L'AN 330 DE LA RÉPUBLIQUE de Maurice Spronck ...
Le Houellebecq de 1894 qui alertait contre le califat
Michel Houellebecq n'a rien inventé. "L'An 330", un livre de science-fiction de la fin du XIXe siècle, prédisait déjà l'islamisation de la France.
Début du troisième millénaire. Une "grande invasion musulmane" menace l'Europe. Les Français, droits-de-l'hommistes et décadents, résistent à peine et capitulent. En quelques semaines, le Vieux Continent est annexé par le califat.
Le nouvel oracle de Michel Houellebecq ? La suite de son best-seller Soumission ?
Non : cette prophétie date de 1894 ! Paru il y a plus d'un siècle, L'An 330 de la République fait ainsi écho aux obsessions de ce début du XXIe siècle.
Ce roman oublié figure une Europe endormie, où les États nations ont disparu, qui s'effondre sous les coups d'un islam conquérant, "ignorant, pauvre, fanatique et barbare". L'An 330 ou le "grand remplacement", l'obsession de l'essayiste Renaud Camus, mais dans la science-fiction de la révolution industrielle !
L'An 330 prend la prophétie au pied de la lettre. Nous sommes en 2192 (330 ans après la première République de 1792). L'Occident est au comble du progrès, les valeurs de la Révolution se sont imposées et assurent le bien-être d'un peuple dévoué à la science. Mais Spronck ne partage pas la technophilie enthousiaste d'un Jules Verne. Abolition de la peine de mort, réduction du temps de travail, épidémie d'obésité et de dépression, robotisation, biotechnologies, droit à l'avortement et à la contraception, drogues et libération sexuelle, peines de substitution... Les prédictions de L'An 330 sont étonnamment justes, mais, pour leur auteur, elles sont apocalyptiques. Ce monde faussement idéal ne tiendra pas une seconde face aux hordes du nouveau califat. Autrement dit, dans L'An 330, le surhomme est un terroriste de Daesh !
Spronck est ainsi un des pionniers de la dystopie, ou contre-utopie, dans la littérature française. Il inverse le principe de l'utopie : une société parfaite selon certains principes - en l'occurrence, "liberté, égalité, fraternité" - se révèle en pratique un enfer sur Terre.
Extrait de "L'an 330 de la République" :
"La citoyenne Paule Bonin avait été jolie : mais, à trente-quatre ans, elle ne l'était plus. Comme la plupart de ses contemporains ou contemporaines, la fâcheuse obésité l'avait frappée fort jeune, et elle n'avait pas tardé à atteindre une amplitude qui, dans une civilisation moins parfaite, lui eût rendu l'existence impossible. Un système de corsetage savant la cuirassait des genoux jusqu'aux épaules, comprimant les cuisses, refoulant le ventre, étayant la taille, ramenant la poitrine, soutenant les bras, tandis que, au-dessus de cet ensemble amorphe, les joues et le menton couperosés descendaient en plusieurs étages. Les yeux et le front seuls avaient une beauté puissante, pour ainsi dire spirituelle : les yeux profonds et brillants de vie entre les paupières lourdes : le front plein de pensée, dénudé et poli par les veilles sur toute la surface du crâne, à peine garni encore par quelques touffes de cheveux grisonnants.
Personne plus que Paule Bonin ne s'était voué corps et âme au labeur désintéressé et incessant pour le progrès, pour la science, pour le bonheur public. Munie de l'instruction variée et solide que la commune donnait à tous, exemptée par une organisation sociale supérieure des moindres soins matériels, elle avait pu se développer sans entraves et faire valoir intégralement les merveilleuses ressources de son beau génie.
Vers quinze ans, comme la plupart des jeunes gens et jeunes filles à qui le permettait l'état de leur santé, elle avait bien dissipé dans les désordres un temps qu'elle aurait mieux employé à l'étude ; mais ce temps même pour elle n'avait pas été perdu, puisqu'il lui apprenait la vanité de l'amour et du plaisir ; libre des préjugés moraux qui jadis imposaient aux femmes d'autres devoirs qu'aux hommes, elle avait essayé une à une les voluptés les plus subtiles ; à vingt ans, revenue de tout, après avoir goûté à tout, dans le grand apaisement de ses sens fatigués, elle avait renoncé aux jouissances vulgaires pour se consacrer à des tâches plus noblement intellectuelles et cultiver des ambitions plus hautes. Dans sa solitude volontaire, elle avait savouré les joies de connaître et de comprendre ; et puis son coeur battait pour l'humanité ; plusieurs importantes découvertes lui assuraient la gratitude de ses concitoyens durant sa vie et une statue après sa mort..."