Je me souviens que Mgr Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse de 1932 à 1964, aida Vladimir Jankélévitch et qu’il fit de cette institution un lieu de refuge. On se souvient de Mgr Saliège, on ne se souvient pas assez de Mgr Bruno de Solages :
http://academie-sciences-lettres-toulouse.fr/wp-content/uploads/2017/01/2013-10-Meyer.pdf
Je me souviens du père Marie-Benoît (né Pierre Péteul), un capucin, de ses actions vastes et multiformes en faveur des Juifs. Un Juste parmi les nations d’une stature particulière.
Le père Marie-Benoît (1895-1990)
Je me souviens de l’abbé René de Naurois, cousin de Mgr Bruno de Solages, Juste parmi les nations. Aumônier du 1er Bataillon de fusiliers marins commandos (1er B.F.M.C.), il débarque en Normandie le 6 juin 1944 et remplace volontairement le médecin tué dès les premières heures. Je me souviens par ailleurs qu’il fit plusieurs découvertes ornithologiques importantes, en Mauritanie, avant de soutenir sa thèse de doctorat d’État sur les oiseaux de la côte occidentale d’Afrique.
Je me souviens que le royaliste Bertrand Renouvin est né à la prison de Fresnes, en 1943, où sa mère était internée pour ses activités dans la Résistance, au sein du mouvement Combat. Je me souviens que son père, lui aussi militant royaliste, entré dans la Résistance dès juin 1940, et devenu chef des groupes-francs du mouvement Combat, mourut en 1944 au camp de Mauthausen.
Je me souviens de Léon Askénazi, « Manitou », et de Robert Gamzon, « Castor », des totems scouts des Éclaireurs israélites de France (E.I.F.).
Je me souviens de Jennifer Teege. Alors qu’elle approchait la quarantaine, elle découvrit qu’elle était par sa mère, Monika Goeth, la petite-fille d’Amon Goeth, le commandant du camp de Kraków-Płaszów, interprété par Ralph Fiennes dans « Schindler List » (1993). Le père de Jennifer Teege est nigérian, la petite-fille d’Amon Goeth est donc mulâtre, ce qui explique le titre de son livre : « My Grandfather Would Have Shot Me », sous-titré « A Black Woman Discovers her Family’s Nazi Past. »
Je me souviens du Réseau Orion, trop oublié. Je me souviens qu’il tire son nom d’un village du Béarn. Je me souviens de ses fondateurs, Henri d’Astier de la Vigerie et Georges Piron de la Varenne.
Je me souviens que Victoria Kent fut directrice générale des prisons sous le gouvernement Azaña, de 1931 à 1934. Je me souviens des réformes qu’elle introduisit dans le système pénitentiaire.
Je me souviens que le capitaine Maurice de Seynes, pilote à l’escadrille Normandie-Niemen, refusa de sauter en parachute de son Yak-3 victime d’une avarie afin de ne pas abandonner son mécanicien soviétique privé de parachute pour cause d’exiguïté de la cabine :
http://aerostories.free.fr/pil_cha_fr/deSeynes/
Je me souviens que Nemrod est le nom d’un des premiers réseaux de la Résistance française et qu’il a été organisé par Honoré d’Estienne d’Orves.
Je me souviens que Jacques Benoist-Méchin, condamné à mort pour Collaboration, fut gracié par Vincent Auriol et que le général de Gaulle passa commande à la Libération d’un certain nombre d’exemplaires de sa monumentale « Histoire de l’armée allemande » qu’il jugeait nécessaire voire indispensable à la formation des officiers de l’École de Guerre.
Je me souviens de Katherine Lack et de son livre de souvenirs, « Frontstalag 142: The Internment Diary of an English Lady ». Je me souviens que deux de mes ancêtres sont passés par le Fronstalag 142.
Je me souviens du commissaire de police Jean Philippe, Juste parmi les nations :
http://www.ajpn.org/juste-Jean-Philippe-2209.html
Je me souviens de François Maspero. Je me souviens que son père, le sinologue Henri Maspero, mourut à Buchenwald, juste après Maurice Halbwachs ; que sa mère, Hélène Maspero-Clerc, fut déportée à Ravensbrück et survécut ; que son frère, Jean, fut tué au combat en 1944.
