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En lisant « Ariel Sharon » de Luc Rosenzweig – 2/9

 

Le traumatisme de Latroun

Guerre d’Indépendance. Arik est intégré à la Brigade Alexandroni dont la majorité des membres est originaire de la plaine du Sharon. Ses supérieurs ne tardent pas à remarquer ses qualités de meneur d’hommes. Il n’a que vingt ans. Sa réputation se répand dans l’armée mais aussi chez les Arabes. Ses camarades de combat l’admirent, ce qui le réconforte de ses blessures d’amour-propre provoquées au mochav mais aussi au sein de sa propre famille, unie certes mais peu chaleureuse. Pourtant, par la rugosité de son caractère, il va se faire autant d’ennemis jurés que de fidèles inconditionnels. Il est connu pour court-circuiter la voie hiérarchique lorsqu’il estime avoir raison. Dans toute autre armée il aurait été sanctionné mais considérant le manque d’officiers de sa trempe l’impunité lui est garantie.

Au cours de la première phase de cette guerre, la priorité pour David Ben Gourion est de maintenir un accès entre la plaine côtière, où se concentre la population juive, et la Jérusalem juive. Or cet accès est verrouillé par un fortin, à proximité du monastère trappiste de Latroun, un fortin construit sur le modèle Tegart (voir sir Charles Tegart) et remis aux Arabes en février 1948. Après le rappel de la brigade des Givati qui avait pu faire sauter le verrou, Arik et la Brigade Alexandroni sont appelés à Latroun. C’est au cours de cette période que se confirme le pessimisme qu’Arik a reçu de sa mère, sur le caractère définitif du refus arabe et musulman de la souveraineté juive, totale ou partielle, sur la Palestine. Cet homme qui a parcouru tous les échelons de la hiérarchie n’aura jamais de relations détendues, tant à gauche qu’à droite. Ainsi se méfiera-t-il de la logique exclusivement diplomatique de la gauche et prendra-t-il ses distances envers le Grand Israël (de la Méditerranée au Jourdain) après avoir analysé les circonstances.

 

 

Latroun. L’affaire s’engage mal pour les unités juives. Retard. Le jour se lève. Les Arabes les repèrent. Les pertes augmentent. Le soleil toujours plus ardent et la soif toujours plus terrible. Les Arabes dévalent la colline et sont repoussés plusieurs fois. Arik blessé et ses hommes qui se mettent à douter qu’il puisse les sortir de ce guêpier. Il comprend que les autres unités juives ont battu en retraite et que les Arabes vont leur tomber dessus. Il prend la décision (qu’il considérera comme la plus terrible de son existence) d’abandonner sa position et ceux qui ne peuvent se déplacer. Arik blessé avance puis s’arrête et ordonne à celui qui l’aide de l’abandonner. Mais son aide refuse d’obéir. Grâce au sens de l’orientation d’Arik, ils parviennent après deux à trois heures de marche, épuisés et assoiffés, à rejoindre les forces de la Hagana. Sa section a perdu la moitié de ses trente hommes. Je passe sur la valeur hautement symbolique que va acquérir Latroun (et les polémiques à son sujet) tant du côté israélien qu’arabe et me limite à l’engagement d’Ariel Sharon et ses hommes, le 25 mai 1948. Latroun c’est cinq batailles échelonnées entre le 25 mai et le 18 juillet 1948. Blessé physiquement, Ariel Sharon l’est aussi psychologiquement. Toute sa vie il traînera un sentiment de culpabilité après avoir abandonné des blessés et des morts à l’ennemi, d’où son obsession de ne plus jamais abandonner un seul d’entre eux à l’ennemi, quitte à provoquer des pertes supplémentaires parmi ses soldats.

 

Retour au combat

Sa solide constitution lui permet de se rétablir promptement. Une balle tirée des hauteurs de la colline lui a traversé l’estomac pour ressortir par le haut de la cuisse. Mi-juillet 1948, Arik est rétabli. Le 9 juillet, les Arabes ont refusé de prolonger une trêve imposée par les Nations unies le 11 juin. La brigade Alexandroni est déployée dans la région du Centre où elle repousse la Légion jordanienne au-delà de Lod, ce qui lui permet de contrôler le principal aéroport du pays. L’une des premières missions de la section d’Arik : récupérer les vingt-huit corps des soldats tués au combat dans les collines qui surplombent l’aéroport, soit rassembler les morceaux des corps mutilés afin de les inhumer selon de rite juif.

