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Notes griffonnées à Lisbonne – 1/6 

 
Chesterton

G. K. Chesterton (1874-1936)

 

Achevé la fascinante « Autobiography » de G. K. Chesterton, une autobiographie non moins fascinante que celle d’Anthony Trollope. Ses variations sur la mémoire sont un régal. Au chapitre II, « The man with the golden key », on peut lire : « What was wonderful about childhood is that anything in it was a wonder. It was not merely a world full of miracles ; it was a miraculous world. What gives me this shock is almost anything I really recall ; not the things I should think most worth recalling. This is were it differs from the other great thrill of the past, all that is connected with first love and the romantic passion ; for that, though equally poignant, comes always to a point ; and is narrow like a rapier piercing the heart, whereas the other was more like a hundred windows opened on all sides of the head. »

L’ignominie antisémite est généralement grossière ; mais elle sait se donner des airs savants qui déstabilisent ceux qui se croient savants, ceux qui croient penser mais qui ne font que tourner en rond en commençant par confondre point de départ et point d’arrivée. Écoutez ce personnage, David Irving, dont le discours peut être facilement démonté puisqu’il est tout entier construit sur un présupposé. Ce monsieur semble très fier d’avoir découvert que Mátyás Rákosi et Ernö Gerö étaient juifs : il tient « la preuve »… David Irving va-t-il nous expliquer que le stalinisme était juif pour cause de Lazare Kaganovitch ? Mais écoutez l’énergumène au ton patelin (qui s’efforce de retenir sa haine du Juif comme il retiendrait un pet foireux…) :

http://www.dailymotion.com/video/xqyfe3_hongrie-1956-les-origines-censurees-de-l-insurrection-de-budapest-par-david-irving-1995-extrait-vost_news

Permettez-moi de faire part d’un souhait, un souhait qui n’est pas enfermé en lui-même mais qui prend en compte nombre d’observations. La situation d’Israël n’est pas désespérée. J’entrevois une franche alliance avec la Russie de Poutine, alliance que soutiendra la nombreuse et puissante communauté russe d’Israël, par ailleurs très présente dans l’armée. Le Hezbollah, l’un des fers de lance de la lutte contre Daesh, est trop occupé pour menacer Israël. Et tout laisse présager que la Russie va faire pression sur l’Iran (si ce n’est déjà fait) pour que le Hezbollah se détourne de l’État hébreu et parvienne à une sorte de modus vivendi. C’est dans les relations entre Israël et la Russie (et l’Europe et la Russie) que va se jouer une partie de notre destin, la Russie qui souhaite l’annihilation du djihadisme : elle redoute qu’il ne métastase plus encore dans les ex-républiques soviétiques du Caucase, une région du monde où Israël n’est pas inactif. Et il me faudrait évoquer le Kurdistan, une fois encore. Non ! La situation d’Israël dans ce monde qui tourneboule n’est en rien désespérée.

L’Iran c’est aussi les Zoroastriens :

http://www.dailymotion.com/video/x7a9ia_histoire-du-zoroastrisme_shortfilms

Ce qui fait l’extraordinaire supériorité des Iraniens sur les Arabes, c’est leur immense passé pré-islamique qui n’est pas écarté, qui n’est pas maudit. Nous traversons des zones dangereuses mais je crois que de la richesse spirituelle et multi-millénaire de l’Iran finira par être bénéfique au monde. Vive l’Iran éternel ! Vive Israël !

