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Tentative de réponse à Hannah, Abel et Christiane, suite à mon article : “Une guerre contre l’Iran ?”

 

Chère Hannah, chère Christiane, cher Abel, je comprends votre perplexité. Je m’interroge souvent sur mon “inclinaison” iranienne empreinte de romantisme ; je sais par ailleurs qu’elle risque de me faire prendre mes désirs pour des réalités. Je m’efforce toutefois de chercher un rai de lumière dans une composition de plus en plus sombre.

 

Temple zoroastrien de Yazd (Iran)

 

Hannah et Abel, cette notion de substrat est bien fragile, je m’y accroche probablement comme un naufragé à sa bouée à moitié crevée. Pourtant, je persiste à croire que ce substrat iranien pré-islamique, bien que ténu, reste agissant car rien n’efface rien. Et je persiste : je me moque depuis le début du “Printemps arabe”, de l’expression et de ses manifestations. Les sociétés arabes me dépriment, je n’en attends rien. Mais j’ai un respect particulier pour les Arabes qui s’efforcent toutefois de s’extraire de la rumination et de la stabulation à laquelle leurs sociétés soumettent l’individu.

 

Je m’en remets une fois encore à mon instinct, cette chose indéfinissable. Il me dit que c’est de l’Iran que viendront les changements les plus profonds dans le vaste monde musulman. Je persiste à croire que l’opposition iranienne est plus pensante que l’opposition arabe. Mais que peut cette opposition ? Et que pouvons-nous pour elle ?

 

J’en reviens à cette notion de substrat. Le substrat pré-islamique est plus riche en Iran que dans les pays arabes. L’Iran a été un incomparable centre de philosophies et de religions. L’islam, cette religion à l’usage des masses, a hélas tout raboté, comme vous le dites. Il est à présent le substrat de masses en constante expansion, qu’elles soient chiites ou sunnites. Face à ce rouleau-compresseur, je fais figure de romantique éthéré avec ma galerie de zoroastriens. C’est comme si j’alignais des momies de pharaons face aux Frères musulmans ou aux salafistes. Je suis le premier à sourire de moi-même. Cependant, quelque chose me dit que c’est de l’Iran que viendra l’ouverture.

 

Au-delà de cet horizon de terreur que l’on nous annonce, l’espoir que je mets dans une relation renouvelée avec l’Iran tient au livre d’Esther, à l’existence dans ce pays d’une communauté juive ancienne entre toutes, aux relations d’Alexandre le Grand avec les Perses, à la persistance des Zoroastriens…

 

Je cherche le rai de lumière et, curieusement, c’est du côté de l’Iran que je l’entrevois. Le grand malheur de ce pays est d’avoir été vaincu par les Arabes, qui intellectuellement et spirituellement leur étaient inférieurs, et d’avoir été précipités dans le radotage coranique. Je crois que l’immense fonds pré-islamique reste actif, qu’il est donc bien un substrat. Je crois que l’Iran et Israël ont beaucoup à partager. Le régime des chancres issu de la Révolution islamique de 1979 et qui a gangréné la société iranienne au cours de la guerre Irak-Iran va s’effondrer. Je m’attache à formuler un espoir ; je ne suis ni gourou ni devin. Ne vaudrait-il pas mieux s’en prendre à l’horreur salafiste dont l’Arabie saoudite et le Qatar, nos grands argentiers, sont les principaux activateurs ? S’acoquiner avec une telle engeance pour déglinguer l’Iran m’inquiète au plus haut point.

 

P.S. : Georges Bensoussan a récemment publié “Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975”, un livre de plus de mille pages dont je vous souhaite bonne lecture.

 

Une croix arménienne au monastère de Goshavank

 

Christiane, en formulant mon désir d’un grand État kurde, j’avais en tête le génocide arménien. J’ai hésité puis je me suis dit : peut-on empêcher l’indépendance de l’Ukraine ou de la Lituanie parce que ces pays ont fourni nombre de supplétifs aux nazis au cours de la Shoah ?

 

Les Kurdes descendent des Mèdes. Ils n’ont rien à voir avec les Turcs et les Arabes, des nouveaux venus. Les Kurdes ont souffert et souffrent encore en Turquie de terribles discriminations. N’oubliez pas qu’eux aussi ont été massacrés par les Turcs, à Dersim notamment, en 1937-1938. Nouvelles d’Arménie en ligne en rend compte :

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=79486

 

Je ne verrais pas d’un mauvais œil la création d’un État kurde qui empièterait sur la Turquie, l’Irak et la Syrie, laissant pour l’heure l’Iran de côté. De même, je souhaiterais la création d’un État kabyle en Algérie. Je vous invite, Christiane, à vous promener sur le lien suivant qui figure sur le Blogroll de Zakhor-online.com :

http://kabyles.net/

 

