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Réponse à Nina au sujet de l’Iran

 

A Nina, infatigable combattante sioniste.

 

Nina vient de mettre en ligne sur Forum Zakhor-online un article intitulé « Les armées d’Iran non iraniennes » :

http://zakhor-online.com/forum/viewtopic.php?f=3&t=1832&sid=4ba2ef1caf358a5c0c26c9de855911fd

L’Iran me préoccupe depuis longtemps. Et sois rassurée, chère Nina, je ne vais pas brandir le mot « substrat » comme un mantra afin de repousser toute question et m’épargner toute réflexion. Par ailleurs, bien que non-Juif, j’aime Israël (ton « tout petit pays » ainsi que tu l’écris) pour des raisons que tu connais, et je place sa sécurité au-dessus de tout.

Ma position est délicate. Il n’y a pas si longtemps, j’aurais été accusé de judaïser — et l’Inquisition se serait probablement intéressée à moi… Mais, surtout, je suis sioniste, radicalement, tout en éprouvant une sympathie pour l’Iran, sympathie qui, je le répète, ne s’étend pas au régime issu de la Révolution de 1979.

 

mariage-zoroastrienCérémonie de mariage chez les Zoroastriens d’Iran

 

Tu écris que « les Iraniens se sont arabisés depuis 1979 ». Je ne te contredirai pas mais j’aimerais que tu précises ce que tu entends par là, car les Iraniens ne portent pas les Arabes dans leurs cœurs et ils les considèrent à raison comme des agresseurs, depuis la funeste bataille d’al-Qâdisiyya (en 636) qui ouvrit la porte à l’islamisation d’un pays zoroastrien.

Tu écris que « le mal iranien sera bien plus puissant que tous les Arabes réunis vu que l’Iran a des ailes qui lui poussent depuis qu’il est entré dans le concert des nations par la grande porte ». Tu n’as pas tort, chère Nina ; mais que penses-tu de l’entrée du pire du monde arabe, Arabie saoudite en tête, par la petite porte et en douceur, dans le concert des nations, pour reprendre tes expressions… ? Ces Arabes, nos fournisseurs en pétrole (cette huile minérale sans laquelle presque rien ne fonctionnerait chez nous), nos acheteurs de biens à très haute valeur ajoutée, nos fournisseurs-acheteurs qui favorisent tout azimut la propagation des tendances sunnites les plus rigoristes, qui embrigadent des groupes entiers (pas seulement en France et en Europe) par le bais de prédicateurs virtuels ou en chair et en os, sans parler du Qatar qui exporte à tout-va l’idéologie des Frères musulmans. L’Occident semble apprécier cette douce et lente pénétration par la petite porte… Qu’en penses-tu ?

En Iran, la bataille pour le pouvoir suprême est engagée, avec durcissement du pouvoir. Est-il irrémédiable ? Les tensions au sein du pouvoir iranien m’intéressent depuis longtemps ; elles sont multiples, complexes, ce qui est aussi inquiétant que rassurant. Les tensions entre le pouvoir religieux et les Pasdarans sont trop peu évoquées dans les articles qui traitent de l’Iran. Par ailleurs, la sensation d’encerclement dont souffre l’Iran (j’ai évoqué ce point central dans plusieurs articles) n’est que très rarement pris en compte par les géo-politiciens. Bref, l’Iran est rarement étudié de l’intérieur. Cette sensation d’encerclement sur laquelle surfe le régime a des explicitons historiques très solides : le monde arabe à l’Ouest et le Pakistan à l’Est, un pays au sunnisme radical où les Chiites sont encore plus maltraités que les Chrétiens ; le Pakistan, un pays particulièrement dangereux, arc-bouté d’un côté contre l’Inde et de l’autre lançant des métastases en Afghanistan.

Les Iraniens sont trop intelligents pour être antisémites, je persiste à le croire. Quant au régime de Téhéran, il dénonce Israël et le sionisme dans l’espoir d’utiliser des réflexes pavloviens, pas seulement chez les Arabes. « Les Protocoles des Sages de Sion » et autres torche-culs prennent moins à Téhéran qu’à Damas ou Bagdad, sans oublier nos amis les Turcs qui élaborent des histoires où la sanie venue de l’Occident chrétien est volontiers recyclée : crimes rituels et autres délires excrémentiels.

