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A l’adresse des Schmocks, encore.

 

« Poursuivant leur fantasme — trouver à toute force un sujet révolutionnaire —, ils ont mis la main sur les musulmans, après avoir jeté la classe ouvrière aux oubliettes, puis le tiers-monde, dont aucun d’entre eux ne se hasarde plus à parler », Fabrice Nicolino.

 

Je ne suis pas un fan de « Charlie Hebdo », il n’empêche qu’à l’occasion j’y trouve des articles à partir desquels je fais mon miel. Dans le numéro spécial du 4 janvier 2017, deux articles m’ont retenu. L’un en page 3-4-5 ; il est intitulé « Cette gauche qui s’est toujours couchée devant les despotes » et signé Fabrice Nicolino. L’autre en page 14-15 ; il est intitulé « Le concept d’islamophobie joue un rôle essentiel dans le djihad » et signé Gilles Kepel.

Ce qui fait la qualité de ces articles (malheureusement trop rares, mais ne nous plaignons pas), c’est qu’ils proposent une vision grand angle ou, tout au moins, une vision à l’angle assez généreusement ouvert, soit une mise en perspective historique, une prise de recul, ce qui est nécessaire pour préciser sa vision. Notons que le recul devient plutôt rare dans ce monde de breakings news et de racolage médiatique frénétique. Dans l’article de Fabrice Nicolino, je n’apprends rien, mais je lui suis reconnaissant de cette mise au point. L’auteur y passe en revue, et en pointillé (son énumération n’a rien d’exhaustif, à chacun de la compléter), le passé d’un certain nombre d’intellectuels de gauche qui se sont compromis à des degrés divers avec les pires despotes, à commencer par Staline. Et Fabrice Nicolino cite trois noms importants qui, d’abord séduits, ont fini par écrire des livres de dénonciation essentiels mais qui n’ont malheureusement été que peu ou très peu lus au moment de leur parution.

 

Victor Serge (Victor Lvovich Kibalchich), né en 1890, décédé en 1947.

 

Ces trois noms : Panaït Istrati, Victor Serge et Boris Souvarine. Panaït Istrati effectue deux voyages en U.R.S.S., l’un en 1927 (en compagnie de Nikos Kazantzakis), l’autre en 1929. Sympathisant communiste, il ne peut se résoudre à mentir et il publie un compte-rendu de ce séjour sous le titre « Vers l’autre flamme », sous-titré « Confession pour vaincus ». J’ai lu ce livre lorsque j’étais adolescent. La dénonciation de la bureaucratie y est omniprésente, cette bureaucratie qui oppresse le peuple dans le but de maintenir ses privilèges. Panaït Istrati a donc voulu faire œuvre de vérité comme l’avait fait Anton Tchekhov (voir son immense enquête intitulée “Sakhaline”) dans la Russie des tsars, un témoignage essentiel comme l’est « Souvenirs de la maison des morts » de Dostoïevski. Victor Serge est un rescapé du Goulag. En effet, suite à une campagne de protestation internationale, il est libéré en 1936 (il avait été interné en 1933) et revient en Belgique. Ses témoignages écrits à partir de son expérience concentrationnaire seront peu lus ou, tout au moins, resteront sans effet. Boris Souvarine publie un livre monumental en 1935 ; il est intitulé « Staline », tout simplement, et est discrètement sous-titré « Aperçu historique du bolchevisme », un livre qui reste fondamental sur cette époque. Je me souviens de l’avoir lu avec passion, de l’avoir véritablement dévoré, presqu’en même temps que « Le stalinisme. Origines, histoire, conséquences » de Roy Medvedev. Ce livre majeur de Boris Souvarine sera très peu lu, à gauche tout au moins.