Arik s’identifie toujours plus à l’armée, à son unité issue de la Hagana qui va bientôt devenir Tsahal. L’affaire de l’Altalena le marque moins que l’affaire Arlozoroff. Il ne l’évoque même pas dans ses « Mémoires », un livre écrit en collaboration avec David Chanoff et publié en français chez Stock en 1990. Quelques semaines après Latroun, il manque de se tuer dans un accident de la route. Il s’en sort avec quelques côtes cassées et quelques vertèbres déplacées ; mais les séquelles de cet accident le feront plus souffrir que sa blessure du 25 mai 1948. Automne 1948, il est rétabli et son unité est envoyée dans la bande de Gaza. Elle participe à la dernière phase de cette guerre. Il s’agit de repousser les Égyptiens vers le Sinaï. Il participe à la bataille de Fallouja, au sud de Gaza, où quatre mille Égyptiens sous les ordres du général soudanais Saïd Taha Bey vont tenir tête aux troupes juives.

 

Le choix des armes

Arik doit choisir. Son père le presse de reprendre des études d’agronomie tandis que son chef, le colonel Ben Zion Friedan, commandant la brigade Alexandroni, le presse de rester. A vingt et un ans Arik est promu chef de bataillon sans avoir suivi la formation ad hoc. Il choisit l’armée tout en promettant à sa mère de n’y rester que deux ou trois ans avant de décrocher un diplôme universitaire.

Septembre 1949. La brigade Alexandroni est versée dans la réserve et Arik est muté à la brigade Golani. Il se lie d’une solide amitié avec son commandant, le colonel Avraham Yoffé. Ensemble ils promeuvent la technique dite de « patrouille offensive » destinée à contrecarrer les incursions toujours plus fréquentes de bandes arabes armées. Arik devient officier de renseignement de ladite brigade, puis officier à l’état-major du commandement Centre. Ses qualités sont remarquées : connaissance du terrain, dons d’analyse des situations sur le terrain, meneur d’hommes. Son indiscipline et son penchant à la colère avec ses supérieurs (quand il estime avoir raison) lui valent malgré tout l’indulgence de la hiérarchie. Il est affecté comme officier de renseignement attaché au commandement Nord où les incursions arabes sont fréquentes et meurtrières. Il met en place un système d’information très efficace mais qui n’est pas exploité par Tsahal. Le pouvoir politique hésite à confier à l’armée la surveillance des frontières et met en place un corps spécifique de gardes-frontières.

Arik s’ennuie ferme dans les bureaux de l’état-major, lorsque Moshé Dayan est nommé à la tête du commandement Nord. Moshé Dayan a commencé sa carrière sous l’autorité d’Orde Charles Wingate qui va l’initier au combat de nuit (voir les Special Night Squads). Il est né au kibboutz de Degania (près de Tibériade) et connaît chaque pouce de terrain de cette région. Son appartenance à l’élite sioniste socialiste lui donne une perception très aiguë des rapports de force au plus haut niveau politique, notamment au sein du gouvernement, entre les « diplomates » (on ne réplique pas soi-même, on formule une plainte auprès de la commission d’armistice, etc.) et les « militaires » (pas de plainte déposée, on passe à l’action, implacablement). Moshé Dayan sait que David Ben Gourion ne peut donner un ordre explicite de représailles mais qu’il couvrira toute action de représailles de l’armée.

