Eugène Carrière, un frère encore, avec Prud’hon et Seurat.
Le grand et discret Bonington, mort si jeune. L’influence décisive de ce jeune anglais, ami de Delacroix, sur l’art français, de l’École de Barbizon à l’Impressionnisme. Lorsque je pense à mes visites au Musée du Louvre, ses petites peintures (des études de ciel) me viennent d’emblée et dans toutes leurs précisions.
Cézanne a fait beaucoup de mauvaises peintures ; il n’en est pas moins un très grand peintre, et d’abord par l’influence décisive qu’il exerça sur tant d’artistes de sa génération et de générations postérieures. Son influence libératrice. Le meilleur de son œuvre : ces paysages d’une puissante unité organique, tant par la structure (le dessin) que par la couleur : l’alliance indéfectible du minéral et du végétal, des vues de Château Noir et de Bibémus.
Séquences de mes souvenirs d’enfance : des portraits d’acteurs de Sharaku qui ornaient l’escalier de la maison de campagne d’une grand-tante.
Certaines peintures de Gustave Moreau : comme de l’orfèvrerie avec emploi généreux de la technique du nielle.
Les fenêtres encore, avec Georg Friedrich Kersting. Voir ses compositions qui montrent Caspar David Friedrich dans son atelier. Une ambiance Biedermeier.
L’un des deux tableaux de Georg Friedrich Kersting représentant Caspar David Friedrich dans son atelier. Le tableau reproduit ci-dessus est de 1819, l’autre de 1811.
Étudier The Hudson River School, la plus intéressante association de peintres américains du XIXe siècle. Étudier plus particulièrement l’œuvre de son fondateur, Thomas Cole (1801-1848).
Il me semble que j’ai eu ma première émotion érotique au Musée du Louvre, devant Atala telle que la met en scène Girodet-Trioson dans « Atala au tombeau » (1808). Les seins de la jeune morte !
Autre souvenir d’enfance, des interprétations gravées de peintures de Paul Delaroche relatives à l’histoire de l’Angleterre, dans le salon de ma grand-mère, au-dessus du canapé, rue Delambre.
La fascination qu’exercent Fra Angelico et d’autres artistes du Quattrocento tient en partie à cette hésitation prolongée entre la deuxième dimension et la troisième dimension, à une époque où les règles de la « perspective scientifique » ne sont pas encore fermement établies.
Bronzino, peintre maniériste, disciple et fils adoptif de Pontormo. Sa peinture peut être froide comme de l’émail. Voir en particulier « Vénus, Cupidon et le Temps », avec cet érotisme d’autant plus envoûtant qu’il est discret. Un érotisme froid et raffiné qui est aussi celui de l’École de Fontainebleau.
Arcimboldo à Prague comme organisateur de spectacles pour Maximilien II puis son fils Rodolphe II, en particulier pour le couronnement de ce dernier en 1575. Par ailleurs, Arcimboldo dessine des machines hydrauliques, élabore une méthode colorimétrique de transcription musicale. Me procurer une étude sur Rodolphe II, cet étrange et sympathique empereur. Son portrait phytomorphe par Arcimboldo.
Qui a mieux dit l’intimité que Jan Vermeer de Delft et que Pieter van Hooch, son contemporain ?
La vieille Espagne ascétique et religieuse : entre Juan de Valdés Leal et Juan Sánchez Cotán. Écrire un article sur les particularités de l’ascétisme espagnol. Ascétisme d’El Escorial de Juan de Herrera, ascétisme de la Cour et de la noblesse castillane, etc.
Une nature morte de Juan Sánchez Cotán peinte vers 1602
L’iconographie chrétienne, et plus précisément celle de la Sainte Église catholique apostolique et romaine, source de tous les érotismes. La réaction iconoclaste n’aurait-elle pas été en partie déclenchée par le soupçon d’un érotisme multiforme et diversement voilé ?
L’artiste le plus poétique – le plus dérangeant– de l’Actionnisme viennois, Rudolf Schwarzkogler. N’y aurait-il pas une discrète parenté entre celui-ci et Michel Journiac, et je pense en particulier à « Messe pour un corps » ? Il m’arrive de voir Michel Journiac comme un Rudolf Schwarzkogler plus conceptuel, aseptisé en quelque sorte. Plus proche du Viennois, peut-être, Gina Pane, une œuvre qui m’a troublé lorsque j’étais adolescent. Ses performances ont été filmées et photographiées par Françoise Masson. Elle commence à se blesser dans « Escalade non-anesthésiée » en 1971.
Cette conclusion à laquelle arrivent certains artistes dans les années 1920, à savoir que la peinture (de chevalet) ne peut plus être qu’architectonique ou disparaître. Voir Theo Van Doesburg, El Lissitsky et autres constructivistes. L’élémentarisme avec le dualisme : horizontal (le monde physique) / vertical (le monde spirituel) et, en contrepoint, le dynamisme de la diagonale.
Lénine Dada ? Un étrange essai traite de la question ; je l’ai lu il y a une vingtaine d’années et il m’a laissé une forte impression. J’en rendrai compte. Mais écoutez l’auteur de ce livre, Dominique Noguez :
https://www.dailymotion.com/video/x3822w_dominique-noguez-lenine-dada_creation
Il n’est pas impossible de se reposer de Joel-Peter Witkin chez Helmut Newton. Il n’est pas impossible de se reposer de Jan Saudek chez Jeanloup Sieff, et ainsi de suite.
Durant trois années, de 1969 à 1971, Christian Boltanski (né en 1944) s’efforce d’édifier une autobiographie, une autobiographie impossibledans la mesure où il ne cesse d’y injecter des fragments biographiques venus d’ailleurs, de partout. Une fois encore, l’extraordinaire parenté entre Georges Perec et Christian Boltanski.
Écrire un article sur Andrew Wyeth, un artiste silencieux et éloquent, éloquent comme le sont les artistes silencieux tels qu’Andreï Tarkovski ou Vilhelm Hammershøi.
Réactions artistiques à la Première Guerre mondiale, le Dadaïsme mais aussi le Constructivisme. Voir les designers et architectes de De Stijl, El Lissitsky et Moholy-Nagy, mais aussi les théoriciens communistes du Constructivisme international, les artistes-enseignants de l’avant-garde soviétique, les architectes, artistes et artisans du Bauhaus. Reconstruire sur des bases sobres et rationnelles, loin des fioritures et du sentimentalisme pulvérisés par cette première guerre industrielle de l’Histoire.
Aujourd’hui, nous allons entre Ron Mueck, Damien Hirst et Jeff Koons, des artistes de l’ennui – je n’ai pas dit des artistes ennuyeux, bien que…
Marinetti, son parcours artistique et politique, son parcours artistico-politique, politico-artistique.
Certains éléments de défense pourraient être regardés non seulement comme des ready-made mais aussi comme des sculptures minimalistes (Éléments Cointet ou Portes-Belges, Hérissons tchèques, Rails curtoirs, Tétraèdres et Tétrapodes, « Asperges de Rommel », etc.). Lorsqu’ils se multiplient dans le paysage, ces éléments pourraient être regardés comme du Land Art : voir les alignements de dents de dragon de la ligne Siegfried (Westwall) ou les rails fichés dans le sol comme barrages antichars dans le paysage suisse.
Un barrage antichars (en Suisse) constitué de rails, du Land Art en quelque sorte.
(à suivre)
Olivier Ypsilantis