ont pas encouragé une quelconque relève des effectifs mobilisés, tant soldats qu’officiers, et malgré les demandes réitérées des cadres du C.E.P., une situation qui durera jusqu’à la fin de la guerre, même après la bataille de La Lys, le 9 avril 1918, avec des pertes considérables puis la dispersion des survivants dans des unités britanniques. Après l’Armistice du 11 novembre, il sera difficile de faire valoir les droits du Portugal comme puissance belligérante, d’autant plus que dès la fin de la guerre les Britanniques voudront faire rembarquer sans tarder ce qu’il reste du C.E.P. L’effort du Portugal finira toutefois par être reconnu et les troupes portugaises participeront au 14 juillet 1919, à Paris.
Sidónio Pais (1872-1918)
Arrivé au pouvoir, Sidónio Pais reconsidère la position du C.E.P. en regard des forces britanniques. Il n’engagera pas plus d’une division sur le front, une division qui par ailleurs sera intégrée au British Expeditionary Force (B.E.F.), avec une division à l’arrière, à l’instruction. Le général Fernando Tamagnini de Abreu e Silva s’efforce d’appuyer ce changement mais en vain, toutes les forces étant engagées, ce qui ne laisse guère la possibilité aux Britanniques de se substituer aux Portugais. En octobre 1917, les derniers éléments du C.E.P. arrivent en France. Mais à partir de cette date, la nécessaire rotation des troupes portugaises venues du Portugal ne va pas se faire. La marine anglaise donne la priorité au transport des troupes américaines. Les quelques navires portugais susceptibles de pouvoir assurer le trajet entre le Portugal et la France sont mobilisés pour le Mozambique. L’Espagne est neutre et, de ce fait, n’autorise pas le passage de troupes portugaises sur son territoire. L’absence d’envoi de troupes de relève influe grandement sur le moral des troupes portugaises qui vont se considérer comme abandonnées par leurs gouvernements démocratiques et plus encore par le gouvernement sidonista (de Sidónio Pais).
Le moral des troupes portugaises, déjà très bas, s’effondre début 1918 : manque d’officiers, instruction déficiente, armement et équipement de mauvaise qualité, appui faible comparé à celui qui est prêté aux unités de même importance. Par manque de relève, les soldats n’ont presque pas de permission. Ils sont loin de leurs terres et nombreux sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils se battent. Il est vrai que les gouvernements portugais successifs se désintéressent plutôt d’eux, y compris les gouvernements qui poussent à l’engagement de leur pays. Le C.E.P. sert d’instrument politique, jamais il ne sera vraiment envisagé comme une unité combattante. Lorsqu’il perd toute signification politique, avec l’arrivée de Sidónio Pais au pouvoir, il ne représente plus grand-chose aux yeux des autorités politiques portugaises.
Les soldats portugais ne sont donc quasiment pas relevés et le moral est au plus bas début 1918, alors que l’activité s’intensifie peu à peu et continuellement devant le secteur qu’ils occupent. En mars 1918, ils sont engagés dans de nombreux combats, le 2, 7, 9, 12 et 18. L’inquiétude gagne soldats et officiers portugais qui pressentent une attaque massive ; mais le commandement britannique est convaincu que l’attaque principale n’aura pas lieu dans ce secteur. Aussi ne réagit-il que tardivement, à partir du 6 avril. Le 8 avril, inquiets des préparatifs allemands, les soldats portugais sont accablés. Leur état physique est par ailleurs déplorable. L’ordre est alors donné de remplacer la 2e division du C.E.P. par une division britannique. Le mouvement est prévu pour le lendemain 9 avril ; et c’est le 9 avril, à quatre heures du matin, que les Allemands vont déclencher l’attaque, méthodique et massive, dans le but de rompre le front en concentrant des forces considérables sur un étroit secteur. Le 9 avril 1918 reste l’un des jours les plus tristes pour la mémoire portugaise.
