21 août 2016. Circulation parcimonieuse. Les avenues ouvertes sur le ciel où glissent de formidables masses nuageuses desquelles mon regard ne parvient à se détacher. Les nuages, tout est là !
Dans un café, une revue traîne sur une table, Courrier international. Gros titre en couverture : « Brexit. Le crash de l’Europe ». Il s’agit de racoler, d’attirer le chaland, de stimuler les ventes. Rien à dire. On hausse la voix, on braille même dans l’espoir de se faire remarquer. A l’intérieur de cette revue, ce titre : « Le Royaume-Uni a joué avec le feu et s’est brûlé », un titre qui rend compte d’une certaine suffisance française, suffisance à laquelle je distribue volontiers mornifles et coups de pieds dans le cul.
Une librairie où j’aime fureter, la « Libraire ancienne et moderne » fondée par Georges Puzin, en 1908, au 30 rue de la Paroisse, à Versailles. La libraire est encore gérée par la famille.
Mais qui était Monsieur Chouchani ? Il entrait dans de terribles colères, courtes il est vrai, chaque fois qu’on lui demandait qui il était ? Monsieur Chouchani et ses valises.
Marche dans Versailles. Que tout est beau lorsqu’il n’y a personne ou presque personne ! J’aime alors la ville ! Arrêt prolongé dans l’église Notre-Dame de Versailles (construite sur ordre de Louis XIV, sous la direction de Jules Hardouin-Mansart) dont j’aime la sobriété et ses proportions solidement ancrées et trapues qui n’ôtent rien à son élégance, au contraire. Dans cette pureté classique, je m’amuse à détailler les ornements inspirés de la Grèce antique. Acheté « Shabbat » de Benjamin Gross, l’un des plus stimulants universitaires franco-israéliens, décédé l’année dernière à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
Le premier imprimé massif : les « indulgences » distribuées par l’Église catholique…
22 août. « Notre » mort ou la mort en première personne. La mort d’un proche ou la mort en seconde personne. La mort des autres ou la mort en troisième personne, la mort-en-général. Voir Vladimir Jankélévitch qui écrivit en 1966 un livre intitulé « La Mort », à partir de notes léguées par son père sur la mort chez Léon Tolstoï. Ainsi que le précise Vladimir Jankékévitch, la mort des parents fait tomber la barrière biologique entre la mort et nous, et la distance entre l’être et le non-être se réduit. Ainsi que je me plais à le répéter : « Je devrais être le prochain à sauter de la carlingue… et sans parachute… » Il est vrai que cette appréhension sait favoriser la plénitude de l’instant vécu — être le plus au présent possible. Vladimir Jankélévitch, son pied de nez à Pascal et Heidegger.
Marche dans Versailles, une ville ouverte au ciel et ses états. L’envie de dessiner, une fois encore, de rendre compte de ses immenses subtilités toujours changeantes. Le Bistrot de Montreuil a fermé. Dommage. J’aimais y prendre un café et tendre l’oreille dans l’espoir de relever des brèves de comptoir à la manière de Jean-Marie Gourio.
La synagogue de Versailles, 10 rue Albert Joly, construite entre 1884 et 1886 sur les plans de l’architecte Alfred-Philibert Aldrophe. En 1865, il devient architecte du Consistoire de Paris : il réalise la grande synagogue de la rue de la Victoire ; la maison consistoriale de la rue Saint-Georges ; la synagogue de Versailles ; la synagogue d’Enghien-les-Bains. En 1870, il entre en contact avec les Rothschild, notamment Gustave et Edmond pour qui il construit, entre autres, le séminaire israélite de la rue Vauquelin et l’école israélite de l’avenue de Ségur. Il est l’un des architectes les plus importants de la communauté juive de la fin du XIXe siècle. Ci-joint, un bref historique sur cette imposante construction, la synagogue de Versailles, avec traduction de ce qui est gravé à son fronton :
http://www.synaversailles.fr/Synagogue
Me procurer « Mémoire des pensées et des sentiments de J… M… », Jean Meslier (1664-1729), prêtre de la paroisse d’Étrépigny dans les Ardennes et athéiste militant. La version édulcorée et écourtée publiée par Voltaire en 1762. L’influence de Jean Meslier sur le baron d’Holbach qui publia des extraits de cet écrit sous le titre « Le Bon Sens du curé Jean Meslier suivi de son testament ». Ce n’est qu’au XXe siècle que cet écrit sera publié dans son intégralité, un écrit considéré comme l’un des actes fondateurs de l’athéisme moderne. Le nom Jean Meslier a été gravé en 1917 sur un obélisque du parc Gorki, à Moscou, avec ceux d’une vingtaine de penseurs considérés comme des précurseurs du communisme.
