par Marock » Janvier 21st, 2012, 10:48 pm
Tiens, un petit voyage dans le Nord ?
Premiére partie.
Mi août comme me le me souvient mon félin domestique.
Le 14, fête marocaine, Oued Dahab, récupération de la partie du Sahara ex espagnol partagée avec la Mauritanie, vers 1974, suite à la marche verte
L’armée mauritanienne a jamais su contrôler, trop occupée à faire des coups d’état.
Le 15 est la fête de la Maman de celui qui me guide dans la vie.
On a un pacte : Je l’ennuie pas de prières innombrables, je respecte ses préceptes, je fais de mal à personne. Et il me protége.
Quatre jours libres.
J’irais bien faire un tour dans le Nord, le Rif.
Longtemps que j’ai pas vu ces plongées boisées dans notre Méditerranée.
Jebbah, un bled que j’ai jamais vu.
Normal, au bout d’une route, un cul de sac.
Après, c’est plus rien, même pas une piste.
Le Rif qui s’enfonce dans la mer.
En route.
Août, c’est assez torride, ici.
Le thermomètre est monté tellement haut qu’il faudrait une échelle pour aller voir combien il fait.
Ma bagnole surchauffe à l’attaque des montagnes.
Obligé de mettre le chauffage, refroidir le moteur, pas le choix.
Ça commence à fournaiser, dans la tire.
Idée. Music. Chris Rea, assez rafraîchissant habituellement.
Il commence bien : « Looking for the Summer »
Alors là, viens ici je me dis, cherche pas plus loin, tu seras pas déçu.
Et qu’il insiste, il a trouvé : « Sweet, summer day. »
Faut vraiment être british pour chanter de telles turpitudes.
Pour moi, c’est plutôt « The road to hell »
Altitude, Chaouen.
Une des plus belles villes du Maroc.
Seule la place centrale présente un semblant d’horizontalité.
S’en enfilent des dédales de ruelles serpentant à leur gré, droite, gauche, montent et soudain décident d’incliner. Vers le bas, bien sur. Ou le haut, elles savent pas décider.
Des petites fontaines zéligées.
Une roue à aube, comme chez moi.
Qui transmet sa rotation verticale à une meule horizontale
Les murs sont teintés de bleu, en bas, de blanc au dessus.
Ensuite, plus rien, mélange brut de pierres et terre apparentes.
Logique. A hauteur d’homme, mélange de chaux et indigo. Pas dur à peindre.
Plus haut, problème. Le mec qui manie le pinceau, il a pas envie de se retrouver tout bleu en cas de défaillance du partenaire qui le soutient sur ses épaules.
Ensuite, pas la peine d’insister, trop élevé. Pas d’échelle possible sur un support incliné.
Tagine de poisson, bien sur, inévitable.
Entre deux arrêtes je suis informé qu’il existe une route récemment créée entre Chaouen et Oued Lahou.
Plus la peine de remonter jusque Tetouan, passer par Martil.
150 bornes économisées.
Dodo, je connaîs. Le parador de Chaouen, vraiment une merveille.
A flanc de montagne, et pas cher du tout.
Toujours ce problème, remplir les fiches, produire ses fafs.
Ma carte de séjour, trois ans qu’elle est périmée. Pas eu le temps de la refaire.
Discret, je cache la date avec mon pouce.
Ma Nana, elle a pas de papiers, mais elle a son truc.
« Téléphonez à ce numéro, ensuite veuillez informer Monsieur l’Ambassadeur que la nièce du président aimerait lui parler personnellement. »
Le loufiat, une crise diplomatique entre le Maroc et un autre pays , il veut pas être responsable.
« Acte de mariage voulez vous ? » , je rigole.
Ça le concerne pas, on est étranger, pas musulman. On fait ce qu’on veut.
Cette liberté au Maroc quand on est pas marocain !
Ces délirances administratives étant réglées, accompagnées bien sur d’un petit bifton amortissant, plongée rafraîchissante dans la piscine qui surplombe trois vallées.