 

L’unité 101

Début 1952, Moshé Dayan est promu chef des opérations à l’état-major de Tsahal et le commandement Nord retombe dans la routine. Arik est accablé, d’autant plus qu’il est épuisé par une malaria contractée au cours de la guerre d’Indépendance. Un congé lui est accordé. Et il entreprend ce grand voyage évoqué dans la première partie du présent article. Il en profite pour prendre du recul. Ses accès de malaria ne tardent pas à disparaître. Il constate que des Juifs parviennent à vivre et à prospérer hors d’Israël. A son retour, fin 1952, il s’inscrit dans la section « Histoire du Moyen-Orient » à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il emménage dans un petit appartement à Jérusalem, en compagnie de Gali, une jeune infirmière psychiatrique rencontrée quelques années auparavant à Kfar Malal. 29 mars 1953, ils se marient. Arik est devenu un étudiant studieux ; mais l’armée ne l’a pas oublié. Il est versé dans la réserve, affecté à la brigade de Jérusalem. Un jour, il est convoqué au Q.G. de cette brigade : les attaques des bandes armées arabes à partir des collines qui entourent Jérusalem se multiplient et avec elles le nombre de victimes. Les plaintes déposées contre l’ONU n’aboutissent pas, comme d’habitude. Une action punitive s’impose. Arik accepte mais demande à choisir les hommes avec lesquels il veut « dézinguer » Mustapha Samueli, un chef local spécialisé dans les incursions contre Israël et devenu un héros. Arik met sur pied un commando de huit copains. Mais l’opération se solde par un échec car le détonateur destiné à faire exploser la charge de TNT contre la demeure de l’homme visé fait long feu. Dans son rapport, suite à cet échec, Arik fait quelques propositions en insistant notamment sur le fait que l’improvisation des temps héroïques est révolue. Ce rapport remonte jusqu’aux plus hautes autorités civiles et militaires dont Moshé Dayan qui définit le profil du ou des officiers en charge de ce type d’opération ainsi que la nature des missions. Il ne fait aucun doute que dans ce rapport Moshé Dayan pense à Ariel Sharon.

Fin juillet 1953, Arik est convoqué, en présence de Moshé Dayan, afin d’organiser et commander un bataillon spécial, directement relié à l’état-major, l’unité 101. Arik qui a déjà hébraïsé son nom de famille en Sharon va reprendre du service. Grâce au bouche à oreille, il voit les volontaires affluer, des hommes désireux de mettre fin à ces incursions arabes toujours plus meurtrières et de pallier à la passivité du gouvernement. Sélection rigoureuse et entraînement commando au camp de Sataf, dans les collines à l’ouest de Jérusalem. Les effectifs de l’unité 101 ne dépasseront jamais la cinquantaine d’hommes au cours de ses cinq mois d’existence. En deux mois, Ariel Sharon va faire de son équipe une unité commando opérationnelle. Il est prêt à en découdre mais les autorités tant civiles que militaires ne semblent pas pressées. Ariel Sharon se répand en propos peu aimables, ce qui lui vaudra de durables inimitiés.

A force de faire pression, l’unité 101 se voit enfin confier une première mission, soit repousser vers le Sinaï la tribu bédouine des Azazma qui s’est installée dans le Néguev. Au petit-matin, l’unité 101 fait irruption dans le campement bédouin. Elle saisit leurs armes et les accompagne au-delà de la frontière égyptienne, en menaçant les policiers égyptiens venus acter cette violation internationale. L’état-major décide alors de donner le feu vert au plan d’Ariel Sharon, soit effectuer une incursion dans le camp d’El-Boureij, au nord de la bande de Gaza, qui abrite des fédayins afin d’en tuer le maximum. Ariel Sharon veut aussi montrer la supériorité de l’attaque préventive sur la tactique exclusivement défensive appliquée jusque-là. Une vingtaine de fédayins sont tués mais aussi une quinzaine de civils. Protestations internationales. Ariel Sharon est convoqué à l’état-major. Lui aussi se trouve confronté à une terrible contradiction : Israël qui devient un État toujours plus moderne et démocratique doit-il pratiquer la vendetta (gum en arabe) comme les Arabes et, ainsi, s’abaisser à leur niveau ? Pour Ariel Sharon, la guerre que conduit Israël ne peut être efficace si elle s’appuie sur des concepts élaborés au cours des conflits de l’histoire occidentale.

Aussi longtemps qu’il est à la tête de l’unité 101 puis de la 202 brigade parachutiste qui lui succède, Arien Sharon n’hésite pas à faire usage des méthodes de « guerre tribale » contre les fédayins qui souffrent des pertes au-delà des prévisions. L’unité 101 est devenue célèbre mais les méthodes et le franc-parler de son chef suscitent bien des critiques dans l’état-major. La jalousie est de la partie, une jalousie qu’active les relations privilégiées entre lui est David Ben Gourion.

