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L’armée d’Israël, un demi-siècle de clandestinité – 2/2

 

1933. L’arrivée de Hitler au pouvoir précipite le départ de nombreux Juifs allemands. 1935. David Ben Gourion cumule pouvoirs politique et militaire en prenant la direction conjointe de l’Histadrout et de la Haganah. 1936, révolte arabe, la plus importante, activée par le grand mufti de Jérusalem. Par ailleurs, un officier irakien, Faouzi al-Kaouji, à la tête d’une bande armée, s’installe en Samarie et lance des raids contre les kibboutzim et les convois britanniques. Il s’en prend même à l’oléoduc qui va des champs pétrolifères d’Irak au port de Haïfa. Malgré les renforts importants dépêchés sur place, les Britanniques ne parviennent pas à venir à bout de l’insurrection, contrairement à la Haganah qui se montre efficace, bien plus efficace qu’en 1929. Du coup, les Britanniques sollicitent les dirigeants du Yishouv pour qu’ils mettent sur pied une police supplétive : la Jewish Settlement Police. Trois mille Juifs sont ainsi enrôlés, ce qui servira grandement la Haganah.

A la même époque sont constitués les Special Night Squads de Orde Charles Wingate dont Moshé Dayan ne tarde pas à devenir le bras droit. Mais ils sont dissouts après quelques mois ; en effet, les Britanniques craignent que cette force d’élite qui va de succès en succès ne devienne vite incontrôlable.

Juillet 1937, les Britanniques publient un premier plan de partage de la Palestine (The Peel Commission). Il est rejeté par tous. Ci-joint, un lien intitulé « British Palestine Mandate: The Peel Commission (July 1937) » :

http://www.jewishvirtuallibrary.org/the-peel-commission

 

 

Vladimir Jabotinsky crée l’Irgoun afin de combattre à outrance Arabes et Britanniques. David Ben Gourion réagit et crée les FOSH (Field Companies), avec pour chef Ytzhak Sadeh, ce qui permet à la Haganah de lancer ses premières opérations réellement offensives. Ci-joint, un lien sur ce grand monsieur, Ytzhak Sadeh (1890-1952) :

http://www.giga.co.il/hatavor/esadeh.htm

David Ben Gourion réorganise l’institution qui gagne en efficacité. Son armement augmente sensiblement et elle peut à présent compter sur deux mille combattants permanents et sur treize mille « réservistes » à temps partiel.

Les Britanniques proposent un deuxième plan de partage (The Woodhead Commission) qui est lui aussi rejeté par tous. Ci-joint, un excellent lien interactif sur ce plan de partage :

http://ecf.org.il/issues/issue/247

La révolte arabe cesse au cours de l’été 1939 et sous l’effet de trois facteurs. Les Arabes de Palestine sont économiquement à bout de souffle. Les Britanniques et la Haganah ont abattu la plupart des responsables de cette révolte, laissant malheureusement s’échapper le funeste grand mufti de Jérusalem. Enfin, le gouvernement britannique publie un Livre blanc qui limite de manière drastique l’immigration juive en Palestine où vivent 500 000 Juifs et 700 000 Arabes. Les Britanniques ordonnent le désarmement de toutes les milices. David Ben Gourion joue la carte du dialogue vis-à-vis de la puissance mandataire. Il dissout les FOSH et limite les activités de la Haganah.

La Deuxième Guerre mondiale va bouleverser les rapports entre les Juifs, les Arabes et les Britanniques en Palestine. Bousculés par les troupes germano-italiennes et par les nationalismes arabes, en Irak et en Égypte, les Britanniques cherchent un appui auprès de la communauté juive de Palestine. Début 1941, les Britanniques libèrent les détenus juifs et donnent leur accord au projet de David Ben Gourion de créer d’une force militaire juive destinée à combattre les forces de l’Axe au cas où les Britanniques seraient contraints d’abandonner la Palestine. Ainsi naît le Palmach, soit quatre cents combattants articulés en six compagnies, sous les ordres de Yitzhak Sadeh, des combattants à l’esprit commando hérité des Special Night Squads et des FOSH. Des instructeurs britanniques entraînent les volontaires juifs ; certains sont enrôlés dans le N° 51 Middle East Commando, d’autres suivent un entraînement à la Royal Air Force. La Haganah pourra ainsi compter sur quelques dizaines de pilotes.

