par Nina » Juillet 2nd, 2021, 10:42 am
Elle s'appelait ESTHER, autant vous dire que c'était une guerrière et qu'on avait intérêt à marcher droit.
On dit que le temps efface peu à peu ce sentiment de vide. C'est faux !
Même si les bons moments, où on pleurait de rire des réparties de ma mère, arrivent parfois à vous faire encore rigoler, il est là ce manque...consistant et palpable.
Certains juifs ne cessent de geindre pour des raisons tout à fait louables et d'autres pour le plaisir de continuer à se plaindre. C'est tellement nous ça. C'en est presque émouvant.
D'autres, attendent la reconstruction du Temple (tout comme moi dans le fond, j'aimerais voir ça même si je sais qu'une part d'illusion est énorme) et d'autres encore attendent le Messie.
Tout cela fait partie de notre construction ADN.
Dans les temps terribles que notre peuple a traversé, nous nous sommes toujours tournés vers un ailleurs possible, un miracle possible même si on était devenus exsangues, en manque d'oxygène après les épreuves.
La désillusion, la terrible souffrance et le pire sans doute L'INJUSTICE qui nous hantait à chaque moment.
"Comment ? Comment est-ce possible qu'on puisse remettre en question l'histoire moderne et les preuves accablantes sur la Shoah ?"
Et pourtant, tous les jours depuis des décennies, de petits malins que la haine persistante des juifs nourrissent tellement bien qu'ils ne peuvent plus s'en passer, continuent leur travail de sape.
Après la mort, la dénégation de la mort. On pourrait presque croire au Diable.
Mais si je parle de ma mère aujourd'hui, c'est sans doute parce qu'elle fut la femme la plus "éveillée" que j'ai connue.
D'un total pragmatisme, elle voyait les choses différemment de la plupart des juifs de la communauté comme on dit.
Défiante invétérée des Etats-Unis, elle seule pouvait vous faire douter de la bienveillance de nos alliés américains.
"Quoi ? disait-elle. Les américains nous disent d'avancer et on avance puis nous disent de reculer pour avoir du pétrole moins cher et nous reculons ? C'est ça un allié ? Arrêtez de vous berlurer la tête ! L'indépendance ça se gagne et ce n'est pas seulement grâce à L'ONU que nous avons un pays et un bouclier qui est le nôtre !"
Alors que nous chantions les louanges de l'Amérique, ma mère savait nous remettre les pieds sur terre.
Ce n'est que bien plus tard que je compris la portée de ses paroles concernant l'indépendance d'Israel. Nous étions bel et bien soumis aux désirs et alliances contre-nature de notre "allié indéfectible".
Si, aujourd'hui Joe Biden laissait l'Iran aller jusqu'au bout de son programme nucléaire pour CONTRER LES CHINOIS, il n'hésiterait pas d'où les quelques murmures tapageurs de certains stratèges militaires israéliens.
Viennent-ils de comprendre que "l'allié indéfectible" allait nous lâcher au moment même où l'Iran peut installer des vecteurs de lancement grâce à ce pseudo embargo qui n'empêchent pas la Chine et d'autres pays voulant signer de juteux contrats avec la République islamique, de faire parvenir les pièces nécessaires ?
"Les juifs demandent des miracles tous les jours ! Ils ne voient rien ou bien ils sont aveugles et sourds ? Notre miracle a déjà eu lieu : NOUS AVONS UN PAYS MERDE !!!"
Ouais...J'ai hérité ça de ma mère ! Le vocabulaire fleuri comme on dit.
N'empêche que sa perspicacité, son acuité en politique et géopolitique m'ont toujours laissée sur le cul.
Mon adorable et doux rêveur de père, socialiste et idéaliste, avait le don d'énerver ma mère en matière politique.
"Tu verras qu'un jour TON MITTERRAND et tous tes camarades socialistes nous vendront aux arabes ! Nous, on n'est rien dans les urnes et eux ils vont devenir très intéressants pour eux, tu verras..."
Ah ! Brave Esther ! Elle avait prédit cela bien avant le Boniface, il y a maintenant plus de 30 ans.
Rien ne lui échappait. Je mettais souvent ça sur sa passion dévorante pour le tennis. Elle aurait pu être juge de touche et écrire une encyclopédie sur le tennis mondial portant sur un demi-siècle.
Durant les périodes de grands tournois, il ne fallait surtout pas la faire chier. C'était son moment à elle et on s'éclipsait ou on regardait sans parler.
Donc, pour mes frères et sœurs qui lisez ce petit coup de blues qui est une ode à une mère fantastique, drôle et dure en même temps dès qu'il s'agissait de marcher droit, retenez ce qu'une guerrière comme elle a dit : LE MIRACLE A EU LIEU, A NOUS DE LE FAIRE DURER OU QUE NOUS NOUS TROUVIONS.
Ce sera un petit débat de shabbat, après le kiddouch si vous voulez. Nous c'est ce qu'on faisait dans ma très grande famille.
Mon père faisait la prière pour sanctifier le jour de repos, la table était toujours magnifique et bien garnie puis, après, c'était BAGARRE GENERALE SUR LE THEME POLITIQUE DU JOUR.
Une façon pour mes parents de jauger nos connaissances et savoir si tous leurs gosses allaient bien. Celui qui ne participait pas avait forcément un problème.
Fantastique Shabbat où ENFIN les parents et enfants pouvaient savoir si quelque chose clochait ou mesurer les connaissances des uns et des autres.
Shabbat shalom.