A propos de l'Iran (réponse à Nina)
Publié: Mai 28th, 2014, 10:45 am
Lettre à Nina, à propos de l’Iran.
J’ai mis en caractères gras les passages d’une lettre que Nina m’a adressée, lettre à laquelle je me suis efforcé de répondre pas à pas. Ces réponses ne sont que des ébauches que je me suis promis d’amplifier dans des articles à venir.
Olivier, si l’engouement que tu éprouves envers la civilisation perse encourage ton optimisme, je me permets de te rappeler que l’Iran d’aujourd’hui a fort peu à voir avec la Perse antique. Substrat (un mot et un concept que tu affectionnes et dont tu fais grand usage) ou pas, il s’agit en géopolitique de déterminer quels sont les outils, les armes et la stratégie utilisés pour asseoir une légitimité, qu’elle soit d’ordre économique ou, dans le cas qui nous occupe, d’ordre religieux.
Nina, je m’efforce de faire usage du mot ‟substrat” avec autant de prudence que possible ; j’espère ne jamais l’utiliser comme un paravent ou une drogue destinée à me faire oublier une réalité qui doit être affrontée avec les yeux grands ouverts et l’esprit clair. J’accorde à ce mot une très grande valeur, une valeur d’autant plus grande que l’Iran, celui des Pahlavi ou de la République islamique, n’a jamais repoussé ce passé. Je le signale car les ‟fous d’Allah” s’efforcent d’éradiquer les traces du passé pré-islamique. On sait qu’en Égypte une certaine mouvance souhaite la destruction des vestiges pharaoniques. En Afghanistan, les Taliban n’ont pas hésité à dynamiter les Grands Bouddhas de Bâmiyân, en mars 2001, avec la complicité des Saoudiens ; n’oublions pas que ce sont des membres saoudiens de la muttawa (police religieuse) qui ont pressé le gouvernement taliban de démolir ces Bouddhas. Et je pourrais remplir des pages et des pages sur les violences perpétrées ou simplement imaginées par cet islam prôné par les Saoudiens.
Lorsque j’ai visité Persépolis, en avril 2014, j’ai remarqué de nombreux groupes d’écolières et d’écoliers dans cet immense site archéologique. Je ne sais ce qui leur était dit mais ils étaient présents dans l’un des hauts lieux d’une civilisation bien antérieure à l’islam.
L’Iran veut être la première nation islamique à éradiquer les Juifs. Jusqu’à présent les Arabes ont échoué ; les Iraniens sentent qu’ils peuvent y parvenir.
Tu devrais remplacer ‟les Juifs” par ‟Israël” car l’Iranien ne m’est pas apparu comme dévoré par l’antisémitisme. ‟Memoirs of Mr. Hempher, The British Spy to the Middle East” semble être plus apprécié en Iran que les ‟Protocoles des sages de Sion”. Dans ce livre (et tout indique qu’il s’agit d’un faux, comme dans le cas des ‟Protocoles”), c’est l’Anglais qui tient le rôle du Juif, ce qui change de l’abominable ritournelle. Brièvement : le wahhabisme serait l’œuvre d’un agent secret anglais qui se serait fait passer pour un musulman dans le but d’infiltrer l’Empire ottoman et de détruire l’islam en instaurant la division parmi les croyants. Pour ce faire, il aurait concocté le wahhabisme et l’aurait propagé, etc.
Cela fait environ seize siècles que les Chiites attendent de prendre leur revanche sur les Sunnites — ces assassins de l’imam Hussein, ces incroyants qui n’ont pas suivi le véritable Calife…
Tu as probablement raison. Mais que les Iraniens s’en prennent aux Arabes n’est pas pour me déplaire. Le danger est qu’ils les instrumentalisent pour les lancer contre Israël. C’est à mon sens le grand danger. Les Arabes sont perpétuellement à la recherche d’un maître… Mais, chère Nina, les Iraniens ont déjà pris leur revanche contre les Arabes, l’air de rien : lorsqu’en 1501, après la bataille de Shârur et la prise de Tâbriz, Ismaël Ier décida de se donner le titre de shah et proclama le chiisme duodécimain religion officielle du royaume safavide. Les Perses n’ont pas élaboré le chiisme qui relève bien d’une querelle interne au monde arabe mais, simple hypothèse, on peut penser qu’en faisant ce choix, ce souverain avait en tête d’ « emmerder » les Arabes ultra-majoritairement sunnites ainsi que les Ottomans (sunnites), très pressants sur les frontières occidentales du royaume.