Je me souviens de Mihail Sebastian, de « Journal 1935-1944 », à ma connaissance l’un des plus puissants documents sur l’angoisse juive face à l’antisémitisme – avec les lettres de Gertrud Kolmar écrites à sa sœur réfugiée en Suisse :
http://www.dailymotion.com/video/xfag4l
Je me souviens de Judith Topcza et du comité de la rue Amelot ; et je me souviens de son président, David Rapoport.
Je me souviens des « comtesses de la Gestapo », parmi lesquelles la princesse Mourousi, mère d’Yves Mourousi.
Je me souviens que Moussa Abadi et sa femme Odette Rosenstock furent aidés par Mgr Paul Rémond , évêque de Nice, reconnu Juste parmi les nations. Moussa Abadi ou « Monsieur Marcel » – le réseau Marcel.
Je me souviens des enfants d’Izieu.
Je me souviens du mystère qui entoure la figure du père, Albert Modiano, dans l’œuvre de son fils, Patrick. A ce propos, je me souviens que Patrick Modiano occupa l’appartement qu’avait occupé Maurice Sachs, 15 quai Conti, à Paris, et que cette adresse sert de titre à un texte du prix Nobel de Littérature 2014.
Je me souviens de Maurice Dide :
http://francoisverdier-liberationsud.fr/maurice-dide/
Je me souviens de l’adresse où fut arrêté Robert Desnos, je m’en souviens pour être souvent passé devant : 19 rue Mazarine, à Paris, où il vécut de 1934 à 1944. Je me souviens qu’il fut arrêté le 22 février 1944 et décéda le 8 juin 1945, à Theresienstadt. Je me souviens qu’André Bessière s’est souvenu de lui dans son livre « Destination Auschwitz avec Robert Desnos ».
Je me souviens de l’affaire du « fichier juif » :
http://akadem.org/medias/documents/4-fichier-juif-klarsfeld.pdf
Je me souviens d’avoir lu « Autopsie d’une victoire morte » du général Henri de Vernejoul, chef de la 5e DB, sur les conseils d’un ancien de la 2e DB – la Division Leclerc. Il accordait beaucoup de crédit à la thèse de ce général qui dans ces pages s’en prend vivement à la stratégie adoptée par le chef de la 1re Armée, le général Jean de Lattre de Tassigny, pour réduire la Poche de Colmar.
Je me souviens d’Hélène de Suzannet, une femme de courage pas assez connue.
Comtesse Hélène de Suzannet (1901-1961), une photographie trouvée sur le site du « Comité Français pour Yad Vashem ». Elle se tient à l’entrée de son château de la Chardière, à Chavagnes-en-Paillers (Vendée). Chavagnes-en-Paillers, un village bien moins connu que le Chambon-sur-Lignon, et pourtant… Ci-joint, une version écourtée du film de Jean-Luc Gunst, « Les Enfants du secret » (2001) :
https://www.youtube.com/watch?v=cA1kT9qD7F4
Je me souviens des délires « scientifiques » du professeur George Montandon, l’un des organisateurs de l’exposition au palais Berlitz, « le Juif et la France ».
Je me souviens qu’Otto Freundlich se réfugia dans un village des Pyrénées-Orientales, à Saint-Martin-de-Fenouillet. Dénoncé, arrêté, déporté, il fut exécuté à Sobibor dès son arrivée.
Je me souviens de Carl Einstein, suicidé dans le Gave de Pau. Je me souviens de Walter Benjamin, suicidé dans sa chambre d’hôtel à Port-Bou.
Je me souviens de Lisette de Brinon, née Franck et déclarée « Aryenne d’honneur ». Je me souviens que le gouvernement de Vichy proposa à Henri Bergson le titre d’« Aryen d’honneur » et qu’il le refusa.
Je me souviens que durant la guerre, Emmanuel Berl se réfugia en Corrèze et travailla à sa monumentale « Histoire de l’Europe ».
Je me souviens que Léon Blum fut interné comme « Prisonnier d’honneur » à Dachau et que son frère, René, fut assassiné à Auschwitz.
René Blum en mars 1940 (1878-1942)
On se souvient de l’officier de la Wehrmacht Wilhelm Hosenfeld, « Juste parmi les nations », pour le film de Roman Polanski, « The Pianist ». On se souvient d’Oskar Schindler, « Juste parmi les nations », pour le film de Steven Spielberg, « Schindler’s List ». Mais qui se souvient de cet autre officier de la Wehrmacht, lui aussi « Juste parmi les nation », Karl Plagge ? Qui a lu le livre de Simon Malkès, « Le Juste de la Wehrmacht » ?
Olivier Ypsilantis