En Header, l’actrice Irène Papas dans « Antigone » de Michael Cacoyannis.
Mon premier guide lorsque je suis allé à Mycènes : « Mycenae – A Guide to its Ruins and its History » by George E. Mylonas, Director of Excavations. Fifth Edition, Athens 1976. On y montre notamment (en page 55) l’empiétement du tombeau à coupole dit « de Clytemnestre » sur la Grave Circle B (ou Deuxième Cercle royal de tombes).
L’un des plus charmants musées archéologiques de la province grecque, celui de Nauplie, installé dans une sévère construction datant de la deuxième occupation vénitienne (1686-1715), plus exactement de 1713, une caserne à l’origine puis un entrepôt de la marine. Parmi les objets les plus exceptionnels qui y sont présentés, une cuirasse en bronze provenant d’une tombe mycénienne de Dendra, avec casque en dents de sangliers. Cette cuirasse avec larges anneaux plus ou moins ajustés les uns aux autres devait donner à celui qui la portait une agilité et une élégance de tonneau. Je me souviens aussi d’une peinture plutôt naïve montrant l’assassinat de Ioannis Capodistrias devant l’église Saint-Spyridon, à Nauplie précisément, en 1831.
Dans mes lointains souvenirs du Musée archéologique d’Hérakion, nombre de pièces se montrent, à commencer par une cruche de style marin décorée d’argonautes (provenant du palais de Zakro). Dans ce cas, il s’agit non pas les héros partis avec Jason à la recherche de la Toison d’or mais de ces sortes de poulpes à coquille. Noter l’élégance de la coquille dont l’enroulement répond à celui de trois tentacules partis d’elle et qui la surmontent comme un cimier, faisant du tout un pur signe.
La gestuelle du peintre sur les vases minoens à motifs floraux, le bonheur du peintre et le bonheur qu’il me transmet. Si je ne devais retenir qu’une peinture au monde, ce serait « The Spring Fresco » découverte par le Prof. Sp. Marinatos à Santorin (ou Théra, Θήρα). Mais j’allais oublier quelques peintures de maîtres chinois ! Et à bien y regarder, cette fresque minoenne serait immédiatement compréhensible à ces maîtres, avec ces oiseaux idéogrammatiques et ces structures rocheuses qui évoquent celles qu’ils célèbrent.
Ma mère préférait le roman au gothique. De même, elle préférait la sculpture grecque archaïque à la sculpture grecque classique.
Mon plaisir toujours confirmé à détailler des photographies d’Athènes et à les comparer avec ce que j’ai connu. Par exemple, devant ce modeste cahier, « Encyclopédie par l’image – La Grèce », Librairie Hachette, 1935, avec l’une des premières images, la ville moderne de Navarin, construite par les soldats français du corps expéditionnaire (voir expédition de Morée) à la fin des années 1820. A Delphes, presque rien n’a changé. A l’arrière-plan de cette photographie qui montre le Trésor des Athéniens, aucune construction, et aujourd’hui encore. Il faut dire que le site de Delphes est probablement le plus surveillé de Grèce (à l’exception de l’Acropole d’Athènes), tant pour son histoire que son emplacement, un immense amphithéâtre naturel dont le théâtre implanté dans la partie supérieure a su admirablement tirer parti puisqu’il en est le prolongement. Mais ce sont les vues d’Athènes d’alors qui me retiennent le plus, avec ces espaces vides aujourd’hui massivement construits. Pourtant, des espaces alors densément construits ont été dégagés. Certes, ils occupent en comparaison une aire bien réduite, mais ils existent. Ainsi cette photographie en pleine page qui montre le temple de Thésée (une appellation fantaisiste, une fois encore), un temple dorique plus ancien que le Parthénon et dont l’état de conservation est exceptionnel. Les abords de ce temple étaient construits et habités, tout un quartier qui sera exproprié par l’American School of Classical Studies at Athens (fondé en 1881) et rasé pour permettre les fouilles d’un site particulièrement dense au pied de l’Acropole. Mais regardez ce qu’est ce centre d’études et de recherche, une visite guidée : « A Life at the Athenian Agora », en compagnie d’un homme exceptionnel, John Camp :
https://www.ascsa.edu.gr/excavations/athenian-agora
Une édition plus récente, « Encyclopédie par l’image – Histoire grecque », Librairie Hachette, 1952. J’y retrouve l’une des plus belles représentations d’Athéna (une reproduction à partir d’un original en bronze de Phidias, selon Pausanias) : Atenea Lemnia au Museo Cívico Arqueológico de Bolonia.