Monumento aos Mortos da Grande Guerra (1931), sculpteur : Maximiano Alves ; architecte : Guilherme Rebello de Andrade.
Les Portugais résistent mais sans coordination, l’artillerie allemande a tout bouleversé. Au bout de six heures de combat, toute résistance cesse le long des premières lignes et à la fin de la journée tout le secteur portugais est aux mains des Allemands qui le consolident. A La Couture, une petite unité anglo-portugaise résiste jusqu’au lendemain. Je passe sur les détails des opérations au cours de cette journée. De nombreux comptes-rendus ont été mis en ligne, en portugais bien sûr mais aussi dans d’autres langues, sur la bataille de La Lys connue comme a Batalha Portuguesa.
Pour le Portugal la Grande Guerre est aussi une guerre coloniale et se passe en Afrique, au Mozambique plus précisément. Après la déclaration de guerre de l’Allemagne au Portugal (9 mars 1916, rappelons-le), Álvaro de Casto dresse un plan d’action : occupation de Quionga, coopération avec les troupes britanniques et conquête d’une zone au Sud de l’Afrique orientale allemande afin de donner plus de poids à la participation portugaise aux côtés des Alliés. L’occupation de Quionga, à l’extrême Nord-Est du Mozambique, est effective début avril 1916 et la souveraineté portugaise reconnue par les Alliés. Les Portugais organisent des incursions de l’autre côté du Rovuma puis abandonnent car elles sont trop coûteuses en hommes.
Mi-1916, une troisième expédition est organisée vers le Mozambique, la plus importantes de toutes, avec 4.600 hommes sous les ordres du général José César Ferreira Gil qui débarquent au Nord du pays. Les Portugais parviennent à prendre pied de l’autre côté du Rovuma, en territoire allemand donc, et s’emparent de Nevala. Mais avant la fin de l’année une contre-offensive allemande les oblige à repasser sur la rive Sud. Entretemps, une vaste offensive anglo-belge au Nord et à l’Ouest de l’Afrique orientale allemande a pour effet de pousser les Allemands vers le Sud où se tiennent les Portugais, le long de la rive Sud du Rovuma. Le 25 novembre 1917, les troupes allemandes déclenchent une offensive en territoire portugais afin de fuir la pression anglo-belge, de placer leurs forces en réserve pour des actions à venir et de s’emparer d’armes et de munitions. La poussé allemande au Mozambique se poursuit jusqu’à la fin septembre 1918 et atteint les abords de Quelimane. L’objectif principal de Paul von Lettow-Vorbeck, commandant les forces allemandes, est de fixer le maximum de troupes ennemies dans la région afin d’empêcher leur déploiement sur d’autres fronts, notamment en Europe. Le 28 septembre 1918, les troupes allemandes repassent la frontière et se regroupent en Afrique orientale allemande.
Avec la guerre, il apparaît vite que la marine de guerre portugaise ne peut répondre aux nombreuses urgences qui se posent : défense des ports et des côtes du Portugal continental, défense des îles (à commencer par Madeira, Açores et Cabo Verde) et communication avec l’Empire. Le transport du C.E.P. dépasse les possibilités de cette marine. Le Portugal a cependant deux atouts qui vont lui permettre de négocier avec ses alliés, l’Angleterre et la France : les navires allemands qu’il retient et sa position stratégique face à l’océan Atlantique. Ainsi va-t-il céder 80 % des navires saisis à l’Angleterre et lui offrir toutes les facilités liées à sa position stratégique. En échange, l’Angleterre s’engage à l’aider à défendre ses ports et les îles en question, à communiquer avec l’Empire, avec appui financier suite à son engagement en France et appui logistique et opérationnel auprès du C.E.P. La France peut utiliser les ports du pays et s’engage à fournir le matériel nécessaire à la défense des embouchures du Tejo et du Douro.
