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Flânerie en art (photographie) – 2/2

J’ai découvert l’œuvre d’Alberto García-Alix (né en 1956, à León), il y a quelques années en feuilletant une revue dans un café. Je ne sais si Alberto García-Alix est le plus grand photographe espagnol contemporain comme il est écrit dans cette revue et, à dire vrai, je m’en moque. J’aime cet Espagnol parce qu’il parle de l’Espagne, surtout lorsqu’il parle de lui ; de fait, il ne parle que de lui… Alberto García-Alix est une figure de la Movida, de ces années qui firent suite à la mort du Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios, en 1975. Je profite de cette magnifique œuvre pour redire ce qui suit : l’Espagne, pays de saints, de théologiens, de peintres, de sculpteurs, d’architectes, de poètes et d’écrivains (les scientifiques et les techniciens y sont peu présents) est aussi un pays de photographes. Certains sont bien vivants et on en parle. D’autres ont été oubliés et redécouverts ; parmi eux, Diego González Ragel que j’évoquerai dans un prochain article.

De nombreuses vidéos sur Alberto García-Alix ont été mises en ligne. L’artiste parle volontiers ; et ils ont été nombreux à l’interviewer. Le lien suivant rend compte de sa dernière exposition, à la Maison Européenne de la Photographie (M.E.P.) à Paris, sous le titre « De Faux Horizons ». Alberto García-Alix, un fou d’auto-portraits :

http://www.dailymotion.com/video/x28ul4v_rencontre-avec-alberto-garcia-alix-pour-son-exposition-de-faux-horizons_creation

Dans un lien moins sage, il évoque les motos, les toxicos, les marginaux et j’en passe :

https://www.youtube.com/watch?v=1O53FudwL4A

 

J’ai découvert l’œuvre d’Ergy (Erzsi) Landau par une photographie de 1934 qui montre une efflorescence de voies ferrées au sortir de la Gare Saint-Lazare. Les gares sont des lieux extraordinairement photogéniques ; à ce sujet, je pourrais dresser une longue liste des photographes qui ont choisi pour thèmes les gares et les voies ferrées. Parmi eux, André Kertész. Ils ont été précédés par des peintres, Monet en particulier, avec une fois encore la Gare Saint-Lazare et cette série de douze toiles par lesquelles il s’efforçait de suivre les variations de la lumière, un exercice qui ne peut qu’évoquer une autre série ayant pour thème la cathédrale de Rouen, soit environ trente toiles. Mais j’en reviens à Ergy Landau. Lorsque je pense à elle me viennent de beaux nus féminins et des enfants. Personne n’a photographié les enfants comme elle l’a fait. Ils sont croquignolets, comme ce bout de chou qui s’efforce de monter les marches d’un perron, une photographie de 1937 intitulée « La marche », l’une des images les plus reproduites de toute sa production.

 

 Ergy Landau« La marche » (1937) d’Ergy Landau

 

On ne peut évoquer Grete Stern sans évoquer Buenos Aires, une ville dont elle est l’un des principaux témoins. Mais c’est toute l’Argentine qui est redevable à cette Juive allemande qui choisit de quitter l’Allemagne dès 1933 pour l’Angleterre avant de partir pour l’Argentine. Grete Stern voyagea dans tout le pays et jusqu’à la Terre de Feu pour y photographier les immenses espaces de ce pays du bout du monde. Dans ses photomontages (c’est par eux que j’ai découvert le nom de cette artiste), la marque du Bauhaus est bien visible : elle y étudia peu avant l’accession de Hitler au pouvoir. Ces photomontages étaient destinés à illustrer chaque semaine des rêves dans une rubrique de la revue « Idilio », rubrique intitulée « El Psicoanálisis la ayudará ». Ces photomontages portent aussi l’empreinte du Surréalisme. Ce sont des documents émouvants et précieux ; ils témoignent d’une époque et de son ambiance particulière. Ces photomontages nous montrent que le rêve est souvent une mise en rapport soudaine et intempestive d’éléments a priori éloignés les uns des autres, une mise en rapport qui tantôt nous émerveille tantôt nous épouvante, mais qui suscite généralement un précieux mélange d’émerveillement et d’épouvante. Il faut le dire, le photomontage est une technique particulièrement appropriée pour rendre sensible la mécanique des rêves.

