par Yéhoudidi » Février 19th, 2018, 8:56 pm
superbe ta narration du congrès, en...Français
quand a l' Arabe, voilà de quoi te donner envie de t'y atteler
""""""""Pourquoi l’arabe est-il si difficile à apprendre?
Pour les Occidentaux, la langue arabe reste un casse-tête. Pourtant, depuis quelques années, elle est devenue incontournable.
«Inch’allah» (si Dieu le veut), «choukran» (merci), «al’hamdoulillah» (louange à Dieu)… Autant d’expressions connues de ceux qui tentent de baragouiner quelques mots d'arabe. De là à parler couramment la langue, le fossé est large.
Une langue parmi les plus difficiles
«Les langues sont d’habitude amusantes. Mais l’arabe est en train de me tuer», s’était exclamé Robert Lane Greene, journaliste américain à Slate.com. Son don pour les langues étrangères, cette fois, ne lui aura pas servi. Comme pour d’autres avant lui l’apprentissage de l’arabe a été un exercice des plus ardus.
Selon le site Twentywords l’arabe fait réellement partie des langues les plus complexes à apprendre: un alphabet de 28 lettres, une lecture de droite à gauche, peu de voyelles… autant d’obstacles pour qui s’y aventure. Reste qu'aujourd'hui, la langue arabe est devenue incontournable: près de 300 millions de personnes échangent en arabe à travers le monde dans pas moins de vingt-trois pays.
L’apprentissage de la langue n’est pas le même pour tout le monde et ne représente pas le même degré de difficulté: «suivant la langue maternelle de l’élève, l’arabe sera plus ou moins difficile à appréhender», souligne Mohammed Jeridi, professeur d’arabe littéral à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il poursuit:
«Les lettres gutturales seront les premiers obstacles de la langue arabe en particulier pour les Anglais et les Français. Ensuite, les difficultés seront la compréhension des lettres qui n’ont de signification que rattachées à d’autres pour former un nom, comme le hamza, le qâf, le aïn ou le gayn (prononcer raïne). Il sera éventuellement plus facile pour les anglophones de parler l’arabe car l’anglais a déjà un "h" aspiré, précise le spécialiste qui insiste sur le fait que, la prononciation n’est pas déterminante pour savoir si une langue est difficile à apprendre ou pas.»
Pour qu’un anglophone puisse parler correctement l’arabe, 2.200 heures de cours seraient nécessaires sur une période de quatre-vingts semaines en moyenne. Le site Twentywords compare le degré de difficulté de l’arabe avec celui du chinois, du coréen ou du japonais. A titre d’exemple, l’apprentissage de la langue française entre dans la catégorie «facile»: vingt-trois à vingt-quatre semaines d’apprentissage pour 575 à 600 heures de cours.
À l’écrit
Bien que l’alphabet arabe ne comporte que vingt-huit lettres, les modalités d’écriture et de lecture diffèrent des langues occidentales. En arabe, les formes des lettres changent en fonction de leur place dans le mot, suivant qu'elle est autonome, en début du mot, en position médiane ou à la fin.
Comme dans beaucoup d’autres langues, les mots en arabe respectent certaines déclinaisons.
«kitab»: livre; «kaatib»: écrivain ; «maktaba»: bibliothèque.
«lahiboun»: jeu ; «lahib»: joueur ; «malhab»: lieu où on joue.
L’usage veut qu’à l’écrit, les voyelles ne soient pas toujours apparentes. Ce qui ne facilite pas la tâche à la lecture. Un mot comme «maktab» (bureau) s’écrit couramment «Mktb». Cela revient à apprendre une langue avec tous les caractères et ensuite de la réapprendre avec des caractères en moins:
ps fcl sns ls vlls!: pas facile sans les voyelles!
Enfin, du point de vue de la syntaxe, l’arabe use de phrases verbales et de phrases nominales, et l’ordre des constituants est: Verbe-sujet-complément (VSO).
À l’oral
Certaines sonorités sont tellement inhabituelles pour des anglophones qu’il leur faut du temps pour apprendre à les reproduire.
«Je ne conseille pas de mâcher du chewing-gum en classe d’arabe, parce que le nombre de bruits articulés depuis le font de la gorge font que le chewing-gum finirait dans vos poumons […] Si les sons sont durs, les mots le sont encore plus», ironise Robert Lane Greene.
En termes d’élocution, le discours des arabophones est souvent décrit comme vivant et expressif, et se transmet autant oralement que par des expressions non verbales: intonations de voix, expressions du visage, gestuelle.
A contrario, l’arabe littéraire dans son expression orale est plus linéaire, plat, voire monotone. C’est une langue avant tout fondée sur le discours et dont la pratique stricto sensu ne met pas en valeur d’expression corporelle.
Chadia Afrej, Marocaine et professeure d’anglais à Paris, nous donne en exemple la chaîne al-Jazeera, diffusée en arabe littéraire:
«Les présentateurs n’ont pas d’expression particulière sur le visage lorsqu’ils s’expriment. La ponctuation est tellement peu marquée que les phrases paraissent généralement très longues.»
Quel arabe choisir?
Avant toute chose, il faudra déterminer quel arabe on souhaite apprendre entre l’arabe littéraire (ou littéral) et l’arabe dialectal. C’est la construction temporelle ancienne de l’arabe qui a permis l’émergence de plusieurs dialectes: tous sont issus de la même base.