Après la déclaration de guerre, le Portugal s’emploie à réaménager et armer toutes ses embarcations civiles auxquelles s’ajoutent sa (faible) marine de guerre et 20 % des navires allemands retenus dans ses ports qui eux aussi sont réaménagés et armés. C’est avec des moyens improvisés que la marine portugaise doit défendre ses côtes, en particulier Lisbonne, Leixões, et l’Algarve, avec l’appui éventuel de la France et de l’Angleterre. Début 1917, et suite à la déclaration de guerre de l’Allemagne au Portugal, des hydravions pour la défense des côtes portugaises sont déployés avec principalement l’aide de la France. La défense de Madeira, des Açores et de Cabo Verde est une préoccupation pour le Portugal qui peut bénéficier de l’aide de l’Angleterre et des États-Unis qui s’installent aux Açores à partir de 1917 avec l’accord de l’Angleterre.
Après La Lys, les survivants portugais sont répartis dans des unités anglaises et généralement employés comme travailleurs, le plus souvent à la construction de tranchées. Le général Fernando Tamagnini de Abreu e Silva et son successeur le général Tomás António Garcia Rosado s’efforcent en collaboration avec les gouvernements anglais et portugais de redonner un peu de dignité à ces soldats. Ainsi, quelques unités, bataillons ou compagnies, sans oublier des unités d’artillerie et autres unités d’appui moins touchées à La Lys, sont-ils intégrés à la 5e armée britannique que commande la général australien William Birdwood. Cette volonté d’extraire les survivants du C.E.P. de leur condition vient de certains de ses commandants et en aucun cas du Gouvernement portugais qui, comme nous l’avons dit, se désintéresse de ces hommes, ce qui explique en partie que ces derniers ne comprennent pas vraiment – pour ne pas dire, vraiment pas – ce qu’ils viennent faire dans la gadoue des tranchées.
Une parenthèse. L’entrée en guerre du Portugal est une garantie pour ce petit pays face aux visées annexionnistes de certains secteurs politiques du grand voisin, l’Espagne, son ennemi historique. Parmi ces annexionnistes le roi Alfonso XIII, surtout depuis l’avènement de la République en 1910. Cette entrée en guerre éloigne donc le danger espagnol contre le Portugal continental et insulaire mais aussi contre son Empire et la jeune République. Il y aurait un article à écrire à ce sujet, avec le complexe jeu diplomatique, au début de la Grande Guerre (avant l’engagement portugais), jeu qui s’est joué à trois : le Portugal, l’Angleterre et l’Espagne.
Le Portugal participe à la Conférence de Paix et de plein droit. Le pays est représenté par Egas Moniz à partir de novembre 1918 ainsi que par Afonso Costa à partir de mars 1919. L’essentiel des objectifs définis par sa diplomatie sont satisfaits soit : indemnisation des préjudices moraux et matériels dont a souffert le pays, en particulier dans ses colonies d’Afrique suite aux incursions allemandes et aux soulèvements indigènes suscités par les Allemands ; indemnisation des destructions causées par les bombardements de Funchal (Madeira) et des Açores ; indemnisation de la valeur des navires et de leur chargement coulés par les sous-marins allemands ; indemnisation des biens portugais en territoires ennemis, endommagés ou détruits ; indemnisation des dépenses faites par le Portugal suite au conflit en Europe et dans ses colonies d’Afrique. Ces exigences sont satisfaites, l’intégralité de l’Empire est préservée, la contribution politique et militaire du Portugal est reconnue, le Portugal devient membre de la S.D.N. (il est vrai que l’entrée de l’Espagne à l’exécutif est un coup dur pour la diplomatie portugaise), une flotte marchande portugaise est constituée à partir de navires allemands, et l’Allemagne verse indemnités et réparations.
Olivier Ypsilantis
Très intéressant et bien documenté. De fait on se demande ce que ces pauvres piou-pious portugais sont allés faire dans cette galère, qui ne correspondait à aucun intérêt national pour leur pays. Cela ne peut s’expliquer que par des mots d’ordre maçonniques, et en effet la franc-maçonnerie était au pouvoir à l’époque au Portugal, ce pays ayant été victime en 1910 d’un putsch “républicain” violent.