L’unité 101 exerce certes d’implacables représailles, mais toujours en accord avec les ordres donnés par le gouvernement, en l’occurrence par David Ben Gourion, un socialiste sioniste et un « faucon ». Ariel Sharon ne s’est jamais comporté en « seigneur de guerre », coupé du pouvoir politique, ce que David Ben Gourion n’aurait en aucun cas toléré. Il n’y a jamais eu au sommet de l’État d’Israël un « parti de l’armée », susceptible de s’accaparer le pouvoir, et malgré la forte présence d’ex-généraux qui, signalons-le, se distribuent de l’extrême-gauche à l’extrême-droite.

Une opération est décidée contre le village de Qibya, suite à l’assassinat dans la nuit du 12 au 13 octobre 1953 de Suzanne Kanias et ses deux enfants, de trois ans et un an et demi. L’opinion publique israélienne soutient majoritairement le gouvernement et l’armée. Cette affaire n’en suscite pas moins un intense débat éthique. David Ben Gourion est quant à lui assuré qu’Ariel Sharon n’est pas un suppôt de la droite « révisionniste » qui aurait par ailleurs tenté de déstabiliser un gouvernement travailliste. De plus, l’origine mochavnik d’Ariel Sharon le rassure. Dans l’affaire de Qibya, on ne sait toujours pas de manière irréfutable si les hommes de l’unité 101 ont dynamité des maisons habitées en toute connaissance de cause où s’ils ont vraiment hurlé aux éventuels occupants de sortir avant de dynamiter. Et les villageois pensaient-ils vraiment que ces hommes allaient procéder à des destructions aussi massives – quarante-deux maisons furent détruites ? Les Israéliens n’avaient procédé jusqu’à présent qu’à peu de destructions et généralement de constructions à l’écart des villages.

 

Chef des paras

De 1953 à 1956, Ariel Sharon placé à la tête des forces spéciales conduit de nombreuses actions hors d’Israël en réponse aux attaques de fédayins. Moshé Dayan devenu chef d’état-major de Tsahal décide début 1954 de fusionner l’unité 101 et la 890e brigade parachutiste. Ariel Sharon qui est promu lieutenant-colonel disperse l’unité 101 afin de lisser les rivalités entre elle et la 890e brigade parachutiste et imprégner les parachutistes de l’esprit de cette unité. En quelques semaines, grâce à son charisme, l’amalgame a pris. La 890e brigade parachutiste est remodelée et rebaptisée unité 202. En deux ans et demi, elle est engagée dans plus de soixante-dix opérations qui sont toutes des succès. Le nouveau gouvernement, toujours dirigé par David Ben Gourion, est majoritairement composé de « faucons » travaillistes. Ariel Sharon pousse l’entraînement de ses hommes afin de faite de l’unité 202 un instrument aussi efficace que l’unité 101. La popularité de cette nouvelle unité est considérable entre 1955 et 1956. Des raids sont organisés sur tous les fronts. L’opération la plus controversée est lancée dans la nuit du 11 au 12 décembre 1955, sur la rive est du lac de Tibériade contre les troupes syriennes qui ne cessent d’agresser les barques de pêche israéliennes. C’est la plus complexe opération jusqu’alors menée par le lieutenant-colonel Ariel Sharon de vingt-six ans. Elle engage des moyens importants et divers. Mais pourquoi un tel déploiement ? Le harcèlement des pêcheurs est certes irritant mais pas aussi meurtrier que les attaques de fédayins au sud du pays. Il y a une raison cachée. Ce déploiement est une préparation pour une éventuelle attaque engageant les trois armes, un coup de main contre Charm el-Cheikh d’où l’Égypte bloque l’accès des navires au port d’Eilat, contraignant cargos et pétroliers en provenance du golfe Persique à un immense détour. Le succès de l’opération contre les Syriens va dépasser toutes les prévisions. David Ben Gourion tance toutefois Moshé Dayan, le supérieur d’Ariel Sharon. Cette opération trop réussie risque de faire du bruit sur la scène internationale alors qu’une opération secrète (seuls David Ben Gourion et Moshé Dayan sont avertis) et conjointe entre le Royaume-Uni, la France et Israël est prévue afin de reprendre le contrôle du canal de Suez que Nasser veut nationaliser.