Atenea Lemnia au Museo Cívico Arqueológico de Bolonia
Il faut savoir qu’Athènes n’était qu’une bourgade au milieu des années 1830, et une bourgade pauvre pour ne pas dire misérable. Quelque trois cents habitations s’entassaient, sans le moindre urbanisme, sur le versant septentrional de l’Acropole, avec une population mêlée de Grecs et d’Albanais. L’Athènes moderne naîtra de la décision du roi Othon, autoritairement, et il le fallait. Athènes doit beaucoup à ce roi et à ses architectes.
Le rapport des Allemands à la Grèce antique, à commencer par Friedrich Nietzsche et Johann Joachim Winckelmann.
Cette sculpture exposée au Musée archéologique national (Athènes) n’a vraiment pas ma préférence mais elle m’a toujours fait sourire. Elle date d’environ 100 av. J.-C. et met en scène Aphrodite et Pan. Elle a été trouvée en 1904 à Delos. La déesse qui est nue lève l’une de ses sandales et menace Pan (aux pieds de bouc). On suppose qu’il l’a surprise se baignant. Au-dessus de l’épaule de la déesse volette un tout petit ange ; il semble repousser Pan d’une main posée sur l’une de ses cornes, mais il sourit et peut-être même rit-il. Le sourire chez les Grecs et la bamboche jusque chez les dieux.
Fascinante bataille d’Hydaspes (326 ap. J.-C.), la dernière bataille rangée livrée par Alexandre le Grand, cette fois contre le roi indien Porus. Ci-joint, l’un des meilleurs résumés de cette bataille au cours de laquelle les Grecs perdirent un millier d’hommes, les Indiens douze mille :
https://www.youtube.com/watch?v=dCHGWVe9lq4
En souvenir de Bucéphale, son cheval qui l’a accompagné depuis le début de ses conquêtes, peut-être mort de vieillesse, peut-être mort des suites de blessures, Alexandre fait construire une ville qui porte le nom de ce compagnon, une ville aujourd’hui située dans le Pendjab pakistanais. Philippe II avait refusé d’acheter un cheval trop sauvage, avant de se reprendre sur l’insistance de son fils. Alexandre avait remarqué que l’animal craignait sa propre ombre ; il parviendra à le dompter en le plaçant face au soleil. Le père y aurait vu un signe prophétique, à en croire Plutarque.
La dénomination de « Bataillon sacré » recouvre de nombreuses histoires à différentes époques. Je ne retiendrai que la dernière, celle qui vit le jour en 1942, en Égypte où résidait une très importante communauté grecque. Ce bataillon deviendra une unité d’élite au palmarès si considérable qu’on reste dubitatif, et pourtant… Le meilleur livre à ce sujet est probablement celui de Costa de Loverdo, « Le Bataillon sacré (1942-1945) », avec préface du général König (chez Stock, 1968). Ce livre a été conçu à partir d’une somme d’archives à ma connaissance jamais explorées, tout au moins aussi méthodiquement, mais aussi de témoignages de survivants, ce qui donne à l’ensemble une énergie épique qui s’ajoute à la rigueur. En bas de couverture, les grands blocs qui constituent cet ensemble sont annoncés : Le défi grec. Les commandos d’action lointaine. Au Sahara : l’avant-garde de Leclerc. La reconversion amphibie. Les pirates de l’Archipel. Ce livre rend compte des opérations (très peu connues pour certaines) de cette unité, comme la reconquête des îles du Dodécanèse, de ces commandos devenus « pirates de l’Archipel » avec coups-de-mains sur plusieurs îles de la mer Égée, notamment la destruction des canons de Navarone, rendue célèbre par le film de J. Lee Thompson, « The Guns of Navarone », inspiré du roman d’Alistair MacLean.