Il fallait bien que le Portugal participe à la grande guerre, car la grande guerre dans son ensemble était une vaste opération maçonnique, ayant pour objectifs:
1. de liquider l’empire des tsars, coupable d’être le seul grand état européen à ne pas s’être complètement soumis à une certaine finance, qui avait pourtant obtenu ce qu’elle voulait dans le reste de l’Europe depuis 1815, qu’il s’agisse de la France des Bourbons soi-disant “restaurés”, des mêmes Bourbons à Naples, des Habsbourg de Vienne (malgré la clairvoyance de Metternich, mais son ami Gentz, un homme brillant et vénal était acheté), et bien évidemment de l’Angleterre, mais ça, ça va de soi ;
2. de liquider l’empire des Habsbourg, coupable d’être catholique, malgré le fait que les Habsbourg étaient en ne peut plus bienveillants envers …. ;
3. de se débarrasser également des Hohenzollern, même si cette dynastie avait des liens avec la franc-maçonnerie depuis longtemps, mais elle gênait quand-même par son côté autoritaire et traditionnel. Et de toute façon il s’agissait de républicaniser l’Europe, donc la maison de Prusse devait sauter, elle aussi, malgré les grands services qu’elle avait rendus contre l’Autriche. Tant pis pour les junker.
4. Ne devaient se maintenir des principales maisons royales des grands pays sérieux, que celle d’Angleterre qui était le cerveau du monstre et jouait pleinement le jeu, surtout avec l’affreuxe Edouard VII, et, pour un temps seulement, celle de Savoie qui régnait en Italie, car le piccolo re Victor-Emmauel III, maçon lui-même, avait fait ce que voulaient les loges en signant le très scélérat traité de Londres en 1915. A part ça les mini trônes scandinaves, néerlandais et belges, directement liés à la puissance britannique, pourraient encore subsister, ainsi que les Karageorgevich eux-aussi très impliqués, et activement, dans la franc-maçonnerie, et auxquels seraient confiée la mission d’unifier toute la Yougoslavie dasn un état unitaire d’inspiration française Grand Orient et d’esprit jacobin.
5. Il fallait aussi se débarrasser de la Porte, qui s’était refusée à céder gracieusement la Palestine à …, et qui de toute façon, devait disparaître avec l’idée dépassée de Califat. L’héritage territorial turc sera relevé par Mustafa Kemal, maçon issu d’une famille de Dönmehs, qui parvint à établir une dictature éclairée, mais non sans mal et au prix d’une lutte intestine au sein des loges, car m’est avis que dans le plan initial c’était le le Grec Vénizélos qui aurait du retirer les marrons du feu, lui aussi, bien entendu, un super maçon.
Dans ce contexte évidemment, il est bien clair que la bande de crapules maçonniques au pouvoir à Lisbonne ne pouvait pas faire autrement que d’envoyer leur gentils petits soldats se faire trouer la peau en pure perte, dans une guerre qui ne les concernait pas.
Leur sacrifice inutile était inévitable du moment que le grand maître de la franc maçonnerie portugaise Sebastião Magalhães de Lima devait dire le 13 mai 1917 à la conférence maçonnique de Lisbonne: “La victoire des alliés doit être le triomphe des principes maçonniques”.
Après la guerre cette bande de nullités corrompues qui avaient assassiné le roi du Portugal, ont montré ce dont elle était capable, et surtout incapable. Ils ont mis l’état en coupe réglée et vidé les caisses de l’état, dans une gabegie totale, au point que dix ans plus tard l’armée a été obligée de faire un coup d’état pour rétablir un minimum d’ordre. Puis un jeune professeur d’économie sévère et intégre sera en mesure de rassembler dans sa main tous les pouvoirs, tant la nécessité se faisait sentir d’une discipline financière de fer pour sortir de la banqueroute. Ce sera Antonio de Oliveira Salazar, ancien séminariste, fils d’un modeste métayer, gèrant de domaines. Salazar sera un anti Pombal, qui rendra une certaine dignité au gouvernement portugais et redressera les finances.