 (à suivre)

Olivier Ypsilantis

9 thoughts on “En lisant « Ariel Sharon » de Luc Rosenzweig – 2/9”

  1. Une terrible figure de lansquenet, admirable et effrayante. Mais je ne comprends pas comment vous pouvez louer ses méthodes de sicaire, et en même temps blâmer celles de Franco pendant la guerre civile.

    1. Le lansquenet est un mercenaire, or Ariel Sharon s’est battu pour SON pays. Quant au mot « sicaire », je ne l’admets en l’occurrence que dans son sens premier (ces Juifs qui luttèrent contre l’occupant romain) et en aucun cas dans son sens dépréciatif.
      Je le répète : que je déteste Franco ne signifie pas que j’apprécie nécessairement (tous) ses ennemis. C’est l’homme que je déteste, cette personnalité, cet individu, plus encore que le franquisme. Alors que (je le répète) j’apprécie l’homme José Antonio Primo de Rivera (et non pas nécessairement ses partisans, les Falangistas), comme j’apprécie Dionisio Ridruejo. Il est assez intéressant d’observer l’actuel chef du Gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, exhumer Franco (et pourquoi pas ?) du Valle de los Caidos, cette affreuse architecture, mais sans (oser) toucher à celui qui repose (reposait) à côté de lui, José Antonio Primo de Rivera.

      1. Vous détestez la personnalité de Franco, mais vous avez beaucoup d’empathie pour José Antonio Primo de Rivera (qui idéologiquement appartenait au même camp, et c’ était aussi le même que celui de Brasillach, je vous le rappelle). Ca c’est une question de goût. Il y a une contradiction, mais elle se situe au plan de la sympathie ou antipathie que l’on peut éprouver pour un homme, non pas du combat qu’il mène et que l’on approzuve ou désapprouve. De même on pourriat dire:. A.riel Sharon est sympathique alors que Moshe Dayan ne l’est pas, selon la perception qu’on a d’eux. Mais si l’on est sioniste on doit endosser les deux.

        Je ne fais pas l’éloge de Franco pour ses traits de personnalité qui ne me paraissent en effet pas spécialement sympathiques. En revanche, pour l’Espagne il fallait bien tout de même que quelqu’un se lève pour abattre cette république rouge. C’aurait été mieux si ça avait été fait par José Antonio, peut-être. Mais enfin voila : il est mort et c’est Franco, avec sa personnalité désagréable, qui a fait le travail.

        Mon propos était autre. Vous nous relatez des “faits d’armes” du général Sharon (destruction de villages entiers en représailles, avec leurs habitatnts dont on incendiait les maisons alors qu’ils étaient dedans), qui constituent des actes de cruauté et des crimes de guerre, et vous avez l’air de trouver ça très bien. Mais dans d’autres articles, vous, vous indignez des exactions des troupes marocaines de l’armée de Franco, qui étaient plutôt moins graves que ce que vous approuvez chez Sharon.

        Je ne comprend pas la logique.

  2. C’est très intéressant ce que vous m’apprenez là. Je ne savais pas que Pedro Sanchez avait laissé la dépouille de José Antonio dans ce mausolée. A mon avis cela signifie que l’objectif de la gauche espagnole sera manqué, dans sa tentative de gagner idéologiquement la guerre civile qu’elle avait perdue militairement 80 ans plus tôt.

    A mon avis c’est de toute façon une faute politique de toucher à ce symbole, car c’est rouvrir les plaies et laisser remonter les haines du passé. Mais si l’on voulait lancer une guerre civile idéologique et culturelle, alors il fallait enlever aussi les restes de José Antonio et les remplacer par ceux de Dolorès Ibarruri, la sainte rouge. Alors que là, les nationalistes espagnols d’aujourd’hui et de demain pourront toujours faire des pélerinages sur la tombe de José Antonio, en chantant Cara al sol et en levant le bras, et la légitimité idéologique du nationalisme restera intacte. Elle sera même renforcée par la mesquinerie d’avoir exhumé Franco, d’autant plus que les franquistes n’auront qu’à faire des pélerinages sur le caveau de la famille Franco. Excellente nouvelle pour le parti Vox, qui doit vous plaire car on dit qu’il est pro Israël .