Avril 1941. La situation s’aggrave avec la révolte du gouvernement irakien pronazi. Par ailleurs, le gouvernement de Vichy autorise le transfert d’avions allemands vers le Levant et la Syrie. Les Britanniques pénètrent en Irak (avril-mai 1941) puis entrent dans Beyrouth et Damas (juin-juillet 1941). Dans cette seconde campagne, les unités juives sont engagées. Après la défaite de l’Afrika Korps à El-Alamein (novembre 1942), les Britanniques font marche arrière et les combattants juifs doivent rejoindre la clandestinité, une fois encore. Ce n’est qu’à la fin 1944 que les Britanniques acceptent la proposition de David Ben Gourion de créer une Brigade juive indépendante. En février 1945, elle est intégrée à la VIIIe Armée britannique qui combat en Italie. 22 mars 1945, création de la Ligue arabe. La Palestine est à présent cernée par des États arabes indépendants. 1er octobre 1945, le gouvernement britannique oppose une fin de non-recevoir à la demande des organisations sionistes visant à autoriser l’immigration de rescapés de la Shoah en Palestine. David Ben Gourion lui-même ne parvient pas à infléchir la détermination de la puissance mandataire qui se fonde sur les conclusions du Livre blanc de 1939. En effet, les Britanniques affaiblis par la guerre redoutent de susciter une nouvelle révolte arabe.

Les sionistes les plus radicaux du Yishouv décident de relancer la lutte armée contre les Britanniques. David Ben Gourion accepte une alliance de circonstance avec eux tout en leur faisant savoir qu’il reste le patron. Menahem Begin qui succède à Vladimir Jabotinsky à la tête de l’Irgoun prône le combat à outrance contre Britanniques et Arabes. Abraham Stern fonde le LEHI, plus radical encore. Les Britanniques finissent par l’abattre. Il est aussitôt remplacé par Ytzhak Shamir. 6 novembre 1944, le Lehi abat Lord Moyne, haut-commissaire britannique en Égypte. Dans la nuit du 31 octobre 1945, des combattants juifs font sauter en de multiples points les voies de chemin de fer, coulent des patrouilleurs et sabotent la raffinerie de Haïfa. Les Britanniques décrètent la loi martiale sur toute la Palestine et envoient de très importants renforts. De son côté, David Ben Gourion s’efforce d’unifier la résistance. S’il parvient à placer le Palmach sous le contrôle de la Haganah, il n’en va pas de même avec l’Irgoun et le Lehi. 17 juin 1945, tous les ponts frontaliers sont dynamités par le Palmach qui, ainsi, isole la Palestine des États limitrophes. 29 juin, début de l’opération « Agatha », soit une vaste opération de ratissage menée par les Britanniques. 22 juillet, l’Irgoun organise un attentat particulièrement meurtrier contre le King David Hotel, à Jérusalem. David Ben Gourion le condamne et rompt son alliance avec l’Irgoun et le Lehi. Huit jours plus tard, début de l’opération « Shark », une autre opération de ratissage à l’échelle du pays. Il s’agit de mettre la main sur les responsables de l’Irgoun et du Lehi, en particulier Menahem Begin qui revendique l’attentat du King David Hotel. En représailles à cette opération, plusieurs responsables britanniques sont abattus. Le cycle attentats/représailles s’installe. Les Britanniques pendent des dizaines de prisonniers juifs reconnus coupables d’attentats, faisant ainsi des « martyrs ». L’opinion publique britannique est lasse, dégoûtée même, d’autant plus que les reportages photographiques montrant des rescapés de la Shoah entassés à bord de rafiots et refoulés s’affichent en première page des journaux et revues.

