Le monde envisagé comme theatrum mundi. L’œuvre d’art totale. Voir « El gran teatro del mundo » (1645) de Calderón de la Barca. Teatro del mundo, une métaphore qui passe dans tout le Baroque, soit une période qui va de la fin du XVIe siècle au XVIIIe siècle. Le Baroque, une tension entre être et paraître, ostentation et ascétisme, pouvoir et faiblesse. L’idéologie du Baroque et ses mises en scène : subjuguer d’abord, transmettre ensuite. Voir en particulier les coupoles et les voûtes peintes des églises et des palais, avec ces perspectives de vertige qui conduisent à la voûte céleste. Le Baroque, entre faste frénétique (tumultes peints ou sculptés) et pourrissement. Memento mori. Voir « Allégorie des vanités du monde » (1663) de Pieter Boel.
La façade de Santi Vincenzo e Anastasio, à Trevi. Les entablements décalés et comme prêts à s’emboîter pour former des lignes, des surfaces et des volumes continus. Jeux des concavités et des convexités, des droites et des courbes. Goût pour l’ellipse, ce cercle qui peut être envisagé dans les deux dimensions (cercle comprimé) mais aussi dans les trois dimensions (cercle mis en perspective).
La plus extraordinaire des coupoles, celle de la Cappella della Sacra Sindone de Guarino Guarini, un kaléidoscope.
La coupole de la Cappella della Sacra Sindone de Guarino Guarini.
Op art (on pourrait croire à du Vasarely) : le sol à l’intérieur de Santa Maria della Salute, à Venise.
Le Baroque en Espagne se concentre d’abord et presqu’exclusivement sur les édifices religieux, contrairement à ce qui se passe en Italie et en France. La seule création civile espagnole d’importance alors, la Plaza Mayor, une particularité qu’explique, en partie au moins, les principes spirituels de la Contre-Réforme, particulièrement marqués dans l’Espagne de cette époque.
La cathédrale de Valladolid de Juan de Herrera. Inspirée de El Escorial, elle servira de modèle à de nombreux édifices religieux dans toute l’Espagne. Mon émotion en la visitant, avec cette pureté austère, un régal pour l’œil et l’esprit.
La cathédrale de Santiago de Compostella, comme un vaisseau surgit des eaux après une longue immersion et couvert de concrétions marines.
L’intérieur du Monasterio de la Cartuja, à Granada, comme une pièce montée délicieusement meringuée.
Parmi les plus extravagantes extravagances du Baroque, « El Transparente » (1721-1732) de Narciso de Tomé, en la cathédrale de Toledo.
Le Baroque au Portugal, 1640-1750. C’est la découverte de mines d’or et de diamants à Minas Gerais, au Brésil, qui va faire du Portugal le pays le plus riche du monde, et du jour au lendemain. Mais le roi João V ne sut que faire de tant de richesses. Il se mit en tête de suivre l’exemple de Louis XIV ; mais le manque de tradition porta préjudice au projet. João V qui régna de 1707 à 1750 perdit l’occasion de développer l’infrastructure de son royaume. A sa mort, en 1750, il n’y avait plus assez d’argent dans les caisses de l’État pour lui offrir une sépulture digne de son rang. João V s’était également mis en tête de faire de Lisbonne un second Vatican. L’exemple le plus marquant de son ambition, le monastère de Mafra, non loin de Lisbonne, commencé en 1717, plus vaste que El Escorial et qui ne sera jamais habité. L’architecte chargé de superviser sa construction, l’Allemand Johann Friedrich Ludwig. Ce souverain nouveau riche qui a dilapidé d’immenses revenus a tout de même laissé au pays une magnifique construction et des plus utiles, l’aqueduc de Aguas Livres, construit entre 1729 et 1748 et destiné à approvisionner Lisbonne en eau.
A l’opposé du style manuélin, la arquitectura chã (plain architecture).
Une école autochtone d’architecture se développe loin de la Cour, au nord du Portugal, à partir de 1725. Son fondateur, Nicolau Nasoni (1691-1773) dont l’œuvre principale est l’église Dos Clérigos (commencée en 1732). Autre centre d’architecture baroque tardif, à Braga, avec André Soares (1720-1769). Le monument le plus intéressant de cette période, à Braga, Bom Jesus do Monte, avec son via crucis construit sous l’impulsion de l’archevêque D. Rodrigo de Moura Teles.
Grands changements dans la politique architecturale à Lisbonne, suite à la mort de João V et du tremblement de terre de 1755 (le 1er novembre). L’aversion pour les dépenses inutiles du monarque et la destruction presque totale de la capitale vont aider à promouvoir une politique en partie utopique sous l’impulsion du ministre d’État, le marquis de Pombal, promoteur d’une ville idéale, d’où l’appel à trois architectes militaires : Manuel da Maia, Carlos Mardel et Eugenio dos Santos, d’où plan en damier flanqué de deux places : le Terreiro do Paço et le Rossio. Les constructions doivent répondre à un module unique et fonctionnel, un concept très en avance sur l’époque. Cette vaste entreprise de modernisation n’empêche pas sous João I la persistance de la tradition. Voir en particulier le palais de Queluz et ses jardins de style rococo, dans les environs de Lisbonne.
Louis XIV, roi-acteur. Voir les œuvres de Henri Gissey qui le représentent en Apollon.
Henri Gissey, Louis XIV en Apollon.
Art baroque et architecture éphémère (écrire un article à ce sujet). Un art total qui s’adressait non seulement aux classes supérieures mais aussi à tout le peuple.
Ma préférence pour les constructions de plain-pied, comme le Grand Trianon de Jules Hardouin-Mansart. Ainsi supprime-t-on les escaliers, de l’espace perdu qui par ailleurs contrarie la rigueur et la simplicité.
L’architecture baroque en Angleterre et l’heureuse influence d’Andrea Palladio sur Inigo Jones, un picture maker. La période baroque en Angleterre, soit trois temps : 1. Le palladianisme (deux premiers tiers du XVIIIe siècle) avec Inigo Jones. 2. Christopher Wren qui s’impose après le Great Fire de 1666. 3. Le néo-palladianisme sous l’impulsion de Lord Burlington, une période qui prend fin avec le Romantisme et le Gothic Revival.
Une bonne part de l’architecture anglaise (ses nombreuses originalités) est inexplicable sans le jardin anglais, un jardin capable d’admettre des formes architectoniques non conventionnelles et dès le XVIIIe siècle. Les conditions de l’historicisme et de l’éclectisme du XIXe siècle se sont formées à partir du jardin anglais, un formidable espace de liberté. C’est en Angleterre que s’affirma d’abord la lutte entre la Couronne et le Parlement. Y gagna la gentry (une classe d’entrepreneurs parmi d’autres) et la bourgeoisie marchande qui, au XVIIIe siècle, vont préparer l’avènement de la formidable puissance britannique. L’aspect humaniste et bourgeois des grandes demeures anglaises du XVIIIe siècle, loin de l’absolutisme de la monarchie française et de l’emprise du Vatican et de leurs écrasantes grandeurs. La délicieuse Chiswick House de Lord Burlington.
(à suivre)
Olivier Ypsilantis