Ce que tu écris concernant la reconnaissance de la Palestine est indiscutable et va dans le sens d’une crainte qui ne me quitte pas. Afin d’atténuer son isolement — j’y reviens — et sa position minoritaire au sein de l’Islam (les Chiites ne représentent que 10% à 15% des Musulmans), l’Iran active ce que les Arabes ont activé et ne cessent de réactiver, « la question palestinienne », avec la complicité d’une Europe qui a la colique lorsqu’elle n’est pas constipée. Le principal danger avec l’Iran est bien l’instrumentalisation des Arabes, avec les Iraniens comme cerveaux et les Arabes comme gros bras. Je le sais et je le redoute. Observons que Daesh qui jusqu’alors négligeait ladite « question » se met à la pousser en avant à présent qu’il se fait étriller sur le terrain — rien de mieux pour fédérer et attirer à soi que d’accuser le Juif, Israël et le sionisme.

 

Le tir à l’arc ou au fusil pratiqué sur un cheval au galop, un sport très prisé des Iraniens et des Iraniennes, hérité de leurs traditions millénaires. 

 

Les Iraniens recrutent des Chiites au Pakistan pour former une sorte de Légion des Volontaires, rien d’étonnant quand on sait ce à quoi sont réduits les Chiites dans ce pays que je tiens pour l’un des plus abominables du monde, et qui possède par ailleurs l’arme nucléaire grâce en grande partie au financement saoudien avec la bénédiction de leurs protecteurs… Et cet arsenal a considérablement augmenté ces dernières années. Le nucléaire iranien fait l’objet de toutes nos inquiétudes, soit ; mais pourquoi n’est-il jamais question du nucléaire pakistanais ? Il me semble pourtant que le Pakistan est un pays qui se trouve sur la planète Terre. Les tensions entre l’Inde et le Pakistan sont extrêmes et les revendications territoriales mutuelles portent sur un territoire grand comme près de la moitié de la France. Il est vrai qu’il me faudrait évoquer le litige Inde/Chine dans la région mais aussi à l’Est du Bhoutan, un litige qui toutefois me semble moins aigu que le litige Inde/Pakistan.

Les Chiites représentent environ 20% de la population pakistanaise qui tend vers les deux cent millions d’habitants, un vivier. Les Sunnites, majoritaires, exercent contre eux des violences au quotidien. Idem avec les quelque trois millions de Chrétiens. Mais tout le monde se fout des Chiites et des Chrétiens du Pakistan. Pourtant les risques d’une guerre nucléaire ente le Pakistan et l’Inde sont sérieux, une guerre qui aurait quelques effets sur notre tranquillité et notre santé. C’est souvent ainsi, on scrute l’horizon dans l’attente du danger qui déboule dans notre dos lorsqu’il n’explose pas sous nos pieds suite à un travail de sape avec fourreau de mine.

Je ne remets pas en question ce que dit Avraham Moshe Dichter, un homme dont j’admire les compétences. Mais les propos que tu rapportes confirment ce que nous savons tous, soit l’internationalisation du conflit, avec volontaires venus de partout, et pas seulement chez Daesh. Ce processus qui a été observé au cours de la Guerre Civile d’Espagne et dans les deux camps. A ce propos, j’ai appris (avec plaisir) que des volontaires occidentaux (pas assez nombreux il est vrai) s’engageaient chez les Kurdes.

Avraham Moshe Dichter affirme que «  le rêve ultime de l’Iran est de dominer les lieux saints de la Mecque et de Médine, en Arabie saoudite ». Probablement. Mais pour l’heure  l’Iran peine déjà à organiser des pèlerinages à Nadjaf et à Kerbala (en Irak), respectivement troisième et quatrième lieux saints du chiisme après la Mecque et Médine.

Les Chiites d’Afghanistan constituent environ 20% d’une population d’environ trente millions d’habitants. Eux aussi sont soumis aux violences et au bon vouloir des 80% de Sunnites. Rien d’étonnant à ce que « le Vatican du Chiisme » (comme on surnomme parfois l’Iran) puisse y recruter sans peine. L’oppression dont souffre les Chiites est générale dans les pays arabes. L’Iran n’a pas à se démener pour recruter. Au chiisme s’ajoutent des parentés ethniques et linguistiques ; le monde iranophone (l’ensemble des langues iraniennes) est vaste, il dépasse largement les frontières iraniennes.

