par Nina » Décembre 9th, 2013, 9:21 am
"NOUS AVONS GAGNE LA GUERRE DE 1956, MAIS NOUS AVONS PERDU LA PAIX."
A côté du Mur des Lamentations s'étend une vaste esplanade dallée. Le roc qui en occupe le centre a été recouvert par le dôme octogonal de la mosquée d'Omar. Mahomet le gravit sur son cheval, puis monta au ciel, faisant de Jérusalem la troisième ville sainte de l'Islam. (*)
Des cordons de soldats israéliens encerclent l'Esplanade, veillent dans les créneaux qui dominent les jardins de Gethsemanie, venant du Saint-Sépulcre, la via Dolorosa longe l'autre face de l'esplanade musulmane, avant de s'élever vers le mont des Oliviers.
Toutes les saintetés s'enchevêtrent, font de Jérusalem un lieu qui appelle la neutralisation. Mais le serment juif s'élève dans l'air torride encore pénétré de l'odeur de la bataille : "Nous ne rendrons jamais Jérusalem".
Que veulent-ils, que peuvent-ils rendre ? Ces juifs victorieux ?
Partant de Jérusalem, la route de Tel Aviv s'engage dans les collines de Judée. On y voit encore de vieilles ferrailles qui furent des blindés improvisés, démolis dans les embuscades d'il y a vingt ans.
A Latrun, un éperon rocheux, s'avançant comme un nez aquilin, porte un village arabe, les ruines d'un château franc et un monastère de trappistes aux murs roses. Pour s'emparer de cette position, qui affamait Jérusalem, les juifs de 1948 jetèrent au feu des immigrants venant droit des camps de déportation et qui n'avaient jamais touché un fusil.
La Légion arabe en fit un carnage. Les Israéliens durent construire sous le feu une route contournant l'éperon de Latrun. Vont-ils le rendre, accepter qu'une hernie se reconstitue dans le corridor de Jérusalem ? Ils disent non.
A Rantis, la frontière jordanienne était à 18 kilomètres de Tel Aviv.
A Tulkarm, en territoire jordanien, on voyait la Méditerranée scintillant à dix kilomètres, au delà de la plaine de Sharon. Toute la Samarie formait un énorme abdomen comprimant le territoire d’Israël. Les Israéliens ont percé cette hydropisie, pris Jenin, Naplouse, Ramallah, Jéricho.
Ils disent : "Pourquoi reviendrions-nous à une situation absurde, à une ligne qui n'a été que la démarcation d'un cessez-le-feu arraché à notre faiblesse ? La frontière de la Palestine est le Jourdain. Nous y sommes. Restons-y."
Il en est de même pour la bande de Gaza. Elle pénètre comme un dard dans la chair d’Israël.
Des Kiboutzim qui la bordent, les plus récents, les plus pauvres, les plus collectivisés, vivaient en état de guerre permanent. Des ouvriers agricoles travaillaient avec le fusil à la bretelle. Des miradors munis d'armes automatiques se dressaient au milieu des champs.
Le 3 novembre 1956, Moshé Dayan a pris Gaza. On l'a rendu. Il vient de la reprendre. Faudra-t-il la rendre ? Le faible Eshkol s'y est engagé en disant qu’Israël ne cherchait aucun agrandissement, aucune modification au statu quo territorial. Mais les hommes de cœur s'insurgent. Dayan a écrit : "Nous avons gagné la guerre de 1956, mais nous avons perdu la paix.".
Peut-on perdre deux fois la paix à dix d'intervalle, sans se suicider ?
Un doute était né. Israël était en crise. De graves difficultés économiques avaient surgi. L'immigration s'était, non seulement ralentie, mais altérée dans sa qualité. On signalait les départs affectant l'élite intellectuelle et technique. Vingt ans ne suffisent pas pour asseoir un État.
La croisade chrétienne prit Jérusalem, fonda un royaume allant d'Antioche à El Arich, couvrit l'Orient de châteaux forts et, pendant trois quarts de siècle, parut réussir. Elle devait échouer par l'affaiblissement intérieur et, avant tout, par l'orientalisation des croisés. On pouvait se demander si la croisade juive, après son brillant départ, n'entrait pas dans un processus analogue. Les dirigeants israéliens dissimulent farouchement ce genre de crainte. En réalité, il les obsède. Ils doivent accepter les juifs d'où qu'ils viennent, mais, envahis par les juifs arabisés d'Afrique du Nord, ils donneraient n'importe quoi pour imprimer un nouvel élan à Israël en accueillant les trois millions de juifs qui se trouvent encore en Russie.
