DOUCEURS MAROCAINES

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Messagepar Christiane » Août 5th, 2011, 5:16 pm

Super ta vue ramadanesque ! tellement critique et tellement ... tellement .... tellement ... quoi ? je trouve pas mon mot : affectueuse ? non too plat, je crois avoir trouvé "pleine de charité judéo-chrétienne" envers son prochain, pauvre bougre laminé dans des traditions qu'il ne comprend pas.

Ton picier futé "gagne-petit du casse-croûte" me fait penser à un film vu il y a longtemps, longtemps, après une journée de gros boulot et le soir tu plonges dans le fauteuil favori en regardant une débilité : le picier du film travaillait dans un organisme bancaire et il détournait tous les centimes des clients sur son propre compte. La fin ? endormie sur place !
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Messagepar Marock » Août 7th, 2011, 12:55 am

Une suite demain alors, tout aussi ramadanesque ?
Ça m' inspire fort, cette période.

Merci, Nina, de laisser passer mes délires.
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Messagepar Nina » Août 8th, 2011, 11:05 am

tu plaisantes ? C 'est moi qui devrais te remercier. J'aime les instantanés de ton Maroc. On sent bien la chaleur et les mouches ; les odeurs des souks et les gestuelles si lentes...

Moi j'imagine que Ramadan sous le cagnard ça doit pas vraiment être fun, rapport aux haleines pas vraiment fraîches et aux aisselles ruisselantes...

Cela dit, j'ai regardé sur oumma.com une petite vidéo intitulé : "l'hygiène buccale en temps de Ramadan" et c'est à pleurer de rire. Comment en effet et de quelle manière garder une haleine qui ne sent pas le vieux poney durant les heures chaudes du Ramadan ?

Alors la très docte muslima qui donne le cours en question explique que le prophète (pet et flatulence sur sa tronche) se curait les chicots tout le temps et même durant le Ramadan et...pire encore...quelques heures avant de caner.

Le fameux Siwak : petit bâtonnet permettant selon le prophète himself de moins puer de la gueule.

Je ne résiste pas à l'envie de te communiquer cher Marock la façon de faire avec la vidéo du docteur es ramadan :



Tu auras noté ô chéri de mon coeur et néanmoins ami Marock combien le prophète d'allah allait vite question hygiène :

- D'une part, il préconisait des cailloux pour se torcher le derche ET PAR NOMBRE IMPAIR STP !
- D'autre part, le coup du petit bâton siwak pour se purger la gueule et enfourner ses épouses, esclaves et concubines.

Si on ajoute à cela sa propension à chier partout sans prévenir ses hôtes...y a de quoi se poser des questions sur le bédouin non ?

Si...Si...souviens-toi du hadith :

"Muslim, Hadith 2/ 510)58
Abdullah ibn Omar a dit :
- Je suis allé sur le toit de ma soeur Hafsa et j’ai vu le messager d’Allah faire ses besoins face à la Syrie, orienté de dos à la qibla."

Qu'est ce que tu veux ? Ce hadith m'a toujours fait hurler de rire ! Le mec chie sur le toit MAIS dos à la qibla ! RESPECT ! :D :D :D

Je crois que l'idée même des transports en commun après une nuit de bouffe dans les pays musulmans comme le Maroc ou l'Algérie, ça me fout la gerbe. Chaleur et hygiène buccale et corporelle douteuses, ça doit fouetter dans le bus.

Allez...Continue, tu es chez toi Marock. Raconte nous les tartuffe...ceux qui font croire qu'ils jeunent alors qu'ils s'empiffrent en loucedé...
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Re: DOUCEURS MAROCAINES

Messagepar Marock » Août 13th, 2011, 3:05 pm

Tu sais, Nina, moi et les religions…
Déjà la mienne (de naissance, j’ avais rien demandé), je la manipule de loin, et avec des pincettes. Tu as remarqué, la dernière messe à laquelle je suis allé m’ a vacciné pour une longue période.

Alors, l’ islam pour moi, un truc qui m’ entoure de partout, sans spécialement m’ agresser, sauf en cette période (pour de vagues considérations matérielles, j’ ai du mal à déguster une bière fraîche avec des copains, par exemple).

Ici, à mon avis, pour la plupart des gens, ça se résume à quelques bribes de coran apprises par cœur à l’ école et mal comprises, beaucoup de coutumes et traditions, avec un zeste de sorcellerie pour les femmes.