Cette liste est loin d’être exhaustive, mais je m’en tiendrai à ces trois noms évoqués dans l’article de Fabrice Nicolino. Il se trouve que j’ai lu les livres en question et que j’en ai d’emblée compris l’importance, une importance qui n’a pas été reconnue lors de leur publication mais qui pour ceux qui auscultent l’histoire apparaissent bien pour ce qu’ils sont, des écrits majeurs ; et je pense plus particulièrement à ce livre de Boris Souvarine et aux écrits de Victor Serge. L’influence du Parti communiste est restée telle en France qu’on a longtemps été susceptible d’être traité de « réactionnaire » dans les milieux intellectuels lorsqu’on lisait Boris Souvarine. La remarque excrémentielle de Jean-Paul Sartre, « Tout anticommuniste est un chien », empuantait encore bien des têtes à la fin des années 1970 et même dans les années 1980. Lorsqu’un nigaud me traita de « réactionnaire », je lui répondis tout de go qu’un réactionnaire est un homme qui réagit, tout simplement, comme le fait tout organisme vivant et bien vivant. Le nigaud me traita alors de finaud, allant jusqu’à déclarer que je cherchais l’embrouille. Afin d’aggraver mon cas, j’ajoutai que j’étais sioniste, que j’étais un réac-sioniste.

Mais j’en reviens à l’article en question, et à « Charlie Hebdo ». Passons aux idiots utiles de Staline, extraordinairement nombreux. Parmi eux, Aragon, un dandy cireur de pompes et lécheur de culs, piètre poète qui aujourd’hui ferait probablement du blow job sur la personne de Kim Jong-un, après décès de Fidel Castro.

Cette gauche qui s’est toujours couchée devant les despotes… Des femmes et des hommes de gauche ne se sont jamais couchés devant eux, et ils l’ont payé de leur vie ou de leur liberté lorsqu’ils n’ont pas été ostracisés. Ce n’est donc pas la gauche dans son ensemble que je pousse dans le fossé mais une certaine gauche, celle des idiots utiles mais aussi les couards. Un rappel historique : il suffit d’étudier la composition de la Résistance française (et surtout à ses débuts) et le passé de nombre de Collaborateurs parmi les plus importants pour commencer à délinéer cette gauche stupide ou pleutre ; et pour l’heure je laisse de côté le Pacte germano-soviétique (23 août 1939) et les grandes manœuvres diplomatiques. Le P.C.F. a fait après guerre un tel ramdam que le peuple mais aussi l’intelligentsia (surtout l’intelligentsia) en sont venus à croire que tous les Résistants étaient communistes et que les Collaborateurs et les pères-la-pantoufle étaient « de droite », diversement « de droite », et… anti-communistes. On se souvient que pour Staline, les sociaux-démocrates et les démocraties anglo-saxonnes n’étaient que des « fascistes » et qu’il fallut que la pression des armées allemandes menace d’emporter Moscou pour qu’il infléchisse son discours et donne des ordres aux agents du Komintern pour qu’ils calment leur zèle, en attendant des jours meilleurs…

 

 Willi Münzenberg (1889-1940)

 

  
En juin 1935, des idiots utiles du communisme (du stalinisme) se retrouvent à Paris, au Congrès international des écrivains manipulé par l’Allemand Willi Münzenberg (la vie de cet homme doit être étudiée de très prêt puisqu’il se trouve au centre de l’appareil de propagande stalinienne, et la vie de son successeur Otto Katz, alias André Simone, n’est pas moins passionnante). Au nom de l’antiracisme on s’étreint, on se papouille. André Malraux est de la partie, André Malraux qui ira jusqu’à justifier les tortures et les meurtres perpétrés par les Staliniens contre le P.O.U.M. et la C.N.T.-F.A.I. au cours de la Guerre Civile d’Espagne.

