par Marock » Avril 19th, 2011, 10:00 pm
En ces fêtes de Paques communes entre juifs et chrétiens, il est à signaler que nous aussi avons des moments de réjouissance.
Sauf que ça dure plus longtemps, presque un mois solaire.
Ramadan, mois sacré, de recueillement, de ferveur religieuse, d’abnégation, d’amour de son prochain, autres saintetés.
Oui, les premiers jours, on arbore un visage de béatitude épanouie tel un martyr en attente de canonisation.
On attend vaillamment la grande nouba nocturne, on fume plus, ça peut faire que du bien, on fait du sport avant le ftour, bien couvert sous le cagna de préférence, ça doit éliminer les toxines accumulées la nuit précédente.
Une demi-lunaison s’est écoulée, on attaque la troisième semaine.
Déjà août il fait pas tiède, mais Dieu le miséricordieux a décidé, dans sa grande clémence, de nous gratifier d’un chergui bien brûlant, histoire sans doute de harisser l’ambiance.
Le thermomètre est monté si haut qu’il faudrait une échelle pour aller voir combien de Celsius
il ose avouer.
Même les mouches se reposent.
Le recueillement s’émousse comme une bière nappée de sa buée, la ferveur s’effrite comme une moule devant un vin de Moselle, toutes les bonnes résolutions s’évanouissent comme les volutes de la fumée d’une gauloise dans une brise fraîche.
Un cerveau qui n’a que ces obsessions en tête, il peut pas fonctionner correctement.
Il a été décidé d’un commun accord entre tous les toumoubilistes que feu rouge, stop, ligne jaune, priorité n’étaient qu’inventions perfides de sataniques infidèles colonisateurs et heurtaient la sensibilité de notre pays devenu indépendant, surtout en ce mois particulier.
Par contre le klaxon doit être une invention arabe (encore une ) vu son usage intensif.
Tiens, un qui respecte un stop ? Et qui en profite pour piquer un petit roupillon.
Manque de chance, un autre qui suivait dans son gros 4x4 climatisé, a décidé lui de paisiblement somnoler, baigné par le flot de la circulation.
Ça loupe pas. Ça fait un grand « blang ».
Un vieux s’extrait de son antiquité à roulette, soudainement revenu à la réalité.
Un jeune descend du 4x4, pas très reluisant. Tente un timide : « constat ? »
L’ancêtre, ce qu’il constate, c’est l’arrière de sa vaillante Simca 1000 complètement défoncé.
Ça dégouline un mélange d’eau et d’huile, des soupapes choient sur la chaussée, des pistons pendouillent lamentablement.
Il lui prend une fureur épouvantable, au chibani. Le voilà qu’il se précipite sur le blanc bec qu’il asséne de féroces coups de cannes.
L’autre, réflexe impondéré face à cet assaut inattendu, prodigue à son adversaire un malencontreux bourre pif.
Lequel s’écroule, le tarbouif raisinant d’importance.
Des bonnes âmes surgies d’on ne sait où tentent de retenir l’un, de relever l’autre.
Ça s’agite, dans le tacot raccourci. Deux formes tentent de s’extirper du tas de ferraille.
Une fois l’opération réussie, on reconnaît deux mouquères, certainement les épousées du haj.
Autant celui ci est fluet, autant celles ci sont imposantes, calibre Brive la Gaillarde.
A la vue du sang, le leur ne fait qu’un tour.
Toutes griffes dehors, elles fondent sur le freluquet, lequel commence rapidement à ressembler à de la kefta pas fraîche. On s’interpose, on tire en arrière, on commence à s’énerver.
Très vite, tout ceci dégénère en un pugilat généralisé.
Les babouches écrabouillent, les tarbouches volent, ainsi qu’un flot d’insultes du genre : «Amar (équidé à longues oreilles), zamel (adepte de la sodomie), ould kahba (rejeton de femme légère et de mauvaise vie), diel mouk (sachez que j’avoue aux hégémonies la religion de votre génitrice.) » et bien d’autres encore moins racontables.
A l’ouïe de ce vacarme, trois agents de la circulation qui vaquaient au carrefour, avec un enthousiasme très modéré en une tentative de régulation de la circulation de divers véhicules, toumoubiles et carossas mêlées , décident de s’enquérir de la situation, matraques levées, ce qui ajoute encore à la confusion générale.
Bien sur, très rapidement la circulation est complètement bloquée. Concert de trompes.
Les premiers rangs viennent participer aux festivités, laissant leurs bagnoles en rade.
La moitié de la ville est paralysée.
Pas loin, deux compagnies de simi (CMI), plus connus par leur surnom de « massacreurs » cuisaient dans leur stafettes surchauffées à blanc dans le but de prévenir toute manif de « diplômés chômeurs » devant le parlement. On ne leur avait pas dit que les chômeurs étaient en vacances.
Une petite parenthèse s’ impose à propos des «simi » : Ils sont recrutés dans les orphelinats. En effet, l’ habitude est de mettre en avant des manifs des matrones d’ un certain âge, avec ces deux avantages : Vu leur calibre, ça amortit le premier choc, et elles supplient vite «Ne me frappe pas, je pourrais être ta mère. »
Supplique suivie rapidement d’ une brève réponse « Je suis orphelin » ainsi que d’ un choc sourd.
Mais revenons à nos vaillants pourfendeurs de troubleurs d’ ordre.
Ils décident qu’un peu d’exercice à l’air libre leur ferait le plus grand bien. Pas possible d’utiliser les canons à eau pendant ramadan, on va donc procéder à un nettoyage à sec.
On sort précautionneusement les longues zarouettas, on les astique amoureusement.
Et en avant.
Rien qu’à leur vue, une certaine accalmie s’empare des participants.
Les réjouissances risquent de tourner rapidement au mercurochrome et aux attelles.
Ça traîne pas à faire place nette.
En quelques minutes il reste plus sur le goudron fondant que quelques lunettes cassées, des débris de babouches, des morceaux d’oreille sanguinolents.
Et le pépère qui sanglote sur sa Simca 1000.