Il se maintiendra au pouvoir pendant 36 ans, rétablissant le crédit du pays, accumulant des réserves d’or énormes, conservant l’empire, restant neutre pendant la deuxième guerre. Il était appuyé par l’Eglise et l’armée, tout en ayant un discret modus vivendi avec les loges, qui pourtant essayeront de se débarrasser de lui àplusieurs reprises. Elles finirent par se résigner à attendre patiemment sa mort pour prendre leur revanche, quand elles prirent note du triste sort qui fût celui du lieutenant-colonel d’aviation Delgado qui avait tenté de le défier. Salazar commit des erreurs aussi. Il ne sut pas faire bénéficier les petites gens d’un peu de la richesse du pays. Et surtout il ne sut pas organiser sa succession, contrairement à Franco.
Son successeur Marcello Caetano était un esprit chimérique et pas du tout un homme d’état. Les grandes puissances se débarrasseront du Portugal comme puissance coloniale, grâce à un ridicule général à monocle qui était un vrai fasciste et avait combattu avec la Wehrmacht sur le front de l’Est. Une révolution colorée ayant l’oeillet pour emblème fût organisée. Des capitaines devienrent des généraux parce qu’ils savaient coudre, et dégoiser des discours marxistes absurdes. Finalemement, Henry Kissinger et Cyrus Vance ayant eu le dessus sur Boris Ponomarev, ce furent de nouveau les frères trois points qui tirènt les marrons du feu avec l’inénarrable Mario Soarès, grand maître du Grand Orient du Portugal qui vendra l’Afrique portugaise pour son enrichissement personnel. Le Portugal entrera dans l’Union Eruopéenne, sera gouvernée par des concussionaires notoires qui se mettront dans la poche les fonds structurels et aujourd’hui le Portugal est plus pauvre que du temps de Salazar, mais il a le mariage gay.
Merci de nous avoir informé au sujet de cette intervention honteuse du Portugal dans la grande guerre, un épisode peu connu à mettre dans la même catégorie désastreuse que l’intervention de la France en Libye, sous Sarkozy.
Une fois encore, vous accumulez des références en regard d’un présupposé : les francs-maçons (et les Juifs) sont responsables de (presque) tout ce qui arrive. Votre « démonstration » est prédéterminée par une croyance que vous avez et que je ne partage en rien, même si nous pouvons être d’accord sur des points d’histoire parfaitement vérifiables : je suis suis en rien un partisan de Salazar mais il est vrai que dans un premier temps (avant l’Estado Novo) il a sérieusement redressé l’économie de son pays ; le régime républicain a eu son lot de corrompus (parmi lesquels un gros morceau, José Sócrates, Premier ministre de 2005 à 2011), etc., etc. Mais une fois encore vos conclusions n’appartiennent qu’à vous et vouloir expliquer l’engagement du Portugal dans la Grande Guerre par « le complot maçonnique » me semble relever d’une simplification idéologique qui fait fi de bien des complexités historiques.
Disons qu’à mon avis c’est un élément déterminant. Mais ce n’est pas le seul. Et justement, ce qui est très intéressant dans votre article c’est que vous détaillez avec finesse toute une série d’autres facteurs, comme les rivalités entre des intérêts protectionnistes et libre échangistes, le jeu des rivalités entre puissances coloniales, etc., qui ont aussi joué.
Cependant ces éléments divers sont primés par la dépendance du Portugal de cette époque aux loges, c’est à dire à l’Angleterre et ses intérêts. Comme dans la révolution française, l’influence maçonnique et anglaise se confondent plus ou moins. Le duc d’Orléans Philippe Egalité, soutenu par l’Angleterre, n’était-il pas aussi grand maître du Grand Orient?
