[L’attitude de Pie XII face à la Shoah reste pour moi un sujet de préoccupation. Pour l’heure, rien ne m’autorise à le calomnier ou à l’encenser. Et je dois dire que ceux qui œuvrent à sa béatification m’irritent particulièrement. Du calme ! Pas de précipitation !]
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L’autre regard des chrétiens sur les juifs n’est pas tombé du ciel. Il fut lent à s’ouvrir. Il y eut d’abord, éparpillées, des déclarations comme celles des Églises évangéliques, à l’occasion du procès Eichmann.
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Cardinal Bea (1881-1968)
[Me procurer “Cardinal Bea, « L’architecte de Nostra Ætate »”, revue du SIDIC, numéro spécial consacré au cardinal Bea, 1969]. Le cardinal Bea, choisi par Jean XXIII, est l’architecte du paragraphe 4 consacré aux juifs de Nostra Ætate (approuvé le 28 octobre 1965). Lorsqu’il fut nommé à cette tache, le cardinal Bea n’avait aucune connaissance précise du judaïsme postérieur au Christ. Ce sont les rencontres œcuméniques (avec des communautés chrétiennes séparées de Rome) qui le feront revenir aux sources, développer son intérêt pour le judaïsme postbiblique et multiplier ses contacts avec les juifs.
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La formule révolutionnaire (d’un point de vue chrétien) prononcée le 17 novembre 1980, à Mayence, par Jean-Paul II : “Le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance JAMAIS RÉVOQUÉ par Dieu…” Le 13 avril 1986, ce pape est le premier pontife à se rendre à la Synagogue de Rome. En 1993, le Saint-Siège reconnaît l’État d’Israël ; le 30 décembre 1994, il signe avec lui un “Accord fondamental”.
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Le relatif désintérêt des catholiques à l’égard des relations judéo-chrétiennes, en dépit des efforts entrepris tant par l’Église catholique romaine que par les Églises protestantes. Mais, étrangement, les chrétiens manifestent volontiers agacement et agressivité envers l’État d’Israël. [J’ai souvent expérimenté ce phénomène chez les chrétiens, pour ne parler que d’eux. Il me troublait, il m’est devenu insupportable. Le Juif acceptable aux yeux des chrétiens doit-il nécessairement être faible ? Le juif doit-il se trouver dans la situation du patient et le chrétien dans celle de l’infirmer ou du médecin pour que “l’ordre des choses” soit respecté ? Le chrétien n’introduirait-il pas dans sa vision du juif, et sans qu’il en soit pleinement conscient, un schème mental qui est l’une des idées-forces de l’islam : la dhimmitude ? L’axe de réflexion que propose à ce sujet Menahem Macina est précisément celui dans lequel je me suis engagé depuis des années, à savoir qu’il y a glissement du théologique au politique, soit une “politisation théologique”. Lorsqu’il est question de l’État d’Israël, on est vite amené à nager dans les eaux troubles du politico-théologique ou du théologico-politique.]
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On accuse les juifs de ne rien faire comme les autres, on les accuse d’être différents et, par ailleurs, on s’en prend à leur faculté d’adaptation ‒ qui est capacité de survie ‒ en les accusant de dissimulation et de ruse.
Après la Shoah, on pouvait espérer que l’antisémitisme était exorcisé ; mais on ignorait qu’il était un virus mutant de la pire espèce. Il s’est fait chez nous antisionisme. Et le juif qui avait pu espérer un changement radical de la part des chrétiens ‒ avec ces déclarations ecclésiastiques de repentance ‒ dut se rendre à l’évidence. [De nos jours, le juif n’est acceptable que s’il fait preuve d’antisionisme, et d’une manière aussi ostentatoire que possible.] Le stéréotype appliqué à Israël est celui de “la victime reproduisant le comportement de son bourreau”.
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Pourquoi le silence de tant de chrétiens ? Consentiraient-ils à la disparition de l’État d’Israël ? Combien la souhaitent-ils ? Question de Menahem Macina : “Ont-ils (les chrétiens) oublié que, dans les années 1930, la passivité chrétienne à l’égard des accusations antijuives et l’absence de dénonciation explicite des pires calomnies antisémites ont joué un rôle non négligeable dans l’absence quasi générale de réaction à la mise en œuvre de la Solution finale ?”