Ci-joint, un article fait le point avec méthode sur les différences entre chiisme et sunnisme, des différences marquées trop souvent négligées ; il est intitulé ‟Les spécificités du chiisme iranien” :
http://www.liranpourlesnuls.net/2010/02 ... e-iranien/
Ci-joint, un autre article sur le sujet intitulé ‟L’Iran des Safavides : la naissance d’un État chiite (XVIe-XVIIIe siècles) :
http://www.lesclesdumoyenorient.com/L-I ... sance.html
Une révolution et l’instauration d’une théocratie sanglante, voilà nos mollahs en passe de réaliser leur rêve absolu : détenir La Mecque et convertir les Sunnites à la vraie religion…
C’est le grand danger : l’instrumentalisation des Arabo-musulmans par les Iraniens, plus doués, plus fins stratèges que ces Bédouins. La destruction d’Israël donnerait certes un incomparable prestige à l’Iran dans l’ensemble du monde musulman, à commencer par le cœur historique de l’islam : le monde arabe ; elle fédérerait le troupeau qui beuglerait sous la houlette du maître-destructeur. Les Iraniens sont trop intelligents pour être antisémites mais il est vrai qu’ils savent activer les masses arabes. Je le répète, c’est le grand danger. L’Iran sait que l’antisémitisme est un puissant anabolisant.
Durant des années, on a cru que l’Iran était au piquet, mis hors jeu. Mais les Iraniens n’ont pas cessé d’avancer leurs pions. Que ce soit aux USA, en Europe, en Amérique latine ou en Australie, les mollahs ont réussi à mettre sur pied des réseaux qui laissent ‟sur le cul” la CIA, le Secret Intelligence Service et bien d’autres services secrets.
C’est vrai. Pourtant accepte un instant de te placer du point de vue de l’ennemi, rien qu’un instant. J’ai souvent émis une opinion selon laquelle l’Iran souffrait d’un profond sentiment d’encerclement. Jean-Pierre Bensimon que je lis avec grand intérêt et avec lequel je partage nombre de points de vue juge que j’ai tort sur ce point ; je maintiens pourtant ma position. L’agressivité et le jeu iraniens ont des raisons historiques profondes : passons sur les invasions, arabe, mongole et celle de Tamerlan pour nous centrer sur les XIXe et XXe siècles. Il faut étudier la politique des puissances étrangères vis-à-vis de la Perse (celles des Britanniques puis des Américains), principalement pour cause de pétrole, pour mieux comprendre l’orgueil — le nationalisme — iranien et sa volonté de défendre son indépendance. Je ne prétends pas qu’il faille baisser la garde face au régime de Téhéran mais j’estime nécessaire d’étudier sans répit l’histoire de ceux que nous désignons comme nos plus dangereux ennemis. L’histoire de l’Iran (tant pré-islamique qu’islamique) est par ailleurs passionnante entre toutes.
Au fil de menus articles, peu lus par mes compatriotes, je suis arrivée à me faire une idée de l’emprise iranienne. On investit ici et là, dans telle association, on achète nombre d’immeubles, de terrains, de forêts, on a des prête-noms locaux afin de ne pas éveiller l’attention, et ces prête-noms ne comprennent même pas ce qui leur arrive lorsque la brigade financière leur tombe dessus. Les Fondations… Les Iraniens en sont friands ; elles leur permettent de thésauriser et d’acheter des grands noms de la politique française… jusqu’au sommet de l’État !
Tu connais beaucoup mieux cet aspect de la question, je ne vais donc pas te contredire. Ce qui est certain, c’est que les mouvements de capitaux venus de partout s’intensifient toujours plus. Pour l’heure, j’ai le sentiment que les capitaux saoudiens et qataris sont davantage présents que ne le sont les capitaux iraniens, en Europe tout au moins.