Dans la première guerre mondiale ce facteur est essentiel. Sans l’obstruction totale des francs maçons Ribot et Sonino une paix séparée aurait pu être conclue dès 1916 entre la France et l’Autriche grâce aux princes Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, frères de l’impératrice Zita. Cette paix aurait épargné d’inombrables vies. Si ces dirigeants ont délibérément sacrifié toutes ces vies c’est en leur qualité de maçons, car un accord avec ces deux princes, en plus de la maison de Bourbon-Parme ce qui aggravait leur cas, permettant à l’empire austro-hongrois de survivre à la guerre, une telle chose aurait été diamétralement opposée aux objectifs très clairs des loges dans ce conflit.
Je ne sais pas si vous êtes initié vous-même, mais je constate que votre présentation des évènements portugais de cette époque indique que vous êtes du côté républicain. Vos commentaires sur la guerre d’Espagne indiquent la même chose. Donc, des crimes comme l’assasinat du roi du Portugal Charles I, vous ne les approuvez peut-être pas, ni les crimes des républicains espagnols, mais vous les considérerez comme des bavures regrettables dans un projet émancipateur républicain que fondamentalement vous approuvez.
De fait dans notre dialogue sur divers sujets, je constate que vous n’êtes pas d’une parfaite bonne foi. Vous avez clairement un parti pris. Vous savez très bien ce qu’il y a de vrai dans ce que je vous dis, même si je force parfois le trait, simplifie et caricature, mais ces vérités du point de vue de votre engagement et de vos appartenances, ne sont pas bonnes à dire. Vous refusez donc de les admettre par principe.
Je continuerai à vous lire attentivement. Vos vues sont extrêmement révélatrices, non pas tant par les faits eux-mêmes que vous rapportez, et pourtant on en apprend beaucoup en vous lisant, mais surtout parce que vous dévoilez beaucoup de liens que je suis capable de décoder, entre certains évènements dans diverses parties du monde bien éloignées géographiquement allant du Portugal à l’Allemagne, en passant par la Turquie, l’Iran et jusqu’à la Chine, avec toujours un fil conducteur qui est un certain marranisme ou judaïsme souterrain. Vous êtes comme ces produits que l’on emploie pour colorer l’eau des sources souterraines et savoir par où elles passent.
Ces soldats portugais tombés en France pendant la grande guerre ne sont pas tombés pour un intérêt national portugais. Ils sont tombés pour un intérêt maçonnico-britannique qui s’imposait aux dirigeants portugais de l’époque. Vous pensez que c’est acceptable. Je pense que c’est criminel. Mais je ne suis pas vous.
Vous allez vite en besogne. Mon antipathie radicale pour Franco ne signifie pas que ses ennemis me soient a priori sympathiques – et je fais usage de l’euphémisme. Mon rejet du communisme est radical. Mais je n’hésite pas à exprimer une certaine sympathie pour ce que fut l’anarchisme ibérique, une idéologie malheureusement corrompue par plus d’un gredin. Mon rejet de Franco est radical, mais j’ai une sympathie personnelle pour José Antonio Primo de Rivera et son père, Miguel. Je ne suis pas Phalangiste pour autant. Donc, n’allez pas trop vite en besogne. J’ai beaucoup parcouru l’Espagne et parlé avec de nombreuses personnes qui ont été des témoins de cette guerre, des gens souvent modestes ; et croyez-moi, les quelques belles certitudes que j’ai pu avoir ont volé en éclats depuis longtemps. Mes sympathies, discrètes, se portent sur des hommes « de gauche » mais aussi « de droite » qui surent imaginer un mieux pour leur pays.
Oubliez la franc-maçonnerie. Le traité anglo-portugais est le plus vieux du mode (1373), bien antérieur à l’apparition de la franc-maçonnerie (XVIIe siècle avec structuration au XVIIIe siècle). Je ne puis accepter vos simplifications.
