par Nina » Février 16th, 2016, 10:59 pm
« Aujourd’hui j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang » : Le sionisme révolutionnaire d’Avraham Stern
Dimanche 14 février, je me suis rendu dans le petit musée de la rue Stern à Tel-Aviv. C’est un bâtiment modeste, un petit immeuble dans le quartier de Florentine que rien ne destinait à abriter la mémoire d’un des plus grands héros juifs de la Renaissance nationale d’Israël : le fondateur et chef du Lehi, Avraham (Yaïr) Stern. C’est là, il y a 74 ans jour pour jour, dans sa petite chambre au mobilier spartiate, que Stern a été lâchement assassiné d’une balle dans le dos par des policiers anglais, qui avaient lancé une impitoyable chasse à l’homme contre celui qui était devenu « l’ennemi public numéro 1 » de la Puissance mandataire occupant Eretz-Israël.
Dans le petit appartement de la rue Stern, dont le mobilier est resté intact à sa place, on peut voir le lit où Yaïr a passé ses dernières nuits, la table où il a rédigé ses ultimes lettres à sa mère et à sa femme, Roni, et l’armoire où il s’est caché en entendant les coups frappés à la porte. La femme courageuse qui l’hébergeait, Tova Savoraï, s’est vainement interposée entre lui et les policiers anglais, pour tenter de protéger Yaïr contre les balles de ses assassins.
« Aujourd’hui j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang ». Ces mots prémonitoires figurent dans le poème Soldats anonymes, rédigé par Yaïr et devenu l’hymne de l’Irgoun, puis celle du Lehi après la scission entre les deux mouvements de lutte nationale, le premier ayant fait le choix stratégique de ne pas poursuivre le combat contre l’occupant anglais après le début de la Deuxième Guerre mondiale.
Yaïr n’avait pourtant, comme la plupart des pères fondateurs de l’Etat juif, aucune prédisposition pour la violence et aucun goût pour la guerre et le sang. Il était avant tout un homme épris de liberté et un esprit assoiffé de connaissance. Il avait, comme on peut le voir dans le musée de la rue Stern, entamé de brillantes études à l’université hébraïque de Jérusalem, avant de les poursuivre à Florence, passionné de lettres classiques.
Aré at mekoudeshet li Moledet…
C’est la nécessité de la guerre et l’ombre grandissante de la Shoah qui le convainquirent de s’enrôler dans les rangs des « Combattants pour la liberté d’Israël » (nom de l’organisation dont il fut le fondateur et le premier dirigeant – dont l’acronyme forme le mot Lehi). « Tu m’es consacrée, ô ma patrie », écrit-il dans un poème fameux : c’est pour cette raison qu’il fit attendre l’élue de son cœur, Rona, qui devint sa femme et la mère de son unique fils, refusant tout d’abord de l’épouser, car il savait parfaitement que leur bonheur conjugal serait éphémère…
Au-delà de son combat pour la liberté et de son sacrifice, Yaïr Stern a aussi légué aux générations suivantes son testament politique, sous forme des « Dix-huit principes de la Renaissance », qui constituent, plus encore qu’un manifeste, un véritable programme politique visionnaire et prophétique. La plupart de ces principes sont aujourd’hui devenus réalité : souveraineté juive rétablie, importance de la force militaire, renaissance de l’hébreu, rassemblement des exilés… Mais sur d’autres points essentiels, la vision d’Avraham Stern demeure encore inaccomplie, et notamment sur un point essentiel : la reconstruction du Temple de Jérusalem. Stern, comme d’autres pères fondateurs et dirigeants sionistes, croyait en effet que le nouvel Etat juif devait avoir pour centre spirituel la ville de Jérusalem, autour du Temple rebâti. Sur ce point, et sur d’autres, son héritage demeure inachevé, et il reste comme un impératif lancé dans le feu et le sang de la révolte, aux habitants de l’Etat reconstruit, pour qu’ils parachèvent et accomplissent l’idéal du « soldat anonyme », tombé pour que vive notre peuple.
Pierre Lurçat
Sur ce point, voir « Les pères fondateurs et la reconstruction du Temple ».
© UPJF.ORG.