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Carnet 17

 

Il faut le dire et le redire : les antisionistes se préoccupent beaucoup plus de « morale » que de connaissance, de « bien » que de savoir ; d’où le dialogue de sourd permanent entre sionistes et antisionistes. L’histoire n’intéresse guère ces derniers ; ils sont calés dans « le Vrai » — un si confortable canapé.

Autre chose, une impression toute personnelle. Depuis d’adolescence, j’ai instinctivement éprouvé l’antisionisme comme vulgaire, comme le parangon de la vulgarité. Pourquoi ? Je ne sais. Et cette impression grossit, grossit…  C’est à présent un tsunami, un flot biblique qui emporte tous les antisionistes.

Souvenez-vous, juste après les quatre assassinats de Bruxelles, la presse francophone a désigné deux pistes « privilégiées » : 1 – Le tueur est un néo-nazi, un bon Blanc bien de chez nous. 2. Le tueur agit à la solde du Hezbollah, désireux de se venger des récentes frappes de Tsahal, en précisant (souligné) que le Hezbollah ne pouvait agir sans l’aval de… l’Iran. Et rien sur un possible assassin arabo-musulman, issu de « la diversité » et formé au djihadisme, rien ! Je me suis permis de réfuter immédiatement ces bêtises. Le Hezbollah n’est pas mon ami car il est l’ennemi d’Israël ; mais, par ailleurs, il hache menu les djihadistes par milliers. Et l’Iran n’a pour l’heure aucun intérêt à s’empêtrer dans de telles histoires, vraiment aucun intérêt.

 

 GROSZ-1926-ElspilarsdelasocietatUne peinture de 1926 de Georg Grosz. Les antisémites et les antisionistes m’apparaissent souvent ainsi, avec de la merde — Scheiße — plein la tête.

 

Je ne vous apprendrai rien. La persistance de l’antisémitisme tient aussi à sa stratification et aux travestissements qu’il sait prendre. Les manifestations dures de l’antisémitisme (tant physiques que verbales) reposent sur un épais matelas — une strate molle. L’assassin du Juif est disculpé d’avance : enfance malheureuse et tutti quanti ; il peut également être présenté à tout moment (ou se présenter) comme un défenseur du peuple opprimé — et inventé — par excellence : ‟le peuple palestinien” ! L’information (la désinformation) anesthésie les consciences depuis longtemps. Israël a en partie remplacé ‟le Juif” comme exutoire à la complexité du monde, à l’inquiétude sourde et diffuse qui étreint nos sociétés. Israël ‟explique” l’état du monde comme les Sages de Sion et leurs protocoles l’‟expliquaient” et l’‟expliquent” encore, principalement dans le monde arabe où ce faux a repiqué une jeunesse. Il y une telle confluence dans le réseau des eaux sales que les égouts débordent, que les plaques sont emportées souillant la voie publique ; et chez les particuliers, la tuyauterie menace de se rompre à tous les étages. Confluence du vieil antisémitisme bien-de-chez-nous, fortement structuré, théorisé par des ‟savants” (très lus par le ‟penseur” Alain Soral), et d’un antisémitisme-antisionisme sauvage (en Europe, il est principalement d’origine arabo-musulmane) qui a compris qu’il bénéficiait de complicités plus ou moins affichées.

La seule chance pour les Arabes est de s’arrimer à l’Europe qui place le confort matériel et la consommation au-dessus de tout. L’esclavage mental et intellectuel ne fait pas peur aux hyper-consommateurs : ils y sont préparés ; et l’antisionisme est l’une des marques (et non des moindres) de leur entrée en esclavage.

Un point positif que je me plais à souligner, les bonnes relations israélo-kurdes. Les Kurdes sont sunnites mais kurdes avant tout, ce qui me confirme dans cette idée que je porte depuis des années : c’est une erreur de considérer l’islam comme un monolithe.  Approchez-vous en et vous y découvrirez de formidables fractures, un constat qui devrait permettre de mieux réfléchir et ajuster ses coups. La partition de l’Irak, de la Syrie et de la Libye ne doit pas être envisagée avec inquiétude. La partition de ces deux premiers pays laisse présager la formation d’un État kurde. On sait par ailleurs qu’Israël et les Kurdes ont intensifié leurs relations depuis le début des années 1960, des relations qui se sont confirmées après la chute de Saddam Hussein, des relations plus officieuses qu’officielles, les Kurdes étant soucieux de pas inquiéter leurs grands voisins, l’Iran et surtout la Turquie. Pourtant, personne n’ignore que des commandos israéliens participent à l’entraînement des Peshmerga. Les Kurdes (descendants des Mèdes et, de ce fait, proches cousins des Perses, ainsi que je me plais à le rappeler) sont des non-arabes entourés d’Arabes, comme le sont les Juifs d’Israël. Les Kurdes regardent Israël avec sympathie.

Les États-nations arabes dont les frontières sont issues du retrait des puissances coloniales (qui elles-mêmes prospérèrent sur le cadavre de l’Empire ottoman) sont en phase d’effondrement. Libye, Syrie, Irak et probablement d’autres, prochainement… Les djihadistes reluquent la Jordanie, le seul pays arabe à n’avoir pas été touché par le ‟Printemps arabe” (ou les ‟Printemps arabes”), expression stupide entre toutes dont je fais depuis le début un usage sardonique. L’Arabie saoudite, le Qatar et autres rentiers du pétrole sont peu à peu lâchés par les États-Unis qui s’acheminent vers une quasi indépendance énergétique, contrairement à la pauvre Europe (France en tête), de plus en plus emberlificotée avec ces promoteurs sournois du djihadisme et des pires tendances de l’islam, d’où notamment une ‟information” (mais c’est désinformation qu’il me faudrait écrire) elle aussi de plus en plus sournoise et inlassablement distillée sur Israël, tant par l’AFP que le Quai d’Orsay pour ne citer qu’eux. L’Égypte ne survit que grâce aux subsides américains. Il est vrai que — note positive — le pays a été repris en main par l’armée et que les Frères musulmans (nés dans ce pays en 1928) y sont étrillés. Mais la Confrérie attend son heure.