Pour Mohammed Jeridi, une certaine logique reste à respecter dans l'apprentissage de cette langue:
«Il vaut mieux apprendre d’abord l’arabe littéraire. On peut apprendre assez vite l’arabe dialectal oralement lorsqu’on est intégré dans un groupe. Mais on prendra de mauvaises habitudes, et l’apprentissage de l'arabe littéraire ne sera pas forcément facilité. De plus, dans le vocabulaire entre le littéral et le dialectal, certains mots changent de sens. Par ailleurs, le même mot dans le Nord de la Tunisie peut ne pas avoir le même sens dans le Sud. Mais si on parle l’arabe littéraire, on a plus de chance d’être compris dans toutes les régions.»
L’arabe littéraire demeure la langue écrite «universelle». Les arabophones issus de cultures différentes ne parlent que très rarement l’arabe littéraire entre eux, préférant communiquer par un arabe dit dialectal. Le problème est que ce type d’arabe relève davantage d’une spécificité locale et diffère donc d’un pays à un autre. Concrètement, un arabophone tunisien et un arabophone yéménite ne se comprendront pas si tous les deux s’expriment dans leur arabe dialectal propre.
«Moi, Marocaine, je ne vais pas comprendre un arabe d’Egypte ou de Syrie qui va me parler la langue orale de son pays, et vice versa», confirme Chadia Afrej.
Dans la plupart des pays arabophones, l’arabe littéraire est peu utilisé à l’oral sauf dans le cadre religieux, professionnel ou universitaire. En ce sens, le rôle de l’arabe littéraire pourrait être comparé à celui du latin en Europe occidentale durant l’époque médiévale.
Exception faite de pays où l’arabe littéraire est davantage courant, tels que l’Arabie Saoudite, le Koweït ou les Emirats arabes unis. Les différences d’usage linguistique entre les pays arabophones s’expliquent principalement par des motifs historiques et culturels.
«Il y a des influences régionales, des courants et des couches historiques. Dans les mots, on trouve beaucoup de différences. Il y a de l’italien et du français qui se mélangent à la langue tunisienne. Par exemple, le mot tunisien dialectal «zoufri» (ouvrier en français) a une connotation péjorative en tunisien (voyou). Chaque pays arabophone a ses propres influences», explique Mohammed Jeridi.
«A l’origine, la langue arabe s’est répandue grâce à la diffusion de la religion. Après, les différentes influences géographiques et culturelles ont contribué à l’émergence d’un arabe dit dialectal», renchérit Chadia Afrej.
Et dans quel contexte?
Le choix entre l’arabe classique ou un des arabes dialectaux va surtout dépendre des raisons pour lesquelles vous voulez apprendre la langue. S’il s’agit de s’installer dans un pays précis ou de vouloir communiquer avec des gens d’une même culture, l’apprentissage d’un arabe dialectal est plus approprié car il facilite la communication orale et quotidienne. Dans cette perspective, on peut supposer qu’il sera plus aisé pour un Français d’apprendre l’arabe dialectal du Maghreb, étant donné l’influence exercée par la langue de Molière durant l’ère coloniale. La preuve en est que certains mots francophones sont utilisés couramment par des arabophones du Maghreb: pharmacie, tilivision (télévision), tiliphoune (téléphone)…
Dans l’échelle des différences dialectales, il semble que l’Egypte, par son rayonnement culturel notamment, fait office de référence:
«L’égyptien est certainement le dialecte le plus compris dans le monde arabe. L’Egypte a eu beaucoup d’influence du point de vue médiatique et culturel. Grâce à la diffusion de films et de la radio, des Tunisiens, des Algériens, parlent mieux l’égyptien que leur propre langue. L’égyptien est le dialecte de référence», indique Mohammed Jeridi.
A l’inverse, le dialecte le plus éloigné de l’égyptien et donc le moins répandu chez les arabophones, est l’irakien.
«L’irakien a beaucoup de lettres qui changent, le qâf devient "che", etc. Tout simplement parce que l’irakien a reçu moins d’influences extérieures», conclut-il.
Paradoxalement, à l’apogée de l’empire islamique, les plus grandes écoles de grammaire arabe se trouvaient en Irak, notamment dans les villes de Basra et de Koufa. La plus ancienne forme de calligraphie arabe, le kufi (ou coufique), celle qui a servi à calligraphier les premiers exemplaires du Coran —le livre sacré de l’islam— est originaire de la ville de Koufa, à 170 kilomètres au sud de Bagdad.
L’arabe est progressivement devenu une série de «dialectes» considérés comme des langues distinctes mutuellement incompréhensibles. Mais l’apprentissage de l’arabe littéral permet quant à lui l’accès à des textes vieux de plus d’un millénaire et demi.
Rassurez-vous, quiconque s’engage sur le chemin de l’apprentissage de l’arabe sera confronté au dilemme entre dialectal et littéraire. Même Harry Potter en a fait les frais: dans les industries de doublage pour les diffusions de film dans la péninsule arabique, on s’arrache quotidiennement les cheveux pour déterminer quel arabe sied mieux à quel personnage de film. A l’image des spartiates de 300 et d’Al Pacino dans le Parrain, Harry Potter s’exprimera en arabe syrien, considéré comme «idéal» pour la fiction.
Anaïs Toro-Engel et Mehdi Farhat
L'explication remercie Chadia Afrej, professeure d'anglais à Paris, et Mohammed Jeridi, professeur d’arabe littéral à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).