J’ai souvent écrit sur la question : il ne s’agit pas seulement pour l’Iran d’attaquer Israël mais d’établir un climat antisémite sur toute la planète. Lorsque tu refuses de considérer les Iraniens d’aujourd’hui comme des antisémites, tu te trompes, mon ami. Ce n’était certes pas une tradition mais l’antisémitisme est désormais bien présent dans le pays. Le nationalisme fait pendant à la théocratie et entre ces deux super-cultures, il ne reste que peu de place pour le libre-arbitre. Même si la religion est minorée par certains, le nationalisme renforce l’esprit de corps et la volonté de suprématie. N’oublie pas qu’environ 50 % de Kurdes peuplent le pays. Une moitié arabe te pourrit vite une situation… Je te mets en lien l’article intitulé ‟Selon un responsable de la communauté juive du Venezuela, « explosion » d’antisémitisme en Amérique latine” :
http://www.europe-israel.org/2014/05/se ... ue-latine/
Nina, les Kurdes sont environ soixante millions répartis entre quatre pays, sans parler d’une importante diaspora. A ce que je sache, ils ne représentent en Iran qu’un peu plus de 10 % de la population. Ils sont sunnites (à leur manière et dans une proportion qui avoisine les 80 %) mais ils ne sont pas arabes. Ils descendent des Mèdes, des proches cousins des Perses. C’est d’ailleurs le binôme Mède/Perse qui a fondé l’antique prestige perse, achéménide.
Les Iraniens ne sont pas antisémites (ils sont majoritairement trop intelligents pour l’être) mais il est vrai que le pouvoir iranien a vite compris tous les bénéfices qu’il pourrait tirer de l’antisémitisme. Il sait l’activer, notamment en Amérique latine, avec le Brésilien Lula da Silva et feu le Vénézuélien Chávez pour ne citer qu’eux.
Le nationalisme iranien est-il si mauvais ? Ne pourrait-on pas y déceler un aspect positif ? Ce nationalisme ne serait-il pas un excellent antidote contre le djihadisme mondial et ce rêve d’un Grand Califat dont Al-Qaida est l’un des promoteurs ? Je suis surpris que l’on n’ait pas souligné davantage ce fait extraordinaire : le Hezbollah (présenté comme la principale menace contre Israël) s’est retourné contre les djihadistes de Syrie venus d’un peu partout, y compris d’Europe, et les liquide par milliers.
Le nationalisme iranien a des origines complexes et il en est une sur laquelle il faut tout de même s’attarder en acceptant de se placer un instant du côté de l’ennemi, l’Iran. Je rappelle que la longue guerre Irak-Iran (1980-1988) fut provoquée par l’Irak qui bombarda l’Iran en septembre 1980, une attaque qui eut pour effet de souder le peuple iranien et l’armée iranienne où la rivalité entre armée régulière et Pasdaran était prononcée. Il faut étudier de près cette guerre et ses implications pour comprendre le nationalisme iranien, si décrié. Il n’a pas été concocté par quelques fanatiques dans un recoin obscur. Je rappelle par ailleurs que l’Irak a été très soutenu par les puissances occidentales (dont la France) qui voyaient en Saddam Hussein un excellent acheteur pour son matériel à haute valeur ajoutée… Ci-joint, un lien sur cette guerre :
http://www.histoire-pour-tous.fr/guerre ... -1988.html
Depuis l’horrible attentat de Buenos Aires par le Vevak, et dans lequel quatre-vingt-cinq Juifs ont péri, j’ai compris que quelque chose de tout à fait nouveau émergeait. Comme on dit chez nous ‟On connaît nos Arabes. On les sait assez vils et lâches depuis toujours pour s’attaquer à des gens sans défense. C’est leur truc ; et si Allah agrée… hein !… que peut-on faire ?”