Je ne sais si les Perses se considèrent comme supérieurs aux autres ethnies qui peuplent l’Iran, parmi lesquelles des Arabes. Ils se considèrent néanmoins et à juste titre comme le noyau historique d’un pays plus fragile qu’on ne le croit. Malheureusement, une fois encore, ce sujet est peu abordé par les géo-politiciens. L’Iran pâtit non seulement d’un sentiment (justifié) d’encerclement mais craint le démembrement du pays, avec ces ethnies  des provinces frontalières.  Forces centrifuges et forces centripètes…

 

Une Juive iranienne dans la synagogue Abrishami (construite en 1965), au centre de Téhéran, en 2013.

 

L’Iran agit par peuples interposés afin d’épargner sa propre population, ce qui est moralement une « dégueulasserie » ainsi que tu l’écris. Mais en la circonstance, chère Nina, la morale est balayée. Ce genre de manœuvre n’est pas une spécialité iranienne, je ne t’apprends rien. Par ailleurs, et ne crois pas que je cherche à trouver des excuses au régime de Téhéran, la guerre Irak-Iran (1980-1988) et ses centaines de milliers de morts a été pour l’Iran ce que la guerre de 1914-1918 a été pour la France, je n’exagère rien, j’ai pu le vérifier en Iran même.

Pardonne-moi ces propos quelque peu désordonnés, chère Nina. Mais j’en reviens à mon expérience, limitée, très limitée mais authentique. Je n’ai jamais entendu dans la bouche d’un Iranien d’Iran ou de l’exil des saloperies sur les Juifs ou Israël comme j’en ai entendues dans la bouche des Arabes, à commencer par les Marocains, à présent nombreux en Espagne. Ils doivent exister ces Iraniens antisémites et antisionistes, bien sûr, mais en nombre probablement plus réduit que chez les Arabes. Pourquoi ? Parce que l’Iranien a un respect général pour la connaissance et la réflexion. Par ailleurs, les Iraniens ne souffrent d’aucun ressentiment envers Israël avec lequel ils n’ont jamais été en guerre, Israël qui ne les a pas vaincus — humiliés — contrairement aux Arabes contre lesquels ils mijotent probablement quelque chose, Israël n’étant qu’un prétexte derrière lequel ils se dissimulent. Oui, c’est bien cette accumulation de propos minables sur les Juifs et Israël dans la bouche des Arabes, je dis bien des Arabes, qui a provoqué en moi une bouffée de rage sur laquelle je ne reviendrai pas.  

Un mot encore. Donald Trump qui vient d’être élu a promis de mener la vie dure à l’Iran, ce qui est bien, le régime iranien doit être surveillé mais… à la condition que les Saoudiens et autres saletés le soient aussi. Et j’espère que sa sympathie pour Vladimir Poutine va se traduire dans les faits pour la création d’un immense axe anti-islam. L’Europe n’est rien sans la Russie et une alliance russo-américaine doit être l’un des axes prioritaires de la politique américaine. L’islam doit être contenu et réduit, à commencer par le noyau arabo-sunnite, la tête du monstre.

Je rejoins Alexandre Del Valle et le juge Marc Trévidic dans leurs inquiétude :

http://www.danilette.com/2016/10/alexandre-del-valle-et-le-juge-trevidic-sur-les-vrais-ennemis-de-l-occident.html

Je te conseille la lecture du livre d’Antoine Sfeir, « L’Islam contre l’Islam, l’interminable guerre des sunnites et des chiites » paru en 2013. C’est une belle synthèse qui doit être complétée par d’autres lectures et dont le mérite principal est de souligner la centralitée de ce conflit considéré par certains — pour ne pas dire par beaucoup — comme un épiphénomène :

http://www.lesclesdumoyenorient.com/Les-sunnites-et-les-chiites-d.html

 

armeniens-a-teheranDes Arméniens d’Iran manifestent aux abords de l’ambassade turque à Téhéran, le 24 avril 2015, à l’occasion du centenaire du génocide de leur peuple (1915-2015). 

