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Miscellanées – 7/9

 

Asghar Farhadi, un grand Iranien. Son dernier film, « Todos lo saben » avec Penélope Cruz et Javier Bardem. Thème : la famille, un thème clé dans son œuvre. Ce qui l’a incité à tourner en Espagne : un avis de recherche d’un enfant lu au cours d’un voyage dans le Sud du pays, une séquestration selon l’interprète qui l’accompagne. Ce fait divers se met à tourner dans sa tête et il finit par écrire une histoire de trente à quarante pages avec pour cadre l’Espagne. Il la soumet à Pedro Almodóvar en lui demandant si elle lui semble cadrer avec le pays. Pedro Almodóvar lui répond sans hésitation que s’il ne la porte pas à l’écran, c’est lui qui s’en chargera. L’élan est donné. L’interdiction de voyager faite à son ami, le cinéaste Jafar Panahi.

 

Asghar Farhadi (né en 1972)

 

Mon intérêt soutenu pour l’œuvre de Christian Boltanski. Sa parenté intellectuelle –spirituelle – avec Georges Perec, ainsi que je l’ai souligné. Son atelier de Malakoff où il travaille depuis une trentaine d’années. Son admiration pour Pina Bausch et Tadeusz Kantor.

 

La céramique campaniforme, très présente dans la Péninsule Ibérique mais aussi dans toute l’Europe et en Afrique du Nord, un phénomène de globalisation entre 2750 et 2500 av. J.-C. qui disparaît entre 2200 et 1800 av. J.-C. Il s’agit d’un phénomène de mode ; ce qui est exporté, c’est un modèle plus que les vases eux-mêmes. Lire l’article de Carles Lalueza Fox dans la revue Nature : “The Beaker phenomenon and the genomic transformation of northwest Europe”. Ci-joint, un lien Universitat Autònoma de Barcelona (U.A.B.) : « El ADN revela el impacto del “fenómeno campaniforme” en los europeos prehistóricos » :

https://www.uab.cat/web/sala-de-prensa/detalle-noticia/el-adn-revela-el-impacto-del-8220-fenomeno-campaniforme-8221-en-los-europeos-prehistoricos-1345667994339.html?noticiaid=1345747430417

Selon Carles Lalueza Fox, le campaniforme s’est répandu en Europe par voie commerciale plus que par mouvement migratoire – voir le « diffusionnisme ». Pourtant, dans sa phase finale, l’expansion du campaniforme (soit cette forme particulière de vase mais aussi d’autres éléments caractéristiques de cette culture) suggère un changement de population ; ainsi en Grande-Bretagne, avec un changement génétique à 90%. Un phénomène semblable aurait eu lieu dans la Péninsule Ibérique, mais à l’âge du bronze (postérieur à l’âge du cuivre). Les analyses au radiocarbone situent les pièces campaniformes les plus anciennes vers 2750 av. J.-C., dans une région qui est aujourd’hui le Portugal. Doit-on en déduire que ce style est né dans la Péninsule Ibérique pour s’étendre vers l’Est de l’Europe ? De nombreux spécialistes soutiennent cette thèse, d’autres considèrent que cette céramique a subi l’influence de la céramique cordée d’Europe du Nord (approximativement de 3000 à 2200 av. J.-C.). Pour Roberto Risch, professeur à la Universitat Autònoma de Barcelona, le troisième millénaire avant notre ère a été une période d’échanges intenses et s’il faut chercher dans la préhistoire un antécédent à ce que nous vivons, soit la globalisation, c’est bien dans cette période qu’il faut le chercher.

 

Entrevue dans El Mundo du 19 janvier 2019 avec Juan Velarde, président d’honneur de la Academia de Ciencias Morales y Políticas. Il insiste sur le rôle de l’Église dans la modernisation de l’économie. Ainsi évoque-t-il l’École de Fribourg, très liée à l’Église catholique et qui en plein nazisme condamna les partis pris économiques du régime. En Espagne, l’influence de Heinrich von Stackelberg a été cruciale. L’avertissement que lança Franco Modigliani à l’Espagne il y a quelques décades au sujet des retraites (pensiones) et de l’évolution démographique. L’espérance de vie en Espagne est l’une des plus élevées au monde et la natalité y est faible, un problème central aujourd’hui car le financement des retraites pèse très lourd, près de 150 000 millions d’euros. En dix ans cette somme a augmenté de plus de 55% et elle est appelée à augmenter sensiblement au cours de la décennie à venir avec les baby boomer qui vont partir à la retraite.