Ton intuition ne t’a pas trompé ; et j’admire volontiers ta lucidité. Suite à cet attentat, le 18 juillet 1994, j’ai hurlé que le pays responsable devait être rayé de la carte. Et j’avais hurlé la même chose, le 17 mars 1992, lorsqu’un attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires avait fait vingt-neuf morts et un très grand nombre de blessés. A présent, je me dis — piètre consolation — que le peuple iranien n’a probablement pas dansé de joie en apprenant ces nouvelles, contrairement aux Arabo-musulmans…
J’ai senti une nouvelle ère, plus vicieuse car plus intelligente… Nous avions dans ce cas un État qui couvrait tous ces crimes antisémites…
Nina, un État, l’Iran dans ce cas, est-il vraiment plus dangereux qu’une nébuleuse type Al-Qaida & Cie ? Je ne sais. Par ailleurs, je suis surpris que l’Iran soit sans cesse accusé alors que des États non moins terroristes (et je fais usage de la litote) ne suscitent que très peu de réprobation, je pense en particulier à l’Arabie saoudite, au Qatar et autres rentiers du pétrole, sans oublier le Pakistan avec lequel les États-Unis se sont drôlement fourvoyer et qui fait souffrir l’Afghanistan et l’Inde. Sans vouloir faire du mauvais esprit, il me semble préférable sur le long terme d’avoir affaire à des ennemis intelligents (les Iraniens) qu’à des amis bêtes (les Arabes). Ce propos te paraîtra un peu léger, il est plus sérieux que tu ne le crois.
Non, mon ami, tu ne vois rien venir car ton amour de l’esthétisme et des grandes civilisations et ton romantisme te laissent espérer que quelque chose de bon pourrait sortir de ce magma.
Nina, le romantisme tel que je le conçois n’est pas un écran derrière lequel je me chante des berceuses. Le romantisme ne vaut que s’il s’efforce d’appréhender la profondeur historique — elle qui désigne des perspectives d’avenir. Et j’affirme des préférences en m’efforçant de les expliquer. Ces préférences supposent des colères et une violence parfois radicale. L’Iran est désigné comme le danger alors que nous multiplions les ‟amitiés” inquiétantes. Quelque chose ne va décidément pas ! Ce qu’on ne dit pas assez : les immenses richesses de l’Iran attisent bien des convoitises qui n’osent s’avouer comme telles. On présente alors ce pays comme étant dirigé par une bande d’illuminés habités par des tensions apocalyptiques. Nous avons simplement affaire à de très fins joueurs, rien de plus…
J’ai mis en caractères gras les passages d’une lettre que Nina m’a adressée, lettre à laquelle je me suis efforcé de répondre pas à pas. Ces réponses ne sont que des ébauches que je me suis promis d’amplifier dans des articles à venir.
Olivier, si l’engouement que tu éprouves envers la civilisation perse encourage ton optimisme, je me permets de te rappeler que l’Iran d’aujourd’hui a fort peu à voir avec la Perse antique. Substrat (un mot et un concept que tu affectionnes et dont tu fais grand usage) ou pas, il s’agit en géopolitique de déterminer quels sont les outils, les armes et la stratégie utilisés pour asseoir une légitimité, qu’elle soit d’ordre économique ou, dans le cas qui nous occupe, d’ordre religieux.
Nina, je m’efforce de faire usage du mot ‟substrat” avec autant de prudence que possible ; j’espère ne jamais l’utiliser comme un paravent ou une drogue destinée à me faire oublier une réalité qui doit être affrontée avec les yeux grands ouverts et l’esprit clair. J’accorde à ce mot une très grande valeur, une valeur d’autant plus grande que l’Iran, celui des Pahlavi ou de la République islamique, n’a jamais repoussé ce passé. Je le signale car les ‟fous d’Allah” s’efforcent d’éradiquer les traces du passé pré-islamique. On sait qu’en Égypte une certaine mouvance souhaite la destruction des vestiges pharaoniques. En Afghanistan, les Taliban n’ont pas hésité à dynamiter les Grands Bouddhas de Bâmiyân, en mars 2001, avec la complicité des Saoudiens ; n’oublions pas que ce sont des membres saoudiens de la muttawa (police religieuse) qui ont pressé le gouvernement taliban de démolir ces Bouddhas. Et je pourrais remplir des pages et des pages sur les violences perpétrées ou simplement imaginées par cet islam prôné par les Saoudiens.