Mon prophète à moi, c’ est un vieux Pote qui miraculisait à tour de bras.

"Comment ça, une épousailles avec que de la flotte ? Attendez, les mecs, regardez maintenant dans les jarres. Du rouquin garanti 12° mini. Pas garanti casher."

"Ça manque de pain ? Amenez moi le boulanger, je vais lui multiplier les coups de pied au cul, l'enfourner dans son farha, les brötchen ne sauraient tarder"

'Trois poiscailles pour cinquante pékins ? On se partage les arrêtes ? Je vais remédier, il y a un cours d'eau dans le secteur ?"
"Vénéré Maître, il existe pas loin le Jourdain, où vous futes un matin baptisé, par un certain Jean, celui ci même qui donna des idées au docteur Guillotin".
"J'y vais, cours et vous range dans ces couffins une variété de faune fluviale.
Il fait sombre, pas certifié avec écailles et nageoires. Chacun y reconnaîtra le sien."
"Maître, vos bottes".
Là, il rigole franchement, mon Pote.
"Pourquoi pas des skis nautiques ? Tu sais ce que je lui fait à l’ eau ? Je lui marche dessus."

Retour du pêcheur sans pêché.
« Ça vous convient comme ça, il a fallu que j’ aille jusqu’ à la mer morte, salaison assurée. »

"C'est qui ce vieil agonisant ?"
"Un certain Lazare, qui implore de votre bienveillance une guérison".
"Jettez lui la dernière pierre, qu'on en parle plus"
« Pourtant il est écrit dans l’évangile selon Saint Doux que vous l’avez résurrectionné. »
« On commence sérieusement à me déféquer dans les grolles, ici, faut que je m’occupe de tout. Toi, l’agonisant, lève toi et marche, ensuite disparaît rapidement de mon horizon et surtout, lâche moi les babouches. On peut se mettre à table maintenant ? »

« Dis moi, saint… saint comment déjà ? »
« Saint Machin, vénéré maître, je suis ici incognito »
« Dis moi, Saint Bidule, qui est la charmante personne assise en bout de table ? »
« Elle se nomme Marie Madeleine, selon mes informations »
« Ah, Marie le nom de ma mère, Madeleine, lecture ancienne, un certain Marcel. »
« Vous n’êtes pas censé savoir lire, Seigneur. »
« Ecoute, Saint Truc, si je peux marcher sur l’eau, ramener à picoler et à bouffer à une table entière dont la réputation de radins n’est plus à démontrer, je peux bien m’enfiler les œuvres entières de Sartre et Proust, quitte à les régurgiter derechef. »

« Suffit. La mignonne en bout de table, tu peux me présenter ? »
A ce moment se lève un personnage qui part dans son célèbre sermon .
« Qui regarde une femme avec convoitise, commet déjà le pêché d’ adultère. »
« Allez, remballe tes boniments, Matheus. »

Oui, quatre années de catéchisme, le jeudi matin, chez la dame patronnesse du quartier, ça marque une enfance.
Sympa, la vieille demoiselle, petits gâteaux, limonade.
Mais nos émois préadolescents étaient autres.
« Madame, Marie Madeleine, on a pas bien compris »
Elle s’empourprait, la brave dame, n’ayant jamais connu d’autre émoi que celui d’un confessionnal obscur avec pas beaucoup de pêchés à avouer.

« Mes enfants, revenons au chapitre précédent. »
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Messagepar Marock » Août 17th, 2011, 7:34 pm

Ramadan, en plus, hyper dangereux. Embuscades pernicieuses, perfidies arabes sont lot courant.
Le bout de ma straße, toujours, en quête de mes clops.
Je pourrais acheter une cartouche me direz vous, mais chaque soir, je me promets, c’ est la dernière.
Je file discret, c’ est des bidonvilles sur la droite. Enfin pas trop bidon, des murs un peu en dur avec un toit de tôle. Isolation thermique, étanchéité sont des notions inconnues.
Résultat, en hiver un bourbier absolu, en été une fournaise infernale.
Pas de demi saison, ici. Quand il cesse de cailler et pleuvoir, c’ est le grand cagna qui nous tombe dessus. Et férocement.
Et pourtant, on a des prévisions météo à la tv.
Ça commence comme ça : « Le temps qu’ il va faire demain, Inch Allah ».
Déjà, on est en confiance.
Alors, de décembre à avril : « Il va faire froid, pleuvoir et neiger sur les sommets dans les villes et régions suivantes : »
S’ ensuit l’ énumération de l’ ensemble des villes et régions du royaume. Au moins, on révise sa géographie.
De mai à novembre, le même discours, mais inversé : « Il va faire chaud, et même très chaud, soif en plus sur… » Révision des cours de géographie pour ceux qui auraient loupé la session hivernale.
Mais je m’ égare en considérations climatologiques.