Ci-joint, on feuillette pour vous un recueil de photomontages de Grete Stern réalisés entre 1948 et 1951 pour illustrer la section « El Psicoánalisis le ayudará » de la revue « Idilio » :

http://vimeo.com/100615596

Et une notice biographique établie par Jewish Women’s Archive :

http://jwa.org/encyclopedia/article/stern-grete

 

J’ai découvert l’Australien Philip Werner sur Internet, par son projet « 101 Vagina ». Ce projet fait appel à l’énumération conjuguée au leitmotiv, une technique stimulante. Georges Perec en a été l’un des plus fervents adeptes, avec notamment cette énumération célèbre entre toutes, « Je me souviens » ; il y en a bien d’autres. Philip Werner a fait une promotion particulièrement élaborée de ce projet. Outre des expositions, il en a tiré un beau livre mais aussi un calendrier. Ce livre contient cent une photographies en noir et blanc de cent une femmes. Chacune de ces photographies est accompagnée d’un texte rédigé par chacune des participantes. Ci-joint, un lien où l’artiste découvre ses inspirations, à commencer par « The Vagina Monologues » (1996) d’Eve Ensler sans oublier « Cunts » de Greg Taylor :

https://www.youtube.com/watch?v=HPU8QJUEoFQ

Et un lien expose les diverses productions liées à ce projet :

http://www.101vagina.com/tag/vagina/

 

J’ai rencontré le nom Berenice Abbott en consultant des documents sur Man Ray dont elle a été l’assistante. Cette grande dame de la photographe, reconnue bien tardivement, est à l’origine d’un immense travail destiné à faire connaître Eugène Atget (1857-1927), alors bien oublié, puis Lewis W. Hine (1874-1940), aujourd’hui surtout connu pour ses photographies d’enfants au travail. Ci-joint, un lien sur Lewis W. Hine :

http://www.photophiles.com/index.php/biographies/1090-lewis-wickes-hine.html

 

De retour à New York, en 1929, Berenice Abbott prend note des changements dans cette métropole qu’elle avait quittée moins de dix ans auparavant. Ces photographies sont à l’origine de son premier projet d’envergure, « Changing New York ». Je me suis promis de lire son étude, « The World of Atget » qu’elle écrivit dans le Maine où, après avoir quitté cette métropole, elle se consacra toujours plus à l’écriture.

 

J’ai découvert l’œuvre de Ruth Bernhard (1905-2006) lorsque j’étais étudiant, sur l’étalage d’un bouquiniste du Quartier Latin. J’ai feuilleté le livre, riche en reproductions, et j’ai aussitôt compris qu’elle entrait dans le cercle très intime des photographes qui me font m’exclamer : Je suis chez moi ! J’ai détaillé ses végétaux, ses natures mortes et j’ai pensé au silence humide et feutré de Josef Sudek le Praguois chez lequel je me réfugiais alors volontiers. Puis j’ai admiré ses célébrations du corps féminin. Les poses et les angles de prises de vue en faisaient à l’occasion de quasi-abstractions, avec des douceurs à la Hans Arp :

http://www.photographywest.com/pages/bernhard_photos.html

Ruth Bernhard a laissé un beau film autobiographique, « Illuminations », disponible en DVD et dont je mets en lien la présentation :  

https://www.youtube.com/watch?v=jaf0rgRd8v0

 

Ruth Bernhard« In the Box, Horizontal » (1962) de Ruth Bernhard

 

J’ai abordé l’œuvre de Germaine Chaumel (1895-1982) la Toulousaine par ses photographies prises sous l’Occupation (l’une d’elles, probablement la plus reproduite, montre la place du Capitole avec des soldats allemands qui montent la garde) et à la Libération mais aussi à la fin des années 1938, avec l’arrivée des réfugiés espagnols. J’ai été toulousain pendant quatre ans ; j’ai donc tout naturellement détaillé certaines de ses photographies afin de comparer ce qui avait été avec ce que j’avais vu, un exercice d’attention auquel je me livre dès que la possibilité m’en est offerte, à la manière de Georges Perec avec la rue Vilin (Belleville) et sa « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » (place Saint-Sulpice), une tentative à laquelle je me suis essayé, au début des années 1990, place du Capitole précisément, avec : « Tentative d’épuisement d’un lieu toulousain ». Germaine Chaumel, femme hyper-active (elle a été chanteuse au Capitole, entre autres activités), a laissé avec son Rolleiflex un témoignage unique sur Toulouse et sa région. Sous l’Occupation, je me plais à penser que ses pas ont peut-être croisé ceux de Vladimir Jankélévitch, grand marcheur dans cette ville.