Lorsque j’ai visité Persépolis, en avril 2014, j’ai remarqué de nombreux groupes d’écolières et d’écoliers dans cet immense site archéologique. Je ne sais ce qui leur était dit mais ils étaient présents dans l’un des hauts lieux d’une civilisation bien antérieure à l’islam.
L’Iran veut être la première nation islamique à éradiquer les Juifs. Jusqu’à présent les Arabes ont échoué ; les Iraniens sentent qu’ils peuvent y parvenir.
Tu devrais remplacer ‟les Juifs” par ‟Israël” car l’Iranien ne m’est pas apparu comme dévoré par l’antisémitisme. ‟Memoirs of Mr. Hempher, The British Spy to the Middle East” semble être plus apprécié en Iran que les ‟Protocoles des sages de Sion”. Dans ce livre (et tout indique qu’il s’agit d’un faux, comme dans le cas des ‟Protocoles”), c’est l’Anglais qui tient le rôle du Juif, ce qui change de l’abominable ritournelle. Brièvement : le wahhabisme serait l’œuvre d’un agent secret anglais qui se serait fait passer pour un musulman dans le but d’infiltrer l’Empire ottoman et de détruire l’islam en instaurant la division parmi les croyants. Pour ce faire, il aurait concocté le wahhabisme et l’aurait propagé, etc.
Cela fait environ seize siècles que les Chiites attendent de prendre leur revanche sur les Sunnites — ces assassins de l’imam Hussein, ces incroyants qui n’ont pas suivi le véritable Calife…
Tu as probablement raison. Mais que les Iraniens s’en prennent aux Arabes n’est pas pour me déplaire. Le danger est qu’ils les instrumentalisent pour les lancer contre Israël. C’est à mon sens le grand danger. Les Arabes sont perpétuellement à la recherche d’un maître… Mais, chère Nina, les Iraniens ont déjà pris leur revanche contre les Arabes, l’air de rien : lorsqu’en 1501, après la bataille de Shârur et la prise de Tâbriz, Ismaël Ier décida de se donner le titre de shah et proclama le chiisme duodécimain religion officielle du royaume safavide. Les Perses n’ont pas élaboré le chiisme qui relève bien d’une querelle interne au monde arabe mais, simple hypothèse, on peut penser qu’en faisant ce choix, ce souverain avait en tête d’ « emmerder » les Arabes ultra-majoritairement sunnites ainsi que les Ottomans (sunnites), très pressants sur les frontières occidentales du royaume.
Ci-joint, un article fait le point avec méthode sur les différences entre chiisme et sunnisme, des différences marquées trop souvent négligées ; il est intitulé ‟Les spécificités du chiisme iranien” :
http://www.liranpourlesnuls.net/2010/02 ... e-iranien/
Ci-joint, un autre article sur le sujet intitulé ‟L’Iran des Safavides : la naissance d’un État chiite (XVIe-XVIIIe siècles) :
http://www.lesclesdumoyenorient.com/L-I ... sance.html
Une révolution et l’instauration d’une théocratie sanglante, voilà nos mollahs en passe de réaliser leur rêve absolu : détenir La Mecque et convertir les Sunnites à la vraie religion…
C’est le grand danger : l’instrumentalisation des Arabo-musulmans par les Iraniens, plus doués, plus fins stratèges que ces Bédouins. La destruction d’Israël donnerait certes un incomparable prestige à l’Iran dans l’ensemble du monde musulman, à commencer par le cœur historique de l’islam : le monde arabe ; elle fédérerait le troupeau qui beuglerait sous la houlette du maître-destructeur. Les Iraniens sont trop intelligents pour être antisémites mais il est vrai qu’ils savent activer les masses arabes. Je le répète, c’est le grand danger. L’Iran sait que l’antisémitisme est un puissant anabolisant.
Durant des années, on a cru que l’Iran était au piquet, mis hors jeu. Mais les Iraniens n’ont pas cessé d’avancer leurs pions. Que ce soit aux USA, en Europe, en Amérique latine ou en Australie, les mollahs ont réussi à mettre sur pied des réseaux qui laissent ‟sur le cul” la CIA, le Secret Intelligence Service et bien d’autres services secrets.
