NO comment serais-je encline à vous dire. Encore une fois cet article reproduit sans oublier une seule virgule DATE DE JUIN 1967. SIGNE PAR RAYMOND CARTIER POUR PARIS-MATCH.
NASSER : "NOUS ALLONS EFFACER LA LÉGENDE DE NOTRE DÉFAITE DE 1956"
Un nom obsède les esprits de notre époque : Munich.
Peut-être l'ombre projetée sur l'histoire par ce désastre des hommes de bonne volonté sauva-t-elle Israël. Le substantif juif est associé automatiquement à l'adjectif habile.
Or, le gouvernement juif s'était laissé manœuvrer dans une situation désastreuse.
Ses trois garants, l'Amérique, la Grande-Bretagne, la France, l'avaient à moitié ou totalement abandonné. Nasser, branlant la veille, miné par le Yémen, était redevenu le chef de la contre-croisade arabe.
La Russie, cédant peut-être à son puissant antisémitisme intérieur, avait abandonné l'attitude balancée qu'elle avait longuement observée dans les crises du Moyen-Orient.
En Israël même, il y eut notoirement une phase d'extrême angoisse.
On ne se relève jamais d'un Munich. Si mineure qu'elle paraisse, une concession sous la menace est une capitulation irrémédiable, le point de départ d'une chaîne qui conduit à l'abîme. Israël est un défi. Un défi ne peut pas se permettre de transiger.
On ne connait pas encore les conditions exactes dans lesquelles eut lieu le redressement du courage. On connait seulement ses deux principaux artisans : Moshé Dayan et Ygal Allon. Tous les deux sont des hommes de guerre.
Ensemble, ils gagnèrent en 1948 la bataille du Néguev, capturant dans une bicoque nommée El Faluja, un chef de bataillon égyptien nommé Gamal Abdel Nasser.
Huit ans plus tard, Dayan conduisit la campagne du Sinaï, qu'il raconta ensuite avec humour.
"La seule vengeance que nous exerçâmes sur nos prisonniers égyptiens consista à leur faire manger des rations israéliennes.".
Ils sont revenus à cet ordinaire. Et pourtant Nasser avait prononcé cette parole : "Nous allons effacer la légende de notre défaite de 1956 dans le Sinaï...".
Tous les vaincus sont pathétiques. Je regardais les mains du porte-parole de l’Égypte, Mohamed El Kony, pendant le débat au Conseil de sécurité.
Elles étaient agitées d'un frémissement continu, comme s'il faisait passer dans ses phalanges l'émotion qu'il supprimait sur son visage étroit. Il se contint, les yeux baissés, pendant qu'Abba Eban réfutait ses accusations relatives à une participation anglo-américaine.
Au désastre de l'Egypte, il se contint moins quand le Russe, Federenko, prit la parole avec une diction aussi soignée que le nœud papillon dont il a fait son attribut vestimentaire.
Un éclair aigu passa dans l’œil de El Kony. Puis ses traits se figèrent à nouveau et ses doigts recommencèrent à tressaillir.