Discret, il faut le sembler, pas évident.
Je croise des mecs, patibulaires, qui me toisent de leur fierté, l’ air de dire : « Constate, j’ ai pas bouffé depuis l’ aurore, rien bu non plus, même pas un clop. Tu vois ce dont je suis capable, infidèle. »
Que répondre, juste un regard méprisant. « Moi, il y a rien de moyenâgeux ni personne qui m’ interdit de manger, picoler, fumer, et même regarder les femmes. Pauvre esclave attardé. »
Je vais pas lui sortir « ni dieu, ni maître », je risquerais d’ être accusé d’ atteintes aux valeurs sacrées de la nation dont la devise est : «Allah, Al Watan, Al Malik. »

Les femmes, apparemment, le ramadan les débilise moins.
Déjà, la première mégère m’ a repéré. Et le bruit court très vite parmi les ruelles : « Le chrétien arrive !»
Encore tombé dans ce piége : « Agi, N’rani »
Toujours pareil, elles font la bouffe du soir mais peuvent pas goûter.
C’ est à moi de constater si la harira est pas trop salée, la salade pas trop épicée, le sfouss pas trop sucré. Les mecs ils pioncent, les femmes à la cuisine, toutes générations confondues.
Je reconnais des gamines que j’ ai connu au berceau, devenues de charmantes demoiselles.
Des vieillardes au bout du rouleau, mais encore vaillantes aux fourneaux, illettrées qui transmettent les traditions culinaires.
Ça piaille à gorge déployée, dans un appareil assez léger du à l’ intimité intérieure, alliée à la chaleur étouffante.
Le grand avantage que me confère mon statut d’ « infidèle », être accueilli parmi elles, débarrassées des oripeaux dont elles s ‘ affublent pour sortir.
Infidèle peut être, mais pas de bois. Enfin, je sais me tenir.
Et bien sur, la cambuse suivante, même cirque.
Et ainsi de suite.
Dangereux, le ramadan.
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Messagepar Christiane » Août 19th, 2011, 7:42 pm

Père Marock, Mes copines ne m'avaient jamais dit que le catéchisme était aussi vivant.
M'aurait-on fait rater quelque chose d'essentiel !

Pour cette période ramadamesque, tu t'en sors pas trop mal ! Attention aux kilos !

Tes saynètes sont plus vivantes que les meilleures photos.
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Messagepar Nina » Août 20th, 2011, 3:26 pm

Mais dis-moi cher Marock ! T'as eu des histoires d'amour ou de sexe avec du local ? Parce que dis donc...ça craint non ?

Essaye de nous trouver quelques pubs sur la téloche marocaine, il paraît que c'est fendard !

J"ai adoré la "météo"...Enfin ! J'ai pu un peu rigoler et crois-moi, ça m'arrive pas souvent ces derniers mois. Je te bise pour cette bonne action.

Et...CONTINUE HEIN !
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Re: DOUCEURS MAROCAINES

Messagepar Marock » Août 22nd, 2011, 6:38 pm

Allons y, départ vers les montagnes. J’espère que les cols seront pas bloqués par la neige.
Rassuré, il fait déjà 35° à 7 heures du matin.
150 Bornes de routes pas trop pentues.
Soudain, ça monte sévère, toujours pareil, le Moyen Atlas prévient pas, il surgit soudain.
Finies les vignes, des cèdres maintenant.

Je retrouve mes contacts.
« Avez vous déjeuné ? »
« Oui, j’ai bu un caoua »
Un il appelle, peut être c’est sa Maman ?
Une vieille toute souriante de son édentité.
Vêtements super colorés, chatoyants, le foulard entourant son front assorti de tatouages.
Costume Zemmour.
Elle amène le pain cuit dans son four en argile, construit de ses mains, provenant de la farine concassée de ses mains, pétrie de ses mains.
Et son huile d’olive, certainement pressée de ses mains, de ses oliviers.
Thé au chiba, c’est encore l’hiver dans les montagnes.
Je me délecte plein les moustaches.