C’est vrai. Pourtant accepte un instant de te placer du point de vue de l’ennemi, rien qu’un instant. J’ai souvent émis une opinion selon laquelle l’Iran souffrait d’un profond sentiment d’encerclement. Jean-Pierre Bensimon que je lis avec grand intérêt et avec lequel je partage nombre de points de vue juge que j’ai tort sur ce point ; je maintiens pourtant ma position. L’agressivité et le jeu iraniens ont des raisons historiques profondes : passons sur les invasions, arabe, mongole et celle de Tamerlan pour nous centrer sur les XIXe et XXe siècles. Il faut étudier la politique des puissances étrangères vis-à-vis de la Perse (celles des Britanniques puis des Américains), principalement pour cause de pétrole, pour mieux comprendre l’orgueil — le nationalisme — iranien et sa volonté de défendre son indépendance. Je ne prétends pas qu’il faille baisser la garde face au régime de Téhéran mais j’estime nécessaire d’étudier sans répit l’histoire de ceux que nous désignons comme nos plus dangereux ennemis. L’histoire de l’Iran (tant pré-islamique qu’islamique) est par ailleurs passionnante entre toutes.
Au fil de menus articles, peu lus par mes compatriotes, je suis arrivée à me faire une idée de l’emprise iranienne. On investit ici et là, dans telle association, on achète nombre d’immeubles, de terrains, de forêts, on a des prête-noms locaux afin de ne pas éveiller l’attention, et ces prête-noms ne comprennent même pas ce qui leur arrive lorsque la brigade financière leur tombe dessus. Les Fondations… Les Iraniens en sont friands ; elles leur permettent de thésauriser et d’acheter des grands noms de la politique française… jusqu’au sommet de l’État !
Tu connais beaucoup mieux cet aspect de la question, je ne vais donc pas te contredire. Ce qui est certain, c’est que les mouvements de capitaux venus de partout s’intensifient toujours plus. Pour l’heure, j’ai le sentiment que les capitaux saoudiens et qataris sont davantage présents que ne le sont les capitaux iraniens, en Europe tout au moins.
J’ai souvent écrit sur la question : il ne s’agit pas seulement pour l’Iran d’attaquer Israël mais d’établir un climat antisémite sur toute la planète. Lorsque tu refuses de considérer les Iraniens d’aujourd’hui comme des antisémites, tu te trompes, mon ami. Ce n’était certes pas une tradition mais l’antisémitisme est désormais bien présent dans le pays. Le nationalisme fait pendant à la théocratie et entre ces deux super-cultures, il ne reste que peu de place pour le libre-arbitre. Même si la religion est minorée par certains, le nationalisme renforce l’esprit de corps et la volonté de suprématie. N’oublie pas qu’environ 50 % de Kurdes peuplent le pays. Une moitié arabe te pourrit vite une situation… Je te mets en lien l’article intitulé ‟Selon un responsable de la communauté juive du Venezuela, « explosion » d’antisémitisme en Amérique latine” :
http://www.europe-israel.org/2014/05/se ... ue-latine/
Nina, les Kurdes sont environ soixante millions répartis entre quatre pays, sans parler d’une importante diaspora. A ce que je sache, ils ne représentent en Iran qu’un peu plus de 10 % de la population. Ils sont sunnites (à leur manière et dans une proportion qui avoisine les 80 %) mais ils ne sont pas arabes. Ils descendent des Mèdes, des proches cousins des Perses. C’est d’ailleurs le binôme Mède/Perse qui a fondé l’antique prestige perse, achéménide.
Les Iraniens ne sont pas antisémites (ils sont majoritairement trop intelligents pour l’être) mais il est vrai que le pouvoir iranien a vite compris tous les bénéfices qu’il pourrait tirer de l’antisémitisme. Il sait l’activer, notamment en Amérique latine, avec le Brésilien Lula da Silva et feu le Vénézuélien Chávez pour ne citer qu’eux.
Le nationalisme iranien est-il si mauvais ? Ne pourrait-on pas y déceler un aspect positif ? Ce nationalisme ne serait-il pas un excellent antidote contre le djihadisme mondial et ce rêve d’un Grand Califat dont Al-Qaida est l’un des promoteurs ? Je suis surpris que l’on n’ait pas souligné davantage ce fait extraordinaire : le Hezbollah (présenté comme la principale menace contre Israël) s’est retourné contre les djihadistes de Syrie venus d’un peu partout, y compris d’Europe, et les liquide par milliers.