Vous avez raison de rappeler le rôle des Kurdes dans l’extermination des Arméniens. Mais que s’est-il passé ? Les nomades kurdes avaient l’habitude d’attaquer les paysans arméniens pour leur voler leurs biens, des actes souvent accompagnés de violences physiques et de meurtres. Les Turcs ont donc utilisé ce qu’ils avaient sous la main pour les seconder dans leur volonté d’extermination. Un processus s’est mis en place dès 1894 pour finir en 1922, avec un maximum entre 1915 et 1917. Le pouvoir turc a organisé les massacres avec l’aide de Kurdes mais aussi de Tcherkesses (plus connus sous le nom de Circassiens) et de Tchétchènes. Ils ne nourrissaient aucune haine envers les Arméniens mais, habitués aux rapines, ils virent là un moyen de s’enrichir à bon compte. Ce plan d’extermination a atteint son paroxysme en 1915, avec les marches de la mort, un plan mené par un État à une échelle qui évoque la Shoah. Ce n’est pas un hasard si la “Revue d’histoire de la Shoah” du Centre de Documentation Juive Contemporaine (C.D.J.C.) a publié en 2003 un numéro double (le N° 177/178), intitulé : “Ailleurs, hier, autrement : connaissance et reconnaissance du génocide des Arméniens.” Des Kurdes et autres nomades ont bien été utilisés dans un dessein mené sur de vastes territoires par un appareil d’État. Je pourrais encore évoquer le massacre des Grecs pontiques (entre 1916 et 1923) et sa planification.

 

Ci-joint, en lien, un site que vous connaissez probablement. Il est à ma connaissance le meilleur en langue française sur la question : Imprescriptible qui se présente comme Base documentaire sur le génocide arménien : 

http://www.imprescriptible.fr/pourquoi

 

 

2 thoughts on “Tentative de réponse à Hannah, Abel et Christiane, suite à mon article : “Une guerre contre l’Iran ?””

  1. Je partage la vision “romantique” d’Olivier sur l’Iran et je dois le dire aussi sur les Kurdes. Sur l’Iran, tout d’abord il est important de savoir que la population iranienne dans sa majorité , celle des centres urbains et les jeunes en particulier ont tellement souffert de l’intolérance islamique qu’ils ont vraiment pris leurs distances avec les pratiques religieuses et le coran, ils sont descendus courageusement dans les rues pour se révolter mais sans soutien, avec une répression terrible, ils n’ont pas pu continuer, ils aiment la vie, pas la mort. La majorité de la population est laïque aussi paradoxal que cela puisse paraître, 90% d’après le professeur israélien Mordechai Kedar, spécialiste de l’islam.
    Ce substrat dont parle Olivier est bien vivace puisque d’après le site iran résist (lié au partisans du Shah ) que je consultais régulièrement depuis plusieurs années (actuellement il y a beaucoup moins d’infos intéressantes) les fêtes de la Perse ancienne et de la religion zoroastrienne suscitent un regain d’intérêt et de pratique même si ces pratiques sont réprimées, on peut consulter des vidéos sur la fête du feu par exemple… et aussi voir des foules d’Iraniens visiter les sites anciens durant les congés pour les fêtes musulmanes, ils ne vont pas dans les mosquées qui restent vides. Les dirigeants iraniens le savent. En Turquie, par ex, les Turcs ne visitent pas les sites anciens, ne s’intéressent pas à la culture pré-islamique, juste pour comparer…
    Pour les Kurdes, ayant connu beaucoup de Kurdes juifs à Jerusalem, j’en suis venue à travers eux à m’interesser à leurs anciens concitoyens, c’est tout à fait sentimental et non rationnel, je le reconnais mais j’ai entendu des témoignages parlant de l’amitié des Kurdes envers les Juifs, ils parlent l’araméen ce qui crée un lien très fort, ils comprennent l’hébreu… Je n’ai pas oublié que des dirigeants kurdes il y a 12 ans avaient déclaré : nous pouvons faire barrière entre les arabes palestiniens et les israéliens, laissez-nous créer un état kurde autour d’Israël… C’est pas très convainquant et rationnel mais laissez-nous rêver ! Et puis il y a ce lien spirituel très fort entre la Perse et les Juifs, consulter pour cela le site modia cité dans l’article…
    Bien amicalement et Chana Tova ! Abel c’est toi l’ami de Pat ?

  2. Il est vrai que l’intuition est souvent créative, j’espère que les mois qui viennent vous donneront raison.
    En souhaitant que cette année soit vraiment bonne pour nous tous, je vous envoie la traduction, faite “sur un pied” comme on dit en hébreu, de ce beau poème de Shaul Tschernikovsky “Je crois”:
    “Moque toi, moque toi des rêves, c’est moi le rêveur qui parle, moque toi car je crois en l’homme, car je crois encore en toi.
    Mon âme aspire encore a la liberté, je ne l’ai pas vendue au veau d’or, car je crois en l’homme, en son esprit, un esprit fort
    Je crois à l’avenir, même s’il est encore loin aujourd’hui, il va venir.
    On apportera la paix, force et bénédiction pour les nations”
    http://www.youtube.com/watch?v=vA9PPYv_z6s
    Bien sincèrement

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