    1. Réponses rapides et en vrac (à affiner). Les socialistes espagnols s’efforcent d’instrumentaliser la Guerre Civile d’Espagne pour colmater leur manque de perspective. Or, il n’y a rien de pire que remuer la boue à des fins politiques : c’est se situer à l’opposé de toute étude sérieuse, c’est refuser la complexité de l’histoire et donner dans le tout blanc et le tout noir.
      La IIe République espagnole (1931-1939) était un assemblage hétéroclite. Le pire côtoyait le meilleur. C’est aussi pourquoi je me recentre sur les individus, pour ne pas désespérer et tenter d’entrevoir un peu de lisible. C’est aussi pourquoi mes sympathies peuvent se porter sur des « Rouges » ou sur des « Blancs » et sans calcul visant à « ménager la chèvre et le chou ».
      José Antonio Primo de Rivera n’a pas produit de l’ordure comme Robert Brasillach, homme par ailleurs intelligent et doué. José Antonio Primo de Rivera n’a pas produit de l’ordure dans le style « Je suis partout ». J’ai découvert avec surprise que l’article Wikipedia (un peu succinct mais enfin…) qui lui est consacré est mesuré et rapporte des choses très justes sur cet homme. Je répète que je ne suis en rien un Falangista (il y a eu dans cette bande trop de traîneurs de sabres et d’abrutis) mais que j’ai de la sympathie pour l’homme José Antonio Primo de Rivera. Et ma sympathie se porte aussi sur des hommes de gauche comme Pablo Iglesias – non pas le foutriquet de Podemos mais le fondateur du PSOE. Je partage des idées qui peuvent être qualifiées « de gauche » et d’autres « de droite », qu’importe ! Il faut cesser de vouloir cataloguer.
      Concernant Arien Sharon et Moshe Dayan que vous évoquez, je vais être très direct. Toute femme et tout homme qui défendent Israël me sont a priori sympathiques, indépendamment de leur caractère et de leur méthode. Je ne suis pas de ceux qui alertent et sortent leurs mouchoirs quand Israël tue pour se défendre, et spécialement Israël – et je n’ai pas le goût du sang. Mon long article sur Ariel Sharon n’est pas un article de propagande, mais d’information. Je suis installé devant mon écran, dans le calme de mon bureau, je ne vais donc pas juger de la « brutalité » d’Ariel Sharon qui s’exposait et fit tout pour assurer la sécurité de son pays, une sécurité qui malheureusement ne peut s’assurer avec des épées en plastique et des pistolets à pétard. Ariel Sharon n’était en rien un cruel. J’espère que ces articles vous le feront comprendre. Par contre, j’aurais aimé qu’il écrase sous les obus et les bombes Yasser Arafat et son équipe, à Beyrouth ; mais vous connaissez la suite.
      Vox est pro-sioniste, fort bien. Je ne vote pas pour ce parti mais je dois reconnaître qu’il a des propositions intéressantes, dont une baisse drastique des impôts. Et la personnalité de son chef (Santiago Abascal) est intéressante. Les pro-israéliens en Espagne se recrutent exclusivement à droite, c’est ainsi (trop long à expliquer). Dans la presse, c’est l’ABC, journal catholique et royaliste, de très haute tenue stylistique, qui défend ouvertement Israël, ainsi que Libertad Digital, le meilleur site politique espagnol, sorte de think tank. José Maria Aznar a défendu Israël. La gauche, des socialistes à l’extrême-gauche, a de gros problème avec Israël et les Juifs en général qu’elle associe à l’argent. Pathétique, à claquer avec coups de pieds dans le cul à l’appui.