Environ un million de Juifs ont fui les pays arabes, lorsqu’ils n’en ont pas été chassés, un exode qui a commencé avant la création même de l’État d’Israël. Aujourd’hui, c’est au tour des Chrétiens. L’antagonisme chiite/sunnite — entre autres antagonismes — se confirme. Dès le début du ‟Printemps arabe” (des ‟Printemps arabes”), j’avais prévu la suite des événements, ce qui n’exigeait aucune clairvoyance particulière. La seule structure à laquelle les pays arabes privés d’un État fort pouvaient se raccrocher était… l’islam, ce système idéologique, politique et religieux qui encadre l’individu dans toutes ses dimensions. Mais l’islam est en guerre avec lui-même ; chiites contre sunnites mais aussi clans contre clans, tribus contre tribus, ethnies contre ethnies. Les Kurdes sont sunnites mais ils ont une appréciation light de la charria et accordent une place importante à la femme ; une fois encore, ils sont kurdes avant d’être sunnites. Les Alaouites sont des musulmans en marge, à peine des musulmans ; et plus d’un sunnite rêvent de leur couper la tête. La guerre en Syrie n’est pas une guerre civile comme le fut la Guerre Civile d’Espagne, il faut en être résolument convaincu pour espérer comprendre ce qui se passe dans ce pays multi-ethnique et multi-confessionnel. Le clan al-Assad ne se bat pas contre son peuple mais contre d’autres peuples, dans un territoire découpé à la va-vite suite aux Accords Sykes-Picot, en 1916, dans le grand corps de l’Empire ottoman.

 

 Georges Bensoussan, Juifs en pays arabeUne somme magistrale aux éditions Tallandier, 2012. (Sous l’effet des Lumières occidentales et d’un effort de scolarisation ininterrompu depuis 1860, les Juifs d’Orient ont accédé à une forme de modernité culturelle et se sont affranchis de l’ancestral statut de dhimmis. Mais, avec la décolonisation, ils ont été progressivement poussés au départ, comme volatilisés en une génération à peine, non sans avoir subi presque partout spoliations, violences et pogroms. Cet épisode de l’histoire du peuple juif est aujourd’hui largement oublié voire occulté. S’appuyant sur une documentation inédite considérable, Georges Bensoussan envisage ce phénomène dans toute son épaisseur et donne des clés pour comprendre l’actuel conflit israélo-arabe.)

 

La dénomination ‟peuple palestinien” est une invention récente concoctée par l’OLP dans les années 1970. Le véritable peuple palestinien, c’était les Juifs du yichouv et ce sont les Juifs d’Israël. Les voyageurs appelaient tout naturellement les Juifs de la région : les Palestiniens. Le ‟peuple palestinien” n’est pas celui que nous désignons comme tel ; le ‟peuple palestinien”, c’est avant tout des Arabes venus d’un peu partout, attirés par l’esprit d’entreprise des Juifs. Certes, il y a eu des Palestiniens (sans guillemets) expulsés, mais ils l’ont été pour fait de guerre. Pourquoi ne parle-t-on que de ces expulsés ? Par exemple, pourquoi ne parle-t-on pas plus des Grecs expulsés par centaines de milliers des côtes d’Anatolie et pourtant installés là depuis des siècles ? Si des Juifs les avaient expulsés, on peut être certain qu’on en parlerait encore et inlassablement.

Le slogan ‟deux peuples, deux États” est inepte. Formule de propagande, il est enfermé en lui-même. Il dénote un rejet de la réalité et de sa complexité. Shmuel Trigano écrit : ‟Les Palestiniens sont traversés par des fractures tribales importantes et leur partage entre Gaza et la Cisjordanie, leurs revendications irrédentistes sur les Arabes d’Israël et les Palestiniens de Jordanie promettent un avenir de troubles régionaux sans fin. L’alliance du Fatah et du Hamas montre également que le Hamas est le fond du paysage palestinien, son décor-cadre. Si, demain, un accord était passé avec l’Autorité palestinienne, Israël se retrouverait inéluctablement face au Hamas, réduisant à néant toute promesse contractuelle : un cas de figure déjà vu en Algérie avec les accords d’Evian passés avec le G.P.R.A. mais jamais respectés avec le F.L.N. qui l’a suivi. Ce serait bien l’expression, dans le cadre palestinien cette fois-ci, de ce qui se passe actuellement dans le monde arabe où l’on voit l’islamisme poindre derrière ce que l’on croyait être les États-nations arabes. Le conflit redevient ce qu’il a toujours été, malgré l’illusion ‟nationale” palestinienne : un conflit mu par l’hostilité du fondamentalisme islamique envers la souveraineté d’un peuple qui, selon lui, a vocation à être dominé (dhimmi).”

Ce qui se passe dans le monde arabe pourrait ne pas être si mauvais pour Israël ; d’abord avec l’émergence d’un État kurde, un État au centre du monde moyen-oriental, entre la Turquie, le monde arabe et l’Iran. La décomposition de la Syrie et de l’Irak va dans le sens du Plan Yinon, tant et si bien que les adeptes (fort nombreux) de la théorie de la conspiration, plus précisément de la conspiration juive mondiale, pensent avoir trouvé une justification — une de plus ! — à leur présupposé.

Olivier Ypsilantis

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