Jusqu’en juin 1941, Jacques Duclos, Maurice Thorez et d’autres huiles de l’appareil tiennent le rôle de pots fumigènes : il s’agit dans tous les cas de ne pas remettre en cause la politique du Parti communiste et de l’U.R.S.S., en un mot de Staline. Les intellectuels antifascistes mais aussi anti-communistes comme Jacques Ellul et Jacques Charbonneau ne sont guère écoutés. Dans l’après-guerre, l’emprise du P.C.F. se confirme, surtout chez les intellectuels. Fabrice Nicolino écrit : « Sartre devient ces années-là un salaud ». Il n’en a pas été toujours ainsi. L’auteur de cet article nous rappelle que Sartre fut l’un des premiers adhérents du Rassemblement démocratique révolutionnaire (R.D.R.), un parti qui eut une courte durée de vie, un parti fondé par le courageux David Rousset, rescapé des camps nazis et qui dénonça toutes les oppressions, dont le Goulag. Mais Sartre ne tardera pas à se faire l’idiot utile du stalinisme, avant de chanter les louanges de Fidel Castro. Sartre est l’auteur d’un livre très peu connu dont le titre par son emphase « poétique » est digne du Père Ubu, ce titre : « Ouragan sur le sucre » (paru en feuilleton dans France-Soir), récit de son séjour en 1960 à Cuba où l’auteur est trimballé et bichonné par le patron. Lorsqu’on gravite dans le cercle du chef ou de l’appareil, le communisme est beau, très beau même. Jean-Paul Sartre, penseur abondant et médiocre, s’est laissé prendre au piège, et il a chanté les louanges du régime avant de prendre ses distances, ce qui lui a demandé une dizaine d’années. Raymond Aron qui avait lui aussi fait le voyage à Cuba comprendra d’emblée. Cet épisode m’a confirmé dans ce qui suit : Jean-Paul Sartre servait une pièce d’artillerie lourde. Il tirait un peu au hasard et ça faisait BOUM-BOUM ! Raymond Aron était un tireur d’élite ; et il me faudra évoquer la solitude du tireur d’élite… Mais, une fois encore, je me suis égaré !

J’ai vécu plusieurs années à Córdoba d’Espagne, l’une des plus belles villes d’Europe. La mairie (ayuntamiento) aimait Fidel Castro et le faisait savoir. Dans cette ville où catholiques et communistes sauce andalouse se partageaient le pouvoir, j’ai assisté à de drôles d’affaires qui ont confirmé mon dégoût pour diverses catégories socio-culturelles, à commencer par les catholiques de gauche, des ersatz de communistes — à moins que les communistes ne soient des ersatz de catholiques de gauche. Fidel Castro y était célébré car il devait représenter le « communisme sexy et balnéaire ». Et dans la foulée, on faisait du Che un néo-Jésus. Córdoba d’Espagne fut aussi le fief de Roger Garaudy, véritable tout-terrain, spécialisé dans les parcours en 4X4 dans les décharges publiques, un salaud diversement travesti. Le finaud connaissait l’art du camouflage : dans la Torre de La Calahorra, il avait installé un petit Disneyland de la convivencia (du bien-vivre-ensemble). A Córdoba d’Espagne, on s’intéressait vivement aux Palestiniens, parangon de l’Opprimé, figure christique (le Palestinien crucifié par des soldats de Tsahal, comme le montraient certaines caricatures, flattait un vieux fond…), moderne idole à laquelle d’étranges congrégations rendaient un hommage soutenu en se livrant à des gesticulations diverses auxquelles participaient notamment des membres du Partido Comunista de Andalucía (P.C.A.) et des Chrétiens de gauche, le tout dominé par un Islam érigé en symbole de la Tolérance, avec ces mots de propagande : CONVIVENCIA, AL-ANDALUS. Les Camarades pratiquaient le frotti-frotta avec l’Oumma sur fond de détestation d’Israël, qualifié de pays d’apartheid, l’accusation la plus récurrente. Ah, la chaleur des Camarades ! Ah, la chaleur de l’Oumma ! Il m’arrive en rêve de charger ces masses au marteau d’armes et au fouet de guerre, au fauchard et au morgenstern ! Mais, vous diront les Camarades, nous sommes antisionistes et en aucun cas antisémites. Soit. Mais expliquez-moi, Camarades votre sollicitude particulière envers les Palestiniens, une sollicitude à laquelle n’ont droit aucune autre population. Votre pelote s’est drôlement emmêlée dans toutes sortes de choses. Voulez-vous que nous la démêlions ensemble, tranquillement, au coin du feu ?

 

Le genre de manifestation qu’affectionnent les communistes d’Andalousie, avec cette association récurrente des mots « Apartheid » et « Israel ».