  3. Vous voyez bien que vous êtes de parti pris: vous dites: “toute personne qui défend Israël m’est a priori sympathique.” C’est à dire que, quand il s’agit d’un combat qui est le vôtre vous prenez tout et tout le monde. Y compris les ordures, les abrutis et les traîneurs de sabre, et il y en a toujours, dans tous les camps qui sont engagés dans un combat sans merci. Mais quand cela ne vous concerne pas, vous commencez à distinguer et à faire la fine bouche entre ceux qui vous plaisent, comme Primo de Rivera, et ceux qui ne vous plaisent pas comme Franco, et Brasillach qui pour vous était une ordure.

    Comme les guerres d’Israël, la guerre civile espagnole était un conflit à la vie ou à la mort entre deux idéaux radicalement incompatibles. Vous, vous êtes clairement républicain. Il me semble que vous l’êtes comme Salvador de Madariaga, c’est à dire d’une manière libérale, élégante, cultivée et de droite. Mais vous êtes dans le camp républicain, comme Madariaga. C’est pourquoi vous haïssez Franco. Mais cette affaire vous importe moins que le sort d’Israël, alors, comme vous êtes un dandy, vous vous payez le luxe de faire l’éloge du nationaliste le plus dangereux pour les idéaux républicains: José Antonio. Vous êtes comme ça. Vous êtes inconséquent, sauf sur un point: Israël, votre patrie spirituelle. Là vous êtes “right or wrong my country: Israël!”

    Comprenez simplement que pour ceux qui étaient dans le camp nationaliste, car la République c’était le communisme, la révolution, le massacre des religieuses, etc. Donc il importait de gagner et pour cela la fin justifiait les moyens. Donc on approuvait Franco, tout comme vous approuvez Sharon.

    Quant à moi, j’ai du respect et de l’admiration pour un grand soldat comme Sharon. Même s’il s’est battu pour un pays qui n’est pas le mien. Le courage mérite toujours le respect. Ce que je ne comprends pas, c’est que pour vous la cause d’Israël donne licence pour commettre des exactions que vous ne tolérez pas de la part d’autres gens, défendant une autre cause. Israël a tous les droits, les autres n’en ont aucun. C’est ça au fond.

    D’ailleurs ce double standard est une des raisons pour lesquelles le discours de tant d’intellectuels sionistes est devenu inaudible: non pas parce qu’il proclame le droit d’Israël à se défendre, mais parce que la plupart du temps les intellectuels pro Israël prétendent interdire aux goïm de défendre leur race comme le fait Israël. Par exemple Israël a le droit de pratiquer une politique d’immigration zéro. Mais les pauvres goïm ont le devoir moral d’accepter une immigration sans limite, et un métissage qui a pour effet que les peuples européens deviennent minoritaires sur leur propre terre. Il y a unanimité de l’intelligentsia juive sur ce point.

    Il y a une colère très forte qui monte à cause de cela et c’est une des causes principales, sans doute la principale, du nouvel antisémitisme (chez les non musulmans). Et ce n’est pas le discours rusé de Zemmour, Goldnadel, ni de Finkielkraut qui pourront empêcher cela. Car cela vient trop tard et on sent trop que ce n’est pas sincère.

  4. Ah, j’allais oublier. Franco a sauvé beaucoup de Juifs. Environ 65’000. Il se souvenait peut-être qu’il était d’origine juive.