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L’apocatastase (mot central dans la pensée de l’auteur) n’est pas un événement ponctuel, mais un processus initié par l’incarnation du Christ : soit le peuple juif réinvesti par Dieu de ses prérogatives et de sa mission initiale qui, à aucun moment, ne lui fut retiré définitivement. [Ce qui suit est étrange et fascinant avec ces radiographies scripturaires, ces mises en regard et ces superpositions, notamment de l’hébreu et du grec, de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament avec, au centre d’une composition complexe, le figuier et… la Shoah.]
Le figuier desséché, voir l’Évangile de Mathieu (Mt 21, 18-22) et l’Évangile de Marc (Mc 11, 12-14), consultables en page 216 du livre de Menahem Macina, deux versions que l’auteur place en regard de l’Ancien Testament. L’immense charge symbolique. Les “primes figues”, les plus recherchées, les bikkurot. Le verbe bikkurah, “sortir en jaillissant”. C’est de cette racine verbale B.K.R. que procède bekhor, “aîné”. Dans l’Écriture, le Peuple de Dieu, Israël, est appelé par Lui “mon premier né ”, bekhori.
Israël et le royaume d’Éphraïm (les dix tribus détentrices du droit d’aînesse). Cette prérogative de l’aîné, Éphraïm donc, constitua un problème insoluble (d’où schisme) lorsque le Royaume du Nord se sépara de la Maison de Judas. Mise en garde fondamentale de Menahem Macina : “Faute d’avoir saisi ce fil scripturaire tenu, caché “aux sages et aux intelligents”, beaucoup de “scribes” et de “docteurs de la Loi” chrétiens n’ont vu, dans la rivalité entre les deux royaumes du “tout Israël” (soit les douze tribus), qu’une donnée politico-ethnique, voire socio-économique !”
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Les Juifs restés incrédules vis-à-vis de la foi chrétienne persécutent les chrétiens. C’est Juda contre Éphraïm. Saul approuve le meurtre d’Étienne avant de devenir Paul dont la prédication va être à l’origine d’un schisme radical, “comme une réitération tardive du schisme des tribus sous Jéroboam”. Ruine du Temple, en 70 après J.-C., déjudaïsation de la Palestine après 135. Le christianisme juif fera définitivement sécession et, comme dans le schisme entre Juda et Éphraïm, il en viendra à persécuter son aîné. L’alliance initiée sous Constantin (au IVème siècle) entre la chrétienté et l’Empire romain scellera l’inimitié.
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Que nous disent les Évangiles (Mc 11, 12-14) ? Dieu s’approcha du figuier. Comme ce “n’était pas encore la saison des figues”, Dieu se contenta de dessécher le figuier (symbole du peuple juif) en attendant que “les temps soient accomplis” pour le faire reverdir. Mais Il sera sans pitié envers les chrétiens qui auront apostasié (en dépit des avertissements) et qui se seront rengorgés de la mise à l’écart (temporaire) des juifs et auront profité de l’occasion pour colporter sur leur compte des ragots en tous genres. Les chrétiens se sont gaussés du dessèchement du figuier (du peuple juif), ils en ont fait un usage anti-judaïque, sans prendre la peine de mettre en relation le passage de l’Évangile de Matthieu avec les passages de l’Ancien Testament qui évoquent le reverdissement de l’arbre desséché.
Dans l’Ancien Testament, Dieu reproche à son peuple (le figuier) de ne pas donner de figues. Dans le Nouveau Testament, c’est précisément la même déception qu’éprouve Jésus ‒ et il dessèche le figuier.
Dieu punit Israël selon la chair, l’aînée. Le peuple juif (Juda) est déchu de son rang, cependant, pas pour toujours, car il se pourrait que les chrétiens ne soient pas meilleurs et se dérobent à la fidélité exigée.
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Á méditer. Sitôt que Dieu sur le Sinaï eut fait don de sa Loi à Israël, la haine des juifs a empli les idolâtres.