On va aller bosser maintenant ?

Incident.
La voisine, elle a repéré le n’srani.
Elle envoie sa fille.
Elle est pas vêtue pareil.
Le costume traditionnel, laine blanche tissée bien serré, des bandes rouges pour décorer, paillettes de pacotilles pour faire joli. Zaïan.
La fille, le teint très clair, des yeux verts en amande, et bien sur, surabondamment koolés.
« Voici, du pain d’orge, pas comme cette vieille empoisonneuse, du smen de nos chèvres, et du thé au fliou »
J’ai plus faim. Et le beurre de chèvre, bien ranci à point, tartiné sur une kesra, de bon matin…
Mais je peux pas résister à ce regard.
Rebelote, le boulot attendra.
Il a l’habitude, jamais se précipiter, notion du temps assez différente de mon éducation.

Boulot. Ça commence en idées fusantes de chacun, toutes fruits d’ une mure réflexion.
« Moi, je ferais comme ça »
« Non, je verrais plutôt comme ça »
« Moi je ferais ainsi »
Je vois, on va y passer la journée.
« On va faire comme ça, c’est moi qui décide, non ? »
On fait comme j’ ai décidé, c’ est beaucoup plus logique, plus rapide et surtout moins fatigant. Ma logique, réfléchir pour limiter les efforts superflus, face à cette tradition locale, pourquoi faire simple alors qu’ on peut faire compliqué.

Il faut me sortir de ces encombrantes embrouillances.
« Je dois rejoigner des contrées civilisées. »

« Vous n’y pensez pas, ma Maman nous a préparé un couscous »
Allons y, encore l’ultime piège, mais je peux pas vexer la vieille.

Je connais ce genre de couscous, étouffe chrétien à souhait.
Un cône de semoule, entouré vers le sommet d’une couronne de patates cuites à l’eau, et surmonté d’un poulet bouilli.
Le seul volatile qu’ ils possédaient, sacrifié en honneur du chrétien de passage.
Couscous du pauvre, mais, bon, l’intention est louable.
« Un verre de coca ? »
Rajouter des bulles à ce festin ?
« Merci, un verre de thé svp »

Il a fallu m’enfuyer, je voyais déjà la voisine concocter son couscous aux cardons, avec le khlia du dernier Aïd. J’ adore trop ce plat.
Et revêtir son autre fille, plus jeune, costume Zaérs, chapeau de paille et florescence de rubans multicolores.

C’ est trop dangereux, les montagnes, ça pullule de berbères.
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Messagepar Marock » Septembre 9th, 2011, 10:24 pm

Une journée en Moyen Atlas.
Encore, j' adore cette région.

Chantiers à visiter dans les montagnes, divers décomptes à faire accélérer. Ramasser un peu de fric, disons la vérité.
Absolument se lever de très bonne heure. Pas mon genre, pourtant, surtout après cette tournée nocturne dans les estaminets du coin, écouter les combines infaillibles, les coups d’enfer, bref supporter les délirances spiritueuses de ces innombrables éthylisés dans leur importance. Résister aussi aux troubles avances monnayables de la mignonne faune locale.

Pas de réveil dans la maison. Faut espérer sur le coq dans le jardin, que demain il fasse soleil, qu’il en chante d’enthousiasme, ce paresseux gallinacé.
C’ est l’appel à la prière du muezzin qui me réveille. Le soleil se lève, donc. Un bon repère.
Vite, lavage, rasage, habillage. Fin prêt, je fonce à ma bagnole.
C’ est là que je butte sur le clébard, avec le coq qui dort dans ses pattes et le chat allongé par dessus. Ménagerie que je saurai jamais éduquer dans leur rôle animal.
Ça en déclenche les vocalises effrénées de l’attardif, ameuter tout le coin, le chien qui s’en mêle de ses hurlements. Ils vont pas trop apprécier, les frileux voisins.
J’en prévois au Chanteclair un radieux et proche avenir bien marineux, bouquet garni, échalotes aussi. Baignant dans un frais Chaudsoleil. (Marque de vin local)

La mer est calme, ce matin. Déjà de joyeux sportifs s’y ébattent. Pourtant l’Atlantique, en ce début de printemps, j’y tremperais mes pinceaux en toute précaution.
Les pêcheurs de nuit viennent étaler leurs captures sur des lits d’algues en bord de route. Demain ils remettront les invendus de la journée au même endroit, seules les algues seront fraîches.
Activités matinales que je regrette de voir trop rarement.
J’essaie toujours de rentrer avant le lever du jour.