Islam perse… Islam iranien… C’est au XVIe siècle que l’islam imamite (l’imam se substitue alors au calife) devient la religion officielle de l’Iran. « Iran », une dénomination adoptée en 1934 par Reza Shah Pahlavi. Domination de l’ethnie perse sur le pays depuis Cyrus II le Grand, fondateur de la dynastie des Achéménides. Les grandes religions pré-islamiques (dont le mazdéisme, le manichéisme et le zoroastrisme) ont prévalu sur le pays au moins aussi longtemps que l’islam. Bataille d’Al-Qadisiyya (en 636), victoire des Arabes sur les Perses avec ses conséquences néfastes, avec l’islamisation du Caucase et de l’Inde. Les Perses qui possèdent une culture infiniment supérieure à celle de l’envahisseur sont vaincus. Ils vont toutefois influencer ce dernier, surtout à partir des Abbassides qui font de Bagdad leur capitale et ainsi se rapprochent des centres politiques et culturels de ce qui avait été l’Empire sassanide. De l’importance des soufis. Nombre d’entre eux insufflent la pensée zoroastrienne et ses symboles dans l’islam arabe, élaborant ainsi un islam perse, un islam iranien, infiniment supérieur (un « islam des marges » en quelque sorte) et qui se rapproche du judaïsme par l’énergie mentale mise en mouvement. L’Imam contre le Calife. « L’Imam caché ». Fatima assimilée à la fille d’Ahura Mazda. Le chiisme imamite devient religion officielle sous la dynastie des Séfévides (1501-1732), ce qui insuffle une énergie au pays que Shah Abbas (1571-1629) portera à son apogée, avec Ispahan capitale de l’empire. Le clergé est en Iran autonome, politiquement et financièrement. Il est probablement devenu trop puissant, trop autonome ; mais il faut étudier la particularité de ce clergé au sein de l’Islam pour commencer à comprendre les tensions qui parcourent le monde, et pas seulement le monde musulman.

Écouter les conférences (mises en ligne) de l’Iranien Abdolkarim Soroush. Faire une synthèse de sa philosophie.

Georges Bensoussan écrit dans « Les territoires perdus de la République » : « Septembre 2002, dans un collège de la région parisienne le projet suivant baptisé :  ‟Une pierre pour la Paix” va être ainsi déposé : deux professeurs, l’un d’histoire, l’autre de français, proposent d’emmener une classe de cinquième à Auschwitz pour y prélever une pierre afin qu’elle serve de fondation à une école construite en territoire palestinien. Un autre professeur du collège, petite fille de déportés, tente d’expliquer à ses collègues pourquoi cette idée lui semble dangereuse. Sentant qu’elle doit faire preuve de la plus grande prudence tellement le sujet est sensible, elle n’essaie même pas de parler de l’analogie qui risque de s’établir chez les élèves entre Israël et le régime nazi – elle soupçonne même que c’est le but de la manœuvre – elle porte son argumentation sur la mémoire et sur le caractère profanatoire du prélèvement d’une pierre chargée de mémoire et d’histoire tragiques. Aucun de ses arguments ne trouve le moindre écho, le conseil d’administration de l’établissement donne son feu vert et l’affaire se concrétise. Alors que l’objectif défini est de ‟créer un lien de paix entre les Israéliens et les Palestiniens” aucun partenaire israélien ni aucune association représentant les institutions juives ne sont contactés. En revanche l’OLP et Leila Shahid sont approchés ». Et passons sur la suite, le ‟sympathique” relai proposé par le Club UNESCO et tutti quanti. C’est ainsi, les uns veulent prendre un peu d’Auschwitz au nom des ‟bons sentiments” ; les autres veulent apporter leur croix (on se souvient de la honteuse affaire du Carmel d’Auschwitz), toujours au nom des ‟bons sentiments”.

A SHOAH on accole NAKBA, et ainsi de suite. Nous sommes dans la théologie de la substitution, une fois encore ; dans ce cas il s’agit d’une théologie laïque, politique mais dont les mécanismes sont strictement calqués sur le religieux. Les grandes religions monothéistes venues au monde après le judaïsme le pillèrent tout en s’efforçant de le chapeauter, tantôt explicitement tantôt implicitement. Aujourd’hui, les Musulmans s’activent plutôt frénétiquement, s’efforçant suivant leur habitude de chapeauter ceux qui les ont précédé, à commencer par les Juifs et occasionnellement les Chrétiens qui eux-mêmes s’efforcent de chapeauter les Juifs.

