Il n’est pas facile d’être sioniste si on veut avoir la paix. Le sioniste est sans trêve sommé de s’expliquer alors que l’antisioniste peut somnoler dans sa chaise-longue ; personne ne viendra troubler son repos. Être antisioniste semble aller de soi. La masse est grosso modo diversement antisioniste, passivement ou activement. La masse…
L’acceptation du plan de partage adopté le 29 novembre 1947 par l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 181) aurait signifié la création de deux États ; mais les pays arabes le rejetèrent et lancèrent leurs armées sur l’État d’Israël. Les Arabes ne devraient méditer ce point d’histoire, les Arabes mais aussi les antisionistes.
Le nouvel antisémitisme est assez bien représenté par ce dessin. On ne mitraille plus les Juifs devant des fosses, on ne les asphyxie plus dans des chambres à gaz, mais on distille sans trêve des sous-entendus au sujet d’Israël en espérant en finir avec l’État juif et gommer ce pays de la carte. Parmi les nombreux acteurs de ce nouvel antisémitisme, on remarquera diverses populations, et pas seulement des Arabo-musulmans.
Ne pas oublier le rôle des Nazis puis des Soviétiques dans la propagande de détestation de l’État d’Israël, une propagande qui n’en finit pas d’être relayée par des courants divers et variés, une propagande qui se nourrit d’elle-même, automatiquement, sans jamais se pencher sur sa généalogie, et pour cause, l’histoire ne l’intéresse pas ; il est vrai que la Propagande n’est pas historienne et qu’elle refait l’histoire lorsqu’elle ne l’ignore pas.
L’un des points forts de cette propagande : sionisme = racisme. Le discours antisioniste est devenu le noyau dur de toute une propagande, celle des Défenseurs du Bien. L’antisionisme est le point de passage obligé et le passeport pour tous ceux qui veulent combattre les Forces du Mal. Leur discours est d’autant plus efficace qu’il est connecté à l’antique discours qui fait des Juifs des Alliés du Diable, voire le Diable en personne.
Il est vrai que l’antisionisme ne correspond pas nécessairement et exactement à l’antisémitisme. Si nous faisons appel à la théorie des ensembles, soit A = antisémitisme et B = antisionisme, nous ne pouvons systématiquement dire que B est inclus dans A, autrement dit que tous les éléments de B sont des éléments de A. Par contre, nous pouvons constater qu’il y a intersection entre l’ensemble A et l’ensemble B, soit A ∩ B, une aire plus ou moins importante suivant les cas considérés. A l’occasion (pas si rare), A ∩ B peut occuper une aire supérieure à A et B réunis.
En France, l’antisémitisme dans ses formes radicales et violentes est devenu exclusivement le fait de l’islamisme. Mais ne faut pas oublier pour autant un autre antisémitisme (volontiers masqué en antisionisme ou, tout au moins, en dénonciations diverses et variées d’Israël), plus soft, moins bruyant (parfois même quelque peu honteux de lui-même), d’où, une fois encore, l’intérêt pour les Palestiniens avec lesquels on « compatit » parce que ce sont des Juifs qui les « oppriment », ce qu’on se garde bien sûr de déclarer. Cet antisémitisme s’exprime aujourd’hui généralement en privé, derrière des portes bien fermées ou bien à l’aide de circonlocutions, d’euphémismes, de sous-entendus et j’en passe, sans oublier à présent les centaines de milliers de pseudonymes sur les sites et les blogs. Pourtant, et pour dire les choses sans ambages, Y’a pas à tortiller (du cul pour chier droit). Messieurs et Mesdames les anti…, apprenez à chier droit, vous vous porterez mieux.
On évoque volontiers un « nouvel antisémitisme », essentiellement islamiste, étant entendu que les principales poches du « vieil antisémitisme » sont à chercher dans des groupes voire des groupuscules d’extrême-droite. On a montré que ce « nouvel antisémitisme » surfait sur un islamo-gauchisme très tolérant avec certaines communautés et systématiquement hostile aux Juifs (à moins qu’ils ne professent un antisioniste aussi radical que possible) et à Israël. Le constat est juste ; il ne faut pourtant pas oublier qu’il existe des convergences discrètes entre l’islamisme radical et l’extrême-droite, et pas seulement sur la question de l’antisémitisme/antisionisme. A ce propos, je me permets de citer longuement cette analyse de Sébastien Laye (publiée sur le site CAUSEUR.fr le 3 mars 2019 : « Ancien et nouvel antisémitisme, les liaisons dangereuses », sous-titré : « Le nouvel antisémitisme n’est pas qu’un islamo-gauchisme » : « D’aucuns ont parlé, métaphoriquement, d’un « nouvel antisémitisme » qui serait la convergence entre la pensée de Soral et celle de Dieudonné. Or, cette convergence existe déjà : quelqu’un comme Camel Bechikh, par exemple, ancien membre de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), militant associatif musulman très engagé dans l’Intifada, proche par exemple des Frères musulmans, a pu prôner un patriotisme musulman, créer Fils de France, être reçu par FN Banlieues, soutenir les Le Pen : si on retrouve des traces d’antisémitisme dans ces milieux, c’est aussi une forme de nationalisme plus traditionnel qui les rapproche. Grand ami de Soral, Camel Bechikh prône un islam patriote à fort ancrage local. Par ailleurs, si le grand public est conscient du poids du salafisme dans les milieux extrémistes djihadistes français, le rôle des Frères musulmans est, lui, loin d’être connu. Or ces milieux-là ont opéré parfois une convergence avec l’extrême droite française : les deux antisémitismes peuvent donc se nourrir l’un l’autre, sur fond d’islam orthodoxe non relié aux grands pays musulmans, nationaliste et extrêmement rigoriste. Ces mouvements n’ont aucun problème conceptuel à se rapprocher de l’extrême droite française. Camel Bechikh ne partage pas seulement une certaine aversion d’Israël avec une partie de la droite radicale. C’est un musulman conservateur, à ce titre assez proche des valeurs patriotiques et traditionnelles de la droite. On a noté par exemple un début de convergence catho-islamo-conservateur qui s’est esquissé pendant la Manif pour Tous avec le rapprochement Béatrice Bourges / Farida Belghoul : cela ne saurait s’expliquer uniquement par l’antisémitisme que d’aucuns peuvent partager. C’est avant tout une convergence d’intérêts et de valeurs, comme on en voit souvent en politique. »
Ainsi que je l’ai dit et répété sur un blog, les antisionistes non-juifs aiment se planquer derrière les antisionistes juifs comme derrière un paravent pour se laver de tout soupçon d’antisémitisme, car l’antisionisme est bien une forme d’antisémitisme, ce qui ne signifie pas que la critique d’Israël (plus exactement de tel ou tel gouvernement) relève de l’antisémitisme ; ce serait stupide et d’abord parce que les Juifs d’Israël (et de la diaspora) sont les premiers à critiquer ce pays et vivement pour ne pas dire durement. On connaît le bon mot : « Deux Juifs, trois synagogues ; trois Juives, six recettes de couscous » ou quelque chose dans le genre. Et c’est bien ainsi. C’est parfois un peu fatigant mais on s’aiguise par frottement.