Je réussis quand même à me pointer à Rabat, presque’ à l’heure.
Déjà, Younes et sa Mercedes en ronronnent de ce chemin à parcourir.
Feux rouges matinaux passés, on se retrouve en plein brouillard. Le vrai, véritable cotonneux, à en pas voir ni les bas côtés, ni les ânes errants. La route, normalement, toute droite, mais le Younes, contrairement à son habitude, il roule pas à 160. Des fois qu’un camion aurait eu l’envie de s’arrêter au milieu de la route. Ou course aveugle de grands taxis, il craignait peut être.
Ça s’éclaircit, soleil aidant. La bagnole devant, son repère, la ligne médiane, elle la chevauche d’assurance. Ni à gauche, ni à droite, on peut pas doubler. Klaxon, phares, rien à y faire. Si, il mets son clignotant dans les virages, il a visiblement bien appris son code de conduite.
Après, faut descendre la vallée de l’Oued Beth. Un peu gonflé je le trouve, cet oued. Il coule un mince filet pendant trois jours à chaque année bissextile, mais s’est creusé son lit tranquille, qui nous occasionne trente bornes de descente, autant de remontée, en virages bien serrés.
La descente, ça peut aller. Quelques fraîches carcasses de camions carbonisés en garnissent les bas côtés, quelques cars également. Ça manque d’harmonie avec les oliviers bien alignés.
La remontée, par contre, c’ est pas ça. Les camions rescapés de la descente poussivent en fumant leur suie, hoquetant, crachant leurs derniers pistons, à deux de front, bien sur, ils font la course, à la grande surprise de ceux qui arrivent en face, profitant de la descente pour s’élancer en toute confiance dans l’ascension de la rive gauche. Perturbation de la fluidité du trafic, visite impromptue de fossés latéraux.

Nous revoici sur le plateau, on avance enfin un peu. Début du printemps, dans cette région agricole. On y laboure à pleine charrue. Les centaines de cigognes, vol en piqué, atterrissage plus ou moins bien réussit, pour se nourrir de ces pauvres larves bien tranquilles, rien qu’attendant quelques jours pour s’épanouir, papillons, hannetons, criquets gloutons peut être. On laisse Meknes à gauche, direction les montagnes. Traversée des vignes, Guerouane, Ait Souala, le nom des tribus locales donné aux grands crus du coin.
Et puis la montée sur El Hajeb, pas longue, pas trop raide pourtant. Mais comme d’habitude, on trouve le bled enneigé. J’ai jamais compris, ce changement de climat en quelques kilomètres.
Après, la route, plus personne. On pourrait foncer, mais sur cette route à une voix et demie, il faut slalomer entre les trous.

Intersection sur Ifrane. Les gendarmes, toujours ils sont là en vigilance.
« Plaques algériennes ! Vite, les papiers »
Encore de remarquables futés, ceux ci. Les plaques , même couleur que les algériennes, mais absolument différentes de caractères.
Younes qui ose leur faire remarquer qu’il y est écrit « Maroc » en arabe. Comment il sait ? On a du lui dire. Déjà qu’il est parfaitement incapable de lire même son nom.
Absolue fureur des grisés, ils en insistent plus fortement encore, contrôler notre identité.
Bon, on les sort, nos papiers.
Moi, ma carte de séjour, écrite en arabe. Younes, son permis de conduire français, tout froissé, photo avec la barbe, en plus. Ça les dépasse tout ça, ces braves pandores. En voient plus aucun sens, veulent accentuer l’enquête.
« D’accord, mais comme on a rendez vous avec le gouverneur, laissez nous lui téléphoner qu’on sera un peu en retard, de par vos bons soins. »
A coup de sifflet, voilà qu’ils se mettent à bloquer une circulation imaginaire pour nous faire repartir de toute urgence. Si leur Jeep avait pas été en panne, sur qu’ils nous auraient fait une escorte de toutes sirènes.
Sont mêmes pas étonnés qu’on prenne la direction opposée.
« Tu vois, ça marche à tous les coups, cette histoire de gouverneur. »
« Oui, mais un jour, ils vont te demander son nom. Tu le connais, au moins ? »

