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Mon oreille se souvient…

Je me souviens de la voix très particulière de Henry de Turenne dans ‟Les grandes batailles du passé”. Comment la définir ? Mais écoutez la voix de Henry de Turenne :

http://www.youtube.com/watch?v=cOl4piWh2eA

Je me souviens de la voix particulièrement prenante d’André Dussolier, le narrateur de ‟Ils ont filmé la guerre en couleur” de René-Jean Bouyer, pour France 2. Ci-joint, le début du documentaire  :

http://www.dailymotion.com/video/xgufgb_ils-ont-filme-la-guerre-en-couleur-n-1_news

Lorsque j’entends la voix de Roger Hodgson, deux souvenirs me viennent d’emblée : une soirée dans les environs de Barcelona, une soirée de baignade, de sangria, de griserie et de rires ; une nuit d’été au cours de laquelle la radio retransmettait quelques-unes de ses chansons, alors que la voiture traversait un champ d’éoliennes dans les environs de Zaragoza.

Je me souviens du bruit très particulier que faisait la Panhard Dyna — et de sa forme également très particulière.

Je me souviens de la voix de Romy Schneider. Elle suffisait déjà à me subjuguer.

Je me souviens du silence des villes alors, de l’autre côté du Rideau de Fer.

Je me souviens de la voix de Michel Polnareff, fluide, cristalline. Je me souviens des modulations sur lesquelles il fait voyager le mot Holidays (dans ‟Holidays”) et la voyelle a (dans ‟Kâma-Sûtra”) :

http://www.youtube.com/watch?v=517vt_n208g

Je me souviens de ‟Plastics !” — cf. ‟The Graduate”.

 

The Graduate PlasticsLa scène en question dans ‟The Graduate”

 

Je me souviens de la sonorité des écrits de George Orwell, en particulier de cette séquence de ‟Down and Out in Paris and London” où l’auteur relate son expérience de plongeur dans les cuisines d’un restaurant parisien.

Je me souviens de la voix d’Arletty, et donc de… ‟Atmosphère… atmosphère… Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?” Pareillement, je me souviens de la voix de Jouvet, et donc de… ‟Moi j’ai dit bizarre… Comme c’est bizarre…”

Je me souviens du bruit de la caisse enregistreuse dans ‟Money” des Pink Floyd.

Je me souviens de l’air qui accompagne l’ouverture de ‟The Go-Between” de Joseph Losey, avec la pluie qui ruisselle contre une vitre. Cet air a encore sur moi une résonance probablement aussi vaste et précise que la sonate de Vinteuil sur Charles Swann. Et je ne sais toujours pas pourquoi :

http://www.youtube.com/watch?v=7BD1rAzJgzI

Un autre air de Michel Legrand me place dans un état proche de l’air mentionné, mais dans une moindre mesure, celui de ‟A Summer of’42”. Il me dit une plage immense et  déserte balayée par le vent, la nostalgie de l’arrière-saison, des maisons comme celles qu’a peintes d’Edward Hopper — ce maître de l’ambiance — et la beauté d’une femme, Jennifer O’Neill :

http://www.youtube.com/watch?v=kWMxX5MGuHI

Je me souviens de certaines expérimentations de John Cage.

Je me souviens que lorsque j’étais petit enfant, les poubelles (métalliques) faisaient un tintamarre dans la rue.

Je me souviens de la voix de Leonard Cohen, une voix qui accompagna bien des soirées d’étudiants, des soirées fiévreuses, amoureuses. Je me souviens en particulier de ‟Everybody knows”, un air entêtant comme certains parfums.

Je me souviens de l’exaltation qui me prenait lorsque j’écoutais ‟Symphonie du Nouveau Monde” de Dvořák, ‟Les Préludes” de Liszt ou la Symphonie N°. 3 en ut mineur op. 78 ‟avec orgue” de Camille Saint-Saëns, le Mouvement 4 surtout, l’apothéose :

http://www.youtube.com/watch?v=V_2FKcorqqE

Je me souviens de concerts de clavecin en l’église Saint-Séverin avec Bach, Rameau, Couperin…

Je me souviens qu’une amie avait les yeux humides lorsqu’elle écoutait ‟L’adagio” d’Albinoni.

Je me souviens de la voix de Jacques Chancel et de l’air qui annonçait son émission, ‟Radioscopie”.

Je me souviens du ‟Duo des chats”. Je me souviens que ce morceau attribué à Rossini est une compilation à partir de son opéra, ‟Otello”.

Je me souviens de mon ivresse dans les bars de Dublin, ivresse qui venait de la musique non de la Guinness.

 

John Mulligan Pub, DublinLe John Mulligan pub (8 Poolbeg Street), l’un de mes pubs dublinois favoris.

 

‟Je me souviens combien j’aimais Johann Strauss, et de mon bonheur quand j’ai vu ‟Valses de Vienne” au Châtelet”, écrit Georges Perec dans ‟Je me souviens”.

Je me souviens quand, adolescent, je préférais le septentrional au méridional, les brumes au soleil, et que je plaçais Brahms et Wagner au-dessus de tous.

Je me souviens de la voix de Henri Tisot imitant le général de Gaulle et de celle de Thierry Le Luron imitant François Mitterrand.

Je me souviens d’avoir écouté presque sans discontinuer des musiques vénitiennes, Vivaldi, Marcello et Gabrielli surtout, au cours d’un séjour en Bretagne, alors que la pluie jouait sur le toit et contre les vitres.

Je me souviens du haut-parleur qui dans les stations du Tube, à Londres, répète inlassablement : ‟Mind the gap !”

Je me souviens quand les avions faisaient beaucoup plus de bruit que ceux d’aujourd’hui. Je me souviens tout particulièrement du quadriréacteur Boing 707 qui déchirait l’air.

Je me souviens des quatre notes (des percussions) sur lesquelles s’ouvre ‟Le Jour le plus long”, quatre notes qui caractérisaient l’émission de Radio-Londres, ‟Les Français parlent aux Français”.

Olivier Ypsilantis 

1 thought on “Mon oreille se souvient…”

  1. Nostalgie, tu nous agrippes.
    Nous conservons tout ou presque, mais il faut une occasion, et du temps dédié, pour que ces souvenirs reviennent nous charmer.
    Vos “je me souviens”, comme ceux de Perec, nous y invitent. C’est fort agréable, mais un peu douloureux puisque ces morceaux de vie sont passés, nous ont enrichis, mais sont perdus. La mémoire est artifice ambigu mais irremplaçable.

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