Ma grand-mère, charmante femme au teint mat et au nez joliment busqué, souriante et toujours prête à rire mais qui semblait traîner le poids d’un inexprimable exil. Elle ne fréquentait pas sa cuisine qui l’ennuyait et lorsque je lui rendais visite, elle commandait des plats chez un traiteur grec du quartier. Un jour, prise de court, elle me servit des feuilles de vigne farcies au riz venues d’une boîte de conserve. Les feuilles ne fondaient pas dans ma bouche, se collaient à mon palais, et j’eus de la difficulté à les recracher discrètement.
Avril 1941, le drapeau nazi est hissé sur l’Acropole d’Athènes.
L’immense souffrance grecque, une souffrance assez peu connue, pas assez connue. Une occupation allemande particulièrement meurtrière, avec des mouvements de résistance très actifs, suivie d’une guerre civile (1946-1949) non moins meurtrière et destructrice et peut-être même plus meurtrière et destructrice, une guerre civile bien moins connue que celle d’Espagne et qui mériterait pourtant de l’être au moins autant. Il est vrai qu’après les années 1939-1945, l’Europe était abrutie par les violences et les destructions et qu’un peu plus un peu moins… Au cours de cette guerre civile, le gouvernement d’Ernest Bevin, débordé par la violence et le chaos, fait appel aux États-Unis en février 1947. La Grèce est aussi le théâtre de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest d’un côté, mais aussi d’une rivalité latente en Méditerranée orientale et au Proche-Orient entre les États-Unis et le Royaume-Uni de l’autre.
A la charnière de l’Occupation et de la guerre civile, voici ce qu’il advint et qui explique au moins en partie la suite des événements. Le 12 octobre 1944, la capitale grecque se libère. Le 14 octobre suivant, une brigade anglaise sous les ordres du général Ronald Scobie arrive en Grèce, suivie quelques jours plus tard du gouvernement grec. Alors que le territoire national n’est pas encore libéré, ce général exige le désarmement de la Résistance grecque. Les ministres de l’E.A.M. (une organisation qui représente une large majorité du peuple grec et qui est considérée comme beaucoup plus qu’un simple mouvement de résistance) démissionnent tandis que l’E.L.A.S. refuse la dissolution et s’oppose aux troupes britanniques et royalistes qui ont débarqué en Grèce le 3 décembre 1945. Pendant plus d’un mois, on se bat dans Athènes. Les accords de Varkiza (12 février 1945) mettent temporairement fin aux violences. Ils prévoient la démocratisation de l’armée, des corps de sécurité publique, l’organisation d’élections et d’un plébiscite. La non-application de ces accords va réactiver les violences et déboucher sur une guerre civile.
Le 21 avril 1967, une junte de colonels prend le pouvoir au nom du roi – qui n’y était pour rien et dut s’incliner devant le fait accompli. Il est vrai que le gouvernement légal du pays avait été peu avant affaibli par la phase « parlementaire » du coup de force royal, une affaire embrouillée que je ne détaillerai pas ici. Ce coup de force s’était soldé par un échec mais – et j’insiste – il avait contribué à affaiblir le régime parlementaire, créant un climat favorable à un coup d’État militaire conduit par le roi et des généraux monarchistes, chose assez courante dans le pays. Pourtant rien de tel n’arriva et, avec l’appui de la C.I.A., une autre solution fut retenue. Le roi s’efforcera de rétablir la situation mais finira par quitter le pays.
Olivier Ypsilantis