Ci-joint, un lien d’une très grande richesse, « Germaine Chaumel, femme photographe » (sur le côté, en activant « Portefolio », on ouvrira neuf thèmes, soit un total de soixante-cinq documents) :

http://www.germaine-chaumel.fr/biographie.php

 

L’œuvre de l’Américaine Anne W. Brigman (1869-1950) est tout simplement somptueuse. Celui qui a vu ses photographies ne pourra les oublier. Anne W. Brigman tomba en admiration devant l’œuvre d’Alfred Stieglitz, chef de file du Pictorialism ; et Alfred Stieglitz tomba à son tour en admiration devant l’œuvre d’Anne W. Brigman. Nombre de ses photographies montrent une femme élément de la nature, comme Daphné. Le cadre, généralement la Sierra Nevada (Californie) ; le modèle, généralement elle-même (voir « Soul of the Blasted Pine ») ou sa sœur. Ci-joint, un lien avec une suite de ses photographies :

https://www.youtube.com/watch?v=nPi_xWWRT8w

Cette œuvre est prodigieuse. L’ambiance y est véritablement magique, accentuée par diverses interventions sur les négatifs, notamment au pinceau et à la pointe sèche, sans oublier la superposition de négatifs et autres trucs.    

 

Anne Brigman« Finis » (1912) d’Anne W. Brigman

 

Ilse Bing (1899-1998) est l’une des mémoires de Paris où elle séjourna de 1930 à 1940 avant d’être internée au camp de Gurs puis d’émigrer à New York en 1941 avec son mari, le pianiste Konrad Wolff. Ci-joint, une riche notice biographique mise en ligne par Victoria and Albert Museum (V&A) :

http://www.vam.ac.uk/content/articles/i/ilse-bing-biography/

 

Antoni Arissa (1900-1980), un nom à ajouter à la très longue liste des photographes espagnols, parmi lesquels de nombreux Catalans. J’ai découvert l’œuvre d’Antonio Arissa par une exposition intitulée ‟Arissa. La sombra y el fotógrafo 1922-1936 » (du 4 juin au 28 septembre 2014) à la Fundación Telefónica. Cette œuvre est restée presqu’inconnue jusqu’à aujourd’hui, d’où l’importance de cette exposition de plus de cent soixante photographies en noir et blanc magnifiquement présentées. Antoni Arissa s’initie à la photographie au tout début des années 1920, des débuts qui portent la marque du courant pictorialiste, né dans les années 1880. L’essentiel de sa thématique d’alors traite du monde rural, un monde qui à travers son objectif semble venir d’un Eden à tout jamais perdu. Au début des années 1930, son travail subit une inflexion sous l’influence du Neues Sehen (ou
Neue Optik) du Bauhaus. Il acquiert alors une forte connotation conceptuelle où tout objet (à commencer par les plus usuels) est susceptible d’entrer dans une composition, dans une géométrie. A partir de la Guerre Civile (1936-1939), Antoni Arissa s’éloigne de plus en plus de la photographie et l’oubli va recouvrir son œuvre durant près de quatre-vingts ans. Comme tous les grands photographes, Antoni Arissa est un créateur d’ambiance, un maître de l’ambiance. Des images aussi anodines qu’un manteau accroché à un porte-manteaux (voir la série mise en lien ci-dessous) confèrent à ces objets du quotidien une charge étrange et magique qui est la marque même de la poésie. On ne peut que penser à Eugène Atget, à la présence qu’il sut donner aux statues et au mobilier urbain de Paris.

Ci-joint, une suite de neuf photographies d’Antoni Arissa :

https://www.lensculture.com/articles/photo-espana-arissa-shadow-and-photographer

Et un lien de RTVE, « Antoni Arissa, el fotógrafo recuperado » :

http://www.rtve.es/noticias/20140603/arissa-fotografo-recuperado/947622.shtml

 

Fay Godwin (1931-2005), un immense repos, avec cette absence de figure humaine ; et je pense à la deuxième période, celle qui fit suite aux portraits des grandes figures du monde de la littérature des années 1970-1980. Fay Godwin a célébré la campagne anglaise en noir et blanc ; et j’éprouve un plaisir particulier à me promener en sa compagnie, un plaisir semblable à celui que j’éprouve à me promener en compagnie de Pierre de Fenoyl. Une fraternité d’ambiance, la douceur et l’intemporalité d’un mystère…

Ci-joint, et dans son intégralité, le dernier interview de Fay Godwin :

http://www.ephotozine.com/article/no-man-s-land—fay-godwin-s-last-interview-67

Roger Taylor analyse le travail de Fay Godwin :

https://www.youtube.com/watch?v=FpxQvhmgWpg

 

Fay GodwinFay Godwin, « Flooded Tree, Derwentwater », 1981.

Olivier Ypsilantis

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