Verdoyantes en cette saison.
Etonnant ?
Non, culture locale, ces plantes à sept feuilles, à résine enivrante.
Départ matinal direction Jebah.
Sur qu’il y a une route. Il y avait, je préciserais.
Le long d’un oued, entre deux montagnes.
Pas bien large.
Plus beaucoup de goudron, l’oued s’en est crue à pleine joie.
Déconseillé de croiser un camion.
Mais le paysage est magnifique.
Descentes vertiginantes de verdure, des points blancs tout là haut. Des douars.
Et le petit vieux qui s’obstine à labourer son lopin, un dromadaire et un âne attelés à la charrue, histoire d’assurer une horizontalité précaire à travailler ses sillons.
Demi tour, sillonner plus bas, une ravine , alterner l’attelage.
Et il repart, vaillant, le Chibani.
Planter ses petites semences ?
Si il pleut pas, elles vont sécher sur place.
Si il pleut, elles seront emportées dans l’oued.
Au moins, il est pas resté les bras croisés en attendant l’aide de Allah.
Eviter les ornières n’incite pas à une vitesse excessive. Provoque même une certaine réflexion.
Le dernier réferendum.
Hassan II aimait bien, ça faisait démocratie.
Il invoquait la fibre patriotique.
Deux sujets :
« Acceptez vous l’introduction de pois chiches dans notre couscous national ? »
« Acceptez vous l’interdiction d’harira dans ce même couscous ? »
Sous entendu : Comme les autres frères par delà la frontière qui nous troublent avec notre Sahara Marocain.
La fibre patriotique, les marocains sont très nationalistes.
« En arriver à faire notre couscous sans potiron, sans choux, on perd notre culture ! Non aux pois chiches. »
« Harissa dans notre couscous ? Pourquoi pas du ketchup ? Oui à l’interdiction ! »
Comme il y a majorité d’analphabétes, les bulletins sont en couleur, pour aider à la compréhension.
Le moqadem explique au chibani.
« C’est comme un feu rouge, le vert, c’est oui, le rouge, c’est non. »
« Comment ça, un feu, c’est toujours rouge. Sur qu’avant, tout est vert, après, c’est tout noir. »
« Laisse tomber, pépére, tu mets tout ça dans l’enveloppe et tu vas introduire dans la boîte là bas. »
L’enveloppe est transparente, ça évite les confusions et facilite le dépouillement.
Ce qui bien sur donne ces résultats attendus : 99 % d’approbation.
Ce qui m’interloque, devant ce paysage, c’est le taux de participation, dans la même fourchette.
Ces mecs qui crêchent là haut, à 1500 m plus prés du ciel, pas une route, des sentiers connus d’eux seuls, ils vont tous se précipiter en foule à la conquête des urnes ?
C’est pas mon problème.
Oued Lahou, je vais aller voir un vieux copain, le chef du cercle.
« Salut, mon capitaine. »
« Tu as pas remarqué, mon galon de plus, je suis commandant maintenant. »
Ce que je remarque surtout, c’est son teint verdâtre, ses yeux jaunes avec des stries rouges.
Pas la peine d’être un disciple d’Ambroise Paré pour diagnostiquer un abus d’alcool frelaté espagnol de contrebande.
Avec son uniforme kaki, ça lui confère une touche papagaïesque.
« Tiens, je t’ai amené ça, de la capitale, ça te fera du bien. »
« Jack Daniel’s, c’est encore un américain juif, celui ci. »
« Laisse tomber ton racisme primaire, et bois, ceci est mon don. »
On cause.
« Tu pieutes ici ? »
« Non, je vais profiter du jour restant pour aller à Jebbah. »
« Jebbah, c’est vraiment pas une bonne idée, surtout aujourd’hui. »
Aujourd’hui ou demain, c’est pareil, la route doit être complétement défoncée, les radiers emportés, plusieurs mois pour colmater tout ça.
On verra demain, ou au prochain épisode..