 

Les Comunidades Autónomas (CCAA) 

 

Juan Velarde dénonce les Comunidades Autónomas (CCAA), responsables selon lui (et comment lui donner tort ?) de la baisse du PIB national, avec ces différences administratives marquées qui portent préjudice à l’activité économique, rompen el mercado ainsi qu’il le répète au cours de cette entrevue. L’unification de la fiscalité (sistema tributario) des CCAA est une urgence afin de réparer le marché national. Juan Velarde ne milite pas pour la disparition des CCAA aussi longtemps qu’elles ne portent pas préjudice à la richesse nationale, au PIB. L’uniformisation des systèmes sociaux baisserait leur coût et permettrait une meilleure maîtrise de la dépense publique. Les langues secondaires (comme le catalan ou le basque) ne doivent pas pousser de côté la langue nationale, le castellano en l’occurrence, « un capital social homogéneo ».  Voir le premier volume de « Économie et Société » (Wirtschaft und Gesellschaft) de Max Weber qu’il cite avec insistance. A propos des revendications linguistiques (voir notamment le catalan), il déclare : « La historieta de los idiomas también fragmenta el mercado ». Juan Velarde a participé au Congreso de la Falange en 1953 avant d’abandonner le nacional sindicalismo et passer à la social-démocratie.

 

Me renseigner sur les travaux du sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos, auteur de plus d’une quarantaine d’essais. Ce sociologue fait remarquer que l’impérialisme américain s’est concentré en Irak au cours de la première décennie du XXIe siècle, délaissant l’Amérique latine jusqu’à ce qu’il constate que la Chine y prenait une place grandissante. Et ce fut le coup d’État au Honduras en 2009. Je ne sais si la relation établie en l’occurrence par Boaventura de Sousa Santos est pertinente ; je ne la saisis pas et enquêterai. La lutte est planétaire entre les États-Unis et la Chine ; mais ces deux rivaux sont aussi deux associés ; si l’un tombe, gare à l’autre ! Afin de mieux s’opposer à la Chine (toujours selon ce sociologue portugais), une Europe désunie convient mieux aux États-Unis (à ce sujet, il faudrait aussi évoquer la Russie), d’où la volonté de Donald Trump d’en finir avec le Traité de libre-échange transatlantique. Et cet intellectuel portugais fait entrer le Brexit dans les manœuvres américaines. Il me semble aller un peu vite en besogne, car si le Brexit arrange d’une manière ou d’une autre les États-Unis (à détailler), il me semble d’abord préférable d’étudier le Royaume-Uni de l’intérieur, politiquement et socialement, et oublier pour un temps les « manœuvres » américaines qui ne sauraient tout expliquer. Que n’aura-t-on mis sur le dos de Donald Trump, à commencer par de supposées relations avec la Russie lors de sa campagne électorale de 2016 ! Pourtant, dans Le Figaro du 25 mars 2019, on peut lire : « FOCUS – Le procureur spécial a conclu dans son rapport à une absence de collusion entre l’équipe de campagne du président américain et la Russie en 2016. Ces conclusions ouvrent pour Donald Trump l’acte II de sa présidence autant que sa campagne pour l’élection présidentielle de 2020. Les démocrates, mais aussi beaucoup de commentateurs politiques sont sonnés, outre-Atlantique », résume Jean-Eric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université Panthéon-Assas. Même si certaines questions restent sans réponse, le rapport sur l’enquête russe du procureur spécial Robert Mueller est sans appel. Il n’y a pas eu de collusion entre l’équipe de campagne du président américain et la Russie en 2016. Le monde est plus complexe que ne veulent le (faire) croire nombre d’analystes – qui n’ont d’analystes que le nom et ne sont que des propagandistes, de ceux qui promeuvent explicitement ou implicitement, ingénument ou hypocritement, l’explication unique, l’explication simple et efficace. Je ne place pas cet intellectuel portugais dans la catégorie des propagandistes, et d’abord parce que je n’ai lu aucun de ses essais et ne l’ai rencontré que par quelques articles de presse. Je ne puis par ailleurs cacher ma joie face aux déconvenues des « analystes » qui ne font que prendre leurs désirs pour des réalités.

