L'ANECDOTE QUI TUE

L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Nina » Décembre 18th, 2013, 10:13 pm


L’histoire du Saint Louis me hantera toujours. Il représente précisément la solitude du peuple juif devant les nations qui se sont tues devant le génocide de l’Allemagne nazie.

Étrange que Spielberg ou d’autres cinéastes juifs américains n’aient jamais voulu écrire l’histoire pourtant si emblématique de ce paquebot sur lequel plus 900 juifs allemands fuyaient leur pays.

Malgré l’urgence et le funeste destin qui attendait les passagers, aucun pays n’accepta de leur donner asile. Pas même l’Amérique. Pas même cette Amérique DÉMOCRATE.

Pire encore, par pur antisémitisme, des sénateurs démocrates du Sud, sans doute adeptes des théories du Ku Klux Klan, avec à leur tête Cordell Hull.

Cordell Hull était un intime du Président Roosevelt mais aussi Ministre des Affaires étrangères.
Il mit tout son poids dans la balance et menaça de démission ainsi que son groupe de sénateurs démocrates du Sud si Roosevelt donnait asile aux juifs allemands du paquebot Saint Louis.

J’ai abordé récemment un livre de Christine Ockrent consacré à Alexandre de Marenches ancien patron du S.D.E.C.E , les services secrets français. Il exerça pendant 11 ans ce qui est un record de longévité dans ce milieu.

Quel rapport avec le Saint Louis ?

Aucun et tout.

On recrute pour les très hauts postes dans le renseignement français ainsi que dans la diplomatie dans les milieux aristocratiques. Ce n'est pas une spécificité française et la raison invoquée est toujours la même. Les aristos semblent mystérieusement les garants d'un patriotisme plus fervent que les roturiers.

Le postulat est le suivant : Ces hommes et femmes issus de la noblesse possèdent des atouts précieux : ils connaissent le monde, plusieurs langues et les gens qui comptent c'est à dire, les réseaux.

De plus, ces aristos nantis ont une très haute estime d’eux-mêmes. Le Comte de Marenches devait donner son temps à la France après l'avoir donné au business.

Riches, bien nés et souvent polyglottes, les espions aristos peuvent assurer la patrie qu’ils seront moins enclins à « trahir »...

Plus patriotes "par nature", on se bat pour le Roi (devenu la République) et pour la France (l'Eglise).

L’anecdote qui tue

Pour décrire un peu mieux le milieu dans lequel il a grandi, Alexandre de Marenches dresse le portrait d’un ton léger de quelques membres de sa famille.

Un petit passage retient mon attention et créé en moi un instant de rage et de douleur.

Le mieux est de reproduire fidèlement. Les événements prennent place en 1941, moins de deux ans après l'affaire du Saint-Louis.

Christine Ockrent : « Votre mère à ce moment là se trouvait près de vous ? »

Alexandre de Marenches : « Dès le début de la guerre elle est partie pour les États-Unis rejoindre sa sœur, ma tante Ethel. Un personnage elle aussi.

A Paris, elle avait acheté l’hôtel particulier attenant au sien rue Verdi uniquement pour abriter sa Rolls et son chauffeur.

Elle avait une femme de chambre, Cécile, qu’elle aimait beaucoup et qui était restée à Paris.

Fin 1941, ma tante me fait parvenir une lettre des États-Unis : « Mon cher Alexandre, veux-tu être assez gentil pour faire en sorte que Cécile vienne en Amérique me rejoindre. Elle sera mieux ici qu’en Europe où il y a parait-il, des tas de privations. »

J’ai tenté alors différentes démarches en zone occupée. Rien à faire !

Un beau jour, une superbe voiture à fanion allemand arrive chez ma mère rue Wéber. Deux personnages un peu inquiétants en sortent et réclament Cécile.

En 24 heures on la photographie, on lui procure permis, Ausweis, passeport et on la met au train pour Lisbonne. Elle a ensuite pris le bateau, destination les États-Unis.