 

 Olivier Ypsilantis

4 thoughts on “Réponse à Nina au sujet de l’Iran”

  1. J’aime beaucoup vos articles sur l’Iran et votre optimisme (difficile à partager), peut- être parce que j’ai la nostalgie des vols El Al ,Teheran, Tel Aviv, Paris, peut-être parce que m’étant plongée dans l’excellent livre de Pierre Briant: L’histoire de l’empire perse de Cyrus à Alexandre, je me dis que les Grecs l’ont beaucoup calomnié, peut-être aussi parce que je me souviens de l’édit de Cyrus…
    Mais malgré toute cette diversité interne, cette culture si riche et si ancienne et ces jolies dames si élégamment voilées, je reprends son histoire depuis l’avènement de l’islam et constate avec tristesse que la seule parenthèse dans les persécutions envers les minorités et la mise sous tutelle des femmes a été celle de la dynastie Pahlavi qui a duré moins d’un siècle.
    Je ne peux pas faire l’économie des pogroms et des conversions forcées des Juifs et des Bahaïs pour ne parler que d’eux, je ne peux pas me résoudre à ce qu’en Iran, les femmes soient autant démunies de droits qu’en Arabie. Le régime actuel est détesté par beaucoup d’Iraniens car il a créé une caste de profiteurs et de corrompus qui engrange des fortunes tandis que le peuple est toujours aussi misérable, mais non pas par son application des règles de l’islam qui sont reconnues et acceptées par tous depuis des siècles (et maintenant comme jadis, ceux qui ne sont pas d’accord se taisent pour survivre)
    Avec mon amitié,
    A bientôt,

  2. Chère Hanna, votre courrier me donne une idée d’article. Et vous lisez probablement l’un des meilleurs livres sur l’Iran/la Perse écrit en langue française. Comme vous le savez, je ne suis vraiment pas un ami du régime de Téhéran. Simplement, des indices — des éclats de lumière ? — me laissent penser que c’est du côté de l’Iran, malgré tant de signes décourageants, que viendra l’entente. Certes, elle ne se fera pas à n’importe quel prix et il faut garder un doigt sur la gâchette… Mais… Par ailleurs, une entente avec la Russie se dessine — et la France reprendra peut-être un dialogue rompu par des dirigeants stupides.

  3. Je m’invite dans votre conversation pour dire que je n’ai jamais entendu non plus un iranien (ici, à Paris) dire du mal d’Israël et encore moins insulter les juifs comme peuvent le faire les arabes et leurs sbires magrhébins islamisés. Au contraire chaque fois qu’un iranien savait que j’étais juif, j’avais droit à un grand sourire chaleureux et à un intérêt sincère. Il faut se souvenir qu’avant la funeste année de 1979 l’Iran était une alliée enthousiaste d’Israël et il ne me semble pas que cela déplaisait à sa population. Je veux aussi m’associer à Olivier Ypsilantis et à son espoir de retrouvailles entre ces deux vieux peuples que sont les Juifs et les Perses qui ont culturellement autant d’importance dans l’histoire antique des israélites que les Égyptiens. Une histoire malheureusement faussée aujourd’hui par les mollahs islamisés et fanatisés qui ont même osé voter pour le texte scandaleux des arabes sur Jérusalem présenté à l’UNESCO.
    Une dernière remarque, qui n’est pas un reproche, et comme je le fais à chaque fois que je lis le terme “humilié” concernant les guerres israélo-arabes, pour dire que si les israéliens ont vaincu les arabes ils ne les ont en aucune manière humilié. Les arabes se sont humiliés eux-mêmes en perdant à dix contre un…
    Sincères salutations et au plaisir de vous lire comme à chaque fois.

  4. Merci pour votre courrier, cher André. Lorsque je dis “humilié”, je me place du point de vue des Arabes battus par les Juifs (Israël), une humiliation, le comble de l’humiliation ! Pensez, leurs anciens dhimmis leur collent une raclée… Les pauvres ! Ils ne peuvent s’en remettre et ruminent, ruminent, ruminent…
    Heureux que vous apportiez ce point de vue sur les Iraniens, ce qui bien sûr ne revient pas à vouloir sympathiser avec l’odieux régime de Téhéran.

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