 

Boaventura de Sousa Santos (né en 1940)

 

La Chine devrait être la première économie mondiale en 2030. Nous vivons une période entre deux globalisations – et, à ce propos, je repense à « L’État universel » d’Ernst Jünger, à la pertinence de ce court essai écrit en pleine Guerre froide, au début des années 1960. Son analyse reste globalement pertinente par les axes qu’elle désigne et malgré l’effondrement de l’Empire soviétique.

Depuis 1870, chaque globalisation est dominée – entraînée – par une innovation technologique, de la machine à vapeur à Internet. La Chine et les États-Unis sont en première position, avec les nouvelles technologies.

 

25 mars 2019. Lu un certain nombre d’articles dans des quotidiens espagnols : El Mundo, El País, ABC. Avec un peu de recul (j’ai quitté l’Espagne il y a trois ans), je note combien je me sens plus proche par la tête autant que par les nerfs – le tempérament – de journaux comme El Mundo (centre-droite) ou ABC (monarchiste) que de El País (centre-gauche). J’éprouve ces deux premiers comme plus rigoureux, moins bavards, moins désireux de plaire et de ratisser large (la démagogie en action). A ce propos, me revient une analyse de Gabriel Marcel intitulée « Qu’est-ce qu’un homme de droite ? », des considérations recueillies et publiées en 1962 :

http://www.gabriel-marcel.com/articles&textes/homme_droite.php

On peut notamment y lire (et j’en vois déjà certains sourire d’un air entendu, leur conformisme se trouvant blessé) : « Ce qui distingue fondamentalement l’homme de gauche de l’homme de droite serait sans doute la manière très différente de concevoir “la personne humaine”. Il est certain que l’idée de la personne comme unité arithmétique me fait horreur. En ce sens, je n’hésiterai pas à dire que le suffrage universel est un mal : mais je pense également qu’il serait chimérique, absurde, dangereux de vouloir revenir sur ce principe. En tant qu’homme de droite, c’est-à-dire soucieux d’une certaine qualité humaine à préserver, disons, d’une certaine élite ou d’une certaine aristocratie à constituer ou à créer, ma préoccupation sera de trouver autant que possible des mécanismes compensateurs à ce mal qu’est le suffrage universel, où l’égalitarisme est général.

Cette aristocratie – et une fois de plus, je me sens très proche de Daniel Halévy – est à créer, à susciter. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur celles du passé, et la ploutocratie est le contraire même de l’aristocratie. Quant aux technocrates, je crois que c’est une illusion de penser qu’ils pourraient former une aristocratie. Il n’est certes pas question de mettre en cause l’évolution accélérée des techniques, ce qui serait absurde. Quand je vois des gens du monde qui font du gandhisme, ça m’exaspère. Mais je dirais la même chose que pour le suffrage universel ; il s’agit de trouver, non pas des mécanismes, mais des puissances spirituelles qui exercent une compensation. »

L’anti-démagogie de ce texte (qui peut être envisagé comme un manifeste) heurtera bien des lecteurs bercés par la démagogie, une démagogie qui agit comme un anesthésiant, portée par les médias de masse. Le « fascisme » (terme générique qui ne désigne plus rien par manque de précision et usage inconsidéré) n’est pas vraiment là où nous dit qu’il est mais plutôt dans une direction opposée. L’exigence de l’homme de droite tel que le définit Gabriel Marcel ne peut qu’agacer le démagogue, cet individu qui encombre l’espace (notamment médiatique) et qui sans le savoir, par paresse, est l’instrument docile des pires catastrophes.

Olivier Ypsilantis

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