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Cette partie du texte de Raymond Cartier invite à plusieurs réflexions majeures.
- la géographie nouvelle avec la conquête de la Judée Samarie et de Gaza. Les craintes étaient-elles justifiées ? Il est évident que la réponse es t OUI.
- Lorsque Cartier parle de la sainteté de Jérusalem dans l'islam, nous pouvons près d'une cinquantaine d'années après nous apercevoir que le dogme musulman était parfaitement ignoré, méconnu de la majorité des journalistes, des historiens, des politiques. Qui pouvait à l'époque entre-apercevoir ce que l'ilsam politique et conquérant allait promouvoir peu après ? Et pourtant...c'était bien le laïc Nasser qui, pour rameuter les foules arabes allait précisément appeler à la "guerre sainte, au Jihad contre les sionistes". L'Arabie Saoudite déjà dans le camp (en fait la première, l'initiatrice de tout ce chaos) salivait et commençait son long travail de sape grâce aux pétro-dollars aux États-Unis et en Europe.
Rappelons, en outre, que pas une seule fois dans le Coran n'est mentionnée la ville de Jérusalem et qu'une obscure sourate fait mention "d'un voyage nocturne du prophète Mahomet" et que bien malin celui qui peut affirmer qu'il s'agit de la ville du Roi David !. Difficile de retrouver un excellent article paru dans le Nouvel Obs et signé de Elisabeth Chemla sur l'édification de la mosquée d'Omar. Cela valait vraiment le coup et elle démontrait qu'historiquement parlant, cette mosquée était avant tout un projet ÉCONOMIQUE du Calife Omar pour attirer les caravanes qui ignoraient Jérusalem.
- Cartier aborde par la suite la blessure morale et terrible que tous nous ressentons à l'égard de l'état d’Israël mais qui ne peut être planqué, au chaud pour ne pas dénaturer le mythe.
Oui, il y a eut durant 50 années de main-mise des ashkénazes au pouvoir d'un incroyable racisme à l'égard de ces "juifs arabes". La concrétisation de cette rancœur se manifestera peu après par les manifestations des "panthères noires" d'origine marocaine et tunisienne voulant à tout prix ne plus être méprisée par la classe dominante ashkénaze.
Rendons au passage justice à Claude Lanzmann qui abordera ce thème dans on excellent documentaire : "Pourquoi Israël".
Plus tard, avec l'entrée de Menahem Begin commencera une ère plus juste en ce qui concerne les juifs séfarades.
Les élites intellectuelles israéliennes qui sont parties vers des horizons plus amènes et très généralement aux Etas-Unis, cela aussi est une réalité douloureuse. Michel Bar Zohar en parle brièvement dans un de ses livres sur le Mossad...mine de rien.
Au détour d'une visite, certains grands officiers de Tsahal retrouvaient des "frères d'armes" bien argentés et désireux de laisser la poussière du désert derrière eux.
Le point de vue sioniste ne peut faire l'économie de cette petite histoire certes peu avouable mais nécessaire. Il ne s'agit en aucune manière de post-sionisme à la con délégitimant l'état d’Israël mais bel et bien d'histoire nécessaire pour justement ne pas tomber dans ce romantisme idiot et béat. Israël est toujours en devenir mais les Nations, préoccupées uniquement par le sort des arabes et jalouses des données économiques de ce petit état juif adorent nous refiler du "bon" et "mauvais" juif.
Le résultat aujourd'hui est redoutable : plus de 190 cultures du monde sont présentes dans ce minuscule territoire. Le creuset de l'humanité mis en scène par les intellos bien-pensants d'Occident est en marche depuis un bon moment dans l'état hébreu. Ils font semblant de ne rien voir et planque soigneusement une réalité géographique et humaine sous des épluchures tiers-mondistes de crainte de devoir revoir leurs copies.
On a l'habitude !
Ça continue bien sûr...On va entrer de plain-pied dans la grande danse d'après la guerre des 6 jours toujours avec Raymond Cartier.
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