Timadhit. La route, entourée de ce qu’on arrive pas à distinguer entre anciennes ruines et diverses constructions que l’on essaierait de qualifier de modernes.
Un vrai bourbier absolu, conséquence de pluies récentes, crues ouedesques, neige fondante.
Trouver le président, des trucs à lui faire signer, papiers très officiels, histoire que le Younes il soit payé un jour.
Un drapeau ! Certainement le caïdat, on s’y pointe.
« On pourrait voir le caïd ? »
La secrétaire s’emplit d’une importance conséquente à la rareté de visiteurs de cette qualité. Elle doit penser qu’on s’est un peu égaré de trajet pour atterrir dans ce bled.
« Certainement, attendez un peu, je vais voir »
Une heure plus tard : « Entrez voir monsieur le caïd »
Grande pièce, bureau immense, déserté de paperasses, un poêle qui ronronne dans un coin avec un vieux assis dessus, qu’il lui en sort des fumances de sous sa djellaba.
Le caïd, lunettes de soleil , pompes admirablement blanches, costard marine à rayures blanches verticale, élégance absolue dans ces montagnes. Véritable Al Capone. Doit rêver d’être renommé à Agadir, éblouir les touristes de sa classe éblouissante de vieux film des années cinquante.

Lui, il a pas du terminer dans les premiers à la sortie de son école de caïds.
Se retrouver dans un bled pareil.
J’imagine, la promotion, l’entretien d’embauche.
« Où souhaitez vous être nommé ? »
« Agadir, à la limite Marrakech ou Tanger. »
« Vu vos résultats scolaires, il nous reste quelques places disponibles, Tiznit, Taroudant, Taanaout, Imin Tanout, Tata, Tazeghnart, Tifelt, Tineghir, Taourirt, Tameznaght, Tafraout. »
L’autre, il veut briller, mettre en devant sa connaissance des langues etrangéres.
« M’siour, siouplait, t’i m’ a dit ? »
« Timahdit, que voici un choix judicieux, je suis convaincu que vous y excellerez. »
« Cadeau, une carte Michelin, l’emplacement de ce charmant village y est entouré de rouge, pourquoi ils écrivent si petit, ces frankaouis, une ville de cette importance. Relents de colonialisme. »

Revenons au caïdat
« Nous serait il possible de rencontrer le président »
« Pas dur, il est derrière vous. C’ est le chibani qui se réchauffe le train arrière. »
«Respects véhémentement absolus , monsieur le président, juste quelques signatures, sans vouloir vous en déranger, ni vous en refroidir les parties médianes »
« Faut aller voir le service administratif »
A l’autre bout du bled, bien sur.
L’adjoint au président, lui il a l’air de savoir lire, écrire. Sympa en plus.
« Il nous faut ça en trois exemplaires »
« Pas dur. Où on trouve une photocopieuse, ici ? »
« Ecoutez, déjà on a pas l’électricité, alors, une photocopieuse, imaginez »
Moi, observateur, j’ai remarqué.
« Et alors, ces ampoules, au plafond ? »
« C’ est juste pour faire moderne »

La plus proche photocopieuse hypothétique, Azrou, 40 bornes.

Ça fait déjà quatre heures qu’on est parti, un creux sur l’estomac.
« On va se prendre un petit déjeuner, tartines, café au lait, ça aidera pour la route »
A la recherche d’un havre, peut être pas gastronomique, mais au moins nutritif.
Pas dur à trouver, on voit écrit « Casse Crote ». C’ est plein de bonne volonté, tout ça, cet essai de littérature francophone.
Une sorte de terrasse, une vague pergola où trois glycines s’essaient à survivre au climat hivernal, une table, pas de chaises. Bon, on va se mettre à l’intérieur, on pousse la porte.
Sitôt franchis l’huis, de terribles remugles nauséeux assaillent notre olfactif.
Finalement, l’enseigne, il y a peut être pas de faute d’orthographe.
Vite, on reflue en extérieur, suivis du louffiat empressé à contenter nos moindres exigences.
« D’abord, s’il vous plaît, deux chaises. »
Nos souhaits sont rapidement exaucés. Enfin, l’une a que trois pieds et l’autre pas de dossier.
Le garçon, ce petit futé, qui a reconnu des gens de la ville, s’évertue à frotter son unique table, vouloir en faire disparaître les traces que trois générations de bafreurs ont patiemment étalées en strates superposées. Un paléontologue assermenté y reconnaîtrait certainement différents aliments fossilisés, allant du protectorat aux temps actuels.
On s’assoit, enfin. Autour, les petits kanouns au charbon, les tajines en terre qui mijotent dessus, et le souk en face, c’ est le jour.
Une vieille planche en bois, crasseuse à souhait, un mec qui râpe de vagues abats de son couteau rouillé.
Et qu’on se regarde. « Ça sent une drôle de bonne odeur, et les autres qui s’en pourlèchent »
« Patron, il en cuit quoi dans vos gamelles »
« Tripes de mouton, bien sur. Arrivée directe de l’autre côté de la route »
« Annulation immédiate de la commande précédente. On fera comme tout le monde. Un gros tajine de tripes, une théière aussi »