Après la guerre, lorsque j’ai revu tante Ethel en Amérique, elle m’a dit : « Je savais que tu n’étais très dégourdi, mais ton inefficacité dans l’affaire de Cécile a été absolument extraordinaire ! Il a fallu que je m’en mêle et là, ça s’est réglé en trois jours.

- Comment avez-vous fait ?
- C’est très simple. J’ai été voir mon ami Cordell Hull, le secrétaire d’état aux affaires étrangères à qui j’ai dit : « Mon cher Cordell, c’est un scandale que Cécile, ma femme de chambre, ne puisse me rejoindre. » Il a communiqué immédiatement avec Ribbentrop, le ministre allemand des Affaires Étrangères, à Berlin. Ce n’était pas si compliqué ! »

Sur un ton léger, De Marenches, vient de raconter un épisode si lourd et si honteux qu’il ne s’aperçoit pas ou fait mine de ne pas s’apercevoir de la parfaite indécence de son anecdote.

Moins de deux ans auparavant, Cordell Hull refusait le droit à la vie de plus de 900 juifs allemands mais prenait langue avec un nazi comme Ribbentrop pour sauver la femme de chambre d’une riche aristocrate française réfugiée aux États-Unis. Femme de chambre qui ne subissait alors que les quelques « privations » liées à l’occupation allemande.

C’est hallucinant.

Il y a des milliers d’anecdotes de la sortes toutes aussi épouvantables mais la légèreté de la narration du grand patron des services secrets français donne la mesure des choix délirants du secrétaire d'état aux affaires étrangères américain qui aura pesé de façon magistrale sur le blocus imposé aux juifs fuyant l'Europe nazie.

D’autres aristocrates se seront comportés heureusement comme de véritables Princes. De Souza Mendes, Consul portugais et noble sauva des milliers de juifs et non-juifs en distribuant des visas à tour de bras. Il finira bien sûr dans la misère et la solitude.

livre : OCKRENT MARRENCHES : "DANS LE SECRET DES PRINCES"


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Re: L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Christiane » Décembre 19th, 2013, 1:56 pm

Merci Nina de nous faire partager le "meilleur" de tes diverses lectures. Lectures pour lesquelles, je l'avoue, je manque de curiosité. Je suis, grâce à toi, un peu moins idiote :P
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Re: L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Nina » Décembre 19th, 2013, 2:13 pm

Le livre est le partage absolu chère Christiane.
Et en la matière, nous sommes tous l'idiot de quelqu'un puisqu'on ne peut hélas tout lire, tout savoir.

Merci pour ton soutien et ton amitié.
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Re: L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Désiré » Décembre 22nd, 2013, 11:50 pm

À l'époque Ribbentrop ne pouvait rien refuser aux américains qui collaboraient économiquement avec les nazis pour le pétrole et pour la chimie y compris la mise au point du zyklon B .
Les amerloques sont des vulgaires pompiers-pyromanes .
Et merde aux atlantistes béats !
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Re: L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Nina » Décembre 23rd, 2013, 7:21 pm

Tu as parfaitement raison Désiré. J'étais une de ceux là, de ces atlantistes béats.
Sans doute l'étais-je par anti-communisme (anti-soviétisme) primaire...Comme beaucoup il me semble.
Le monde était binaire et non multipolaire. La mondialisation et ses effets pervers : nous ne savons plus vraiment de quel côté pencher.

Cela m'arrange en fait : je suis pour moi et les miens et ça devient forcément bipolaire puisque en gros on est pour OU contre Israel...non ? :D
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Re: L'ANECDOTE QUI TUE

Messagepar Désiré » Décembre 24th, 2013, 9:34 pm

Les anticommunistes avaient raison avant tout le monde pendant la guerre froide et ils continuent d'avoir raison aujourd'hui .
Bien sûr c'est très important de défendre Israël qui est un îlôt de civilisation .
Je ne suis pas juif mais nous sommes liés néanmoins .
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