Le Brexit et l’élection de Donald Trump m’ont réjoui. J’ai toujours voté en faveur de l’Europe, sans vraiment y penser, dans un élan que je jugeais naturel. Pourtant le Brexit m’a réjoui, et d’abord parce que j’ai toujours apprécié la réserve des Anglais vis-à-vis de l’Europe continentale, une réserve qui n’en fait pas moins des Européens à part entière. Cette réserve — cette volonté de distanciation — est une marque de liberté ; et, de fait, Angleterre est bien la plus vieille terre de liberté d’Europe ; c’est aussi pourquoi la France (qui se veut championne mondiale de la Liberté) ne cesse de lui disputer ce titre à coup de Bicentenaire, blowing her own trumpet. Infatuée d’elle-même, l’Europe — France en tête — avait besoin d’une leçon. Le Brexit s’en est chargé, et ce n’est peut-être qu’un début.
Et Donald Trump ? Je ne m’étais guère intéressé au personnage jusqu’à son élection. Lorsque j’ai réalisé que les représentants du Vrai, du Beau et du Bien étaient en deuil, qu’ils chialaient sans pouvoir s’arrêter, j’ai commencé à m’intéresser à lui. Esprit de contradiction certes ; mais, par ailleurs, la démocrate Hillary Clinton qui traînait la savate dans les couloirs du pouvoir depuis tant d’années ne m’inspirait guère — et je fais usage de l’euphémisme. Les représentants auto-proclamés du Vrai, du Beau et du Bien étaient en deuil, mais je ne pouvais me résoudre à leur présenter mes condoléances. Je riais sous cape. Lorsque le politiquement correct désigne le Diable, je m’intéresse au Diable car je sais qu’il n’est pas diabolique mais qu’il est diabolisé. Le lynchage de cet homme (qui, je le redis, m’est d’emblée apparu autrement plus complexe qu’on ne le présentait) m’a stupéfié. Mais, surtout, la toute-puissance des mass media s’est fracassée contre cet étrange personnage, ce qui m’a semblé de bon augure. Quel plaisir de voir ces pépés et ces mémés tomber de leur sofa et de leur rocking-chair puis d’observer leur mine désappointée. Ce fut digne de Buster Keaton et de Roscoe C. Arbuckle, « Fatty » pour les intimes.
On peut ne pas apprécier son style et son look, mais Donald Trump ne se limite pas à la caricature que nous ont servie presque tous les mass media d’Europe — majoritairement ignorants des États-Unis, ils se contentent de surfer sur quelques préjugés. La grossièreté de la caricature m’a rendu le personnage sinon sympathique, du moins intéressant. Les instituts de sondage — ces modernes idoles — se sont ridiculisés. Exit les gourous ! Charge creuse dans les épaisseurs molles. Exit Granny !
Tout de même, cette victoire est stupéfiante, quand on sait que l’appareil du Republican Party n’était guère favorable à Donald Trump et que ce candidat a dépensé pour sa campagne près de deux fois moins que Granny. Bref, tout laisse penser que l’homme a un flair stupéfiant, autrement dit une finesse d’analyse, un sens aigu de la tactique et de la stratégie. Ses manières parfois grossières, tout au moins choquantes, hors convention, n’auraient-elles pas essentiellement pour but de tromper l’ennemi, l’ennemi qui baisse la garde face à ce qu’il a identifié comme un gros balourd — a clumsy guy — qui finira bien par tomber de lui-même ? Nous avons affaire à un personnage qui promet une aventure autrement plus intéressante que les réunions Tupperware et les ventes de charité de Granny.
Donald Trump m’intrigue décidément. Et j’ai toujours parié sur les gens qui m’intriguent. Autrement dit, j’aurais voté Donald Trump, en me moquant infiniment des tentatives d’intimidation de ses adversaires qui présentent ses partisans comme des petits Blancs racistes et frustrés — ce même jugement a été porté sur les partisans du Brexit. Signalons en passant que l’électorat de Donald Trump est beaucoup plus varié que ne l’a braillé une certaine propagande. Ce type d’intimidation fonctionne de moins en moins, et il ne m’a jamais atteint.