A dix heures du matin, on s’en sent tout ravigarotés, ces agapes hémérales.

Pour la suite du voyage, il faut remettre du carburant dans la voiture.
La station du bled, on la trouve, l’officiant aussi, quelques quatre vingt balais, sa pompe, elle est encore plus ancienne.
« Le plein », qu’il demande, le Younes.
Vaillant, le chibani il en pompe par cinq litres, à peine un quart d’heure, on en voit le gasoil s’emplir un bocal, se transférer dans l’autre, après dans le réservoir.
A ce rythme, rapide calcul, on en a pour trois jours.
« Haj, dix litres, ça va bien nous suffire, pour Azrou »

Oui, on y est bien arrivés, Azrou, même on a réussit à trouver, l’espérée photocopieuse.

Retour, Timadhit, toujours aussi embourbé, mais de la plus extrême importance, fin de souk, les invendues bétaillantes, leurs déféquances libératoires conséquentes à un séjour infernal aux avant portes de l’abattage.

Retrouver le président, c’ est pas simple. Il a changé de poèle, sur celui de la commune, on le retrouve.
Mais la recherche de l’adjoint, celui qui sait lui tenir la main, pour la signature, Hercule aurait renoncé : Il est parti à Azrou en grand taxi. Pas sur qu’il en revienne vivant. Au moins, il illustre bien une des devises du pays : « Pourquoi faire simple, alors qu’on peut faire compliqué ».

Sidi Addi, Il faut qu’on y aille y visiter un chantier, où tout est parfaitement à l’envers, à rien en pouvoir raconter, de ces improvisations ferrailleuses inversées.
J’ai beau râler, les coutumes locales. « Ici on fait comme ça », qu’il dit Ajana, ce blond aux yeux bleus, l’Allemand comme on le nomme ici.
Des classes, un école, ils en mettront cinquante gamins là dedans,
Faut espérer, si la terre tremble un peu, ce sera la nuit, y aura personne, pas trop de gamins encrabouillés. Toutes façons, il y a surnatalité ici, et que le fric qui compte.
Et puis, c’ est que des berbères, ethnie à faire disparaître de toute urgence, dans ce pays arabo islamique. Aberration de l’histoire, ces anciens habitants. L’histoire du pays a commencé en l’an II, III ou IV de l’hégire, vers 710, on dirait chez nous..
Existait rien, avant. Berbères, pas même de Juifs errants, Phéniciens navigateurs, Romains conquérants.

Ifrane, on se croirait en Suisse. Petits chalets en bois tout mignons, vieilles maisons de pierre avec leur toit de tuile, propre en plus, et les rues toutes fleuries. Vraiment un autre monde.
Et puis, pas grand monde, les pistes de ski sont fermées en semaine

La province, bâtiment moderne, intégré quand même au paysage.
Toujours leurs papiers à faire tamponner, les vaillants bâtisseurs s’engouffrent dans des successions de bureaux, la plupart désertés par ces courageux fonctionnaires chargés de mouvoir les rudes rouages de l’état.
Moi, voulant pas m’ ennuyer tout seul, je les suis. Peut être une mignonne secrétaire à baratiner, passer le temps. Pas de chance, entre voilées et moustachues, autres velues, pas beaucoup de choix.
J’aurais du m’en douter, les plus jolies, elles sont dans les bureaux des chefs de service.
J’en remballe mes lyriques déclarances pour des contrées plus amènes.