Février 1947. Découragé, le gouvernement britannique saisit l’ONU du problème de la Palestine. David Ben Gourion sait qu’il vient de remporter une manche essentielle et qu’il lui faut à présent convaincre la communauté internationale de soutenir la création de l’État juif. 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte le plan de partage de la Palestine (Résolution 181) avec ses trois zones distinctes, un plan accepté par l’Organisation sioniste mondiale mais rejeté par les États arabes et les responsables des communautés musulmanes de Palestine. Le gouvernement britannique s’engage par ailleurs à rapatrier toutes ses troupes avant le 15 mai 1948.

 

Plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947

 

Au milieu des années 1930, deux aéroclubs sont constitués en Palestine par des membres du Yishouv. En 1936, lors de la révolte arabe, leurs quelques avions de tourisme permettent de surveiller les mouvements des feddayin. Puis la Haganah soutient la mise en place d’une compagnie aérienne civile nommée « Aviron ». Ses cinq avions de transport léger ravitaillent les kibboutzim isolés et rapportent d’Europe d’importantes quantités d’armes. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, près de deux mille cinq cents femmes et hommes ont acquis une expérience technique au sein de la RAF. Quelques-uns ont été formés comme pilotes de transport, d’autres, moins nombreux encore, comme pilotes de chasse. Décembre 1947, David Ben Gourion profite du désengagement des Britanniques pour créer le Sherout Avir (« Branche aérienne ») qui regroupe des moyens jusqu’alors éparpillés : les aéroclubs, la compagnie « Aviron » et le personnel formé. Cette branche aérienne de la Haganah basée à Lod dispose de huit appareils de transport et de liaison. Elle va acquérir sans tarder une vingtaine d’autres appareils de ce type. Mais il manque les avions de chasse. David Ben Gourion envoie plusieurs missions via le Rechesh (« Acquisition ») pour fouiller les surplus de la Deuxième Guerre mondiale. L’une d’elles parvient à convaincre le gouvernement tchécoslovaque de lui vendre une vingtaine de chasseurs Avia S-199 (une version du Messerschmitt Bf 109). Un centre d’entrainement secret est établi à Alicia, non loin de Rome, pour former des pilotes juifs sur ces avions, des avions qui devront être livrés démontés par voie aérienne dès mai 1948. Le Rechesh rachète quatre chasseurs-bombardiers Beaufighter dans des conditions rocambolesques. Par ailleurs, l’Agence juive s’efforce de recruter des pilotes mercenaires prêts à soutenir la cause juive en Palestine. Au sujet de la difficile naissance de l’armée de l’air israélienne, je conseille le livre du colonel Benjamin Kagan, « Combat secret pour Israël », un livre passionnant entre tous.

En 1943, créé par le Palmach, le Palyam, embryon des forces navales israéliennes constituées pour accueillir les immigrants débarqués clandestinement sur le littoral palestinien. Décembre 1947, le Palyam est officiellement reconnu comme branche navale de la Haganah sous le commandement de Hehman Shulman. Les officiers et les équipages ont été sommairement formés, pour la plupart dans la Royal Navy au cours de la Deuxième Guerre mondiale, très peu ayant toutefois servi à bord de navires de guerre. Dans un premier temps, le Palyam ne dispose d’aucun navire, il ne fait que contrôler les navires affrétés pour des missions de transport clandestines d’armes et d’immigrants.

 

Une officier de la Haganah s’entraînant au maniement du pistolet-mitrailleur Sten au cours de la guerre israélo-arabe de 1948 (ou guerre d’Indépendance).

 

David Ben Gourion cherche très vite à élargir les missions du Palyam. C’est ainsi qu’est racheté un vieux brise-glaces américain qui se voit équipé de deux canons de 20 mm et de quelques mitrailleuses. Rebaptisé « Eilat », il sert de patrouilleur côtier. Via le Rechesh, le Canada cède gracieusement au Yishouv deux vieilles frégates, et plusieurs vedettes rapides sont achetées dans les ports méditerranéens. Début 1948, la Haganah dispose de moyens terrestres mais aussi aériens et navals qui vont sortir de la clandestinité pour affronter les feddayin et les armées arabes qui refusent le plan de partage avalisé par les Nations unies.

 

Olivier Ypsilantis

 

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