    1. Pourquoi courir après les gens en s’efforçant de leur coller des étiquettes ? Vous semblez redouter le paradoxe et la contradiction alors que ce sont eux qui nous fournissent l’essentiel de notre énergie mentale. Et laissez de côté la logique ; elle est bien trop hasardeuse en histoire. Vous avez par ailleurs une fâcheuse tendance à lire un peu vite. Je n’ai pas traité Brasillach d’ordure ; j’ai précisé qu’il était intelligent et doué mais qu’il avait aussi produit de l’ordure – pas que de l’ordure.
      L’assassinat de José Antonio Primo de Rivera (mais aussi de José Calvo Sotelo et Ramiro de Maeztu) et celui de Federico Garcia Lorca (bien plus médiatisé) se regardent comme dans un jeu de miroirs. Et ce peut être une excellente introduction au drame espagnol d’alors.
      Vous simplifiez terriblement l’histoire de l’Espagne. Vous écrivez que la « guerre civile espagnole était un conflit à la vie à la mort entre deux idéaux radicalement incompatibles ». Oui et non. C’était un combat entre dix, vingt, trente tendances et plus : Franco a coiffé de graves tensions dans son camp, un coup de maître reconnaissons-le. Chez les Républicains c’était pire. Les tensions entre communistes et anarchistes ont déterminé une guerre civile dans la guerre civile, etc., etc.
      Il n’y a aucune inconséquence à respecter José Antonio Primo de Rivera et à détester Franco. C’est une position politique et esthétique dont je ne suis pas le représentant exclusif.
      Quant à Salvador de Madariaga, je l’admire et l’ai beaucoup lu. J’apprécie sa stature Renaissance qui fut aussi celle de Gregorio Marañón.
      Oui, toute personne qui défend Israël m’est a priori sympathique. Et toute personne qui désire en finir avec Israël m’est odieuse. La critique est bienvenue (et les Juifs ne s’en privent pas) aussi longtemps qu’elle ne remet pas en cause le droit des Juifs à vivre chez eux. Point à la ligne.
      Vous écrivez : « D’ailleurs ce double standard est une des raisons pour lesquelles le discours de tant d’intellectuels sionistes est devenu inaudible: non pas parce qu’il proclame le droit d’Israël à se défendre, mais parce que la plupart du temps les intellectuels pro Israël prétendent interdire aux goyim de défendre leur race comme le fait Israël. Par exemple Israël a le droit de pratiquer une politique d’immigration zéro. Mais les pauvres goyim ont le devoir moral d’accepter une immigration sans limite, et un métissage qui a pour effet que les peuples européens deviennent minoritaires sur leur propre terre. Il y a unanimité de l’intelligentsia juive sur ce point. »
      Très intéressant mais délirant. Je vais donc me répéter. Il y a en France et en Europe une immigration désastreuse qui vient aviver d’autres problèmes. Nous sommes d’accord. Mais qu’est-ce qui vous autorise à accuser les Juifs de ce problème ? Vous vous présentez de plus comme victime des Juifs. Il n’y a plus d’argument possible à ce degré. Je suis comme un médecin devant un patient atteint d’une maladie incurable.

  5. Cela m’inquiète vraiment d’être diagnostiqué de cette terrible maladie incurable. Je le prends très au sérieux. Il faut que je fasse mon examen de conscience pour en avoir le coeur net. Peut-être que vous avez raison.

    Que voulez-vous, nos peuples sont en danger de disparition pure et simple. J’espère que vous ne niez pas ce fait visible à l’oeil nu. Et face à ce constat, comment refouler de sa mémoire le souvenir de ces campagnes lancinantes depuis 40 ans sur le thème: touche pas à mon pote? Malgré tous les efforts pour n’y plus penser, cela reste gravé. Et comment ne pas se rappeler qui menait ces campagnes ?

    Peut-être que ces gens ne se rendaient pas compte. Ils suivaient juste la pente de leur bon coeur, qui leur disait de se montrer accueillants à l’étranger. C’est dans leur culture, ça s’explique par leur histoire. Il faut les comprendre, après tout ce qu’ils ont enduré. Ils n’imaginaient pas que les choses pourraient en arriver là. Oui, ça doit être ça. Il faut leur pardonner. Ils étaient de bonne foi. C’est une coïncidence si on ne voyait qu’eux dans ces campagnes, une simple illusion d’optique. Voilà tout. Chassons ces mauvaises pensées.

    La psychose pourtant est réelle, car réellement il est difficile de ne pas faire un lien. Je suppose que la même hallucination, parfaitement dénuée de tout fondement, a du frapper aussi pas mal de gens devant le spectacle du bolchévisme et de ses dirigeants.

    Mais bon, je vais quand même essayer de me soigner. Ouvrons au hasard un livre de Martin Buber Schriften zur Bibel, et lisons:

    ”Das Judentum prätendiert das Absolute zu lehren, aber faktisch lehrt es nur das Nein zum Leben der Völker, vielmehr es ist dieses Nein und nichts mehr.”

    Voilà qui ne m’aide pas. Veuillez me pardonner. Je vais essayer de m’abstenir désormais de faire des commentaires sur votre blog.

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