Cette moquerie générale contre le candidat Donald Trump, avec sa crinière de paille et son teint orangé, me l’a rendu sympathique, d’autant plus que la silhouette et la démarche élégantes de Barack H. Obama n’auront servi qu’à masquer un petit président, un tout petit président, un homme dépassé, perdu. Et je n’insisterai pas sur sa sourde hostilité envers Israël. Le « clown » Donald a gagné et c’est bien ainsi. Qu’on l’accuse et qu’on accuse ses sympathisants de populisme me fait hausser les épaules. Les partisans du Vrai, du Beau et du Bien se sont toujours contentés de brandir l’invective — avec rabâchage d’un lexique des plus sommaires — pour annihiler l’adversaire : hier c’était « ennemi du peuple » ou « fasciste » ; aujourd’hui c’est encore « fasciste » (un sioniste est un « fasciste », je le rappelle), mais le mot étant devenu quelque peu éculé, on lui préfère de plus en plus « populiste ».
Au fond, les outrances verbales, la coiffure clownesque du candidat Donald et son teint orange (comme le bec et les pattes de Donald Duck) auront servi à faire dévier les tirs. Ses ennemis ont vidé leurs chargeurs sur des apparences. Ils ont gaspillé leurs munitions. C’est amusant à observer, très amusant. Ces tirs nourris contre les apparences ont épargné le fond, ses idées. Certes, Donald Trump n’est pas un adepte des théories politiques ou économiques élaborées, mais qu’importe ! Il a n’a pas moins d’idées que ses adversaires et, surtout, il a une volonté marquée de les mettre en œuvre. Il n’en a probablement pas moins que Ronald W. Reagan, un très grand président (on peut ne pas l’apprécier, on peut même le détester, on ne peut nier sa stature), il en a probablement moins que le piètre Barack H. Obama, un tout petit président. Parmi ses idées : relever les barrières douanières pour protéger les emplois industriels dans son pays. Cette idée part d’une bonne intention, je ne sais ce qu’elle donnera. Le protectionnisme, l’un des axes majeurs de sa campagne politique, semble paradoxal dans le monde d’aujourd’hui ; il ne l’est pas tant quand on sait que le monde se mondialise depuis qu’il est monde. Pour l’heure, signalons que cette politique remporte l’adhésion des syndicats.
A ceux qui veulent un peu mieux comprendre ce qui se joue, je propose cet article signé Caroline Galactéros-Luchtenberg et intitulé « Pourquoi Trump dérange ». L’auteure, nous invite tout simplement à un nouveau comportement diplomatique, à une nouvelle vision géo-politique, considérant le rapprochement annoncé entre les États-Unis et la Russie. Nous sommes loin des minables tracasseries européennes, françaises d’abord, contre la Russie de Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine (on se souvient de l’affaire des « Mistral »), tracasseries qui m’avaient fait enrager. C’est au cours de cette affaire que François Hollande a véritablement montré sa stature de nain politique. Nous sommes loin du dérisoire Barack H. Obama qui n’avait rien trouvé de mieux que d’en revenir à la Guerre Froide, Barack H. Obama qui avait entamé sa présidence en prononçant un discours au Caire, le 4 juin 2009, discours intitulé « A New Beginning » et qui n’est rien qu’une allégeance à l’Islam, un discours mou et sucré comme un loukoum.
Les convictions de Caroline Galactéros-Luchtenberg sont portées par un style dynamique. Je conseille la lecture de ses autres articles, notamment ceux ayant trait aux rapports entre Washington et Moscou et à la guerre en Syrie :
http://dovkravi.blogspot.com.es/2016/12/pourquoi-trump-derange-par-caroline.html
Et que ceux qui se sont installés dans un petit monde binaire lisent attentivement cet autre article de Caroline Galactéros-Luchtenberg. Peut-être commenceront-ils à comprendre que les « conservateurs » (les réacs, les fachos et j’en passe) le sont souvent moins que des « progressistes » qui m’évoquent de plus en plus des mémés tricotant au coin du feu :
http://dovkravi.blogspot.com.es/2017/01/a-washington-et-paris-les-faux-amis-du.html
(à suivre)
Olivier Ypsilantis