La franc-maçonnerie est à l’image de l’homme. On y trouve des obsédés du grade mais aussi des hommes avides d’apprendre, tout simplement. Le franc-maçon qui cherche à se créer un réseau d’influence n’est pas représentatif ; malheureusement le public ne voit que lui. Et puis c’est vaste la franc-maçonnerie. Entre le Grand Orient de France, sorte de rame de métro aux heures de pointe où s’entasse le socialisme français (déprimant), et la G.L.N.F. il y a un monde.
Vous écrivez : « Vous êtes comme ces produits que l’on emploie pour colorer l’eau des sources souterraines et savoir par où elles passent ». C’est très beau. Je ne cacherai jamais mon immense attirance pour le judaïsme et mon sionisme – qui n’a rien à voir avec celui du christianisme évangélique.
Très intéressant, et sincère. Je ne m’étais donc pas trompé. Votre adhésion aux idéaux maçonniques (que vous prenez soin de différencier en vous distançant de certains courants comme le Grand Orient) peut expliquer votre identification incroyable avec Israël, dans la mesure ou Serge de Beketch disait que la franc-maçonnerie travaille à fabriquer des Juifs synthétiques. Personnellement je suis très peu sensible à cet univers où cohabitent sous le toit de la même “grande maison éclairée” des grands humanistes cultivés comme vous et les pires tendances d’extrême gauche nihilistes. Salvador de Madariaga et Fred Zeller.
Je préfère le trône et l’autel.
Une fois encore, vous tirez des conclusions hâtives. Que j’évoque la franc-maçonnerie ne signifie pas nécessairement que j’en sois membre. La G.L.N.F. est a priori plus proche de ma sensibilité car elle est théiste (et non déiste). Les nihilistes n’y ont pas leur place.
Vous évoquez les nihilistes. Je pourrais en revenir à Ernst Jünger qui dans les milliers de pages de son « Journal » ne cesse de les dénoncer. C’est aussi pourquoi l’écrivain Céline le dégoûtait : il avait flairé en lui le nihiliste.
Vous dites préférer être entre le trône et autel. Pourquoi pas ? Et si je vous disais que je suis royaliste – partisan d’une monarchie constitutionnelle, à l’anglaise par exemple ?
Avec ou sans tablier… quelle importance? Votre vision est une théodicée judaïsante, c’est à dire le même idéal que celui de la grande maison éclairée.
La monarchie constitutionnelle à l’anglaise ce n’est ni le trône ni l’autel. Ma monarchie à moi n’est ni absolue ni constitutionnelle. C’est celle des Hohenstaufen. Après eux, tout est allé de mal en pis. Je pense qu’Ernst Jünger aurait été d’accord avec moi.
J’ai été invité, quand j’étais jeune, à Wilflingen, le château de la famille Stauffenberg. Juste à côté, dans la même cour, une jolie petite maison où habitait Jünger. Mais je ne le savais pas. Je ne l’ai su que plus tard. D’ailleurs, à cette époque je ne savais même pas qui était Ernst Jünger. J’ai donc manqué l’occasion de sonner à la porte, me présenter et connaître ce grand homme. Un des regrets de ma vie.
Nous avons tous des nostalgies, et elles sont infinies.
Quelqu’un m’avait demandé de l’accompagner à Wilflingen où je devais rencontrer Ernst Jünger. Mais ce rendez-vous fut ajourné. Ernst Jünger avait deux fils. Son fils Alexander, médecin, s’est suicidé juste avant ce rendez-vous, en 1993. Il était resté partiellement paralysé suite à une intervention chirurgicale. L’autre fils, Ernstel, avait été tué en 1945, d’une balle en pleine tête dans les carrières de marbre de Carrare. Il avait été renvoyé au front pour avoir critiqué Hitler au sein de son unité.