Tiens, en farfouillant chez un de mes bouquiniste préféré, dans la joutia, je suis tombé sur un manuscrit du Rabin Mardoché Abi-serour, garanti authentique.
Comme il écrivait mal, ce mec, j'en ai pour la nuit à retranscrire.
Mais, valeur inestimable !
Pas facile à traduire, l'hébreux avec un vieux dico prêté par un copain.
Mais je pense ma traduction fidèle et le texte authentique.
Peut être quelques erreurs se sont elles glissées dans la traduction ?
Je viens seulement d'apprendre ce matin que l'hébreu se lisait à l'envers.
Lors de mes pérégrinations sahariennes avec le Vicomte de Foucauld, il nous vint l’occasion d’effectuer une halte aussi nocturne que rafraîchissante dans un oasis situé entre deux oueds, aux confins du Tafilalt.
Là, entre trois verres de thé bien trop âcres à mon goût, malgré la mousse abondante me souvenant le breuvage de ma patrie si éloignée, un vieil homme à barbe blanche, mais babouches encore alertes, nous fit part d’une ancienne légende, assez étrange.
Bien sur, nous ne comprenions rien à son idiome, mais sa fille nous traduisait, avec force éclats de rire, qui faisaient, à la lueur du bivouac, resplendir d’albâtre sa superbe dentition, et étinceler de mille feux son regard, comme un prolongement de ces nuits sahariennes si étoilées.
Le vicomte, qui parcourait un livre en une langue où la plupart des mots se terminaient par « us » ou « ae », paru soudain intéressé.
Le récit commençait ainsi :
Il était un homme, solitaire, qui faisait commerce de plaques de sel, qui transportait celles ci de mines situées aux confins de rien, et les revendait dans d’improbables bleds au bout de nul part.
Il s’accompagnait, dans son périlleux périple, de son fidèle camélidé, qu’il chargeait également d’outres en peau de chèvre emplies d’eau douce, lesquelles conféraient une fraîcheur toute relative à son précieux liquide, ainsi que de grappes de dattes, le tout indispensable à sa survie dans ces contrées malhospitalières.
Son animal lui fournissait également un complément nutritionnel, le fameux « lait de chamelle ».
Des esprits chagrins me feront remarquer qu’en Afrique les chameaux n’ont qu’une bosse et se voient ainsi qualifiés de « dromadaires ».
A ces fats, je me permettrai de signaler qu’un dromadaire ne donne pas de lait, et ce faisant, nous sommes donc en présence d’une dromadaire.
Ma longue expérience saharienne m’a enseigné à distinguer le mâle de la femelle.
Le Monsieur blatére, alors que la Madame déblatére. (Comme toutes les femelles, d’ailleurs)
Mais revenons à notre héros qui, à l’aube, disparut des regards au détour d’une dune.
Suivant son compagnon à la démarche nonchalante et chaloupante, qui, vu sous cet angle, évoque irrésistiblement l’invitation à l’affection moneyante des pensionnaires du Grand Bousbir de Dar el Beïda.
Plusieurs jours de marche sous la torridité finirent par provoquer chez notre héros un émoi bien compréhensible, émoi confiné dans la médianité verticale de son individu.
Une halte s’averrait indispensable, ainsi que la recherche de rares pierres nécessaires à la construction d’un monticule, favorisant un angle d’attaque agréable.
Une fois ce fragile édicule érigé, ainsi que l’ objet du péché de notre ami, las, l’animal décida d’avancer de trois pas.
Notre patient, infatigable, se remit à l’œuvre de ce qui lui permettrait de réguler son système hormonal.
La bête, étant farouche, se remit en marche.
Mais l’homme est obstiné. Le nôtre décida donc de se remettre à son ouvrage.
Quand soudain il entendit, venant de derrière un erg, un gémissement.
N’écoutant que sa curiosité, il sauta de seguias abandonnées en sebkhas desséchées, chotts ensalés, et découvrit, à moitié enfouie dans le sable, une jeune fille au teint blême, les lèvres avides d’une rosée improbable.
Il se précipita vers sa monture, voulant lui soutirer quelques pintes de son précieux lait aux vertus si revigorantes. Mais celle ci, devenue méfiante, lui signifia son refus catégorique d’un vigoureux coup de patte dans ce qu’elle considérait dorénavant comme l’objet d’un délit programmé.
Muni de son outre et de quelques fruits de palmier, le brave homme revint vers la naufragée des sables, lui humecta les lèvres, lui fit manger une datte dont il avait auparavant ôté le noyau en le recrachant, en parfait homme du monde.
La jouvencelle resscuscitante l’enlace de ses bras juvéniles, et oubliant toute retenue inhérente en ces contrées, lui chuchote : « Tu es mon sauveur, je ferai tout ce que tu veux. Pour toi. »
N’écoutant que son obstination, profitant de la générosité de la gente, il lui répondit :
« Pourrais tu maintenir la bride de ma chamelle ? »
Voici donc cette vieille légende, venue de la nuit des temps, que le vicomte ne consigna pas dans ses relations de voyages au Maroc. Certainement perçait déjà en lui l’ecclésiastique.
Nous comprîmes enfin les états d’hilarité de notre charmante traductrice.
Bien pensifs, nous nous endormîmes, bercés par les jappements de chacals, rafraîchis d’une brise tiède parfumée d’un mélange de fleur d’oranger et de remugles de refuges caméliens.
Pour ceux qui sont intéressés, voici l’édition originale du premier voyage de Foucauld au Maroc
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k200835s.image.f1