Malgré le désespoir, mon Silounet d'amour donne encore et encore pour ne pas oublier. En lisant ces lignes de Chateaubriand, je me prends à rêver que les amoureux de la littérature française viendront donner crédit à ce que nous ne cessons de hurler, nous les juifs. Le chevalier qui avait peur du noir, fou d'amour de l'amour va-t-il parvenir à atteindre des cœurs français ?
« Parmi les ruines de Jérusalem, deux espèces de peuples indépendants trouvent dans leur foi de quoi surmonter tant d’horreurs et de misères. Là vivent des religieux chrétiens que rien ne peut forcer à abandonner le tombeau de Jésus-Christ, ni spoliation, ni mauvais traitements, ni menaces de la mort. Leurs cantiques retentissent nuit et jour autour du Saint Sépulcre. Dépouillés le matin par un gouvernement turc, le soir les retrouve au pied du Calvaire, priant au lieu où Jésus-Christ souffrit pour le salut des hommes. Leur front est serein, leur bouche est riante. Ils reçoivent l’étranger avec joie. Sans forces et sans soldats, ils protègent des villages entiers contre l’iniquité.
Jetez les yeux entre la montage de Sion et le Temple ; voyez cet autre petit peuple qui vit séparé du reste des habitants de la cité. Objet particulier de tous les mépris, il baisse la tête sans se plaindre ; il souffre toutes les avanies sans demander justice ; il se laisse accabler de coups sans soupirer ; on lui demande sa tête : il la présente au cimeterre.
Si quelque membre de cette société proscrite vient à mourir, son compagnon ira, pendant la nuit, l’enterrer furtivement dans la vallée de Josaphat, à l’ombre du Temple de Salomon. Pénétrez dans la demeure de ce peuple, vous le trouverez dans une affreuse misère, faisant lire un livre mystérieux à des enfants qui, à leur tour, le feront lire à leurs enfants.
Ce qu’il faisait il y a cinq mille ans, ce peuple le fait encore. Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager ; rien ne peut l’empêcher de tourner ses regards vers Sion.
Quand on voit les juifs dispersés sur la terre, selon la parole de Dieu, on est surpris sans doute : mais, pour être frappé d’un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays ; il faut les voir attendant, sous toutes les oppressions, un roi qui doit les délivrer.
Écrasés par la Croix qui les condamne, et qui est plantée sur leurs têtes, cachés près du Temple dont il ne reste pas pierre sur pierre, ils demeurent dans leur déplorable aveuglement.
Les Perses, les Grecs, les Romains ont disparu de la terre ; et un petit peuple, dont l’origine précéda celle de ces grands peuples, existe encore sans mélange dans les décombres de sa patrie. Si quelque chose, parmi les nations, porte le caractère du miracle, nous pensons que ce caractère est ici. »