Des individus au regard oblique défendent l’antisionisme au nom de la liberté d’expression. Avec eux, un certain « humanisme » s’est dévoyé et le mot « liberté » sonne faux dans leur bouche et sous leur plume. Le grand trafic sur les mots se poursuit en douceur. Staline et ses disciples s’y sont livrés avec une fureur inédite. Relisez « La fausse parole » d’Armand Robin. Et le trafic se poursuit donc et en douceur ; il n’en est pas moins terrible et lourd de conséquences. Tout un lexique vital est défiguré ; tant de mots demandent à être soignés et, à cet effet, chacun de nous est sollicité ; et ceux d’entre nous qui ne sentent pas leur appel muet seront à leur tour défigurés.
Je suis de plus en plus inquiet du comportement des médias de masse qui peinent tant à nommer l’ennemi réel au nom de la non-discrimination et autres prétextes, alors que la peur s’est installée dans les sphères du pouvoir. L’absence de fermeté ne pourra que conduire à des violences toujours augmentées. Les actes antisémites sont minimisés, à commencer par les actes criminels les plus atroces. Serions-nous enserrés à ce point dans nos propres peurs, par nos propres peurs ? Le Pouvoir et ses médias comprennent-ils que leurs constantes insinuations au sujet d’Israël activent le ressentiment arabo-musulman et des sentiments négatifs d’autres populations envers Israël et plus généralement envers les Juifs – hormis ceux qui critiquent Israël aussi bruyamment que possible. Certes, il y a des Juifs de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, rien à dire, autrement dit, il y a de tout partout. Mais n’oublions jamais que certaines critiques juives d’Israël, tant en Israël qu’en diaspora, donnent des idées à d’autres critiques, qu’un Juif antisioniste fait plus de mal que mille antisionistes non-juifs qui par ailleurs trouveront toujours à se planquer derrière les Juifs antisionistes lorsqu’ils se sentiront menacés par l’accusation d’antisémitisme. Bon, il est vrai que si tous les Juifs étaient indéfectiblement sionistes, le ressentiment général contre Israël ne serait probablement en rien atténué, qu’il serait peut-être plus vif encore. Allez savoir !
Nombre de nos « humanistes » se proclament antisionistes car, répètent-ils, le sionisme n’est bon ni pour les Palestiniens, ni pour les Juifs d’Israël et de la diaspora. Ah bon ! Suggère-t-on que le sionisme est responsable de l’antisémitisme ? Il faudrait revoir ses leçons d’histoire. Mais j’allais oublier, la connaissance historique ne sert pas les Défenseurs du Bien et leur Propagande ; il leur faut donc ignorer l’histoire ou, tout au moins, la refaire suivant une ligne directrice en commençant par en extirper tout ce qui la contrarie.
Les Juifs subissent l’antisémitisme à cause du sionisme, proclame-t-on sans honte ; autrement dit, ils sont responsables de l’antisémitisme. Les nazis (à commencer par Adolf Hitler dans « Mein Kampf ») n’ont cessé de marteler à la face du monde que les Juifs étaient responsables de tous leurs malheurs et qu’en conséquence ils n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ainsi même les nazis cherchèrent l’air de rien et d’une certaine manière à se dédouaner de leur antisémitisme meurtrier.
Au point où en sont les choses, posons la question : que feraient les Juifs si Israël n’existait pas ? Car Mesdames et Messieurs les Défenseurs du Bien, Mesdames et Messieurs les « humanistes », je ne suis pas juif mais votre regard oblique m’inquiète. J’aimerais vous croire mais… Vos bonnes intentions pavent un enfer promis. Vous m’avez compris, je me méfie de vous et de plus en plus. Les Juifs d’Europe (même si certains jouent votre jeu, espérant probablement être épargnés au cas où) se méfient aussi de vous et de plus en plus. Ils envisagent un possible repli en Israël où ils pourront vivre leur judéité (et éventuellement leur judaïsme) librement, dans un pays où la population est arabo-musulmane à environ 20 %, où des Palestiniens en Judée-Samarie et à Gaza ne rêvent que de tuer des Juifs, où du nord au sud des groupes terroristes s’activent pour réaliser ce rêve.
Olivier Ypsilantis