La métempsycose est inconcevable dans l’islam orthodoxe. Elle fut admise par des courants chiites et elle est aujourd’hui essentiellement professée par les Ismaéliens et les Druzes. Cette conception cyclique de l’histoire particulière au chiisme.
23 août. Je détaille les masses nuageuses. Une fois encore l’envie de les dessiner. La maison d’édition Siloé (installée à Burgos) va reproduire en fac-similé (sa spécialité) le manuscrit de Voynich (du nom de l’antiquaire qui le redécouvrit, Wilfrid Michael Voynich, en 1912, en Italie), un manuscrit élaboré entre 1404 et 1438 ainsi que le révèle le carbone 14. Ce manuscrit est qualifié comme étant « l’un des plus mystérieux du monde ». Les plantes qui y sont dessinées, et avec soin, n’ont toujours pas été identifiées. Aucune tentative de décryptage n’a abouti, y compris celle de William F. Friedman.
Le bien-être total que j’éprouve devant les paysages d’Albert Marquet et devant les scènes d’intérieur de la période niçoise de Matisse.
Je souhaite le retour de la Russie sur la scène internationale ; et je m’étonne que les pro-Européens et les anti-Brexit les plus convaincus n’évoquent jamais l’importance de la Russie en regard de l’Europe, la Russie sans laquelle l’Europe n’est qu’une sorte de croupion. En Europe, et plus particulièrement en France, on ne cesse de se laisser enfumer en dénonçant Bachar al-Assad, l’allié de Poutine, tout en flirtant avec les Frères musulmans dont le fourbe et le menteur Tariq Ramadan est le VRP, tout en couchant avec l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweit et autres financiers des pires tendances de l’Islam. Et je pense une fois encore à ces idiots utiles, si nombreux, tombés en pâmoison devant les Printemps arabes comme s’ils avaient vu la Sainte Vierge. J’ai immédiatement compris de quoi il en retournait. Mon odorat a surpris sans tarder sous le parfum du jasmin une forte odeur de merde. La chute de Hosni Moubarak m’a laissé présager le pire. Je n’ai pas applaudi à ce Printemps, à aucun moment. La chute du Frère musulman Mohamed Morsi et la reprise en main par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi m’ont sorti de mon abattement. Aujourd’hui, la France est particulièrement empêtrée avec le monde arabe. Nous avons commencé à flirter avec les Frères musulmans dans l’espoir d’en finir avec le régime de Bachar al-Assad. Mauvais calcul, très mauvais calcul. Nous sommes au lit avec le Qatar qui nous a refilé sa vérole. Ce petit pays a contaminé jusqu’au Sahel. Nous nous sommes montrés incapables de protéger les Chrétiens d’Irak et de Syrie. Après le départ des Juifs, c’est au tour des Chrétiens de quitter des régions où ils vivent depuis tant de siècles, avant l’arrivée des Arabes et leur maudit islam. Les Juifs et les Chrétiens de diverses obédiences constituaient les élites de ces pays même si les maîtres étaient musulmans. Mais patience, les Arabo-musulmans se clochardisent lorsqu’ils perdent « leurs » Juifs et « leurs » Chrétiens. Laissons-les entre eux se vautrer dans leurs ordures et se sauter à la gorge, entre familles, entre clans, entre tribus.
En géostratégie, ne jamais oublier l’axiome du mathématicien et économiste Oskar Morgenstern, à savoir que le troisième terme finit toujours par se confondre avec l’un ou l’autre des joueurs…
Toutes mes antennes m’indiquent qu’une entente est possible avec l’Iran, sans naïveté bien sûr. L’ère des mollahs prendra fin et l’Iran redoute le terrorisme autant que nous le redoutons, et c’est l’une des raisons qui devrait nous inciter à une collaboration prudente et circonscrite en attendant mieux. Le peuple iranien (je n’ai pas dit le régime iranien) souhaite ardemment une entente avec l’Europe, la Russie et… Israël. Le régime des mollahs s’érode, la voix du peuple iranien se fera toujours plus entendre, patience ! Les rapports des ambassadeurs et des services secrets pointent dans une même direction : le peuple iranien désire une entente avec nous ; et dans ce nous, j’inclus Israël ; et s’il ne l’incluait pas, je la repousserais comme inacceptable. Ces rapports vont dans le sens de ce que j’ai pu observer. La France ne cesse de dénoncer l’Iran non parce qu’elle est d’une clairvoyance particulière mais parce qu’elle est ligotée par des « amitiés » de cauchemar qui la salafisent, la takfirisent, la wahhabitent et j’en passe. Sur fond d’aveuglement (avec vision à court terme), ces « amitiés » favorisent une violence qui n’en est qu’à ses débuts. Sur ce dossier central qu’est le nucléaire iranien, la France est donc poussée de côté. Dans une entrevue avec Patrice de Méritens, Alexandre Adler, prudent, déclare : « Signifier à l’Iran qu’en dernière instance nous défendrons l’Arabie saoudite est légitime, mais persister à faire de ce pays un adversaire potentiel en répandant le scepticisme sur la validité de l’accord nucléaire est nettement moins recevable ». La diplomatie française ferait bien de changer de lunettes car sa vue a baissé, la diplomatie française — le Quai d’Orsay — qui par ailleurs dispense des leçons de savoir-vivre à Israël, pensant ainsi plaire à ses souteneurs arabes et séduire des populations peu amicales issues de l’immigration. Le roquet France ne cesse d’aboyer en direction d’Israël parce que son maître arabe lui donne du susucre. Pauvre France !