Années 1980. Je parcourais Israël, alors riche de ses kibboutz. En voyant mon pantalon de l’armée israélienne (récupéré dans un kibboutz), un Copte, gardien du Saint-Sépulcre, hurla à mon adresse dans un anglais approximatif : « Sale juif ! Buveur de sang ! Tueur d’enfants ! » et j’en oublie. C’était dans la partie la plus basse du Saint-Sépulcre (Chapel of the Finding of the Cross).

L’accusation de meurtres d’enfants est très utilisée par la propagande palestinienne, arabe en général, et turque. La turque est particulièrement atroce. Elle est d’une terrible efficacité. L’affaire Mohammed al-Durah n’aurait pas connu un tel succès sans ce substrat chrétien. L’accusation de meurtre rituel a été concoctée dans le monde chrétien et a perduré jusqu’au XIXe siècle. On se souvient de l’affaire de Damas (1840), de l’accusation du consul de France à Damas, accusation reprise par le gouverneur égyptien de la Syrie.

Tout un lexique est à revoir, comme « Territoires occupés », « colons » et j’en passe, un lexique que les médias français (pour ne citer qu’eux) passent en boucle afin d’écraser tout sens critique. Pourquoi ce grand trafic sur le lexique, plus particulièrement lorsqu’il est question d’Israël ? On prépare les esprits à l’esclavage et selon des techniques parfaitement staliniennes. Notons que l’emploi de ces techniques éprouvées ne se limite pas à la dénonciation d’Israël.

Il s’agit bien d’une guerre de religion. L’Islam « colle au cul » des Juifs comme les Chrétiens ne l’ont que trop fait — avec cette théologie de la substitution. Les Juifs, ces grands témoins, sont gênants parce que… témoins. C’est pourquoi on s’efforce de les « effacer » par divers procédés, violents ou insidieux avec, notamment, ce grand trafic sur le langage auquel se livrent les médias d’Europe — et l’intelligentsia française n’est pas en reste. La doucereuse pénétration des capitaux saoudiens et qataris suffit-elle à expliquer une telle inclinaison ? Je ne crois pas. Il y a autre chose, une alliance silencieuse entre un antisémitisme « bien de chez nous » et un antisémitisme d’importation. Et il est impossible de pénétrer les arcanes de l’antisémitisme sans faire une promenade du côté de l’antijudaïsme.

S’il est une désignation justifiée c’est bien celle de « peuple juif », une désignation aussi juste qu’est fausse celle de « race juive ». « Le projet de fonder une grande communauté humaine qui saurait ‟garder la voie de Dieu pour faire la justice et le jugement” (Gen., 18 : 19) se manifeste dès la genèse de la constitution de ce peuple, qui sut conférer à l’idée divine une définition claire et affinée, à un moment où, d’une façon incontestée, le paganisme régnait dans sa sauvage impureté », écrit Benjamin Gross dans « Les défis du destin juif – Politique et religion dans la pensée du Rav Kook ». Il y a l’origine religieuse (le socle religieux) même si elle n’est pas toujours apparente au niveau individuel, tant en Israël que dans la Galout (l’Exil). Mais l’idée de peuple juif ne peut être limitée à la religion, contrairement à ce que s’efforce de faire accroire la propagande palestinienne pour ne citer qu’elle. Être juif, c’est aussi appartenir à une famille, à un peuple, à une famille-peuple, à un peuple-famille. A ce sujet, je ne puis que conseiller la lecture du livre d’Adin Steinsaltz, « Les Juifs et leur avenir ».

Il suffit de lire les écrits des voyageurs au XIXe et XXe siècle dans la région Palestine pour comprendre que le qualificatif Palestinien et ses dérivés n’ont rien à voir avec ceux que l’on nous sert en entrée, en plat de résistance et au dessert. Si vous lisez les souvenirs de guerre de Thadée Diffre, un Chrétien, officier supérieur du Palmach, vous comprendrez que même en 1947-48, Palestiniens s’appliquait spontanément aux Juifs de Palestine. La guerre est plus que jamais lexicale.

 

Thadée DiffreThadée Diffre (surnommé « Teddy Eitan »), le grand à lunettes.

 

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

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