par Marock » Novembre 24th, 2011, 7:19 pm
Un peu de dépaysement, aux USA.
J' adore ce pays, je dois pas être le seul.
Les zomos, étrange engeance.
Sur, il faut pas leur tourner le dos.
Mais on peut leur causer, paraît que c’ est pas contagieux.
J’ en ai rencontré, plein, à force de vivre et voyager.
Et en plus, dans leur repaire préféré.
San Fransisco. Cinq mille bornes de N.Y.C et trois heures de décalage.
En stop, ça passe mieux. Mais pas plus vite.
J’ ai le pouce fatigué. Pas que le pouce. Je suis épuisé.
Ashbury Street. C’ est tout mignon, des maisons en bois, toute colorées.
Un banc me tend ses bras. Manière de parler, il a même pas de dossier. C’ est un arrêt de bus.
Je pose mon sac, recompte mes dollars. J’ irai pas bien loin..
Mais je suis pas inquiet, j’ ai un gardien angélique qui m’ a toujours veillé .
Il va pas me lâcher maintenant, surtout si loin de chez moi.
Un mec prend siége à coté, hirsute comme moi, fagoté pareil.
En fouillant mes poches, je retrouve un vieux paquet de goldos, tout chiffonné. Je m’ en allume une, tend le paquet à l’ autre, le voisin de circonstance.
Il commence par tousser sévère, pas habitué au tabac noir. Réussi malgré tout à articuler « French ? »
Encore un perspicace, comment il a deviné ?
On cause, en américain, ça fait qu’ un mois que je suis confronté à ce langage, mais ça vient vite. Obligé.
Il se nomme, je comprends, « Laouisse Saiente Saouver. »
Plus tard, j’ ai compris, en voyant son nom écrit « Louis Saint Sauveur », parents canadiens émigrés aux USA. Mais lui, il cause pas un mot de français, alors on parle américain, je traduis la suite.
« Tu saurais pas où je pourrais crécher pas cher cette nuit ?»
Il regarde sa montre.
« Viens, mais vite, je dois aller bosser. »
Il me mène dans une de ces ravissantes baraque en bois, en colombages et bow window.
Me présente à deux mecs, ses colocataires.
« Le frenchie, il est un peu paumé, il va dormir ici cette nuit. »
« Pas de probléme, il reste tant qu’ il veut »
Mon Sauveur, il se tire vite, le boulot attend pas.
Les autres, ils ouvrent des bières, on cause, on fume. D’ étranges clops, parfumées, ça fait un drôle d’ effet .
Une idée leur vient, comme ça : « Si on allait voir le Louis à son boulot ! »
J’ espére qu’il bosse pas dans une fonderie, j’ aimerais pas trop retrouver cette ambiance .
La grosse caisse américaine, d’époque, à trois sur la banquette avant, la caisse de bière sur la banquette arrière, quatre de leurs étranges cibiches sur le tableau de bord.
Ça roule, ça descend, ça monte, montagnes russes, je m’ ouvre une bière.
« Tu es pas fou ? Et la police ! »
« Mais je conduis pas, moi. Et tes tiges, là, ils diront rien, les cops ? »
« Ça, c’ est pas un problème », il me répond en allumant une.
Ville surprenante.
La où il bosse, le Louis, c’ est un bar. Servir des boissons fermentées au client, c’ est son taf.
Etrange clientèle. De cuir vêtue, musculeux et poilus, chaînes et casquettes à visière assortie.
Assemblée de néo nazis ? Je pourrais me fondre dans la masse, avec mon type aryen approximatif. Je me fais discret.
Un m’ a repéré, doit me trouver mignon. Une armoire, un buffet Henri II ce mec, moi qui suis plutôt du genre secrétaire à figurer dans le boudoir de Mme de Sévigné.
Voici qu’ il me hisse sur le comptoir, commence à me papouiller de ses grosses pattes velues, tente de m’effleurer de sa pilosité sous nasale..
Heureusement, le Louis se pointe, intervient.
« Laisse tomber, un petit français, il est pas des nôtres »
La brute qui se confond en excuses, à grand coup de tapes dans le dos, et renfort de bières à partager.
Là, c’est un doute qui m’ effleure, sur les mœurs de mes récents copains.
Ma vertu (et peut être autre endroit ) va t elle en pâtire ?
On rentre at home. On est bien allumé.
« Tu dors ici, ça te va ? Un bon divan. »
Chacun part dans sa piaule, disons un dans la sienne et les deux autres dans leur même.
Confortable, le plumard, mais je dors quand même que d’un cil. On sait jamais.
Lendemain matin, réveil, intact. Deux sont partis au boulot.
Le restant me sert un thé. J’aime pas le thé, mais je sais être poli, je grimace pas.
Il me tend sa drôle de clop. Non, pas le matin.
Il est bizarre, ce gars, très maigre, petite barbichette. Au vu de ses bras, il doit pas carburer qu’à l’ herbe. Son héroïne, c’est pas seulement la Belle Hélène, assurément.
C’ est vrai, je constate, je l’ ai jamais entendu moufter. Je le pensais muet, dans son état.
« Veux tu écouter de la musique ? » il me sort, en français parfait.
Va trouver un vieux vinyle, peut être même un 78 tours.
Edith Piaf. Ecouter ça à San Fransisco ! La vie est un miracle
Me sort ses bouquins préférés. Rimbaud, Lautréamont.
Il commence à lire, un bateau ivre, un grand océan.
Et me voici à écouter un vieux pédé dans ses délires maladifs de déviant sexuel (enfin, selon certains)
Les autres rappliquent le soir, avec la bouffe, hamburgers et coca.
J’aime pas bien, ça fait un mois que ça constitue ma principale nourriture.
« Dites, les potes, indiquez moi une épicerie, une boucherie charcuterie et un vendeur de pinard, et je m’ occupe de la cuisine, la votre est vraiment trop infecte. »
Ils sont d’ accord, bien obligés de le reconnaître.
C’ est pas trop loin, leur « Grocery » . Food and Beuverage. C’est écrit sur la lourde.
Il y a un peu de tout. Sauf l’indispensable. On fera avec.
Une pas indispensable aussi, c’est la mince silouhette qui me profile un horizon .
Robe longue, qui s ‘épanouit au grés des zéphirs, ils virulent à foison
.
Et c’ est ainsi que je me suis retrouvé faire la cuisinière, pendant deux semaines chez un trio de drogués, homosexuels notoires, à soigner de toute urgence.
Et chaque soir aller écouter un concert dans le quartier, avec mes « copines »