Ce que j’aimerais, en attendant plus…
Conversation avec N., Juive séfarade. Elle m’explique le rapprochement israélo-saoudien. Un certain nombre de raisons me sont connues. L’une d’elles m’intrigue et elle la juge centrale. Les Saoudiens, ces clochards recouverts de plaqué or, reviennent vers les Israéliens afin de réactiver leur plan de paix entre Palestiniens et Israéliens. Ces riens qui doivent s’offrir des mercenaires chient de peur. Donc, d’après N., le plan proposé par les Saoudiens — un transfert de populations arabes vivant en Judée-Samarie, ces populations étant désignées par le gros de la troupe sous le nom de « Palestiniens » — serait à l’ordre du jour. Suivant ce plan, ces populations seraient installées en Arabie saoudite et recevraient la nationalité saoudienne. Je l’écoute et crois rêver. Trop beau pour être vrai ! Israël ainsi que je l’ai toujours espéré : de la Méditerranée à la vallée du Jourdain, avec réduction de cette poche cancéreuse connue sous le nom de « Cisjordanie » ! Pourquoi le cacher, j’aimerais Israël tel que le montre le symbole de l’Irgoun, soit l’ensemble des territoires sous Mandat du Royaume-Uni avant 1922 ; mais Israël avec pour frontière le Jourdain, ce serait déjà magnifique. Le nom artificiel de « Cisjordanie » serait effacé au seul profit de l’authentique : « Judée-Samarie ». L’activation du Plan Elon avec l’aide des Saoudiens ? « Je me marre ! » comme disait Coluche. Un point de détail. Les Arabes savent s’arranger entre eux. Si les « Palestiniens » transférés venaient à se rebeller, il est clair qu’ils ne tarderaient pas à regretter les scrupules d’Israël contre lequel ils ont tant aboyé… Un Septembre noir (Jordanie 1970) en Arabie saoudite…
Villa Cassandre d’Auguste Perret (1874-1954), côté jardin. Ci-joint, un lien vers le site de l’Institut Auguste Perret, avec multiples liens riches en images :
https://architectona.wordpress.com
Villa Cassandre d’Auguste Perret (1874-1954), côté rue Albert Joly (n° 11). Au-dessus de l’entrée, cette date inscrite dans le ciment : MCMXXV.
Le soir, chez des amis, dans la Maison Cassandre conçue par Auguste Perret, un architecte qui mit du temps à être reconnu. Je parcours cette demeure et la détaille, m’efforçant de répertorier les éléments d’origine — dont le mobilier en bois intégré à l’architecture et les huisseries. Dans le jardin, avec vue sur le fronton de la synagogue de la rue Albert Joly et l’église Sainte-Jeanne-d’Arc construite dans les années 1920 sur les plans d’Albert-Désiré Guilbert. Ce nom m’est connu par la chapelle Notre-Dame-de-Consolation, rue Jean-Goujon, à Paris, une chapelle dédiée aux victimes de l’incendie du Bazar de la Charité (1897). Mais comment concevoir que ces deux constructions soient l’œuvre d’un même architecte ? L’église Sainte-Jeanne-d’Arc, un ensemble à plan carré, sans bas-côtés, avec coupole octogonale que termine un lanternon, une basilique en béton armé. J’avais négligé cette construction, la déclarant sans grand intérêt ; mais à présent, je me reproche ce jugement hâtif et je m’éprends de ses proportions, de ses volumes, tout en m’efforçant d’en deviner l’intérieur que j’aimerais visiter. La rue Albert Joly — la rue de la synagogue — est encombrée de barrières de protection. Quatre soldats armés de FAMAS patrouillent. Ils portent le béret, casque accroché à la ceinture ; et ils n’ont pas la baïonnette au canon.
Olivier Ypsilantis