 

Où en suis-je ? Ah oui ! Curieux tout de même, ces bons-gros-de-gauche nous ont présenté Che Guevara en Jésus-Christ-Superstar ; mais lorsque le Commandant Massoud a été assassiné, rien ! Rien de rien ! Peut-être parce qu’il s’était aussi battu contre les Soviétiques. Je ne sais. Certains chiens hésitent à mordre ceux qui ont été leurs maîtres…

Dans le florilège d’une certaine bêtise, Le Monde diplomatique, le « Diplo » pour les intimes, summum de la bêtise française, une bêtise prétentieuse et ventripotente, donneuse de leçons, journal des appareils d’État, à commencer par le Quai d’Orsay. J’ai lu à l’occasion ce torche-cul dans des ambassades des Démocraties populaires d’Europe de l’Est où, étudiant, je me suis beaucoup baladé, loin du tourisme de masse. J’ai notamment erré derrière le « mur de protection anti fasciste », désignation fort intéressante puisqu’on y retrouve le mot FASCISTE, encore une fois !

C’est précisément là que j’ai commencé à prendre en détestation le « Diplo » et à me torcher allègrement le cul avec, mentalement au moins. Non ! C’était encore avant, peu avant de passer mon baccalauréat. Le Monde diplomatique et Le Monde me sont apparus dans toute leur doucereuse horreur au cours des tueries de masse organisées par les Khmers rouges, honorables puisqu’ils étaient rouges… Il me faudrait faire un dossier de presse sur ces articles truffés d’euphémismes et cherchant des excuses à l’horreur. Parmi les laudateurs du régime, Alain Badiou qui par ailleurs conspuait l’armée vietnamienne, une armée qui (on l’a oublié) a enrayé une machine de mort qui tournait à plein régime et qui aurait à coup sûr assassiné non pas le tiers mais la moitié voire les trois-quarts de sa population et plus encore. Oui, ce sont les divisions de l’armée vietnamienne qui ont détraqué ce mécanisme. Il est vrai qu’elles n’étaient pas guidées par la commisération mais par la volonté de protéger des communautés (vietnamiennes) déjà meurtries par le Kampuchea. Ce sont bien elles qui ont cassé la colonne vertébrale d’un monstre, chouchou des « progressistes » de France. Au nom du tiers-mondisme, Le Monde diplomatique a soutenu les régimes les plus atroces au cours des années 1960, 1970 et au-delà. Le totalitarisme lorsqu’il est de gauche mérite toutes les louanges et celui qui se risque à le critiquer est traité de « fasciste », la désignation la plus massivement utilisée par les staliniens. Je me souviens que celui qui lisait « L’Archipel du Goulag » de Soljenitsyne était volontiers regardé comme un anticommuniste, comme un réac’ donc, un facho même. J’en ai fait l’expérience.

On me dira que je remue de vieilles histoires. Mais à ce que je sache, ces histoires ne sont pas si vieilles et, surtout, elles ont laissé de nombreux, de très nombreux héritiers, comme le signale Fabrice Nicolino : « Bien des marquis de l’intelligentsia de gauche, en 2017, sont les héritiers de ces mensonges et de ces infamies. Résumons : des générations entières de « penseurs » ont encensé le crime, incapables de comprendre la nature du despotisme moderne. On ne pouvait guère espérer mieux en face de l’islamisme, forme nouvelle du totalitarisme ». Et ces héritiers vous invitent à vous taire sous peine de vous traiter d’islamophobe, de raciste — comme si, je le répète, l’islam constituait une race !  On tourne en rond, on radote. Refusons cet abrutissement et repoussons ces tentatives d’intimidation. Efforçons-nous de rester fidèles aux hommes vrais !

L’interview de Gilles Kepel, « Le concept d’islamophobie joue un rôle essentiel dans le djihad », en fin de ce numéro de « Charlie Hebdo » peut être lu comme une suite à l’article de Fabrice Nicolino.

 

 Olivier Ypsilantis

 

2 thoughts on “A l’adresse des Schmocks, encore.”

  1. Et aussi Arthur Koestler qui s’est dégagé du communisme en 1938 après son séjour en Union Soviétique et qui a rendu compte de l’horreur du fascisme rouge dans son livre “Le zéro et l’infini”.

  2. Je me souviens d’avoir lu « Le Zéro et l’Infini » dans « Le Livre de Poche », avec, en couverture, un dessin montrant un prisonnier derrière des barreaux regardant tourner d’autres prisonniers dans la cour d’une prison. Beaucoup plus tard, j’ai lu « La Lie de la Terre » avec d’autant plus de passion que cette lecture m’avait été suggérée par un détenu (il sera déporté à Auschwitz et survivra) qui avait connu Arthur Koestler au camp du Vernet d’Ariège.

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