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Nous sommes parvenus “aux temps où Dieu va remettre en vigueur tout ce qu’il a énoncé par la bouche de ses saints prophètes de toujours”. Le feuillage du figuier (Israël) a reverdi : plus d’un tiers des juifs du monde font revivre la terre de leurs ancêtres. “L’histoire tragique et glorieuse du peuple juif, au cours du XXème siècle (…) témoigne de l’accomplissement inéluctable des promesses scripturaires annonçant sa restauration glorieuse”. Les prophètes (parmi lesquels Michée, Joël et Zacharie) l’ont dit : le retour en Eretz Israel verra les nations se dresser contre le rétablissement de cette nation.
[Les partisans d’Israël contre les ennemis d’Israël. Une ligne de front se dessine, de plus en plus marquée. L’avenir se laisse pressentir dans la mesure où l’Écriture, loin de n’être que l’expression littéraire hyperbolique des combats que mena Israël sont “à la fois un récit du passé, tel qu’il s’est déroulé, et une prophétie de l’avenir”, ainsi que le signale Irénée de Lyon dans “Traité des hérésies”. Les chrétiens assidus de l’Écriture ne voient généralement Israël et le juif qu’affaiblis, chancelants. Pourtant, les saintes prédictions ne manquent pas qui évoquent l’affrontement final entre Dieu ‒ le Dieu d’Israël ‒ et une humanité révoltée. Mais les temps approchent, des temps qui différeront du Déluge ou de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Les contemporains de ces temps ‒ nous ? ‒ seront sommés de choisir leur camp. Tout laisse pressentir que nous sommes descendus dans la vallée de Josaphat.]
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Les chrétiens se sont massivement tus face à la Shoah. Vont-ils se taire encore, alors qu’Israël est toujours plus discrédité ? La passivité les gagne lorsqu’ils ne se joignent pas au concert international du discrédit d’Israël.
Et Menahem Macina nous livre une intuition que je partage : le péché de la Shoah mené par ce précurseur de l’Antéchrist (Hitler) a inauguré le temps du rétablissement pré-messianique des juifs. Autre intuition que je partage : le péché de la Shoah ne restera pas impuni. Il y aura un jugement de Dieu, et les chrétiens comparaîtront eux aussi. Ils devront répondre de leur attitude envers Israël. L’Éternel est lent à la colère mais il n’oublie rien. [Le lecteur haussera les épaules et traitera l’auteur et moi-même d’exaltés. Mais observons. Israël est le pays le plus calomnié au monde. La cause palestinienne est devenue le “nouvel Évangile” de foules considérables ET CE N’EST PAS UN HASARD. La Shoah et la déréliction massive à laquelle Israël est soumis constituent, en substrat, des attaques contre le judaïsme, contre le peuple de Dieu, contre Dieu lui-même, contre le christianisme].
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Le lecteur désireux de se procurer les ouvrages de Menahem Macina pourra s’adresser à :
Amazon : http://www.spiritusmundi.fr/categorie/0000/dialogue-interreligieux-1.htm
Procure : http://www.laprocure.com/livres/livres/menahem-macina/les-freres-retrouves-l-hostilite-chretienne-l-egard-des-juifs-la-reconnaissance_9782356310644.aspx
Decitre : http://www.decitre.fr/recherche/resultat.aspx?recherche=refine&auteur=Menahem+Macina
A la page : http://www.alapage.com/m/pl/malid:27225170
Librairie Dialogues.fr : http://www.librairiedialogues.fr/livre/1232003-les-freres-retrouves-de-l-hostilite-chretienn–menahem-macina-ed-de-l-oeuvre
Bien d’accord avec vous sur l’essentiel. L’antisémitisme chrétien, qu’il se déguise ou non en antisionisme, est insupportable et il faut le combattre. Simplement, comme je l’ai indiqué dans le commentaire que j’ai donné de votre texte “Réponse à un prêtre, à propos d’Elie Benamozegh”, je suis moins pessimiste que vous (et que M. Macina).
Sur la proximité des derniers temps et du rétablissement prémessianique des Juifs, il y a des choses intéressantes dans le livre de Roy Schoeman, “Le salut vient des Juifs”, que j’ai évoqué dans mon blog le 23 janvier dernier.