QUAND ON TUE A YARMOUK, ON BOYCOTTE A PARIS
Publié: Avril 20th, 2015, 11:04 am
(Avocat aux Barreaux de Paris et de New-York en droit pénal, propriété intellectuelle et droit des contrats)
Sources : http://www.huffingtonpost.fr
TERRORISME - Depuis le début de la guerre civile syrienne, Yarmouk est en proie aux combats. Depuis l'entrée de l'Etat Islamique dans le camp début avril, les têtes tombent au sens propre du terme.
Initialement un camp de réfugiés palestiniens créé en Syrie en 1957, Yarmouk s'est peu à peu rattaché à Damas au fur et à mesure de son expansion devenant une véritable banlieue.
Ses habitants ont néanmoins gardé leur statut de réfugiés conformément au décret 1547 de la ligue arabe de 1959 interdisant aux pays membres d'octroyer la nationalité aux palestiniens pourtant nés sur place et ce, en violation de l'article 7 de la Convention sur les droits de l'enfant des Nations Unies. Comme tous les autres palestiniens vivant dans les pays arabes, ils n'ont pas le droit de voyager librement dans le monde arabe. Ils n'ont pas le droit de vote ni ne sont éligibles.
L'objectif de ce statut discriminatoire: "préserver l'entité palestinienne et l'identité palestinienne".
Bien sûr.
Dès les premières semaines de la guerre en Syrie en 2011, une partie des Palestiniens de Yarmouk s'est alliée à la nébuleuse des groupes rebelles, les autres sont restés loyalistes. Entre les pertes au combat et l'exil massif, la population de Yarmouk est passée de 160.000 personnes au début du conflit à 18.000 il y a quelques semaines.
Administré par l'ONU, le camp de Yarmouk est régulièrement bombardé par le régime syrien. Les ravitaillements en nourriture, eau, médicaments, électricité sont très épisodiques. Des dizaines de personnes sont mortes de faim, d'épuisement, de malnutrition.
Depuis l'arrivée de l'EI, appuyé par son rival al-qaediste, le Front Al-Nosra, dans le camp le 1er avril les atrocités se succèdent. En 15 jours, l'offensive jihadiste a fait plusieurs centaines de victimes supplémentaires avec les sévices que l'on connaît. Yarmouk est la porte d'entrée dans la capitale syrienne, un point de passage stratégique. La terreur est de mise. Pendant que les fanatiques de l'EI décapitent les palestiniens, Assad fait bombarder le camp.
Le commissaire général de l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), Pierre Krähenbühl, a informé le Conseil de sécurité de la "situation humanitaire totalement catastrophique" dans le camp. Ban Ki-Moon dénonce une situation inacceptable.
Dans une indifférence à peu près générale, rares sont les médias occidentaux qui évoquent le sujet.
En France, ce n'est pas le sort de la population exsangue de Yarmouk qui intéresse les thuriféraires du palestinisme. Non, en France, au lieu de manifester dans les grandes villes pour s'indigner contre la mise à mort de ces palestiniens-là, au lieu de distribuer des tracts contre les abjections des égorgeurs de l'EI et les bombardements de l'armée, au lieu de sommer l'ONU d'intervenir pour que cesse enfin cette descente aux enfers, en France, on a d'autres priorités.
En France, les champions de la cause palestinienne manifestent devant des Lidl pour s'indigner de la vente d'oranges et de dattes israéliennes, glissent des tracts de propagande dans des sacs de livraison d'un magasin Monoprix, somment les clients des pharmacies de ne pas acheter des médicaments fabriqués par des laboratoires israéliens, mais boycottent aussi les échanges universitaires, culturels et scientifiques.
Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), dont les saillies discriminatoires sont parfaitement illégales et de plus en plus condamnées par les juridictions françaises, notamment par la Cour de cassation, et la Cour Européenne des Droits de l'Homme, n'a de cesse que de stigmatiser un pays tout entier remettant en cause sa légitimité même.
Qu'on ne se méprenne pas. Le boycott économique à raison de l'origine et de l'appartenance à une nation ne relève pas de la liberté d'expression. La Cour d'Appel de Colmar a ainsi jugé en novembre 2013 que "La provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d'opinion et d'expression dès lors qu'elle constitue un acte positif de rejet, se manifestant par l'incitation à opérer une différence de traitement à l'égard d'une catégorie de personnes, en l'espèce les producteurs de biens installés en Israël".
En revanche, certaines déclarations peuvent tout à fait relever de la provocation à la haine raciale. Comme pour tout, c'est une question de curseur.
C'est ainsi qu'au mois d'août dernier, les deux portes paroles du Comité BDS France 34 (Montpellier) ont publié sur leur page facebook une photo comparant l'armée israélienne aux jeunesses hitlériennes. En cliquant sur l'image, un texte d'une rare violence antijuive et complotiste apparaissait "Ce que faisait Hitler aux juifs était voulu et prémédité pour un but bien précis, une tactique propre aux juifs comme le grand mensonge du 11 septembre", "La relation d'Hitler avec la famille Rotschild, cette famille juive et satanique qui possède toutes les terres de la Palestine et qui est l'une des plus puissante famille au monde" (sic)... Une enquête judiciaire est en cours.
C'est ainsi, encore, que le mouvement BDS fait pression pour exclure Israël de la FIFA mais ne trouve rien à redire contre la participation de la Syrie, également membre de la FIFA, et dont le régime réprime avec férocité ses populations civiles. Rien non plus contre l'organisation de la Coupe du Monde de football confiée au Qatar pour 2022 lequel a financé les fanatiques sunnites de l'EI. Toujours rien contre l'Iran qui a condamné, en novembre 2014, une jeune irano-britannique de 25 ans à un an de prison pour avoir voulu assister à un match de volley-ball masculin.
Israël est le seul pays à subir cette campagne de délégitimation. Israël dont on rappellera que plus de 10% des députés sont des arabes israéliens ou druzes, dont un arabe israélien est juge à la Cour Suprême, qui permet notamment à Omar Barghouti, co-fondateur du mouvement BDS, d'étudier à l'université de Tel-Aviv.
Le silence assourdissant des BDS et consorts sur les exactions et les discriminations subies par les palestiniens lorsqu'Israël n'est pas partie prenante semble confirmer que cette indignation à géométrie variable est mue bien plus par un antisionisme qui fleurte dangereusement avec l'antisémitisme que par une prétendue solidarité avec les palestiniens.
Ce faisant, le mouvement BDS participe à la banalisation de l'antisémitisme, notamment quand on lit les commentaires de certains de ses partisans sur les réseaux sociaux, et mérite à ce titre d'être farouchement combattu.
Si la critique de la politique du gouvernement israélien est un droit, la provocation à la haine ou à la discrimination raciale est un délit lequel doit être condamné avec fermeté et les peines exécutées.