Le nationalisme iranien a des origines complexes et il en est une sur laquelle il faut tout de même s’attarder en acceptant de se placer un instant du côté de l’ennemi, l’Iran. Je rappelle que la longue guerre Irak-Iran (1980-1988) fut provoquée par l’Irak qui bombarda l’Iran en septembre 1980, une attaque qui eut pour effet de souder le peuple iranien et l’armée iranienne où la rivalité entre armée régulière et Pasdaran était prononcée. Il faut étudier de près cette guerre et ses implications pour comprendre le nationalisme iranien, si décrié. Il n’a pas été concocté par quelques fanatiques dans un recoin obscur. Je rappelle par ailleurs que l’Irak a été très soutenu par les puissances occidentales (dont la France) qui voyaient en Saddam Hussein un excellent acheteur pour son matériel à haute valeur ajoutée… Ci-joint, un lien sur cette guerre :
http://www.histoire-pour-tous.fr/guerre ... -1988.html
Depuis l’horrible attentat de Buenos Aires par le Vevak, et dans lequel quatre-vingt-cinq Juifs ont péri, j’ai compris que quelque chose de tout à fait nouveau émergeait. Comme on dit chez nous ‟On connaît nos Arabes. On les sait assez vils et lâches depuis toujours pour s’attaquer à des gens sans défense. C’est leur truc ; et si Allah agrée… hein !… que peut-on faire ?”
Ton intuition ne t’a pas trompé ; et j’admire volontiers ta lucidité. Suite à cet attentat, le 18 juillet 1994, j’ai hurlé que le pays responsable devait être rayé de la carte. Et j’avais hurlé la même chose, le 17 mars 1992, lorsqu’un attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires avait fait vingt-neuf morts et un très grand nombre de blessés. A présent, je me dis — piètre consolation — que le peuple iranien n’a probablement pas dansé de joie en apprenant ces nouvelles, contrairement aux Arabo-musulmans…
J’ai senti une nouvelle ère, plus vicieuse car plus intelligente… Nous avions dans ce cas un État qui couvrait tous ces crimes antisémites…
Nina, un État, l’Iran dans ce cas, est-il vraiment plus dangereux qu’une nébuleuse type Al-Qaida & Cie ? Je ne sais. Par ailleurs, je suis surpris que l’Iran soit sans cesse accusé alors que des États non moins terroristes (et je fais usage de la litote) ne suscitent que très peu de réprobation, je pense en particulier à l’Arabie saoudite, au Qatar et autres rentiers du pétrole, sans oublier le Pakistan avec lequel les États-Unis se sont drôlement fourvoyer et qui fait souffrir l’Afghanistan et l’Inde. Sans vouloir faire du mauvais esprit, il me semble préférable sur le long terme d’avoir affaire à des ennemis intelligents (les Iraniens) qu’à des amis bêtes (les Arabes). Ce propos te paraîtra un peu léger, il est plus sérieux que tu ne le crois.
Non, mon ami, tu ne vois rien venir car ton amour de l’esthétisme et des grandes civilisations et ton romantisme te laissent espérer que quelque chose de bon pourrait sortir de ce magma.
Nina, le romantisme tel que je le conçois n’est pas un écran derrière lequel je me chante des berceuses. Le romantisme ne vaut que s’il s’efforce d’appréhender la profondeur historique — elle qui désigne des perspectives d’avenir. Et j’affirme des préférences en m’efforçant de les expliquer. Ces préférences supposent des colères et une violence parfois radicale. L’Iran est désigné comme le danger alors que nous multiplions les ‟amitiés” inquiétantes. Quelque chose ne va décidément pas ! Ce qu’on ne dit pas assez : les immenses richesses de l’Iran attisent bien des convoitises qui n’osent s’avouer comme telles. On présente alors ce pays comme étant dirigé par une bande d’illuminés habités par des tensions apocalyptiques. Nous avons simplement affaire à de très fins joueurs, rien de plus…