Il a l’air connu, ici, Ajana. Tout le monde vient lui serrer la pince.
Je comprends. Chaque poignée de main est garnie d’un billet, ça va du bleu à 200 pour les chefs, ceux qui signent et tamponnent, jusqu’au rouge à 10, bien froissé, bien crasseux pour le plus petit chaouche, mais celui qui sait dans quel café est parti le chef, en passant par le vert de 50, les secrétaires, histoire qu’elles s’empressent d’un enthousiasme modéré à retrouver le dossier malencontreusement égaré.

L’architecte provincial, lui faire signer de vagues paperasses. Pour ça, il faut l’inviter au resto.
« Attendez, j’amène ma femme »
Vu le calibre de la dame, ça va nous revenir cher, tout ça. Enfin, c’ est Ajana qui va payer, on espère. Il a plus à gagner que nous.
« Avant, on passe à Azrou. Je me fais un immeuble. Vous me direz ce que vous en pensez. »
Immeuble, il appelle ça ! Juste un rez de chaussée, au bord de la route.
Mais vu de profil, une vraie favella. Terrain extrêmement en pente, la façade arrière, trois étages. Là, ça frôle le danger, glissement de terrain, crue de l’oued, sans parler de la manière de construire.
« Il en pense quoi, l’ingénieur ? »
Il en pense rien l’ingénieur. Il est pas en service, et il a faim. Et puis quoi dire devant ces dernières trouvailles de construction locale.
Allons y, un conseil amical, gratuit.
« Peut être qu’en mettant un peu de ciment dans votre béton, un peu de ferraille dans vos coffrages, ça vous aiderait à tenir jusqu’aux prochaines pluies. »
« Et quelle ferraille il mettrait, l’ingénieur, à quel endroit ? »
J’aurais mieux fait de taire ma grande gueule. Me voici encore chargé de faire un plan en toute gratuité. Toutes façons, personne saura le lire, ils feront à leur idée.

Amros, en pleine montagne, c’ est là qu’il faut se rendre.
Encore un autre décor. Retour en France des années d’avant guerre.
Dans la cour, quelques sympathiques cochons vaquent en leur diverses occupations, entourés d’oies, pintades, quelques singes aussi.
Sitôt passé la porte, le bar en acajou avec sa rampe de cuivre éclatant, boiseries partout, les rideaux et les nappes, carreaux rouges et blancs.
Il est mort, on apprends, Amros.
Et sa vieille Berbère aussi, toute tatouée, qui m’ amenait sa terrine de campagne, et me disait « Mange ! ! ! » J’osais rien protester, je mangeais toute sa félicité de sanglier. Elle m’ aurait dévoré, sinon.
La bouffe, malgré, encore tout à fait comestible, qu’on en est colmaté de gastrique importance.
L’archi en chef, voyant nos assiettes en souffrance, vite qu’il nous les rafle, partage avec sa moitié. Enfin, manière de parler ainsi d’une entière ogresse.
Moi, demi rêvant, Guérouane aidant, ça me remonte de vieux souvenirs littéraires. J’y suis. Bérurier et sa Berthe. Exactement ça.

Retour sur Rabat. L’oued Beth à franchir, 30 km de descente, 30 km de remontée, tout ça en virages bien serrés. Encore, dans l’ autre sens.
La 505 familiale qui nous double, bien garnie. Younes s’en trouve vexé, veut la rattraper.
Pas la peine. Trois bornes plus loin, on la retrouve encastrée sous un camion. Huit morts étendus sur la route, et une petite gamine, la seule survivante, elle a pas quatre ans, et qui pleurniche, cherche son nounours, peut être, se rend pas compte encore.
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Re: DOUCEURS MAROCAINES

Messagepar Christiane » Septembre 13th, 2011, 9:54 am

On la vit avec toi cette journée Marock, on sent les fumets de la tripaille mitonnée (tu sais comme j'adore !) on a la poche plastique sur les genoux dans les virages, on ferme les yeux pour ne pas voir le camion en face, on se croit également en France dans le dédale des autorisations administratives, on rigole sur le vieux se réchauffant le costume 3 pièces sur le poèle, on compatit pour la petite fille sur le bord de la route....

Un voyage d'une journée avec photos sans bouger de sa chaise. Merci.
Christiane
 
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